Je suis moi aussi rassuré de voir Alain Lambert assumer cette mission importante. Le poids de nos normes, si nous n'y prenons garde, nous nuira davantage dans la compétition internationale que le coût du travail ou de l'environnement. Il y a à l'arrière-plan un problème sociétal profond : la peur du risque. Dans un monde judiciarisé, chacun cherche une protection. Les élus ont aussi leur part de responsabilité : ils multiplient les amendements et les prises de parole pour exister dans un système médiatisé. Un parlementaire expérimenté me disait un jour que nous devrions méditer ce proverbe chinois : « Il faut à l'homme quatre ans pour apprendre à parler, toute une vie pour apprendre à se taire ». L'administration se drape dans l'intérêt général pour produire des interprétations des textes qui ne sont pas même cohérentes d'un lieu à l'autre d'un département. L'administration centrale s'est renforcée, alors que les administrations opérationnelles de l'État (éducation, santé) s'affaiblissaient. Loin d'être démagogique, la notion de prescripteur-payeur pourrait utilement interpeller le ministère du budget.
J'ai travaillé jadis, en tant que responsable agricole, à l'élaboration de normes européennes visant à réduire les distorsions de concurrence. Ces normes servent souvent d'alibi démagogique, au détriment de l'Europe. La norme européenne, oui, toute la norme européenne, mais rien que la norme européenne. L'administration centrale de chaque État membre produit un vade-mecum pour la transposer : dans les pays du Sud de l'Europe, une simple page suffit ; dans les pays du nord, deux feuilles ; en France, dix-sept. Tout l'art de notre administration consiste à transposer les normes communautaires tout en conservant les normes nationales.
Un préfet en fin de carrière dans mon département disait aux jeunes énarques pétris de certitudes qui composaient ses équipes : « Sachez qu'un fonctionnaire ne devrait être autorisé à dire non à un pétitionnaire qu'après avoir exploré toutes les possibilités de lui dire oui ».