Intervention de Jean-Noël Cardoux

Réunion du 27 novembre 2014 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux :

… qui a participé à tous nos débats et qui, aujourd’hui, après les propos qu’elle a tenus à l’Assemblée nationale, nous fait faux bond. J’espère que vous serez la courroie de transmission qui lui fera part de nos positions.

J’adresserai, au début de mon propos, un satisfecit au Sénat sur sa nouvelle façon de fonctionner. Nous l’avions dit, nous souhaitions qu’il soit une force de proposition constructive ; or il l’a été à tous points de vue lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 !

Bien entendu, il n’y a pas de quoi se réjouir des conclusions de la commission mixte paritaire. La bouteille n’est pas à moitié vide ou à moitié pleine, comme je l’ai entendu dire, mais plutôt un quart pleine et trois quarts vide, puisque, si presque la moitié des articles ont été maintenus, ceux qui ont été conservés ne figurent pas parmi les articles fondamentaux.

Mais commençons tout de même par l’aspect positif : certaines mesures votées par la Haute Assemblée ont été retenues.

Sans entrer dans le détail, je retiendrai la mesure quelque peu emblématique sur le don éthique du sang, sur le plasma sanguin, qui a permis d’avancer dans la bonne direction à partir d’un amendement présenté par nos collègues du groupe CRC. Voilà qui prouve que, quand le Sénat veut travailler sérieusement, il parvient à des consensus.

En revanche, la partie négative, que je qualifierai de « partie immergée de l’iceberg », est que nombre de nos propositions n’ont pas été retenues par le Gouvernement. Il en est ainsi, pour commencer, des mesures ponctuelles auxquelles notre groupe tenait particulièrement, notamment deux d’entre elles dont la suppression a été imposée par le Gouvernement, malgré une position contraire d’une forte proportion de députés – dont certains de votre majorité – qui y étaient favorables.

La première est l’abattement porté à 1, 5 euro sur les services à la personne. Je ne m’y attarderai pas, notre collègue Barbier l’ayant excellemment présentée. Il faudra pourtant y venir, sachant, je le répète, que l’augmentation de cet abattement permettra des recettes supplémentaires qui viendront annuler l’effet de charge supplémentaire pour le Gouvernement.

La deuxième concerne l’article 44 sur les pénalités financières envers les hôpitaux et notre proposition de phase expérimentale. Je citerai à ce propos le rapporteur socialiste pour l’assurance maladie de l’Assemblée nationale, M. Olivier Véran : « […] la version expérimentale retenue au Sénat me semble répondre aux diverses interrogations et inquiétudes. » Le Gouvernement n’a pas non plus voulu l’entendre, ce qui est à mon avis dommage.

Enfin, une autre mesure ponctuelle sur laquelle je souhaiterais insister est la suppression de la cotisation de retraite des médecins qui interviennent en zone de désertification, puisqu’il y a une interrogation sur le fait que ces cotisations de retraite ne produisent aucun droit. C’est une solution importante pour récupérer à temps partiel un temps choisi des médecins. C’est une mesure de bon sens que nous avons présentée à plusieurs reprises ; or, là encore, le Gouvernement fait la sourde oreille.

Après ces mesures ponctuelles, abordons les problèmes de fond. Je vais vous décevoir, monsieur Desessard : nous comptons revenir sur la plupart des amendements que nous avions proposés en première lecture. Je ne pense pas, madame la secrétaire d’État, qu’il s’agisse, comme vous l’avez dit, de surenchères ; ce sont simplement des mesures de bon sens liées au fonctionnement de la sécurité sociale.

Il y a tout d’abord les mesures structurelles.

Dans votre projet, les évaluations de recettes sont bien trop optimistes, basées sur 10 % du PIB et 2 % de la masse salariale ; quant aux réformes structurelles, elles sont totalement inexistantes, et c’est ce qui m’avait conduit à parler, lors de la discussion générale, de « mesures sparadrap ».

Mais ce projet de loi comporte aussi des mesures non pérennes. L’exemple que nous donnons à chaque fois est la ponction de 1, 5 milliard d’euros sur les caisses de congés payés, qui représente à peu près le quart des ressources que vous réaffectez au budget. Cela s’apparente, nous le savons très bien, à de la cavalerie : vous le ferez une fois, mais pas deux ! Ce n’est donc pas une mesure pérenne pour le budget de la sécurité sociale !

