Intervention de Louis Nègre

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 25 novembre 2014 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2015 — Crédits « transports ferroviaires collectifs et fluviaux » - examen du rapport pour avis

Photo de Louis NègreLouis Nègre, rapporteur :

Je vais d'abord vous présenter rapidement les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux. Je reviendrai ensuite sur deux sujets d'actualité : les conséquences de l'abandon de l'écotaxe sur le financement des infrastructures de transport et l'avenir de notre système ferroviaire - vous verrez que les défis à relever sont nombreux.

En ce qui concerne les crédits, nous examinons en fait trois séries de dispositions :

- une partie des crédits inscrits au programme budgétaire 203 intitulé « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ;

- les montants des fonds de concours attendus en 2015 pour les transports ferroviaires, collectifs et fluviaux, parmi lesquels figurent, au premier rang, les crédits de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ;

- le compte d'affectation spéciale « services nationaux de transport conventionné de voyageurs », qui concerne les trains d'équilibre du territoire (TET).

Je commence par les crédits et fonds de concours consacrés aux transports ferroviaires et collectifs. Nouveauté par rapport aux années précédentes, la subvention d'équilibre versée par l'État à l'AFITF, qui avait vocation à s'éteindre avec l'entrée en vigueur de l'écotaxe, et qui était encore de près de 660 millions d'euros en 2014, disparaît complètement en 2015. Cette suppression est plus que compensée par l'affectation de 1,1 milliard d'euros de recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), ainsi que le prévoit l'article 20 du projet de loi de finances.

À périmètre constant, l'enveloppe accordée à Réseau ferré de France - demain SNCF Réseau, avec l'entrée en vigueur de la réforme ferroviaire - est identique à celle votée en loi de finances pour 2014. Elle s'élève à 2,5 milliards d'euros et couvre la redevance d'accès facturée par le gestionnaire d'infrastructure pour l'exploitation des trains express régionaux, les TER, comme des trains d'équilibre du territoire, les TET, ainsi qu'une participation de l'État pour l'utilisation du réseau par les trains de fret.

Ce financement devrait être complété par 372 millions d'euros de fonds de concours provenant de l'AFITF, pour le financement d'opérations contractualisées dans les contrats de projet État-régions jusqu'en 2013. Il s'agit toutefois encore d'une évaluation, le budget de l'AFITF devant être arrêté en décembre.

En ce qui concerne les crédits consacrés au soutien et à la régulation des transports terrestres, 30 millions d'euros sont prévus, comme l'année dernière, pour compenser à la SNCF les tarifications sociales nationales imposées par l'État. 16 millions d'euros sont dédiés au soutien au transport combiné ferroviaire, un montant quasiment stable par rapport à l'année dernière. Enfin, 29 millions d'euros de fonds de concours de l'AFITF devront notamment servir à la mise en sécurité des passages à niveau et des tunnels.

J'en viens aux crédits octroyés aux transports fluviaux. La subvention versée à Voies navigables de France s'élève à 262 millions d'euros, en diminution de 1 % par rapport au projet de loi de finances pour 2014. Le montant consacré au soutien au transport combiné fluvial et maritime, de 8 millions d'euros, est préservé.

Enfin, je rappelle que 18 millions d'euros sont consacrés aux dépenses transversales du programme « infrastructures et services de transport », en diminution de 3,7 % par rapport à l'an dernier. Ils servent à financer les études et les dépenses de logistique de la direction générale des infrastructures de transports et de la mer (DGITM) ou des services qui lui sont rattachés.

Sur le papier, les crédits consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux sont donc globalement préservés par rapport à 2014. Mais les députés ont adopté, en seconde délibération, une réduction de 16,5 millions d'euros des crédits consacrés aux infrastructures et services de transport, tous modes confondus. Si la somme peut paraître limitée, on ignore quels crédits seront touchés par cette mesure. Le Gouvernement indique que cette baisse portera sur des « dépenses non obligatoires », mais il est des dépenses « non obligatoires » auxquelles l'on ne saurait renoncer, même si elles n'ont pas encore été engagées juridiquement. Je ne donnerai qu'un seul exemple : l'entretien du réseau ferroviaire.

Autre problème, beaucoup plus grave : il manque 840 millions d'euros. Un oubli majeur ! Je veux évidemment parler de l'indemnisation d'Écomouv', qui n'est provisionnée à aucun endroit dans ce budget. Dès lors, comment ne pas le considérer comme problématique ? Vous remarquerez que j'emploie un vocabulaire plus modéré que Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances, qui l'a qualifié d'insincère.

J'en viens au compte d'affectation spéciale, qui retrace les recettes et dépenses affectées aux trains d'équilibre du territoire. Celui-ci n'évolue pas par rapport à l'année dernière. Il est doté de 309 millions d'euros, destinés à financer l'exploitation de ces services et la maintenance du matériel roulant. Ses recettes proviennent quasi-exclusivement de la SNCF, par le biais de la contribution de solidarité territoriale et de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires. Seuls 19 millions d'euros sont issus du produit de la taxe d'aménagement du territoire imposée aux sociétés concessionnaires d'autoroutes. Je reviendrai dans un instant sur ce point.

Je voudrais, dans un deuxième temps, m'attarder sur la question du financement des infrastructures de transport.

