Le budget consacré à la recherche au sein de la MIRES s'établit à 7,76 milliards d'euros pour 2015. Les organismes de recherche devront réaliser une économie sur leurs moyens de fonctionnement de l'ordre de 4,2 millions d'euros. Toutefois, à la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale en seconde délibération d'amendements d'équilibrage du budget de l'État à hauteur de 800 millions d'euros, une réduction des crédits de la recherche de l'ordre de 65 millions d'euros va contraindre les organismes de recherche à redoubler d'efforts.
A l'instar des universités, les organismes de recherche bénéficiaient jusqu'à présent de taux de mise en réserve dérogatoires, généralement réduits de moitié par rapport aux taux applicables aux autres opérateurs de l'État. En 2014, les organismes de recherche n'ont bénéficié que de taux dits « semi-réduits ». Dans l'attente d'un arbitrage du Premier ministre, les montants des subventions pour charges de service public ne devraient être notifiés aux organismes de recherche, nets de la mise en réserve, qu'en début d'année prochaine. La préparation de leurs budgets prévisionnels 2015 se fait donc sur la base des taux de droit commun. Cela pourrait représenter des minorations notables de leurs subventions par rapport à l'année précédente : 48 millions d'euros pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et 17 pour l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Compte tenu des efforts de stabilisation de la masse salariale, l'application des taux normés de mise en réserve réduirait considérablement les crédits disponibles pour le fonctionnement des unités de recherche. Je plaide pour le retour à des taux de mise en réserve réduits de moitié, afin d'assurer le renouvellement de l'emploi scientifique. Au CNRS, 30 millions d'euros sont nécessaires pour réaliser 500 embauches.
Le secteur de la recherche connaît une crise de confiance. Un nouveau mouvement, « Sciences en marche », a mis au coeur du débat l'avenir de l'emploi scientifique et les efforts demandés pour sortir nos jeunes chercheurs, ingénieurs et techniciens d'une précarité qu'ils ressentent comme insupportable et indigne. Il convient de dessiner des perspectives réalistes et opérationnelles, à partir d'un diagnostic rigoureux, en étant conscient que les scientifiques n'ont pas tous vocation à occuper un emploi statutaire dans la recherche publique.
L'effort de la nation en postes statutaires dans la recherche n'a pas fléchi. Sur la période 2009-2013, le nombre d'emplois au sein des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) a progressé de 1 % et celui au sein des établissements publics à caractère industriel et commercial, comme le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies renouvelables, a augmenté de 4,4 %. À effectifs constants, la masse salariale des organismes de recherche progresse mécaniquement en raison de facteurs liés à la pyramide des âges, notamment au GVT.
Par souci de bonne gestion, la plupart des EPST maintiennent leur masse salariale à un niveau constant. À stock d'emplois fixe, le flux entrant diminue, ce qui explique la baisse du nombre de mises au concours de postes de chercheurs. Le mouvement de départs à la retraite des baby boomers semble achevé - le nombre de départs à la retraite au sein des EPST a diminué de 10 % au cours de la période 2012-2014, réduisant d'autant les marges de manoeuvre pour recruter de jeunes scientifiques : le nombre des entrants recule de 7 % sur la période. Depuis 2010, le ratio de contractuels par rapport au nombre total d'emplois au sein des EPST, soit 30 %, s'est maintenu. La proportion des financements sur projet s'est stabilisée.
Un nombre important de contrats à durée déterminée (CDD) ne sont pas renouvelés au-delà de trois ans au sein des organismes de recherche, notamment le CNRS et l'Inserm, alors que les financements sur projet ont été accordés pour des durées bien supérieures. Ces organismes mènent une politique d'encadrement du nombre de CDD trop restrictive. Ils la justifient par l'insécurité juridique consécutive à plusieurs arrêts de condamnation rendus par les tribunaux administratifs. Pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes scientifiques, il conviendrait de faciliter l'accès des docteurs aux grands corps de la fonction publique. Les conclusions de la mission conduite par Patrick Fridenson sur le sujet seront rendues prochainement. Les efforts doivent aussi concerner l'insertion professionnelle dans le secteur privé. Le doctorat pourrait être inscrit dans le répertoire national des certifications professionnelles.