En outre, les économies sont insuffisantes. Nous avons fléché une baisse de l’ONDAM avec des mesures courageuses, qu’il faudra bien mettre en place, concernant la réforme hospitalière et les réformes tarifaires. Nous sommes tous conscients que, dans l’état actuel des choses et sans adoption de réformes structurelles sur les points que je viens de citer, le respect d’un ONDAM en augmentation de 2, 1 % en 2015 sera impossible.

Voilà pour ce qui est des réformes structurelles.

Avant de conclure mon intervention, force m’est de revenir sur les mesures qui nous opposent le plus : les mesures idéologiques. J’en évoquerai trois.

La modulation des allocations familiales en fonction des revenus. C’est un désaccord de fond. Nous en avons beaucoup discuté, et je rappelle que l’ancien Premier ministre M. Ayrault avait pris l’engagement ferme que le Gouvernement ne toucherait pas à l’universalité des allocations familiales. Il y avait d’autres façons de réintroduire des mesures en direction des ménages les plus aisés – je ne parle pas des classes moyennes qui, en l’espèce, vont être touchées, une fois de plus –, plutôt que de toucher à cette universalité. Fondamentalement, le groupe UMP est opposé à cette mesure.

J’évoquerai également, succinctement, le rétablissement des trois jours de carence dans les hôpitaux publics, sachant que, lors de l’examen du projet de loi de finances, le groupe UMP a proposé la généralisation de ces trois jours de carence à l’ensemble de la fonction publique. Là encore, c’est une mesure de bon sens et d’équité.

Enfin, la dernière mesure que j’évoquerai, et que je qualifierai de moins idéologique maintenant, est l’augmentation de l’âge du départ à la retraite. Nous savons que nous serons conduits, dans les années à venir, à le faire. Le pragmatisme conduit à observer que la durée de vie a augmenté d’une manière considérable. Il est logique que la durée du travail augmente corrélativement.

Madame Bricq, votre intervention sur ce sujet en commission m’a réjoui, car si vous avez expliqué que l’amendement concerné n’avait pas tout à fait sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez néanmoins déclaré que vous étiez ouverte à cette réforme et vous avez reconnu qu’elle était inévitable. Dont acte ! Le fait de voter de nouveau cet amendement sera un signe fort, je le crois, en vue de réformer une nouvelle fois – et je l’espère, pour la dernière fois – le système des retraites.

Voilà pourquoi nous allons représenter tous ces amendements. À ce sujet, je souscris totalement aux propos qu’ont tenus M. le président de la commission et M. le rapporteur général.

Je conclurai en reprenant l’introduction de mon intervention au début du débat.

Avec toutes ces mesures, que j’avais qualifiées – c’est peut-être prosaïque – de mesures « à la petite semaine », les problèmes de fond demeurent. Il en est ainsi du déséquilibre financier du budget de la sécurité sociale. Votre projet, madame le secrétaire d’État, ne le réduit que très peu en 2015, et encore, avec une perspective de croissance à 1 %, me semble-t-il, objectif qui, on le sait, ne sera pas tenu.

On sait aussi, je l’ai déjà dit, que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, accuse actuellement un déficit de trésorerie de 33 milliards d’euros et que si, par malheur, comme l’environnement financier international peut le laisser craindre, l’augmentation du taux des intérêts aux États-Unis se confirmait, celle-ci aurait une répercussion immédiate sur les taux d’intérêt en France. L’ACOSS, qui emprunte actuellement à 0, 1 % ou 0, 2 %, serait conduite à emprunter à un taux beaucoup plus élevé. Les 33 milliards d’euros de déficit vont alors exploser, et on ne sait pas comment on arrivera à faire face.

Espérons que je sois un oiseau de mauvais augure sur le problème de l’évolution des marchés financiers, mais la tendance est plutôt dans ce sens.

Voilà pourquoi, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UMP votera tous les amendements que M. le rapporteur général nous présentera. Nous aurons de nouveau un budget à peu près semblable à celui que nous avons approuvé à la fin de la première lecture, et espérons au moins que sur les deux points que j’ai signalés concernant l’accord des députés socialistes, le Gouvernement nous entende, fasse un petit effort de réflexion et nous suive. §

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