Merci monsieur le Président. Mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter pour la première année les crédits du programme 147 « Politique de la ville » qui est désormais rattaché à la mission « Politique des territoires » inscrite au projet de loi de finances (PLF). L'examen de ce budget intervient cette année dans un contexte particulier : il s'agit du premier budget après l'adoption de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite loi Lamy.
J'organiserai mon propos en deux temps : j'analyserai les crédits du programme 147 inscrits au projet de loi de finances ; je ferai ensuite quelques observations sur le nouveau programme de renouvellement urbain puis sur l'emploi des jeunes dans les quartiers de la politique de la ville qui doit rester une priorité.
S'agissant des crédits du programme, je tiens à saluer, dans un contexte global de restriction budgétaire, les efforts du gouvernement pour préserver les crédits destinés aux quartiers prioritaires de la ville. Les crédits du programme 147 diminuent certes de 9,8 % en AE et de 7,9 % en CP mais cette baisse correspond à une « économie mécanique » résultant de la fin de l'entrée dans le dispositif des ZFU à compter du 1er janvier 2015 et de la fin de l'expérimentation des emplois francs. Le budget de la politique de la ville est donc pour l'essentiel préservé en 2015.
L'essentiel des crédits de ce programme est concentré sur deux actions : l'action « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » et l'action « Revitalisation économique et emploi ».
En ce qui concerne l'action « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville », qui représente 73 % des crédits du programme, les crédits sont stables à hauteur de 332 millions d'euros et sanctuarisés pour trois années. Cette action regroupe l'ensemble des crédits à destination, d'une part, des quartiers prioritaires dans le cadre des nouveaux contrats de ville qui bénéficieront de 173 millions et, d'autre part, des dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative ou les adultes-relais qui bénéficieront de 159 millions.
Aux crédits spécifiques de la ville, il ne faut pas oublier d'ajouter les crédits de droit commun, qui représentent 4,3 milliards d'euros dont la loi Lamy a réaffirmé qu'ils devaient être utilisés par priorité aux crédits de la politique de la ville. Deux nouvelles conventions interministérielles facilitent leur mise en oeuvre et ont été signées cette année : le 17 janvier avec le ministère en charge de l'artisanat, du commerce et du tourisme et le 5 mars avec le ministère de la culture et de la communication. Ce sont ainsi 12 conventions interministérielles qui ont été signées.
Enfin, il ne faut pas oublier que le présent projet de loi de finances consacre aussi 358 millions d'euros aux dépenses fiscales rattachées à ce programme. Plusieurs dispositions du PLF concernent en effet les quartiers prioritaires. L'article 7 applique le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5,5 % aux opérations d'accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers prioritaires de la ville et dans une bande de 300 mètres autour de ces quartiers. L'article 42 ter prolonge à partir de 2016 et jusqu'en 2020 l'abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour la construction de logements sociaux situés dans les quartiers prioritaires et prévoit un dispositif transitoire pour 2015.
Je dois cependant constater quelques retards dans la mise en oeuvre de la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville. La fusion de l'Acsé dans le CGET a été reportée d'une année afin de finaliser les transferts de dispositifs budgétaires et financiers. C'est l'objet de l'article 57 ter qui est rattaché à ce programme. Ce report permettra notamment que les associations ne soient pas pénalisées s'agissant du versement de leurs subventions. Je vous proposerai donc d'adopter cet article sous réserve d'un amendement de coordination.
La liste définitive des quartiers prioritaires devrait être publiée d'ici la fin de l'année : nous sommes dans l'attente de la décision du Conseil d'État sur les quartiers ultra-marins qui empêche la publication de la liste définitive des quartiers et par ricochet, la détermination par l'Anru des quartiers bénéficiaires du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Enfin, le rapport du gouvernement sur la dotation de la politique de la ville n'a pas encore été remis au Parlement.
S'agissant des dotations, je souhaiterais dire un mot de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et des conséquences de l'amendement de notre collègue député François Pupponi. Cet amendement a permis de diminuer le nombre de communes éligibles à la DSU qui étaient contributrices à l'effort demandé dans le cadre de la baisse des dotations ; j'attire cependant votre attention sur la situation des communes « confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées » qui au-delà du rang 250 devront fournir un effort important. Cette modification couplée pour certaines communes avec une hausse de la contribution au Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) pourraient conduire à une diminution de leur dotation globale.
