La commission entend M. Jean-Bernard Lévy, candidat proposé aux fonctions de président-directeur général d'Électricité de France.
La réunion est ouverte à 14h30.
Nous entendons, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Jean-Bernard Lévy, dont la nomination en tant que président-directeur général d'Électricité de France (EDF) est envisagée par le président de la République. À l'issue de cette audition, nous procèderons à un vote à bulletin secret. Pour procéder au dépouillement, nous attendrons la fin du vote de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale en fin d'après-midi. Si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions, le président de la République ne pourrait procéder à cette nomination,
Monsieur le Président, vous avez été élu vendredi au poste d'administrateur d'EDF par les actionnaires de l'entreprise réunis en assemblée générale. Le conseil d'administration d'EDF a validé dimanche votre nomination comme président-directeur général par intérim avec prise de fonctions immédiate. Sous réserve du vote des deux commissions au Sénat et à l'Assemblée nationale, votre nomination sera formalisée par un décret présidentiel après validation en conseil des ministres.
Votre parcours professionnel est impressionnant : depuis votre diplôme de Polytechnique et de l'École nationale supérieure des télécommunications, devenue Télécom Paris Tech, vous alternez une carrière en entreprise, chez France Telecom, Matra-Espace, Matra-Communications, la société de bourse Oddo et Thales, avec des passages dans des cabinets ministériels en charge des télécommunications et de l'industrie.
Vous nous expliquerez comment ces allers retours entre le monde de l'entreprise et la sphère publique ont enrichi votre réflexion sur le rôle de l'État en matière économique, notamment dans les secteurs stratégiques. Vous nous présenterez aussi la stratégie de développement que vous entendez mettre en oeuvre pour EDF en France comme à l'international.
Je suis fier et honoré d'être pressenti pour diriger cette belle entreprise de service public qui contribue au bien-être de nos concitoyens comme au rayonnement de la France à l'étranger. Je mesure le poids de mes responsabilités : 160 000 salariés, un chiffre d'affaires de 75 milliards, 40 millions de clients !
Je suis un ingénieur et un industriel. Après mes études, j'ai exercé pendant dix ans dans le secteur public, avant de rejoindre le privé, animé par la fibre de l'entreprise. J'ai rejoint ou dirigé trois grands groupes français : Matra, Vivendi et Thales. Je suis ainsi familier du secteur public français et des questions internationales. EDF a toutes les armes pour réussir, au service des Français, des collectivités territoriales et des entreprises, tout en contribuant à renforcer la compétitivité de la France sur la scène internationale. Je porterai une grande ambition, à la mesure de l'excellence de l'entreprise et des enjeux du XXIème siècle.
EDF est une grande entreprise de service public. Sa première mission est de fournir une énergie à un prix compatible avec le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité de nos entreprises. Le droit à l'électricité montre comment EDF est partie prenante de notre contrat social. Je tiens à rendre hommage aux présidents Roussely, Gadonneix et Proglio. Grâce à eux et à leurs équipes, les Français bénéficient d'une énergie largement décarbonée. Selon Eurostat, nos concitoyens paient leur électricité 35 % de moins que la moyenne de l'Union européenne, deux fois moins cher qu'en Allemagne. La qualité de service est remarquable, y compris dans les moments critiques. Les équipes sont animées du sens de l'intérêt général - leur mobilisation exceptionnelle lors de la tempête de 1999 a marqué les esprits. L'électricité produite par EDF est respectueuse de l'environnement ce qui place notre pays en pointe dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Le savoir-faire de l'entreprise est unique, grâce à l'expérience accumulée en matière de sûreté nucléaire, sur laquelle il n'est pas question de transiger. Dans un monde incertain où les crises géopolitiques peuvent remettre en cause l'accès aux sources d'énergie, EDF offre à la France la sécurité d'approvisionnement en électricité. Cette entreprise est le fruit d'une vision stratégique et d'une excellence technique bien françaises. Notre système énergétique est de tout premier ordre. Il entraîne une filière industrielle d'excellence, en particulier dans le nucléaire avec Areva, Alstom mais aussi 30 000 PME, qui représentent le tiers des achats d'EDF. Le volume des investissements est de 9 milliards d'euros chaque année. EDF joue aussi un rôle clef pour le développement équilibré des territoires grâce à sa filiale ERDF et ses 35 000 collaborateurs. EDF, enfin, est un employeur de choix pour les ingénieurs à la sortie de l'école. Elle accueille chaque année 6 700 alternants et a décidé de relever son niveau d'embauche pour former la nouvelle génération d'opérateurs, techniciens et ingénieurs.
Depuis sa création en 1946, EDF a toujours su relever les défis auxquels elle a été confrontée. La transition énergétique représente une opportunité enthousiasmante pour innover, développer de nouveaux services. Mon projet est qu'EDF devienne un acteur majeur des services énergétiques, secteur en forte croissance, de 5 à 10 % par an. Grâce à Dalkia, EDF sera présent sur l'ensemble de la chaine de valeur : la construction et la rénovation des logements, le conseil aux collectivités territoriales et aux clients industriels, et la production décentralisée.
Notre objectif sera de développer les énergies renouvelables. EDF Energies Nouvelles est déjà l'un des dix premiers groupes mondiaux grâce à son formidable parc hydraulique et ses investissements dans le solaire et le photovoltaïque. L'entreprise devra aussi renouveler son parc nucléaire. L'achèvement de l'EPR de Flamanville est la première de nos priorités. Nous devrons aussi mener à bien le programme de grand carénage qui allongera la durée de vie des centrales nucléaires construites depuis les années 1970, tout en respectant les prescriptions de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ce qui aura un effet d'entrainement important pour l'industrie en France.
La transition énergétique répond aussi à des aspirations sociales, sociétales ainsi qu'à des contraintes environnementales. Il s'agira en particulier de traiter la précarité énergétique. Elle constituera le levier d'une croissance fondée sur la compétitivité de la filière énergétique.
Plusieurs mutations sont devant nous. Il faut tout d'abord améliorer la situation économique du groupe. Les écarts sont préoccupants entre les tarifs en vigueur et ceux qui avaient été convenus avec l'État, aussi bien pour les tarifs de détail que pour les tarifs régulés de gros comme l'Arenh. Ces écarts conduisent EDF à s'endetter sans cesse - c'est en s'endettant qu'EDF paie le dividende ! Un rééquilibrage tarifaire s'impose. Il faut aussi stabiliser la contribution au service public de l'électricité (CSPE) dont la croissance rapide constitue un souci. C'est à ce prix qu'EDF pourra rester l'un des premiers énergéticiens mondiaux.
La conduite de nos projets dans le domaine nucléaire constituera une autre priorité. Il faudra livrer dès que possible l'EPR de Flamanville 3 en respectant les devis. Le projet d'Hinkley Point est essentiel pour notre développement au Royaume-Uni, comme pour notre partenariat avec la Chine, atout majeur pour notre développement international depuis trente ans. Avec Philippe Varin, pressenti pour prendre la tête d'Areva, nous travaillerons à améliorer le partenariat entre les deux groupes. Nous devrons aussi baisser le coût des EPR. Enfin, nous devrons prendre des décisions pour les centrales de moyenne puissance pour lesquelles il n'existe pas encore d'offre claire.
EDF devra aussi jouer tout son rôle dans le domaine de la production décentralisée, celui des énergies renouvelables, dans des relations de confiance avec les collectivités territoriales pour les services énergétiques. La révolution numérique sera un outil pour renforcer l'efficacité énergétique. Le compteur Linky est une première application prometteuse.
Nous devrons conforter nos positions en Grande-Bretagne, Italie, Belgique, Pologne, et développer notre politique internationale dans quelques pays ciblés, comme la Chine, conformément à des objectifs stratégiques clairs.
Enfin, le dernier enjeu est la gestion des déchets à longue durée de vie. Le projet Cigéo est majeur. Nous devrons trouver un consensus avec l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) pour développer une filière de gestion de ces déchets issus de nos centrales qui n'existe encore dans aucun pays.
