Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée des droits des femmes, mes chers collègues, comme vous vous le rappelez, M. Sapin déclarait il y a peu : « C’est plus facile de débattre avec un Sénat de droite animé de cet état d’esprit qu’avec un Sénat de gauche ingouvernable. On va pouvoir enfin s’intéresser aux textes qui aboutissent plutôt qu’à ceux qui sont rejetés. »
Je ne reviendrai pas sur ces propos, la présidente de notre groupe, Éliane Assassi s’étant exprimée à ce sujet.
C’est vrai, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 au Sénat a été mené à son terme et a donné lieu à un fastidieux travail, au sein de la commission des affaires sociales puis en séance publique.
Ainsi, au terme de trente-quatre heures de débat en séance publique, au cours duquel nous avons amendé le texte adopté par l’Assemblée nationale, nous avons conclu nos travaux par un vote. Or il s’avère que nous retrouvons, en nouvelle lecture, un texte quasi identique à celui qui nous avait été soumis, les amendements du Sénat ayant été pour l’essentiel rejetés par l’Assemblée nationale.
Madame la secrétaire d'État, vous avez parlé de dix articles conformes ; mais le projet de loi compte quand même soixante-neuf articles !
Il va sans dire que j’adhère à la suppression par l’Assemblée nationale de certaines mesures proposées par la droite sénatoriale, comme le relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite, l’introduction de trois jours de carence dans la fonction publique hospitalière ou encore la suppression des cotisations sociales sur les dividendes.
Pour autant, je regrette que l’Assemblée nationale n’ait pas pris en compte la position du Sénat sur la modulation des allocations familiales ou encore sur l’augmentation du taux de la contribution des employeurs sur les retraites chapeaux les plus élevées.
Surtout, j’estime que le retour du texte, presque « en l’état » par rapport au texte soumis en première lecture, constitue une vraie atteinte à notre démocratie. En effet, à l’heure où nos institutions sont remises en cause et où certains questionnent le rôle et l’utilité du Sénat, la manière dont se déroule l’examen de ce texte donne du grain à moudre à nos détracteurs.
Pour autant, les sénatrices et sénateurs communistes républicains et citoyens ne resteront pas spectateurs dans ce débat entre une droite qui profite du fait qu’elle n’est plus aux responsabilités pour proposer des mesures injustes et une gauche gouvernementale qui propose une politique du « moins pire ».
Ainsi, permettez-moi d’intervenir sur le fond et de rappeler avec force nos propositions pour une politique sociale juste et équilibrée sur le plan financier.
Tout d’abord, nous contestons le budget d’austérité présenté par le Gouvernement, qui fait peser sur les assurés les exonérations de cotisations accordées aux entreprises.
En effet, cela fait plus de vingt ans que des allégements massifs de cotisations sociales sont consentis, plus de vingt ans que les gouvernements successifs génèrent de la dette sociale pour prétendument soutenir l’emploi.
Or les résultats ne sont pas au rendez-vous. Du reste, aucun lien n’a été prouvé entre les politiques d’exonérations fiscales et sociales et la création d’emploi.
Le pacte de responsabilité prévoyait des contreparties qui porteront « sur des objectifs chiffrés d’embauche, de travail des jeunes ou des seniors, la formation, les salaires et la modernisation du dialogue social ». Un observatoire devait même être mis en place et le Parlement associé.
Mais ces contreparties n’existent pas. M. le ministre des finances a expliqué qu’il ne fallait « pas attendre d’effets directs sur les embauches du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi », mais que cet avantage fiscal était destiné à « aider les entreprises à reprendre l’initiative ».
Cette « reprise de l’initiative » a bien été visible concernant la rémunération des actionnaires, puisque 30, 3 milliards d’euros de dividendes ont été distribués par les entreprises au deuxième semestre de 2014. Pour autant, elle ne semble pas avoir eu d’effet sur l’emploi.
Nombreux sont nos concitoyennes et nos concitoyens à partager l’avis du groupe communiste républicain et citoyen. Ainsi, selon un récent sondage, 81, 1 % des Français considèrent que « le MEDEF ne respecte pas les engagements du Pacte de responsabilité, qui doit voir les entreprises investir et embaucher en échange de baisses de charges ».
Pourquoi ne pas prendre acte de ces constats et mener enfin une politique de gauche, autour de laquelle nous pourrons nous rassembler ?
Cette politique de gauche suivrait une logique simple : mettre fin aux exonérations de cotisations sociales, qui n’ont pas d’impact avéré sur l’emploi, mais qui pèsent fortement sur notre système de protection sociale, et préférer à ces exonérations de nouvelles recettes, en mettant à contribution le secteur financier ou en menant une politique active de lutte contre la fraude aux cotisations sociales des entreprises.
Nous proposons enfin de moduler les cotisations dues par les entreprises en fonction de leur politique d’emploi.
Voilà des propositions concrètes avec des garanties de résultats pour les assurés sociaux, à savoir la pérennité du financement de notre « Sécu » !
En effet, comment concilier l’impératif de faciliter l’accès aux soins, de réorienter le système de santé vers la proximité et la qualité et de favoriser la prévention avec un objectif national des dépenses d’assurance maladie à 2, 1 % ?
Les 3, 2 milliards d’euros d’économies escomptées pour 2015 reposent sur les effets potentiels du virage ambulatoire, de la fameuse pertinence des soins. Or la réalité est que les hôpitaux ferment leurs services, réduisent leur personnel et sont au bord de la faillite.
Nous sommes intervenus avec force, y compris dans notre motion, contre la remise en cause de l’universalité de la protection sociale. D’ailleurs, chacun des groupes parlementaires qui composent la Haute Assemblée, exception faite du groupe socialiste, a déposé un amendement de suppression de cette mesure, qui est injuste. Pour autant, elle nous est soumise à nouveau en nouvelle lecture.
De même, alors que tout le monde s’accorde à dire que le gel des prestations produit un effet récessif, accentuant même certaines dépenses sociales, il est maintenu. Or, au-delà des chiffres et des statistiques, c’est de la vie de nos concitoyennes et concitoyens, du fonctionnement des hôpitaux, de notre protection sociale et de notre système de soins qu’il s’agit.
Depuis 2012 et l’élection de François Hollande à la présidence de la République, nous, sénatrices et sénateurs communistes républicains et citoyens, demeurons fidèles à nos engagements. Nous continuons à réaffirmer que nous sommes disposés à soutenir le Gouvernement dès lors qu’il mettra en œuvre une politique résolument sociale et solidaire qui, au lieu de faire pression sur les salariés, proposerait une meilleure et une plus juste répartition des richesses.
Cela passe, entre autres, par une nécessaire réorientation de l’argent au service de l’économie réelle et des besoins humains. C’est pourquoi nous proposons, par exemple, de taxer les revenus financiers et spéculatifs, qui ne servent pas l’économie et détruisent des emplois. Accepterez-vous enfin d’engager la discussion sur ces nouvelles recettes à chercher dans la sphère financière, là où passe trop d’argent aujourd’hui au détriment du travail ?
C’est ce chantier que nous vous proposons de mener ensemble, et non celui de l’appauvrissement de la sécurité sociale, en particulier de la branche famille, ou des reports à répétition de la prise en charge de l’autonomie.
Mais en l’absence de signe fort de votre part, face à une politique sans rupture avec celle de la majorité précédente et, plus grave encore, dangereuse, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC n’auront d’autre choix que de rejeter, en l’état, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. §