Pour ce qui concerne l'action « Revitalisation économique et emploi », les crédits diminuent de 31 % en AE et de 24 % en CP. Comme je l'indiquais précédemment, cette diminution des crédits s'explique par la fin de la possibilité d'entrée dans le dispositif des ZFU à compter du 1er janvier 2015. Un dispositif de remplacement sera proposé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014 : il prévoit une diminution du plafond des bénéfices exonérés de 100 000 à 50 000 euros et une diminution de la durée des exonérations à 8 ans. Enfin à partir de 2016, le bénéfice de cette exonération sera subordonné à l'existence d'un contrat de ville. Ces nouvelles dispositions devraient ainsi limiter les effets d'aubaine que présentait l'actuel dispositif.
En outre, le gouvernement a mis un terme aux emplois francs après avoir constaté que ce dispositif n'avait pas les effets escomptés. En effet, seuls 280 emplois ont été créés sur les 5 000 emplois attendus. Je souligne enfin que les crédits de l'Établissement Public d'Insertion de la Défense (EPIDe) prévus par cette action demeurent, quant à eux, stables.
Les crédits de l'action « Stratégie, ressources et évaluation » diminuent de 21 % en AE et de 20 % en CP en raison d'un changement de périmètre. Cette action finance notamment l'observatoire de la politique de la ville et le conseil national des villes. Un décret sera pris d'ici la fin de l'année pour préciser leur fonctionnement. Les crédits de l'action « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » sont également en diminution en raison de l'achèvement d'opérations de subvention d'investissement. Au vu de ces différents éléments, vous comprendrez, monsieur le Président, mes chers collègues, que dans le contexte qui est le nôtre, le montant des crédits affectés à ce programme 147 me satisfait.
Je souhaiterais maintenant dans cette deuxième partie vous faire part de quelques observations sur le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), d'une part, et sur l'emploi des jeunes des quartiers prioritaires, d'autre part.
Le NPNRU pour la période 2014-2024 concerne en priorité les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants, soit 200 quartiers parmi les 1 300 quartiers de la politique de la ville. Cette liste devrait être connue dans la première quinzaine de décembre. Il pourra s'agir de quartiers déjà concernés par le premier programme de rénovation et nécessitant des interventions complémentaires, ou des quartiers qui n'ont pas encore fait l'objet d'interventions. Comme vous le savez, l'Anru va devoir poursuivre la mise en oeuvre du programme national de renouvellement urbain (PNRU) et dans le même temps lancer ce nouveau programme, ce qui n'est pas sans poser quelques interrogations sur la capacité financière de l'agence. Actuellement, l'Anru décaisse 1 milliard d'euros chaque année. Fin 2013, il restait encore 1,7 milliard à engager et 4 milliards à payer. Sur les 12 milliards d'euros d'AE, il devrait rester entre 500 et 600 millions de fonds non utilisés, certaines opérations ayant pris du retard, n'ayant pas été engagées ou ayant coûté moins que prévu.
La loi Lamy a prévu que 5 milliards seraient affectés au NPNRU. Le bouclage de son financement est, je crois, en bonne voie. Pour la période 2015-2019, la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) devrait verser 30 millions par an et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) 10 millions sur la période. Il manque la contribution d'Action Logement qui est actuellement en cours de négociation et qui devrait s'élever à 850 millions par an entre 2015 et 2017, puis à 500 millions par an en 2018 et 2019.
En juillet dernier, la Cour des comptes faisait plusieurs recommandations sur le NPNRU dont la suppression du système des avances. Ce système présente, il est vrai, quelques imperfections et peut-être que certaines communes s'y sont engouffrées. Mais leur suppression ne me paraît pas être une bonne chose. En effet, rares seraient les projets de rénovation urbaine qui pourraient voir le jour sans une avance. La solution proposée par le ministre d'un versement d'une somme forfaitaire lors du commencement des travaux me paraît raisonnable, et non pas 18 mois avant à la signature du contrat de ville. Enfin, je crois que le NPNRU devra traiter beaucoup plus de cas de copropriétés que le PNRU. L'Agence nationale de l'habitat (Anah) est un interlocuteur privilégié. Entre 2006 et 2011, elle est intervenue sur 245 copropriétés intégrées dans un programme de rénovation urbaine et a engagé 127 millions de subvention. Outre des moyens suffisants pour l'Anah, des compétences particulières en matière d'ingénierie pour les copropriétés seront nécessaires. J'ai également noté avec satisfaction que la ministre entendait poursuivre une politique volontariste en la matière.