Un mot, enfin, sur mon projet managérial. L'avenir du monde dépend pour beaucoup du secteur de l'énergie. EDF a de multiples perspectives de développement. Les femmes et les hommes qui composent l'entreprise ont les compétences, la passion du service public, le sens du collectif, autant de forces sur lesquelles nous appuyer pour construire. Il incombe aux dirigeants de les mobiliser au service d'une aventure exaltante pour continuer à innover, entreprendre, aller plus loin. Premier énergéticien mondial, EDF doit se doter d'un projet à moyen terme ambitieux et rassembleur. Le contexte est stimulant : loi de transition énergétique, paquet européen climat-énergie, conférence de Paris sur le climat, etc. Pour rassembler derrière un projet stratégique partagé, je compte engager une transformation qui impliquera un effort de prospective, notamment à travers les programmations pluriannuelles de l'énergie prévues par la loi de transition énergétique. Dans ce cadre, le dialogue social aura toute sa place. Je veillerai aussi à la transparence, vis-à-vis des actionnaires, de l'État et du Parlement.
EDF est le fruit d'une aventure collective engagée il y a plus de soixante ans. Ceux qui ont participé à son histoire sont fiers, à juste titre, des succès du service public. Nos technologies sont enviées dans le monde entier et justifient l'attachement des collaborateurs à leur entreprise. Mon projet consiste à relever avec eux les défis à venir.
EDF est une entreprise très endettée. Elle doit pourtant réaliser des investissements dans le nucléaire : travaux de mise en conformité des centrales aux normes post-Fukushima ou prolongation de la durée de vie des centrales, avec un coût estimé entre 300 et 600 millions d'euros par réacteur. Que pensez-vous d'une éventuelle ouverture du capital des centrales dans le cadre de sociétés d'économie mixte, comme dans l'hydraulique ? La France compte déjà cinq centrales qui n'appartiennent pas totalement à EDF.
ERDF gagne bien sa vie alors que le réseau de distribution est ancien. Pendant quatre ans un effort avait été réalisé pour investir sur le réseau. Mais depuis deux ans, EDF, reprenant ses mauvaises habitudes, ponctionne les résultats d'ERDF.
L'achèvement du réacteur de Flamanville a été reporté à 2017. Ce n'est pas bon pour notre image à l'export. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vos projets ?
La contribution au service public de l'énergie (CSPE) représente une charge que vous supportez, au point que l'on se demande si l'État ne compte pas sur vous pour boucler sa trésorerie. La loi sur la transition énergétique prévoit encore différentes mesures qui chargent un peu plus le baudet... Il faudrait relever les tarifs de l'électricité ; malheureusement ce n'est pas vous qui décidez, mais la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et le Gouvernement.
Très grande entreprise nationale, EDF a une envergure internationale. Autre élément de satisfaction, le nucléaire a assuré notre indépendance énergétique. A cet égard, la crise a davantage touché nos pays voisins ayant misé sur les énergies fossiles, comme l'Allemagne devenue dépendante des importations de Russie. EDF doit être un acteur de la politique énergétique européenne destinée à assurer notre autosuffisance. Que pensez-vous de la volonté de faire passer la part de l'énergie nucléaire de 75 % à 50 % dans notre pays en relativement peu de temps et quelle différence entre le souhaitable et le possible?
Pensez-vous qu'un nouveau délai sera nécessaire à Flamanville ? Quelle sera in fine la différence entre le coût total et le coût prévisionnel ? Il est sans doute inévitable de prolonger la durée de vie des centrales. Mais la sécurité sera-t-elle assurée dans des conditions optimales ? Quel serait l'intérêt pour EDF d'un rapprochement avec Areva ? Enfin, envisagez-vous d'accroître la recherche sur les énergies éoliennes et hydroliennes, afin de déboucher sur des projets de recherche appliquée ?
Comment convaincrez-vous le Gouvernement de la nécessité d'augmenter les tarifs ? Notre industrie bénéficie d'un bas prix de l'énergie qui lui offre un avantage concurrentiel important.
Président de l'Association des maires de France en Gironde, je me réjouis des relations que nous entretenons avec ERDF sur le territoire. Je souhaite que le compteur Linky soit déployé non seulement dans les zones urbaines mais aussi dans les zones rurales. Tirant les leçons de la tempête de 1999, nous avons désigné des correspondants tempête chargé de guider les équipes de secours venues de loin, pour qu'elles ne perdent pas de temps. Que pensez-vous de leur action ? Enfin, où en est le chantier de Flamanville et qu'en est-il de la construction de la centrale en Bulgarie dont nous avions visité le chantier ? À l'époque, les normes de sûreté nucléaire entraînaient des surcoûts...
Quelles évolutions législatives attendez-vous pour améliorer les recettes qui constituent l'essentiel de vos revenus ? Il y va de votre capacité d'investissement. À cet égard, le grand carénage représente un enjeu important pour les économies locales, de l'ordre d'un milliard d'euros pour certaines centrales. Les sous-traitants ont du travail pendant plusieurs années, ce qui relance l'activité. Quelle priorité lui accordez-vous ? Enfin comment avance la recherche sur le stockage de l'électricité, en lien avec la réflexion sur les réseaux intelligents et connectés et la diversification des sources ?
Vous souhaitez une hausse des tarifs. Comment faire pour que les industries françaises conservent un avantage concurrentiel qui compense les charges de personnel, et cela sans accroître la précarité énergétique des ménages ?
La séparation entre ERDF et EDF fait songer à celle entre la SNCF et RFF, dont on constatait les limites sur le terrain. Développez-vous des stratégies partagées pour plus d'efficacité ?
Enfin, notre société accepte mal les grands chantiers, qu'il s'agisse d'installer un parc éolien, de créer une retenue d'eau ou de développer le nucléaire. Comment entendez-vous faire pour convaincre les citoyens d'accepter les investissements nécessaires ?
Vous avez souligné la compétence et le sens du collectif des personnels d'EDF. Comment construirez-vous votre projet social ? Le statut des industries électriques et gazières de 1946 s'appliquera-t-il toujours pour les collaborateurs que vous recruterez à l'avenir ou deviendra-t-il l'exception ?
La collaboration entre Areva et EDF est indispensable. Qu'en est-il de l'accord de coopération sur la conception et la commercialisation des nouveaux réacteurs ? Les liens entre les deux conseils d'administration seront-ils accrus ? En outre, comment concilier la création d'un marché européen de l'énergie avec la volonté de promouvoir le développement durable ?
La loi sur la transition énergétique prévoit de ramener le pourcentage d'électricité d'origine nucléaire à moins de 50 % en 2025. Est-ce réalisable ?
Un ministre, qui a quitté le Gouvernement depuis, envisageait de fermer Fessenheim avant fin 2016. Il se disait alors qu'EDF avait lancé une procédure pour se conformer à la volonté de l'actionnaire. Avez-vous eu des précisions sur ce point ?
Avez-vous une idée du coût de l'énergie nucléaire ? Plusieurs commissions d'enquête se sont penchées sur le sujet au Sénat et à l'Assemblée nationale. La loi de 2010 sur le nouveau marché de l'électricité a obligé EDF à céder une partie de l'électricité produite par ses centrales nucléaires à ses concurrents à des conditions représentatives des conditions économiques de production. La CRE a fixé ce tarif à 42 euros. Est-ce bradé, comme le pensait Henri Proglio ? Nombre de parties prenantes l'estimaient à 56-60 euros et le contrat avec la Grande Bretagne est à 100 euros. Les directives européennes prévoient que le tarif régulé fixé par l'administration doit couvrir les coûts.
Avec Ladislas Poniatowski, j'avais cosigné le rapport donnant le feu vert au Gouvernement pour lancer le déploiement du compteur intelligent, indispensable tant que nous ne savons pas stocker l'électricité. Enfin, ne craignez-vous pas que l'État fasse les poches d'EDF dans un avenir proche pour récupérer la trésorerie avant de céder une partie de ses actions ?
Vos questions témoignent combien vous maîtrisez ces sujets. Je n'ai pas encore pris mes fonctions. Pour répondre avec précision, il me faudra revenir devant vous...
Si vous êtes nommé demain, nous vous entendrons à nouveau en janvier, dans le cadre de l'examen de la loi de transition énergétique.