Comme vous le savez, le Gouvernement s'est engagé à compenser intégralement le manque à gagner résultant de l'abandon de l'écotaxe pour 2015, ce qu'il a effectivement fait en prévoyant une augmentation de la fiscalité sur le gazole. L'AFITF devrait ainsi bénéficier de 2,24 milliards d'euros de recettes pour 2015, ce qui est positif.

Par ailleurs, devant la commission, le ministre Alain Vidalies a annoncé pour décembre la remise des résultats du troisième appel à projets dédié aux transports collectifs en site propre (TCSP). Je suis soulagé. S'y ajoutera le volet « mobilité multimodale » des contrats de plan État-régions, pour 6,7 milliards d'euros. C'est très bien.

Enfin, le Gouvernement a réitéré son engagement à financer le scénario 2 de la commission Mobilité 21, le plus ambitieux. Je ne peux que m'en réjouir.

Mais comment va-t-on y arriver, concrètement ? L'abandon de l'écotaxe est seulement compensé pour 2015. Il ne permet même pas à l'AFITF de rattraper tous les retards de paiement accumulés en 2013 et 2014, en raison de l'insuffisance de ses ressources. Cette insuffisance est due au fait que la subvention d'équilibre de l'État a été réduite avant même que les recettes de l'écotaxe commencent à être perçues ! L'AFITF a ainsi accumulé plus de 770 millions d'euros de dettes vis-à-vis de RFF.

D'après Philippe Duron, le président du conseil d'administration de l'AFITF, il lui faudrait un budget annuel de 2,5 milliards d'euros pour financer le scénario 2, auxquels s'ajoutent encore deux chantiers d'envergure, le tunnel Lyon-Turin et le canal Seine-Nord, qui ne sont pas comptabilisés dans ce scénario.

Autant dire que nous sommes très loin du compte ! Et au lieu de trouver des recettes pérennes pour le financement des transports, le Gouvernement en supprime ! Je ne reviens pas sur l'écotaxe, qui a été abandonnée moins de trois mois après avoir été modifiée par le Parlement et validée sous une nouvelle forme, le péage de transit poids lourds. Je fais ici référence à la taxe « Grenelle II », que j'avais fait adopter en tant que rapporteur dans la loi du même nom. Elle devait permettre aux autorités organisatrices des transports de récupérer une partie de la revalorisation foncière liée au développement de nouvelles infrastructures de transports ferroviaires ou collectifs. Le Gouvernement justifie sa suppression par le fait qu'elle n'a jamais été appliquée. Encore aurait-il fallu, pour cela, que son décret d'application soit pris ! Je ne veux pas m'attarder sur ce sujet, qui est mineur par rapport aux sommes que nous cherchons à obtenir, mais il s'ajoute au précédent.

Pour répondre à l'enjeu qui est posé, j'appelle de mes voeux la réunion d'un « Grenelle III » dédié au financement de la mobilité. Pourquoi réserver cette question cruciale à un groupe de travail restreint et confidentiel, dont on ignore, qui plus est, la composition exacte, mais dans lequel les fédérations de transport routiers ont la plus large place ? Car il faut non seulement compenser les 760 millions d'euros perdus avec l'abandon de l'écotaxe, mais aussi trouver les recettes supplémentaires permettant de financer la maintenance ou la modernisation des infrastructures de transport, le scénario 2 de la commission Mobilité 21, et s'attaquer à l'effet de ciseau catastrophique entre l'augmentation continue des charges et la baisse continue des recettes. Les transports sont le seul service public où les recettes diminuent. Et ce sont les collectivités territoriales qui doivent compenser le manque à gagner.

Je voudrais aussi réagir aux doutes exprimés par la commission des finances au sujet de l'utilité budgétaire de l'AFITF. Je comprends que cette agence dérange, sur le strict plan de l'orthodoxie budgétaire. Elle possède tout de même l'énorme avantage de sanctuariser les crédits consacrés aux transports suivant une logique vertueuse de report modal : ses recettes sont issues de la route, essentiellement des concessionnaires d'autoroutes, et sont affectées, pour plus de la moitié, à des modes plus respectueux de l'environnement - transports ferroviaires, collectifs et fluviaux. L'agence présente aussi l'avantage de réunir dans son conseil d'administration plusieurs acteurs du financement de ces infrastructures - des élus locaux, des parlementaires, les différentes administrations concernées -, qui sont ainsi associés au processus d'engagement des dépenses d'infrastructures. Ce serait, il me semble, une erreur et surtout un risque énorme de perdre ces crédits en les noyant dans la masse des dépenses budgétaires courantes.

Pour finir, je voudrais vous présenter les défis que doit relever notre système ferroviaire. Pour faire preuve d'honnêteté, je m'appuierai sur le point de vue de la gauche. Qu'ai-je vu dans les journaux d'hier ? Aujourd'hui en France évoque dans un titre le cri de colère des présidents de régions Haute-Normandie et Basse-Normandie contre la SNCF, en raison de retards de plus en plus fréquents, de pannes de matériel, du manque de chauffage, des toilettes fermées, d'une communication défaillante... Le catalogue des récriminations s'allonge dans ces régions présidées par des socialistes.

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