J'en viens maintenant à mon second point : l'emploi des jeunes dans les quartiers prioritaires. Selon l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS), le taux de chômage des jeunes habitant dans les quartiers prioritaires atteint 45 % contre 23 % pour le reste du territoire. En 2013, les ministres de la ville et de l'emploi ont signé une convention pour inverser cette tendance. Ces jeunes sont les premiers concernés par les emplois aidés qu'il s'agisse des contrats unique d'insertion ; des contrats d'insertion dans la vie sociale ou des emplois d'avenir. Les emplois d'avenir permettent qu'en échange de l'embauche d'un jeune de 16 à 25 ans sous certaines conditions, l'employeur bénéficie d'une prise en charge par l'État d'une partie de la rémunération du jeune pendant une durée maximale de trois ans. Au 31 août dernier, les résidents des ZUS représentaient 19 % des signataires de ces contrats seulement. Le gouvernement s'est fixé pour objectif que cette part soit portée à 25 % en 2014 et 30 % en 2015.
Je voudrais également souligner la réussite des clauses d'insertion dans les marchés publics, grâce à la charte de l'Anru. Au 30 juin 2013, plus de 19 millions d'heures d'insertion ont été effectuées dans le cadre de 375 projets de rénovation urbaine par environ 50 400 personnes. 65 % des bénéficiaires habitent les ZUS ou les quartiers concernés par les PNRU. La loi Lamy a renforcé ce dispositif et une nouvelle charte d'insertion devra être élaborée dans le cadre du NPNRU.
Un mot de la garantie jeune qui offre aux jeunes sans emploi, sans formation, un accompagnement renforcé des missions locales et une allocation de ressources. Ce dispositif expérimental concerne 4 800 jeunes. En juillet dernier, le président de la République a annoncé sa généralisation avec l'objectif d'atteindre 50 000 bénéficiaires en 2015. À ces dispositifs d'accès à l'emploi il faut également ajouter les dispositifs pour renforcer la qualification des jeunes. Les écoles de la deuxième chance, qui proposent à des jeunes sans qualification sortis du système éducatif un parcours de formation et une remise à niveau des savoirs, ont ainsi accueilli 13 500 jeunes en 2013, dont 5 000 étaient issus des quartiers prioritaires.
Un autre dispositif qui fonctionne bien : c'est l'EPIDe qui accueille en internat des jeunes en situation de retard ou d'échec, sans qualification professionnelle, sans emploi. En 2013, 3000 jeunes ont été accueillis, dont 37 % venaient des quartiers prioritaires. Le gouvernement s'est fixé pour objectif de porter ce pourcentage à 50 % en 2015. La réussite de ces dispositifs suppose néanmoins une forte mobilisation des opérateurs d'accès à l'emploi. Pôle emploi s'est engagé en 2013 à assurer la présence de ses services dans les quartiers prioritaires et à mettre en oeuvre des dispositifs spécifiques en leur faveur. Entre juin et décembre 2013, 546 agents supplémentaires ont été affectés dans les agences situés dans les quartiers prioritaires. En outre, Pôle emploi devrait être systématiquement signataire des contrats de ville.
Les missions locales sont un autre acteur majeur. Elles sont mobilisées pour suivre et aider de façon personnalisée les jeunes en difficulté d'insertion. Toutefois des efforts sont à faire puisque la part des jeunes des quartiers prioritaires parmi le public en contact avec ces missions locales connaît une baisse et représente 15,2 % des jeunes suivis. Enfin, je souhaite plus particulièrement mettre en avant les équipes emploi-insertion, composées d'un agent de Pôle emploi, d'un agent de la mission locale et d'un ou plusieurs agents recrutés spécifiquement par les collectivités territoriales ou les associations. Ce dispositif permet de faciliter l'accès des habitants à l'information sur l'emploi et la formation, de proposer un accompagnement, et d'établir ou de rétablir le lien entre les habitants d'un quartier et les opérateurs du service public de l'emploi, certains habitants n'osant pas franchir les portes de Pôle emploi ou ne pouvant s'y rendre.
En conclusion, monsieur le Président, mes chers collègues, je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 147 « Politique de la ville ». Comme je l'ai indiqué précédemment, l'article 57 ter prévoit le report de la fusion de l'Acsé dans le CGET. Je vous propose d'adopter un amendement de précision, certaines coordinations dans le code de l'action sociale et des familles ainsi que dans le code du service national étant nécessaires.