La plupart de vos questions visent la capacité d'EDF à assurer ses missions dans le cadre de l'équation économique qui est la sienne. Tous les gouvernements sont réticents à augmenter les tarifs, même si les calculs en montrent la nécessité. On inscrit des provisions au bilan, on retarde les décisions... ce qui peut placer, en effet, EDF en situation délicate. Si les tarifs n'augmentent pas, nous aurons à opérer des choix. Il nous faut rénover les réseaux de distribution d'ERDF. Le grand carénage fait l'objet d'un consensus ; nous devrons le mener à bien dans le respect des prescriptions de l'ASN, tout en accroissant le niveau de sûreté du parc actuel dans le cadre des normes post-Fukushima.
La loi relative à la transition énergétique nous aidera en matière de programmation. Elle ira de pair avec le renforcement de la transparence dans la présentation des différents scenarios d'investissement, qui facilitera l'indispensable remontée des tarifs.
Les ménages allemands paient leur électricité beaucoup plus cher que les ménages français mais entre industriels la différence est faible. Notre voisin a choisi de favoriser la compétitivité de l'industrie et l'activité économique ; nous avons privilégié les ménages. Il faudra réfléchir à la hausse des tarifs. La CRE joue un rôle central - et très apprécié - dans le suivi des analyses de coûts ; EDF souhaiterait que ses avis soient plus rapidement suivis par les décideurs politiques.
Des électriciens partenaires étrangers pourraient partager la charge des investissements nécessaires. Cela se pratique dans les zones frontières, en échange d'un droit d'enlèvement. EDF ayant besoin de cette capacité, je ne serai pas favorable à ce que des intérêts financiers, qui chercheront à optimiser leurs profits, soient intéressés sur la partie la plus compétitive et la plus stratégique de notre parc : le nucléaire. Oui à des partenariats ponctuels ; non au mélange des objectifs.
Je souhaite que s'ouvre une période de coopération sincère avec Areva. L'État a manifesté l'intention de nommer des administrateurs communs aux deux groupes - Philippe Varin, élu administrateur vendredi, est pressenti pour présider Areva ; d'autres pourraient jouer un rôle majeur. Tournons la page de l'hostilité entre ces deux grandes entreprises françaises. Nous avons des problèmes difficiles à résoudre : faisons-le ensemble, dans un état d'esprit positif. Des travaux préliminaires ont été menés ces derniers mois en matière technique mais aussi commerciale. Je veux mettre les mois qui viennent à profit pour avancer sur ces deux aspects avec Areva.
Nous ne pouvons que nous désoler de voir un grand projet comme celui de l'EPR, impliquant de grands acteurs comme EDF, Areva, Bouygues ou Alstom, et des centaines d'autres dériver ainsi sans que l'on puisse maîtriser ni les délais - on parle désormais de 2017 - ni les coûts. Je doute qu'un énième allongement des délais aide à respecter les devis ; les équipes devraient avoir pour objectif prioritaire de tenir les délais, sous l'égide de l'Autorité de sûreté nucléaire. Il en va de l'honneur national.
En matière d'énergies renouvelables, EDF a déployé des moyens de recherche amont très significatifs ; son centre de recherche principal déménage à la fin de l'année prochaine sur le plateau de Saclay. Ces moyens doivent être mis au service des différentes filières technologiques de l'entreprise. Le solaire et l'éolien sont des énergies intéressantes mais intermittentes : que se passe-t-il en cas de vent ou d'ensoleillement limité ? Le stockage qui pourrait y remédier constitue un problème en soi. EDF a engagé près de 600 millions d'euros dans la préparation de notre avenir technologique.
Je rejoins le sénateur Gremillet sur l'acceptabilité des énergies renouvelables : tous ensemble, Parlement, Gouvernement, collectivités territoriales, aidons notre pays à s'en sortir en rendant acceptables ces investissements. Cette acceptabilité par le corps social des décisions prises, et la réaction d'EDF aux impacts sociétaux de ces évolutions font partie du projet social collectif. EDF, très présent sur les territoires et dans le tissu associatif, souhaite jouer un rôle majeur dans ces débats, sur le terrain, pas seulement dans les colloques parisiens.
Le statut des industries électriques et gazières est une exception dans le droit français mais la règle chez EDF.
Le milieu rural doit bien sûr rester associé au développement d'EDF. Vous voyez dans le compteur Linky un instrument pour urbains : cela me surprend car je ne vois pas pourquoi son déploiement dépendrait de la densité de population mais je prends bonne note de votre inquiétude. L'association des élus et de tous les acteurs locaux en matière de préparation des relèves d'incidents ou de dérangement en cas de tempêtes est évidemment une bonne chose.
Enfin, Monsieur Lenoir, c'est à l'État de répondre aux questions relatives à la gestion de son patrimoine.
Je vous remercie pour cet échange très intéressant.
La réunion est levée à 15h50.
La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « Ville » de la mission « Politique des territoires » du projet de loi de finances pour 2015.
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Nous allons commencer par l'examen du rapport sur les crédits « Ville » de la mission « Politique des territoires » du projet de loi de finances pour 2015. Avant d'entendre notre rapporteure pour avis, Mme Annie Guillemot, je donne la parole au rapporteur spécial de la commission des finances, M. Daniel Raoul.
Merci monsieur le Président. Le programme 147 « Politique de la ville » résulte d'un changement de maquette et d'un regroupement qui a été opéré sous l'égide du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), créé par la loi du 21 février 2014. Le CGET est issu du regroupement de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar), du Secrétariat général du comité interministériel des villes (SGCIV) et de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé). Bien qu'il y ait des synergies possibles grâce à ce regroupement, je m'interroge tout de même sur l'opportunité de séparer le logement de la politique de la ville ; l'exemple de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) illustre bien les interactions qui existent entre ces deux thématiques.
En ce qui concerne l'évolution budgétaire du programme, les quatre actions conservent les mêmes montants pour 2015 en autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP). La seule différence par rapport au budget précédent concerne la diminution des dépenses fiscales, liée à la baisse des zones franches urbaines (ZFU).
Je m'interroge sur l'opportunité de revoir cette maquette : est-ce bien l'endroit adéquat pour rattacher la politique de la ville ? Ne faudrait-il pas plutôt qu'elle soit rattachée au logement ? J'ai également une remarque sur le fait de prendre 150 millions d'euros sur les crédits d'aide à la pierre pour les transférer au Fonds national d'aide au logement (FNAL) : il s'agit d'aides à la personne alors que la priorité est bien d'alimenter les opérations Anru et le logement. Je me pose en outre des questions sur la trésorerie de l'opération Anru 1 : il reste 600 millions d'euros à solder. Le directeur général de l'agence m'a rassuré, en m'expliquant que certaines opérations ne seraient jamais soldées ; les avances ont été touchées, mais les programmes n'ont pas été terminés ou les fonds ont servi au financement d'autres opérations. Il y a par ailleurs toujours une surestimation entre l'enveloppe demandée et le montant nécessaire à la réalisation.
Je propose que nous entendions à présent notre rapporteure pour avis, Mme Annie Guillemot.
Merci monsieur le Président. Mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter pour la première année les crédits du programme 147 « Politique de la ville » qui est désormais rattaché à la mission « Politique des territoires » inscrite au projet de loi de finances (PLF). L'examen de ce budget intervient cette année dans un contexte particulier : il s'agit du premier budget après l'adoption de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite loi Lamy.
J'organiserai mon propos en deux temps : j'analyserai les crédits du programme 147 inscrits au projet de loi de finances ; je ferai ensuite quelques observations sur le nouveau programme de renouvellement urbain puis sur l'emploi des jeunes dans les quartiers de la politique de la ville qui doit rester une priorité.
S'agissant des crédits du programme, je tiens à saluer, dans un contexte global de restriction budgétaire, les efforts du gouvernement pour préserver les crédits destinés aux quartiers prioritaires de la ville. Les crédits du programme 147 diminuent certes de 9,8 % en AE et de 7,9 % en CP mais cette baisse correspond à une « économie mécanique » résultant de la fin de l'entrée dans le dispositif des ZFU à compter du 1er janvier 2015 et de la fin de l'expérimentation des emplois francs. Le budget de la politique de la ville est donc pour l'essentiel préservé en 2015.
L'essentiel des crédits de ce programme est concentré sur deux actions : l'action « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » et l'action « Revitalisation économique et emploi ».
