Intervention de Alain Lambert

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 26 novembre 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Alain Lambert président du conseil national d'évaluation des normes cnen

Photo de Alain LambertAlain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) :

Les divergences de points de vue que vous avez constatées ne sont pas liées aux sensibilités politiques, mais à des différences d'approche : le responsable politique en charge de définir les grands objectifs d'une loi les présentera d'une manière générale, sans entrer dans les complexités induites. À chacun son rôle.

Des progrès considérables ont été accomplis depuis sept ans quant au coût financier des normes. Nous travaillons à partir de fiches d'impact, obéissant elles aussi à une norme. Si elles n'ont pas été bien remplies, nous pouvons refuser de délibérer. Il est vrai que certains impacts sont réellement impossibles à calculer...

Quant aux normes européennes, il est essentiel de distinguer si elles font l'objet d'une transposition pure et simple ou si elles comportent des dispositions françaises. Les instructions des Premiers ministres successifs encourageant les transpositions simples ne sont pas venues à bout de la maladie française qui consiste à tout vouloir réécrire en concepts juridiques français. Les juridictions en arrivent à se demander si la traduction française d'un concept anglo-saxon est la bonne. La transposition pure et simple est la solution la plus sage, mais elle demande un combat permanent.

Les annonces du gouvernement portent sur les simplifications pour les entreprises, monsieur Filleul, non pour les collectivités territoriales.

Le pouvoir réglementaire est un vrai pouvoir, non de bavardage, mais de majesté. S'il consiste à décider, il peut consister également à supprimer ou à déclasser un décret pour en faire une circulaire. Les administrations ont systématiquement choisi le type de texte réglementaire le plus élevé afin, de « donner plus de solennité ». La belle réponse ! Autant écrire en rose ou en vert... Acceptons l'idée de déclassifier certains textes, sans craindre un procès en sorcellerie politique : on ne supprime pas les dispositions qu'ils portent, on en réduit simplement la force.

Si l'État ne suit pas toujours nos avis quand ils reposent sur des considérations financières, il en tient compte de près de la moitié de l'ensemble de ceux que nous émettons : nous avons une influence réelle. Il est vrai qu'elle diminue à proportion de nos avis défavorables secs, avec lesquels l'administration ne se sent guère obligée de composer.

Le pouvoir réglementaire des collectivités locales est un sujet très intéressant. Le droit est ouvert depuis la réforme constitutionnelle de 2003. Je suis favorable à cette évolution pourvu que le pouvoir réglementaire local soit, dans un premier temps, négocié avec le pouvoir réglementaire central, et que les textes lui soient soumis pour avis, peut-être conforme, de manière à ce que le savoir-faire normatif particulier puisse entrer dans les esprits.

Le pays du monde où la gestion publique a été la plus réfléchie est le Canada. Il a introduit, outre le principe de responsabilité, un principe d'imputabilité : si un fonctionnaire a pris une décision, catastrophique à terme, alors que toutes les informations dont il disposait en faisaient la seule légitime, la décision lui sera imputée sans que l'on recherche sa responsabilité personnelle. Responsabilité et imputabilité ont été déconnectées. Beaucoup de fonctionnaires français approuveraient l'application de cette distinction, notamment en matière environnementale.

Je ne suis pas en état de relever le défi de parler de la nature juridique de la circulaire. Le pouvoir de majesté des États, qui la fonde, a été sérieusement érodé au fil de l'histoire juridique et des traités européens : le jour où l'on m'opposera une circulaire, je saisirai la CEDH, et je serai sûr d'avoir gain de cause - certains contentieux permettraient d'ailleurs de remettre l'église au milieu du village.

Les pays voisins du nôtre s'approprient le droit européen par transposition pure et simple, quitte à prendre ensuite une disposition nationale, les deux restant nettement séparés. Cela préserve la confiance des fonctionnaires européens, qui ne prennent pas toujours bien qu'on leur impute des dispositions insérées dans leurs textes par le législateur national.

Il aurait fallu, au moment des deux grandes lois de décentralisation, transférer beaucoup plus de fonctionnaires. Les effectifs des administrations centrales, privés de leurs anciennes missions opérationnelles se consacrent désormais à la réglementation et au contrôle, d'où la multiplication des textes. Nous avions à la direction des routes des ingénieurs remarquablement compétents ; ceux qui ne sont pas partis dans le privé font aujourd'hui de la réglementation et du contrôle, puisque nous n'avons plus d'investissements routiers.

Les fédérations sportives constituent le seul cas d'un droit offshore, sans support national ni international, c'est une forme de droit mondial parfaitement indépendant. Les fédérations des grandes villes et des départements doivent s'organiser entre elles pour leur parler d'égal à égal. Le ministère des sports fait ce qu'il peut...

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