Les opportunités ouvertes par la recherche partenariale et le renforcement des collaborations entre les universités, les organismes de recherche et les entreprises, notamment dans le cadre des sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT), doivent être saisies afin de valoriser le potentiel des jeunes chercheurs dans le secteur privé et faciliter leur embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) de droit privé. Je me réjouis de la reconduction des crédits consentis aux contrats des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), à 53 millions d'euros en 2015. Ce dispositif enregistre de belles performances : 96 % des docteurs Cifre trouvent, en un an, un emploi au plus près de leur sujet de thèse, dans le secteur privé.
Les sociétés destinées à prendre en charge la rémunération de scientifiques affectés à des missions temporaires auprès d'entreprises, sur le modèle d'Innovarion, peuvent aussi jouer un rôle d'interface utile entre le monde de la recherche publique et le secteur privé. La formation doctorale doit mieux préparer les doctorants aux enjeux de la recherche en entreprise et du monde de la « recherche et développement » (R&D) privée. Je salue le partenariat de l'Université de Lyon avec le Medef pour la mise en place d'un dispositif Doctor'Entreprise, destiné à rapprocher les futurs doctorants, les laboratoires de recherche et les entreprises ainsi que l'accord-cadre signé entre la secrétaire d'État et Schneider Electric. Les Rencontres annuelles universités-entreprises (RUE) facilitent la compréhension réciproque entre les milieux professionnels et académiques.
La réduction sensible du taux de sélection pratiqué par l'Agence nationale de la recherche (ANR) remet en cause un certain nombre de projets prometteurs d'un haut niveau d'excellence scientifique. Dans ces conditions, les organismes de recherche réexaminent leur politique de levée de ressources propres et entendent privilégier les contrats européens et les contrats conclus avec les entreprises. Réjouissons-nous de l'annonce par la ministre de l'augmentation du préciput de l'ANR de 15 % à 18 %, dans un premier temps, puis à 21 %, afin de se rapprocher du taux de 25 % mis en oeuvre dans le cadre du programme européen.
Au sein du budget général, le partage de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) bénéficie d'un soutien public d'environ 200 millions d'euros, dont 108 millions d'euros pour Universcience. Ce montant n'intègre pas les ressources consacrées à la CSTI par notre réseau de musées nationaux et territoriaux. Les 3,6 millions d'euros au titre du financement des centres territoriaux de CSTI sont reconduits en 2015 dans les concours financiers de l'État aux régions relevant du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements ». La CSTI bénéficie aussi d'une enveloppe de 100 millions d'euros dans le cadre du programme des investissements d'avenir (PIA). À la suite des inquiétudes exprimées l'an dernier sur la lenteur de la contractualisation et des décaissements, le Commissariat général à l'investissement a assuré que le champ de la CSTI ne connaissait plus de sous-consommation de son enveloppe. Fin novembre 2014, l'intégralité des 100 millions d'euros seront engagés et le montant contractualisé devrait dépasser 70 millions d'euros. Enfin nos associations doivent se saisir du volet « Science avec et pour la société » du programme européen Horizon 2020.
La réforme de la gouvernance de la CSTI a conforté le rôle de stratège de l'État et consacré les régions dans une mission de coordination et d'animation territoriales. Attribuer à Universcience la gouvernance d'un domaine qui était habituellement celui de l'État a été mal ressenti, d'autant que cet établissement disposait du pouvoir de déléguer des crédits et qu'en tant qu'acteur de la CSTI, il était éligible aux projets, ce qui le plaçait à la limite du conflit d'intérêts. Désormais l'État s'impliquera directement dans la coordination des acteurs, au travers de la stratégie nationale de la recherche.
La nouvelle gouvernance peut s'appuyer sur le forum annuel de la CSTI, temps fort de la réflexion et de la co-construction des projets sur les territoires, et sur le Conseil national de la CSTI refondé dans sa composition. Ses missions sont recentrées sur la définition d'une stratégie nationale et sur la coordination de l'ensemble des acteurs pour sa mise en oeuvre. Afin de ne pas empêcher les acteurs de terrain de mener leurs actions, la mise en place d'une labellisation des organismes intervenant dans le secteur de la CSTI n'a pas été retenue.
Le budget de la recherche résiste globalement dans une conjoncture difficile ; il est protégé des rigueurs budgétaires nécessaires. Je propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la recherche au sein de la MIRES.