En ce qui concerne l'action « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville », qui représente 73 % des crédits du programme, les crédits sont stables à hauteur de 332 millions d'euros et sanctuarisés pour trois années. Cette action regroupe l'ensemble des crédits à destination, d'une part, des quartiers prioritaires dans le cadre des nouveaux contrats de ville qui bénéficieront de 173 millions et, d'autre part, des dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative ou les adultes-relais qui bénéficieront de 159 millions.
Aux crédits spécifiques de la ville, il ne faut pas oublier d'ajouter les crédits de droit commun, qui représentent 4,3 milliards d'euros dont la loi Lamy a réaffirmé qu'ils devaient être utilisés par priorité aux crédits de la politique de la ville. Deux nouvelles conventions interministérielles facilitent leur mise en oeuvre et ont été signées cette année : le 17 janvier avec le ministère en charge de l'artisanat, du commerce et du tourisme et le 5 mars avec le ministère de la culture et de la communication. Ce sont ainsi 12 conventions interministérielles qui ont été signées.
Enfin, il ne faut pas oublier que le présent projet de loi de finances consacre aussi 358 millions d'euros aux dépenses fiscales rattachées à ce programme. Plusieurs dispositions du PLF concernent en effet les quartiers prioritaires. L'article 7 applique le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5,5 % aux opérations d'accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers prioritaires de la ville et dans une bande de 300 mètres autour de ces quartiers. L'article 42 ter prolonge à partir de 2016 et jusqu'en 2020 l'abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour la construction de logements sociaux situés dans les quartiers prioritaires et prévoit un dispositif transitoire pour 2015.
Je dois cependant constater quelques retards dans la mise en oeuvre de la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville. La fusion de l'Acsé dans le CGET a été reportée d'une année afin de finaliser les transferts de dispositifs budgétaires et financiers. C'est l'objet de l'article 57 ter qui est rattaché à ce programme. Ce report permettra notamment que les associations ne soient pas pénalisées s'agissant du versement de leurs subventions. Je vous proposerai donc d'adopter cet article sous réserve d'un amendement de coordination.
La liste définitive des quartiers prioritaires devrait être publiée d'ici la fin de l'année : nous sommes dans l'attente de la décision du Conseil d'État sur les quartiers ultra-marins qui empêche la publication de la liste définitive des quartiers et par ricochet, la détermination par l'Anru des quartiers bénéficiaires du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Enfin, le rapport du gouvernement sur la dotation de la politique de la ville n'a pas encore été remis au Parlement.
S'agissant des dotations, je souhaiterais dire un mot de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et des conséquences de l'amendement de notre collègue député François Pupponi. Cet amendement a permis de diminuer le nombre de communes éligibles à la DSU qui étaient contributrices à l'effort demandé dans le cadre de la baisse des dotations ; j'attire cependant votre attention sur la situation des communes « confrontées à une insuffisance de leurs ressources et supportant des charges élevées » qui au-delà du rang 250 devront fournir un effort important. Cette modification couplée pour certaines communes avec une hausse de la contribution au Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) pourraient conduire à une diminution de leur dotation globale.
Pour ce qui concerne l'action « Revitalisation économique et emploi », les crédits diminuent de 31 % en AE et de 24 % en CP. Comme je l'indiquais précédemment, cette diminution des crédits s'explique par la fin de la possibilité d'entrée dans le dispositif des ZFU à compter du 1er janvier 2015. Un dispositif de remplacement sera proposé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014 : il prévoit une diminution du plafond des bénéfices exonérés de 100 000 à 50 000 euros et une diminution de la durée des exonérations à 8 ans. Enfin à partir de 2016, le bénéfice de cette exonération sera subordonné à l'existence d'un contrat de ville. Ces nouvelles dispositions devraient ainsi limiter les effets d'aubaine que présentait l'actuel dispositif.
En outre, le gouvernement a mis un terme aux emplois francs après avoir constaté que ce dispositif n'avait pas les effets escomptés. En effet, seuls 280 emplois ont été créés sur les 5 000 emplois attendus. Je souligne enfin que les crédits de l'Établissement Public d'Insertion de la Défense (EPIDe) prévus par cette action demeurent, quant à eux, stables.
Les crédits de l'action « Stratégie, ressources et évaluation » diminuent de 21 % en AE et de 20 % en CP en raison d'un changement de périmètre. Cette action finance notamment l'observatoire de la politique de la ville et le conseil national des villes. Un décret sera pris d'ici la fin de l'année pour préciser leur fonctionnement. Les crédits de l'action « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » sont également en diminution en raison de l'achèvement d'opérations de subvention d'investissement. Au vu de ces différents éléments, vous comprendrez, monsieur le Président, mes chers collègues, que dans le contexte qui est le nôtre, le montant des crédits affectés à ce programme 147 me satisfait.
Je souhaiterais maintenant dans cette deuxième partie vous faire part de quelques observations sur le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), d'une part, et sur l'emploi des jeunes des quartiers prioritaires, d'autre part.
Le NPNRU pour la période 2014-2024 concerne en priorité les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants, soit 200 quartiers parmi les 1 300 quartiers de la politique de la ville. Cette liste devrait être connue dans la première quinzaine de décembre. Il pourra s'agir de quartiers déjà concernés par le premier programme de rénovation et nécessitant des interventions complémentaires, ou des quartiers qui n'ont pas encore fait l'objet d'interventions. Comme vous le savez, l'Anru va devoir poursuivre la mise en oeuvre du programme national de renouvellement urbain (PNRU) et dans le même temps lancer ce nouveau programme, ce qui n'est pas sans poser quelques interrogations sur la capacité financière de l'agence. Actuellement, l'Anru décaisse 1 milliard d'euros chaque année. Fin 2013, il restait encore 1,7 milliard à engager et 4 milliards à payer. Sur les 12 milliards d'euros d'AE, il devrait rester entre 500 et 600 millions de fonds non utilisés, certaines opérations ayant pris du retard, n'ayant pas été engagées ou ayant coûté moins que prévu.
La loi Lamy a prévu que 5 milliards seraient affectés au NPNRU. Le bouclage de son financement est, je crois, en bonne voie. Pour la période 2015-2019, la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) devrait verser 30 millions par an et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) 10 millions sur la période. Il manque la contribution d'Action Logement qui est actuellement en cours de négociation et qui devrait s'élever à 850 millions par an entre 2015 et 2017, puis à 500 millions par an en 2018 et 2019.
En juillet dernier, la Cour des comptes faisait plusieurs recommandations sur le NPNRU dont la suppression du système des avances. Ce système présente, il est vrai, quelques imperfections et peut-être que certaines communes s'y sont engouffrées. Mais leur suppression ne me paraît pas être une bonne chose. En effet, rares seraient les projets de rénovation urbaine qui pourraient voir le jour sans une avance. La solution proposée par le ministre d'un versement d'une somme forfaitaire lors du commencement des travaux me paraît raisonnable, et non pas 18 mois avant à la signature du contrat de ville. Enfin, je crois que le NPNRU devra traiter beaucoup plus de cas de copropriétés que le PNRU. L'Agence nationale de l'habitat (Anah) est un interlocuteur privilégié. Entre 2006 et 2011, elle est intervenue sur 245 copropriétés intégrées dans un programme de rénovation urbaine et a engagé 127 millions de subvention. Outre des moyens suffisants pour l'Anah, des compétences particulières en matière d'ingénierie pour les copropriétés seront nécessaires. J'ai également noté avec satisfaction que la ministre entendait poursuivre une politique volontariste en la matière.
J'en viens maintenant à mon second point : l'emploi des jeunes dans les quartiers prioritaires. Selon l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS), le taux de chômage des jeunes habitant dans les quartiers prioritaires atteint 45 % contre 23 % pour le reste du territoire. En 2013, les ministres de la ville et de l'emploi ont signé une convention pour inverser cette tendance. Ces jeunes sont les premiers concernés par les emplois aidés qu'il s'agisse des contrats unique d'insertion ; des contrats d'insertion dans la vie sociale ou des emplois d'avenir. Les emplois d'avenir permettent qu'en échange de l'embauche d'un jeune de 16 à 25 ans sous certaines conditions, l'employeur bénéficie d'une prise en charge par l'État d'une partie de la rémunération du jeune pendant une durée maximale de trois ans. Au 31 août dernier, les résidents des ZUS représentaient 19 % des signataires de ces contrats seulement. Le gouvernement s'est fixé pour objectif que cette part soit portée à 25 % en 2014 et 30 % en 2015.
