Intervention de Ségolène Royal

Commission des affaires économiques — Réunion du 26 novembre 2014 : 1ère réunion
Transition énergétique pour la croissance verte — Audition de Mme Ségolène Royal ministre de l'écologie du développement durable et de l'énergie

Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Je salue l'association entre vos deux commissions pour travailler sur ce projet de loi. Il marquera, je l'espère, un tournant longtemps attendu dans l'histoire du modèle énergétique français. Adopté par l'Assemblée nationale le 14 octobre dernier, il intervient dans une conjoncture particulièrement favorable : les États européens viennent de s'engager à réduire de 40% leurs émissions de gaz à effet de serre ; la conférence sur le climat de Lima, préparant celle de Paris en 2015, s'ouvrira dans quelques jours ; les territoires se saisissent des opportunités ouvertes par ce projet et ses mesures d'accompagnement. Si le défi climatique fait de la croissance verte une ardente obligation, elle représente aussi une chance de créer de nouvelles activités et de nouveaux emplois, si nous parvenons à bien articuler les grandes filières industrielles d'avenir - auxquelles 34 plans sont consacrés - les pôles de compétitivité des territoires, et le traitement de la précarité énergétique.

Le projet de loi de finances a introduit le crédit d'impôt « transition énergétique », destiné aux particuliers. Une ligne budgétaire de 5 milliards d'euros a été ouverte à la Caisse des dépôts et consignations afin que les communes et les communautés de communes puissent engager rapidement des travaux de performance énergétique. Et 100 000 prêts à taux zéro (PTZ) doivent être distribués par les banques - j'appelle les élus locaux à veiller à l'exécution de cet engagement. La taxe foncière a été localement supprimée pour encourager la création de méthaniseurs et le fonds spécifique pour la transition énergétique sera doté d'1,5 milliard d'euros sur trois ans.

Nos principaux objectifs sont, pour 2030, de réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre, de porter la production des énergies renouvelables à 32 % de notre consommation énergétique finale, de plafonner à 63,2 gigawatts la puissance nucléaire installée en France, soit son niveau actuel, de diminuer, enfin, la consommation d'énergie de 20 %. J'ai choisi de ne pas opposer les énergies les unes aux autres : le mix énergétique doit se constituer à la fois par les économies d'énergie, la montée en puissance des énergies renouvelables et le maintien d'une part d'énergie nucléaire, qui facilitera la transition.

Le bâtiment, gros consommateur d'énergie et gros producteur de CO2, offre le potentiel d'économies les plus rapides à obtenir, notamment dans les travaux d'isolation et d'installation des compteurs intelligents. Nous entendons promouvoir des transports plus écologiques : véhicules propres, augmentation des points de charge pour les véhicules électriques, création d'une prime à la conversion de 10 000 euros incitant les citoyens à abandonner leurs vieux diesels, plans de covoiturage, développement du fret ferroviaire, fluvial et maritime ; réflexion, enfin, sur le problème crucial du transport urbain.

L'économie circulaire consistera à réduire la production de déchets, qui seront réutilisés comme nouvelle matière première. Nous exigerons le recyclage de la masse considérable des déchets produits par l'industrie du bâtiment : la France est très en retard en ce domaine. S'y ajouteront le plan de lutte contre le gaspillage alimentaire et l'interdiction des sacs en plastique à usage unique au 1er janvier 2016. J'ai pu constater partout que la mécanique est enclenchée. Les appels à projets « zéro gaspillage, zéro déchet » commencent par la mobilisation des commerçants, afin d'éviter en particulier les dégâts causés aux mers et océans. Le navire Tara est de retour après sept mois de navigation en Méditerranée, où l'équipe était en mission de recherche. Le volume des déchets en plastique forme un continent sous-marin qui détruit la biodiversité. C'est un fléau terrible.

Un nouveau dispositif de soutien aux énergies renouvelables sera créé : les producteurs pourront vendre leur électricité directement sur le marché tout en bénéficiant d'une prime. Collectivités et citoyens participeront aux sociétés de projets pour les énergies renouvelables locales.

J'ai vu récemment le premier prototype de DCNS pour la récupération de la chaleur marine ; les courants et la houle offrent également un potentiel considérable outre-mer. Les éoliennes flottantes de nouvelle génération, expérimentées actuellement à l'île de Groix, n'abîment pas les fonds ; les hydroliennes placées dans le courant des rivières, ou sur les piles des ponts, sont des petits ouvrages très performants. Le développement de la méthanisation réduira notablement la pollution agricole, le problème des nitrates ; d'où un appel à projets pour 1 500 méthaniseurs sur l'ensemble du territoire.

Le titre VI prévoit le renforcement de la sûreté des installations nucléaires, il donne notamment plus de pouvoirs à l'ASN et met en place un nouveau cadre réglementaire. La représentation nationale sera enfin saisie de la politique nucléaire. Elle est fondée à en débattre - car ce sont les consommateurs, donc les citoyens, qui la financent - et à déterminer les grandes trajectoires en matière d'énergie.

Les projets dont la réalisation est trop longue finissent par devenir inadéquats : la création d'une procédure d'autorisation unique vise en particulier à clore les contentieux liés au littoral et à la loi sur l'eau. Des cours administratives d'appel seront spécialisées afin que les délais d'instruction soient réduits. Installer une éolienne ou un méthaniseur prend chez nous trois fois plus de temps que chez nos voisins. Je ne m'y résous pas.

La fin de ce texte porte sur le pilotage du mix énergétique : la stratégie nationale bas carbone doit améliorer notre politique de lutte contre le changement climatique. La programmation pluriannuelle de l'énergie fixera des objectifs quinquennaux. La représentation nationale sera ainsi à même de contrôler et réajuster le mix au fil du temps, en fonction notamment de son impact sur le coût de l'énergie.

L'identité insulaire des outre-mer, souvent perçue comme un handicap économique, deviendra une chance, à condition que nous travaillions à leur autonomie énergétique, que ce soit par la valorisation du soleil, du vent, de la mer, ou par la géothermie en exploitant les sous-sols volcaniques. La facture énergétique en sera réduite d'autant, pour ces territoires mais aussi pour la métropole - actuellement les coûts d'approvisionnement en énergie de ces territoires sont élevés.

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