Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 27 novembre 2014 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

J'ai d'ailleurs eu le sentiment qu’elle dressait le réquisitoire de son propre projet de loi de financement de la sécurité sociale ! Je crains en effet que l’exécution de ce dernier ne nous mène à rejoindre ce constat, même si, pour ma part, je ne le formulerai pas dans les mêmes termes…

Sur près de deux milliards d’économies déjà décidées qui manquent à l’appel, nous n’avons obtenu aucune précision, et pas davantage sur le milliard nouveau attendu des régimes à gestion paritaire.

Mais – trêve d’ironie – j’ai bien compris que c’est le texte du Sénat qui se trouve accablé de tant d’indignités… Aussi voudrais-je, madame la secrétaire d'État, vous répondre et, je l’espère, vous rassurer.

Vous nous avez fait part de vos préoccupations quant à l’absence de réformes structurelles portées par ce texte. Sur ce point, le Sénat semble vous avoir déçue. Alors je le répète : ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas un texte entièrement rebâti par le Sénat. C’est bien le texte du Gouvernement qui a servi de matrice, texte auquel nous avons imprimé quelques marqueurs sénatoriaux.

Pour le reste, nous le prenons pour ce qu’il est : un texte de portée technique, dont nous avons volontiers retenu certains éléments, mais aussi – il faut l’avouer – un texte d’attente, de nature conservatoire. Comme l’illustre la construction de la programmation des finances publiques pour la période 2014-2019, le Gouvernement attend le retour d’une croissance qui viendra mécaniquement combler les déficits.

Certes, la croissance est absente depuis si longtemps qu’elle pourrait finir par revenir, portée par la demande de nos voisins, ou par les 300 milliards d’euros de M. Junker… Mais elle n’y suffira pas. Le déficit de nos comptes sociaux reste structurel, et notre protection sociale est financée par l’endettement. Cette situation appelle à l’évidence des mesures correctives.

D’après les derniers chiffres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, nous détenons le record de la part des dépenses de santé dans la richesse nationale. Sur les sept dernières années, la part de nos dépenses sociales dans le PIB a progressé de plus de 8 %, contre 1 % en Allemagne.

Pour autant, la santé de nos concitoyens est-elle bien meilleure ? La réponse est négative. Dans certains domaines – santé de la mère et de l’enfant, consommation médicamenteuse –, nous faisons même moins bien, pour plus cher.

Pouvons-nous freiner les dépenses de santé sans porter atteinte à la qualité des soins ? Pour notre part, nous en sommes convaincus. Mais d’après vous, les économies que nous proposons ne sont pas seulement « incantatoires », elles sont aussi socialement inacceptables et marquées par la « régression sociale ». C’est d'ailleurs un peu contradictoire : s’il suffit de préconiser des économies pour donner dans la régression sociale, nous toucherons vite aux limites de l’exercice…

Je reviendrai, très rapidement, sur nos propositions.

Concernant la lutte contre la fraude, sans reprendre à mon compte le chiffrage de la Cour des comptes, nous pensons qu’il nous offre une marge. La commission des finances propose de renforcer les sanctions. Nous fixons l’objectif sur ce poste à 50 millions d’euros alors que vous supprimez à l’Assemblée nationale les majorations introduites par le Sénat, notamment sur le travail dissimulé !

Par ailleurs, après des décennies sans innovation remarquable, le système d’évaluation des médicaments est voué à l’implosion si les innovations se multiplient. Nous proposons de revoir les règles d’évaluation avant remboursement. À cet égard, la somme de 100 millions d’euros constitue une évaluation basse.

Sur le générique, la Cour des comptes a montré l’ampleur des marges de manœuvre. Notre pays est très en retard. Là encore, notre objectif de 100 millions d’euros est raisonnable.

Il nous faut nous attaquer aux dogmes et refuser les incantations. Pourquoi, dans la période que nous connaissons, les petits achats du quotidien devraient-ils forcément être remboursés ? Par rapport au reste à charge de certaines hospitalisations, c’est même profondément injuste.

J’ai retenu le chiffre de 200 millions d’euros au titre de la lutte contre les 30 % d’actes inutiles ou redondants. C’est peu si l’on considère les chiffres astronomiques qui sont avancés dans le débat : ces 30 % représentent au moins 30 milliards d’euros de gaspillage d’argent public !

En lien avec cette question, nous avons tous en tête le coût des actes aux urgences, sans commune mesure avec une consultation en ville, fût-elle réalisée de nuit. Localement, des solutions sont développées, notamment avec les maisons médicales de garde, qui interviennent en amont des urgences. Il faut encourager et développer les bonnes pratiques dans ce domaine.

J’en termine, précisément, avec les mesures proposées pour l’hôpital.

Nous ne reviendrons pas, dans le cadre de ce texte, sur la journée de carence, qui sera traitée au cours de l’examen du projet de loi de finances.

Au titre de la révision des accords relatifs à la réduction du temps de travail dans les hôpitaux, qui nous semble indispensable, nous avons prévu 100 millions d’euros, ce qui est peu. C’est à peine une demi-journée travaillée supplémentaire sur la masse salariale globale des hôpitaux. Nous avons en effet voulu laisser le temps à la négociation.

Sur la réforme de la tarification hospitalière, dont nous savons tous que les modalités actuelles incitent à la multiplication des actes, la Cour des comptes affirme que de 300 millions à 500 millions d’euros d’économies sont possibles. Là encore, nous savons bien que le sujet est sensible et difficile. Nous avons donc fixé un objectif de 150 millions d’euros.

Où sont les incantations ? Où est la « régression sociale » ?

La société change, l’espérance de vie augmente, tandis que les jeunes peinent à s’insérer dans le marché du travail et qu’une protection plus individualisée se développe. Qui peut nier qu’une nouvelle réforme des retraites soit nécessaire ? N’est-il pas préférable d’en discuter dès à présent ?

Lorsque notre édifice social est miné par les déficits, ce sont les réformes qui protègent et l’immobilisme qui menace.

Ce n’est pas être juste que de reporter la charge sur les générations futures ; ce n’est pas être juste que de faire peser sur notre économie une expansion continue des prélèvements sociaux ; ce n’est pas être juste que de financer les retraites et la santé à crédit.

Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a dénoncé un budget insincère. Là encore, je n’avais pas eu de tels mots à l’égard du Gouvernement.

Après avoir été prompts à demander à un Sénat dispendieux de corriger les tableaux d’équilibre pour tenir compte de ses votes, tout en contestant ses mesures d’économies, vous avez rétabli à l’Assemblée nationale les tableaux d’équilibre du texte initial. Il ne s’est donc rien passé à l’Assemblée nationale en première lecture ? La modulation des allocations familiales n’a-t-elle pas dégradé le solde d’au moins 300 millions d’euros ? Où se situe donc l’insincérité dans notre débat ?

Devant l’urgence de la situation, nous appelons à des échanges plus constructifs, dans l’écoute et le respect. Pour notre part, nous avons laissé l’invective au vestiaire. En adoptant sans modification tout ce qui était possible, le Sénat a pris ses responsabilités. Sur les autres articles, la commission vous propose, mes chers collègues, de revenir au texte adopté en première lecture et de rejeter les tableaux d’équilibre, la programmation pluriannuelle, ainsi que l’objectif de dépenses de la branche famille.

Sous réserve de ces modifications, la commission des affaires sociales est favorable à l’adoption, en nouvelle lecture, de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. §

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