Je voudrais également souligner la réussite des clauses d'insertion dans les marchés publics, grâce à la charte de l'Anru. Au 30 juin 2013, plus de 19 millions d'heures d'insertion ont été effectuées dans le cadre de 375 projets de rénovation urbaine par environ 50 400 personnes. 65 % des bénéficiaires habitent les ZUS ou les quartiers concernés par les PNRU. La loi Lamy a renforcé ce dispositif et une nouvelle charte d'insertion devra être élaborée dans le cadre du NPNRU.
Un mot de la garantie jeune qui offre aux jeunes sans emploi, sans formation, un accompagnement renforcé des missions locales et une allocation de ressources. Ce dispositif expérimental concerne 4 800 jeunes. En juillet dernier, le président de la République a annoncé sa généralisation avec l'objectif d'atteindre 50 000 bénéficiaires en 2015. À ces dispositifs d'accès à l'emploi il faut également ajouter les dispositifs pour renforcer la qualification des jeunes. Les écoles de la deuxième chance, qui proposent à des jeunes sans qualification sortis du système éducatif un parcours de formation et une remise à niveau des savoirs, ont ainsi accueilli 13 500 jeunes en 2013, dont 5 000 étaient issus des quartiers prioritaires.
Un autre dispositif qui fonctionne bien : c'est l'EPIDe qui accueille en internat des jeunes en situation de retard ou d'échec, sans qualification professionnelle, sans emploi. En 2013, 3000 jeunes ont été accueillis, dont 37 % venaient des quartiers prioritaires. Le gouvernement s'est fixé pour objectif de porter ce pourcentage à 50 % en 2015. La réussite de ces dispositifs suppose néanmoins une forte mobilisation des opérateurs d'accès à l'emploi. Pôle emploi s'est engagé en 2013 à assurer la présence de ses services dans les quartiers prioritaires et à mettre en oeuvre des dispositifs spécifiques en leur faveur. Entre juin et décembre 2013, 546 agents supplémentaires ont été affectés dans les agences situés dans les quartiers prioritaires. En outre, Pôle emploi devrait être systématiquement signataire des contrats de ville.
Les missions locales sont un autre acteur majeur. Elles sont mobilisées pour suivre et aider de façon personnalisée les jeunes en difficulté d'insertion. Toutefois des efforts sont à faire puisque la part des jeunes des quartiers prioritaires parmi le public en contact avec ces missions locales connaît une baisse et représente 15,2 % des jeunes suivis. Enfin, je souhaite plus particulièrement mettre en avant les équipes emploi-insertion, composées d'un agent de Pôle emploi, d'un agent de la mission locale et d'un ou plusieurs agents recrutés spécifiquement par les collectivités territoriales ou les associations. Ce dispositif permet de faciliter l'accès des habitants à l'information sur l'emploi et la formation, de proposer un accompagnement, et d'établir ou de rétablir le lien entre les habitants d'un quartier et les opérateurs du service public de l'emploi, certains habitants n'osant pas franchir les portes de Pôle emploi ou ne pouvant s'y rendre.
En conclusion, monsieur le Président, mes chers collègues, je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 147 « Politique de la ville ». Comme je l'ai indiqué précédemment, l'article 57 ter prévoit le report de la fusion de l'Acsé dans le CGET. Je vous propose d'adopter un amendement de précision, certaines coordinations dans le code de l'action sociale et des familles ainsi que dans le code du service national étant nécessaires.
Je me félicite de la récente loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine qui a été votée au mois de février. J'aurais aimé quelques précisions sur les crédits de droit commun : vous nous dites 4,3 milliards d'euros de crédits de droit commun et 12 conventions ministérielles signées. Cela reste flou : comment allons-nous concrètement voir arriver ces crédits sur les quartiers prioritaires ? Je relève aussi une difficulté de comparaison sur les crédits spécifiques, puisque nous sommes dans une période de transition avec la création du CGET.
Concernant les crédits de droit commun, il est possible de se référer à la présentation des crédits et des programmes concourant à la politique transversale par ministère dans le document budgétaire de politique transversale consacré à la « Ville ». Au cours de la concertation nationale sur la réforme de la politique de la ville, une recommandation avait été émise afin que les nouveaux contrats de ville intègrent une première partie sur le diagnostic des crédits de droit commun investis par les différents ministères. Je pense que ce diagnostic devrait également inclure les crédits de droit commun des agglomérations, des mairies, des régions et des départements. Sur les crédits spécifiques, ils sont donc sanctuarisés pendant trois ans ; un problème se posera toutefois pour tous les quartiers qui ne seront pas repris par le NPNRU.
Au sujet de cette nouvelle géographie prioritaire, il existe une inquiétude forte pour les territoires qui en sortent et deviennent des territoires en veille, sans qu'on sache comment continuer de les accompagner. La mobilisation de crédits de droit commun pour des actions en faveur de ces territoires devient en effet très difficile, du fait de la raréfaction des dépenses publiques. Comment pourra-t-on demain mobiliser des crédits pour les quartiers sortant de la géographie prioritaire dans un contexte de restriction budgétaire ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem avait proposé que sur les 5 milliards du PNRU 1, un milliard soit consacré aux territoires qui sortent de la géographie prioritaire. La politique de la ville ne devrait d'ailleurs pas concerner seulement les quartiers urbains en difficulté, mais traiter également les sites urbains et ruraux, car l'objectif est de réduire les écarts. On ne peut pas rester en politique de la ville pendant vingt ou trente ans, d'où la nécessité de prévoir des dispositifs de sortie. Dans la concertation nationale, la situation économique de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Épareca) a également été évoquée. Il a été relevé un manque d'intervention à l'égard de certains quartiers qui sont sur le point de sortir de la politique de la ville. Le droit commun doit constituer un axe majeur de la mise en oeuvre des contrats de ville.
Pour autant, il convient aussi de ne pas être dans le flou permanent, d'avoir une lisibilité et une visibilité qui permette à chacun d'appréhender ces sorties ; force est de constater que l'incertitude prédomine pour le moment. Dernier point : qu'en sera-t-il s'agissant des contrats de projets État-régions (CPER) et de leur complémentarité avec les contrats de ville ?
À l'heure actuelle, les projets de CPER ont été renvoyés par les régions et une renégociation est en cours, la signature des contrats de ville devant intervenir avant juin 2015. Le CPER pourra concerner un certain nombre de quartiers touchés par des nuisances autoroutières, ferroviaires ou aériennes.
Mon intervention concerne les ponctions du FPIC sur les communes qui bénéficient de la politique de la ville. Je suis maire d'une ville de 15 000 habitants comportant trois quartiers sensibles. Je me rends compte que la part de ce qu'il nous faudra payer au titre de la péréquation horizontale sera bientôt plus importante que la DSU reversée. Et ce en raison de la loi de 2010, qui avait été votée à l'époque avec l'idée de prendre aux riches et de donner un peu plus aux pauvres. Sauf que dans la réalité les choses ne se passent pas ainsi. Les secteurs industriels, qui comptent une population pauvre, avaient auparavant une richesse grâce à la taxe professionnelle (TP). À présent, ces secteurs ont toujours un problème de population pauvre, encore accentué par la désindustrialisation, et ne bénéficient plus de la TP. Ils participent cependant à l'écrêtement, l'agglomération répercutant à 50 % les ponctions qu'elle subit. Je pense qu'on ne peut pas laisser cette situation en l'état ; c'est le contraire de la vocation que devrait avoir la péréquation horizontale. On est en train de prendre aux plus pauvres. En 2010, nous avions pourtant demandé que les villes touchant la DSU ne soient pas soumises aux ponctions du FPIC.
Ce n'est pas la triple peine, mais bien la quadruple peine. Il y a la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la baisse de la DSU à partir de la 150ème commune, les ponctions du FPIC et enfin la perte de DGF qui se produit en cas de démolitions de logements sociaux inadaptés et d'une baisse du nombre d'habitants.
