Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 27 novembre 2014 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes unanimes à reconnaître que, en décidant d’examiner l’ensemble de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 et de mener le débat à son terme, le Sénat retrouve une place légitime et nécessaire dans la procédure parlementaire. Cela a été souligné à plusieurs reprises, notamment par vous-même, madame la secrétaire d’État, ainsi que par notre collègue rapporteur général à l’Assemblée nationale, M. Gérard Bapt.

Le résultat en valait la peine ! À l’issue de la navette, cinquante articles, dont deux de suppression, ont été adoptés conformes en première lecture ; vingt-quatre autres ont été approuvés et votés par l’Assemblée nationale dans la rédaction issue du Sénat ; une vingtaine encore ont été adoptés sans modification par notre commission hier. Il est difficile de soutenir, dans ces conditions, que ce texte ne comporte pas de bonnes dispositions et ne s’inscrit pas dans la bonne direction.

Si la commission mixte paritaire s’est rapidement séparée sur un constat de désaccord, c’est parce que la nouvelle majorité sénatoriale a malheureusement entendu, à l’occasion de ces débats, faire de plusieurs dispositions de ce projet de loi des marqueurs.

Quels sont ces marqueurs ? Défense des familles dont les revenus sont supérieurs à 6 000 euros par mois, mais rejet de l’exonération des participations et franchises médicales pour ceux dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté ; report de l’âge de la retraite à soixante-quatre ans, après avoir voté la suppression de la prise en compte de la pénibilité au travail ; réintroduction du jour de carence pour les personnels des établissements de santé.

La commission a certes renoncé à proposer en nouvelle lecture la suppression de l’exonération des franchises, mais temporairement, c'est-à-dire jusqu’à l’examen du projet de loi de santé publique, et le rétablissement du jour de carence, pour la raison qu’il est repris dans le projet de loi de finances pour 2015.

Mais ces marqueurs ne sont ni ceux de la justice pour nos concitoyens ni ceux de la responsabilité en vue du redressement des comptes.

Il faut rappeler le chemin parcouru à cet égard : après le vote des lois de finances et de financement de la sécurité sociale rectificatives en 2012 et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse a été divisé par deux. Il est passé de près de 30 milliards d’euros en 2010 à 15, 7 milliards d’euros fin 2014. L’effort se poursuivra en 2015, malgré le contexte que nous connaissons, pour le réduire à 13 milliards d’euros, avec un ONDAM fixé à 2, 1 %, objectif que le comité d’alerte a jugé ambitieux.

Je suis pris d’un doute lorsque j’examine les propositions avancées pour, selon leurs auteurs, « accentuer l’effort », et je ne peux m’empêcher de relever certaines contradictions.

Comment, d’une main, justifier les gains attendus de la promotion et du développement des génériques, mais, de l’autre, rejeter la « générication » des médicaments inhalés, comme cela est à nouveau demandé par la commission à l’article 43 ter, ou affaiblir les mesures de régulation des dépenses de médicaments prévues aux articles 3 et 10 ?

En première lecture, tant à l’Assemblée nationale qu’ici, au Sénat, il a été fortement fait grief au mécanisme exceptionnel de régulation du coût des traitements de l’hépatite C prévu à l’article 3, calqué sur celui de la « clause de sauvegarde », de mettre à mal la politique conventionnelle de fixation des prix des médicaments. Un accord, vous le savez, est pourtant intervenu le 17 novembre dernier, qui a permis de fixer un prix de vente hors taxes du Sovaldi inférieur de 15 000 euros à celui qui est pratiqué dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation.

Or, si la commission a renoncé à demander une nouvelle fois la baisse de 90 % à 80 % du montant de contribution pour la remise ouvrant droit à exonération, elle n’a en revanche pas renoncé à supprimer l’application du dispositif de régulation en 2016. Mais cette suppression priverait le Comité économique des produits de santé, le CEPS, d’un élément de négociation. À nos yeux, ce n’est pas cohérent.

Je poserai une autre question : n’y a-t-il pas une erreur de chiffrage sur la proposition de rédaction de l’article 55 dès lors qu’il est renoncé au rétablissement du jour de carence ? Cela étant, ce n’est pas fondamental.

Voilà donc des économies sinon insincères – je n’emploierai pas ce mot –, du moins quelque peu imprécises qui aboutiraient finalement à dégrader les comptes. Nous ne pouvons souscrire à de telles propositions.

De même, nous ne pouvons absolument pas accepter la position de la commission – qu’elle a maintenue – sur l’article 61 A relatif à la modulation des allocations familiales.

Qui, parmi vous, mes chers collègues, conteste la nécessité d’enrayer la spirale des déficits engagée depuis plusieurs années et l’impératif qu’il y a de poursuivre cette désescalade ? Qui désapprouve le choix de réduire les dépenses là où existent des marges, dès lors que cette réduction est juste et proportionnée ? Qui peut prétendre qu’une réduction de 65 euros pour un foyer au revenu de 6 000 euros mensuels est une injustice ? Enfin, qui peut affirmer, au réel mépris de l’évidence, qu’un principe, celui de l’universalité, serait mis à mal, alors que toutes les familles continueront à percevoir des allocations familiales ?

Solidarité : oui ! Celle qui constitue la substance même de la sécurité sociale, sa raison d’être qui est, comme l’a définie son fondateur, Pierre Laroque, de « prolonger en temps de paix la solidarité du temps de la guerre ».

C’est cette solidarité-là, tangible, concrète, fidèle à l’esprit et à la lettre de notre protection sociale, que réalise la politique familiale de ce gouvernement et à laquelle il me semble que toutes les familles peuvent et devraient adhérer. §

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