La politique de la ville doit s'inscrire dans la durée, tout en requérant un accompagnement au quotidien : il y a une vraie nécessité de suivi du diagnostic. Où en sommes-nous exactement aujourd'hui sur les quartiers ayant bénéficié de l'Anru 1 ? L'urbanisme et l'architecture ont changé, le quotidien des habitants a-t-il aussi évolué ? Vous nous dites que nous en sommes aujourd'hui à 73 % de crédits de droit commun. Je ne remets pas en cause le quadrillage des quartiers, tout en soulignant que la problématique du lissage et des quartiers qui en sortent subsiste. Je me pose cependant une question de cohérence : les crédits de droit commun sont normalement ouverts à tous : s'ils font l'objet d'un ciblage, que devient la périphérie de ces quartiers ? Il convient sans doute d'affiner les politiques mises en place aujourd'hui. À un moment donné, lorsque les collectivités se trouveront en situation financière délicate, tout l'accompagnement volontaire qu'elles mettent en oeuvre pourra-t-il être poursuivi ?
Je partage ce qui a été dit auparavant. Dans ma propre expérience d'élu local, j'avais mis l'accent sur la mixité sociale en créant des opérations tiroirs, prenant appui sur des résidences de 30 à 50 logements, avec une offre de diversification pour le logement entre collectif, semi-collectif et pavillonnaire. Je suis inquiet de voir que dans certains quartiers 45 % de jeunes sont frappés par le chômage. Y a-t-il une école dans le quartier ? Comment en arrive-t-on à une situation pareille ? Sur la démolition de barres d'immeubles, deux bâtiments avaient été vidés dans ma ville en prévision de leur démolition mais ont tout de même été inclus dans le recensement des logements sociaux, ce qui a accru sensiblement le taux de non-occupation et entraîné une baisse des dotations.
La politique de la ville a été très bénéfique pour certaines de nos villes et j'y suis très favorable. Elle mérite donc d'être poursuivie, malgré le contexte budgétaire contraint, afin d'encourager la mixité sociale et la démolition des barres qui ne peuvent pas être rénovées.
Une question à l'attention de Martial Bourquin : je crois me souvenir qu'à l'occasion de la suppression de la taxe professionnelle, le Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) a été mis en place. Aussi, je m'interroge sur les remarques formulées par Martial Bourquin eu égard à l'existence de ce FNGIR.
Il me semble qu'il faut distinguer deux opérations différentes. Le FNGIR garantit les ressources pour les collectivités et leurs activités industrielles privées de la taxe. Je parlais pour ma part d'un autre dispositif issu de la loi de 2010, où une péréquation se met en place afin de prendre aux plus riches pour donner aux plus pauvres. Avec ce système, les ponctions interviennent quand bien même la ville bénéficie de la DSU parce que l'agglomération répercute sur les communes.
Il reste que le problème qui a été posé au sujet de la baisse de la population doit être regardé de près. Je crois que nous aurons à y revenir au-delà de la discussion sur les crédits de la « Ville ».
On insiste beaucoup sur la mixité sociale, mais dans les quartiers les plus en difficulté, cette mixité sociale est surtout acquise par l'accession sociale à la propriété. Le gouvernement a renouvelé l'idée d'une TVA à taux réduit pour ces quartiers. Dans le protocole initial de l'Anru, il était prévu que dans certains quartiers s'ajoute une prime d'accession afin de renforcer l'attractivité de l'accession sociale. Je pense que cette piste d'une prime d'accession au démarrage devrait être poursuivie.
Il se pose également une question stratégique sur l'Anru : à ses origines, l'agence devait reposer sur un cofinancement entre l'État, les partenaires sociaux et les collectivités territoriales. Depuis plusieurs années déjà, les aides de l'État ont complètement disparu. Aujourd'hui, c'est le « 1 % Logement », la CGLLS, les HLM, les collectivités territoriales qui permettent de financer l'Anru. J'ai découvert que dans le fonctionnement de l'agence était en outre compris le traitement de fonctionnaires de l'État. En effet, les heures des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) consacrées au renouvellement urbain sont payées par l'Anru, avec aucun financement de l'État. Je souhaite dénoncer ce dysfonctionnement : que chacun paye les siens.
La politique de la ville est une politique essentielle. En ce qui concerne l'emploi dans ces quartiers, il y a un bilan des clauses d'insertion dans les projets Anru qui a été établi. Il convient de durcir à mon avis à la fois en termes de nombre et en nature des emplois promus les fameuses contreparties emploi dans les appels d'offres. Le taux de ce qui devrait être mis en insertion mériterait d'être plus élevé, évitant par la même occasion le recours à des sous-traitants étrangers. Un accord-cadre avec la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) et la Fédération française du bâtiment (FFB) serait probablement bienvenu. Il faudrait également donner aux quartiers un peu plus de compétences dans les emplois offerts, en valorisant entre autres l'apprentissage.
D'une façon générale, je crois qu'il convient de rester très modeste : l'Anru a permis de donner un élan à la politique de la ville, même si un certain nombre de quartiers continuent de connaître des difficultés. Le sujet de la mixité est lié à la diversité des produits et à la politique de peuplement, qui a été abordée par la loi Lamy. Le grand défi qui nous est posé aujourd'hui concerne davantage les copropriétés dégradées - Clichy-Montfermeil, quartiers Nord de Marseille - que les grands ensembles. On devient très humble en regardant les effets de l'intervention publique.
Je suis saisi d'un amendement de votre part, madame la rapporteure pour avis. Vous l'avez déjà présenté et je le mets donc aux voix.
L'amendement est adopté.
Je soumets à la commission l'avis proposé par madame la rapporteure sur les crédits « Ville » de la mission « Politique des territoires » : il s'agit d'un avis favorable. Nous passons au vote.
La commission rejette l'avis favorable sur les crédits « Ville » de la mission « Politique des territoires », mais émet un avis de sagesse.
La commission examine le rapport pour avis sur les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » du projet de loi de finances pour 2015.
Nous en venons à l'examen du rapport sur la mission « Égalité des territoires et logement » du projet de loi de finances pour 2015. La parole est à la rapporteure pour avis, Mme Dominique Estrosi-Sassone.
Monsieur le Président, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter pour la première année les crédits de la mission « Égalite des territoires et logement » inscrits au projet de loi de finances, dont le périmètre a été modifié, le programme « Politique de la ville » étant désormais rattaché à la mission « Politique des territoires ».
L'examen de ces crédits intervient dans un contexte particulier. Le nombre de permis de construire a diminué de 12,6 % en 2013 pour atteindre 433 000 permis et la baisse des mises en chantier a également reculé de 4,2 %, soit 332 000 logements mis en chantier. Le journal Les Echos a ainsi pu titrer : « Construction de logements : un naufrage sans précédent ». Les mises en chantier à la fin de l'année 2014 devraient être inférieures à 300 000 unités. Il faut remonter à 1997 pour atteindre un tel chiffre et à l'époque il y avait 55 millions de Français quand aujourd'hui nous sommes 10 millions de plus.
Avant d'en venir à l'examen des crédits de cette mission, je souhaite au préalable rappeler que le budget comporte par ailleurs de nombreuses mesures qui concernent le logement : dispositif Pinel, extension du prêt à taux zéro, mesures pour favoriser la libération du foncier, crédit d'impôt pour la transition énergétique entre autres.
Ces mesures traduisent des dispositions annoncées dans les plans de relance du logement du Gouvernement de juin et août dernier et censées être une réponse à la crise du bâtiment. Les professionnels que j'ai pu rencontrer en sont globalement satisfaits mais ils m'ont cependant unanimement dit que la confiance ne reviendrait que si ces mesures s'inscrivaient dans la durée, et que si se mettait en place rapidement un environnement juridique et fiscal stable et lisible.
Or, je constate que plusieurs mesures du projet de loi de finances sont limitées dans le temps et donc ne sont pas de nature à restaurer la confiance.
Les incohérences du Gouvernement nuisent également au retour de la confiance : à peine l'encre du plan de relance du logement est-elle sèche que le gouvernement annonce dans le projet de loi de finances rectificative une mesure pour renforcer la taxation des résidences secondaires. Comment voulez-vous que les Français s'y retrouvent ! Il est indispensable que le Gouvernement adopte une vision stratégique globale et cohérente.
J'en viens maintenant aux crédits de la mission « Égalite des territoires et logement ». Les crédits de ces programmes augmentent sensiblement cette année, de près de 75 %. Mais cette forte augmentation est le résultat d'une opération purement comptable de budgétisation des aides au logement
Le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » regroupe les crédits de la politique de l'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées. Les crédits de ce programme augmentent de 4,5 %.
Je voudrais ici m'arrêter sur les crédits de l'hébergement d'urgence qui augmentent de nouveau très fortement cette année de 21 %. Ces crédits permettent le financement des nuitées d'hôtel. Au 31 décembre 2013, le nombre de places en hôtel avait augmenté de 23 % par rapport à 2012 en raison :
- d'une part, de l'augmentation du nombre de familles avec des enfants en bas âge nécessitant une prise en charge spécifique ;
- et, d'autre part, de l'augmentation de personnes présentant une situation administrative particulièrement complexe.
En raison de l'insuffisance des places dans les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile (CADA) et du principe d'accueil inconditionnel, les demandeurs d'asile sont accueillis dans les structures d'accueil et d'hébergement généralistes. 20% de ces places seraient ainsi occupées par les déboutés du droit d'asile. Ce taux peut même atteindre dans certains cas 60 %, et ce au détriment, il faut bien en convenir, d'une population fragile en situation de précarité, créant de fait une inégalité pour les plus démunis.
Dans la détermination du montant des crédits, le gouvernement a anticipé les conséquences de la réforme de l'asile qui devrait permettre d'accélérer les procédures d'examen. L'Assemblée nationale n'a pas encore examiné cette réforme et je ne sais pas quand son examen sera inscrit à l'ordre du jour du Sénat.
En réalité, cette réforme permettra seulement de libérer plus rapidement des places dans les CADA pour les demandeurs d'asile et le nombre de déboutés présents dans les hébergements d'urgence généraliste augmentera.
Je crois qu'il est temps pour le Gouvernement d'adopter une position claire à l'égard des déboutés du droit d'asile : seul l'éloignement ou la régularisation permettra de diminuer les tensions sur l'hébergement d'urgence.
En prenant en compte cette réforme qui, n'ayant pas encore été examinée par l'Assemblée nationale, ne devrait être applicable que dans le courant de l'année prochaine et dont la ministre du logement a reconnu devant nos collègues députés que son effet « sur le volume de demandeurs d'asile [était], à ce jour, impossible à quantifier », j'estime que le Gouvernement a manifestement sous-évalué les crédits nécessaires à l'hébergement d'urgence. Ces crédits sont insincères.
Le programme 109 « Aide à l'accès au logement », comprend essentiellement la contribution de l'État au financement du Fonds national d'aide au logement (FNAL). Ses crédits augmentent de 115 % ... pour des raisons comptables l'État ayant décidé de budgétiser les aides au logement.
Je souhaite souligner que les aides à la personne constitueront le principal poste budgétaire de la politique du logement, soit 11 des 13 milliards du budget du ministère !
À périmètre constant, les crédits augmentent seulement de 3 %. Les dépenses d'aides au logement devraient se poursuivre en 2015 en raison de la persistance de la paupérisation des ménages, et malgré l'hypothèse d'une stabilisation du nombre de chômeurs, loin d'être acquise.
Le gouvernement prévoit deux mesures d'économie : la première résulte de l'indexation sur l'inflation de l'abattement forfaitaire sur le revenu pris en compte dans les calculs d'aide. La seconde est prévue à l'article 52 du projet de loi de finances, qui est rattaché à la mission, et prévoit la réforme de l'APL-accession. L'APL et l'ALS seraient désormais attribuées uniquement lorsque les ressources du ménage diminuent de plus de 30 % par rapport à leur niveau lors de la signature du prêt ou du contrat de location-accession. Les députés ont reporté cette mesure d'une année après engagement de créer un groupe de travail sur les APL. Les professionnels du secteur de la construction sont unanimes pour considérer que la réforme du dispositif de l'APL-accession était un signal négatif envoyé aux Français et qu'elle aurait des conséquences désastreuses sur le nombre de construction. L'Union des maisons françaises estime ainsi entre 15 et 20 000 le nombre d'opérations qui ne pourraient pas être réalisées. En conséquence, je vous proposerai un amendement de suppression de cette disposition qui porte un mauvais coup aux familles et à l'accession à la propriété.
Il est très difficile de dire si les montants prévus seront à la hauteur des demandes. Si on se fie aux dernières années, j'ai envie de vous dire que non, des dotations complémentaires ont dû être attribuées en projet de loi de finances rectificative pour faire face aux dépenses ; je ne suis pas certaine que 2015 échappera à la règle.
Plus généralement, l'augmentation du nombre de bénéficiaires doit nous conduire à réfléchir à une refonte de ces aides et à cette occasion, à examiner comment faire pour éviter leur effet inflationniste sur les loyers
Je finis en indiquant que le FNAL qui gère les APL recevra également une contribution renforcée d'Action logement, encore lui...contribution exceptionnelle de 300 millions d'euros en 2015 contre 150 millions prévus initialement. Je vous proposerai également de supprimer cette disposition car comme me l'ont expliqué les représentants d'Action logement le financement des APL est très éloigné de leur mission première : l'investissement dans la construction !
J'en viens au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », dont les crédits diminuent fortement en 2015, de 9 % en autorisations d'engament et de 28 % en crédits de paiement. Ce programme comprend notamment les crédits budgétaires destinés à soutenir la construction locative et l'amélioration du parc, autrement dit les « aides à la pierre ».
Les crédits budgétaires destinés aux aides à la pierre sont en forte diminution : les autorisations d'engagement diminuent 47 millions et les crédits de paiement de 105 millions d'euros. Je déplore ce choix alors même que les collectivités territoriales ne sont pas en mesure de compenser cette baisse et que les HLM utilisent de plus en plus leurs fonds propres.
Je formulerai plusieurs observations :
- de nouveau cette année, cette diminution des crédits de paiement est compensée par 216 millions d'euros de fonds de concours issus d'un Fonds géré par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). On va de nouveau prélever sur les taxes versées par les bailleurs sociaux. On ne peut pas accepter que l'État se désengage autant.
- les objectifs annuels de construction de logements sociaux restent fixés au même niveau depuis 2012, à savoir 150 000 logements, alors que ces objectifs ne sont jamais atteints ; je m'interroge sur leur maintien. Ne faudrait-il pas plutôt se fixer des objectifs moindres mais plus réalistes ?
- la subvention unitaire par logement social est supprimée s'agissant des PLUS et l'effort est concentré sur les PLAI ou sur les super-PLAI. Or je le redis nous avons aussi besoin d'aide pour les PLUS
- les crédits pour la surcharge foncière sont également en baisse.
Un mot du financement de l'Anah. Alors que le Gouvernement renforce le crédit d'impôt pour la transition énergétique, et s'engage dans la transition énergétique avec un projet de loi dédié, il ne donne pas à l'Anah les moyens d'assurer ses missions. Chacun d'entre vous a pu le constater dans son département, faute de moyens suffisants, l'Anah a dû restreindre l'attribution des aides du programme « Habiter mieux » qui a de bons résultats, aux seuls ménages très modestes, mettant ainsi de côté les ménages modestes.
La ministre nous a expliqué que le Gouvernement était conscient de la fragilité du financement de l'Anah avec pour principale ressource la vente des quotas carbone et que l'agence verrait augmenter ses ressources issues de la taxe sur les logements vacants de 30 millions et recevrait une contribution d'Action logement à hauteur de 50 millions.
Il n'est pas question ici de remettre en cause le rôle de l'Anah dans la lutte contre l'habitat indigne mais une remise à plat de ses ressources et de ses missions me paraît inévitable.
Enfin, le dernier programme, le programme 337 « Conduite et pilotage des politiques publiques de l'égalité des territoires, du logement et de la ville », qui regroupe les effectifs et les crédits de masse salariale du ministère de l'égalité des territoires et du logement, voit ses crédits diminuer de 3 %.
Je voudrais dire un mot également des dépenses fiscales dont je rappelle qu'elles sont pour cette mission aussi importante que les crédits. Pour 2015, elles sont en baisse de 6 %.
Enfin, j'ai souhaité, dans mon rapport écrit, m'intéresser à la question de l'adaptation de la politique du logement au vieillissement de la société. Selon les prévisions de l'INSEE, entre 2007 et 2060, le nombre de Français âgés de plus de 75 ans devrait doubler et celui des plus de 85 ans pourrait être multiplié par 4 !
En conclusion, au vu de ces différentes observations, je vous invite à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », à adopter deux amendements de suppression des articles 52 et 53 et à adopter sans modification l'article 54 rattaché à la mission.
Je ne partage pas l'avis aussi négatif de la rapporteure même si la situation mérite que des actions soient mises en place.
Je rappellerai que la baisse du nombre de construction a commencé dès 2010. On sait qu'en France, la reprise se fait généralement après les autres pays européens. Or la situation de la construction de l'immobilier n'est toujours pas favorable en Europe. Par ailleurs, la faible croissance n'a jamais aidé à la relance de la construction.
Les professionnels ont salué les dispositifs proposés par le Gouvernement. Il est vrai qu'ils souhaitent leur entrée en vigueur le plus vite possible.
Le rapporteur nous dit qu'il faut un cadre stable : c'est vrai pour des dispositifs généraux tels que le PTZ ou certaines aides fiscales. Mais certains dispositifs sont limités dans le temps pour favoriser leur effet « booster ». C'est le cas des mesures de libération du foncier. On sait que si ces mesures s'inscrivaient dans la durée, le prix du foncier augmenterait.
Le plan proposé par le Premier ministre a été bien accueilli, il faut faire en sorte que ça se poursuive.
Le Gouvernement présente d'autres mesures importantes : en matière d'accession à la propriété avec l'allongement du différé d'amortissement pour le PTZ, les mesures d'application de la TVA réduite pour la construction de logement autour des zones Anru, ou encore pour le logement intermédiaire. La situation est alarmante, il faut faire réussir ces mesures.
On a de plus en plus orienté les crédits vers les aides à la personne et de moins en moins vers les aides à la pierre. Le problème de l'effet inflationniste des aides est un sujet compliqué. Je suis favorable au maintien des aides en matière d'accession, mais je crois qu'il faut distinguer les APL-accession dans le neuf et dans l'ancien. En effet, dans le neuf il n'y a pas d'effet inflationniste et un effet booster. Le report d'un an de la réforme de l'APL accession afin de tenir compte de la réflexion qui va être menée sur les aides à la personne me paraît un compromis raisonnable.
Je considère que la construction de 20 000 logements sociaux s'est trouvée bloquée du fait des changements de majorité aux dernières élections municipales. L'objectif de 135 000 logements sociaux me paraît raisonnable. Je partage les remarques de la rapporteure sur les PLUS et je rappelle que la construction de logements sociaux bénéficie d'une TVA à taux réduit.
La construction de logement est favorable à l'État. Cela signifie des rentrées fiscales liées à la TVA, une diminution du nombre de chômeurs. Je rejoins la rapporteure lorsqu'elle dit qu'il faut de la stabilité juridique, de la confiance. On est dans une situation extrêmement complexe.
J'adhère à titre personnel aux mesures correctives de la loi Alur prises par le Gouvernement, comme aux mesures de simplification qui sont proposées. Le problème est que la confiance n'est pas au rendez-vous.
S'agissant du soutien apporté par les collectivités territoriales au logement social, l'équilibre financier d'une opération de construction de logements sociaux locatifs n'est possible que lorsque les collectivités territoriales sont présentes. Les fonds propres des HLM sont de plus en plus souvent mis à contribution.
Les collectivités territoriales vont naturellement diminuer leur soutien. Dans ma commune, je ne pourrai pas assurer sur la durée mon soutien à la construction de logement.
S'agissant de l'Anah, on ne peut pas d'un côté dire qu'on va supprimer les logements qui sont des « passoires énergétiques » et, de l'autre, laisser l'Anah sans crédit. Au niveau local, on soutient les dossiers mais les financements font défaut. Il y a un problème de cohérence dans le discours. Ainsi, pour le programme « Habiter mieux », on a augmenté le plafond de revenus pris en compte dans l'attribution des aides mais on ne donne pas à l'agence les moyens de répondre à cette nouvelle demande.
Pour les constructions en milieu rural, ici encore il faut arrêter le double discours sur la ruralité. La meilleure façon de tuer la ruralité, c'est de diminuer les dotations et d'interdire de construire des logements. Petit à petit, les services publics sont supprimés, la population vieillit et on constate un effet de ciseau avec des besoins croissants pour des moyens en diminution.
Enfin, la loi Alur a contribué à figer les documents d'urbanisme, et à geler les terrains à bâtir.
J'ai entendu beaucoup de vérités. L'aide des communes ou des intercommunalités en matière de logement est utilisée comme levier pour combattre le chômage. Je suis déçu par rapport à l'effort de l'État en matière de logement. Les besoins sont immenses et les moyens ne sont pas à la hauteur.
Je le redis, le nombre de personnes sans domicile fixe a augmenté de 40 % ces dix dernières années, 35 000 d'entre eux sont des enfants, le chômage de longue durée s'est accru de 60 % en cinq ans.
Le logement intermédiaire est nécessaire. Je tiens à la mixité sociale. La réponse globale pour le logement n'est pas à la hauteur.
Les capacités d'accueil des hébergements d'urgence sont insuffisantes pour répondre aux demandes de nos concitoyens tombés dans la précarité. Les organismes souhaitent augmenter leur capacité d'accueil, mais ils sont bloqués en raison de normes contraignantes, dont celle interdisant de loger une personne seule dans une pièce de moins de neuf mètres carrés. Résultat : certaines personnes se retrouvent entassées dans des logements de fortune. Une solution serait de déroger à ces règles pour les seuls hébergements d'urgence qui accueillent des personnes à titre temporaire, pour la nuit par exemple. Madame Cécile Duflot lorsqu'elle était ministre m'avait répondu négativement. J'ai interrogé Madame Sylvia Pinel, ministre du logement sur cette question mais je n'ai pas eu de réponse, ce que je regrette.
Les conseils généraux prennent en charges les mineurs étrangers isolés. Je m'étonne un peu des chiffres annoncés par notre collègue Michel Le Scouarnec sur le nombre de mineurs sans domicile fixe.
Je voudrai signaler que lors du débat en séance publique hier soir, nous avons regretté la volatilité des crédits de l'Anah qui reposent sur la vente de quota carbone.
Si les professionnels disent leur satisfaction à l'égard des mesures proposées, ils disent également que les effets du plan de relance se font attendre. Je donnerai l'exemple des mesures de simplification qui devaient être mises en oeuvre d'ici la fin de l'année, et dont on nous annonce maintenant un report courant 2015. Pour certaines d'entre elles, je pense notamment aux règles relatives à l'accessibilité, la mesure devrait même intervenir seulement lors du second semestre de 2015.
Le dispositif Pinel dont on avait annoncé la mise en oeuvre dès le 1er septembre 2014 a entraîné un attentisme de nos concitoyens du fait de son inscription dans le projet de loi de finances. De même, pour les mesures de TVA pour la construction de logement dans les quartiers prioritaires situés en zone Anru, cette mesure ne peut s'appliquer tant que nous n'avons pas la liste de ces quartiers. Le décalage qui existe entre le moment de l'annonce de la mesure et son entrée en vigueur est trop important et ne permet pas de rétablir la confiance.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Egalité des territoires et logement », adopte les amendements de suppression des articles 52 et 53 rattachés à la mission et émet un avis favorable à l'adoption de l'article 54 également rattaché à la mission.
La commission propose les candidatures de Philippe Leroy et Bruno Sido comme membres titulaires appelés à siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques.
La réunion est ouverte à 18h00
La commission procède au dépouillement du vote intervenu sur la candidature de M. Jean-Bernard Lévy, candidat proposé aux fonctions de président-directeur général d'Électricité de France.
Le résultat du dépouillement est :
22 voix en faveur de cette candidature ;
1 voix contre.