Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 27 novembre 2014 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2015 — Article 61 A

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Je comprends, et je partage, l’attachement de ceux qui font référence aux grandes réformes portées par le souffle du Conseil national de la Résistance. Je veux croire à leur sincérité.

Mais, dans un débat de qualité, il n’est pas nécessaire de prendre en otage l’universalité, pas plus que la famille, et de prétendre que les uns les défendraient, et pas les autres.

Nous devrions plutôt nous demander, soixante-dix ans après, où nous en sommes. Eh bien, nous sommes à un moment où la contradiction entre la logique assurantielle universelle et la logique d’aide sociale au bénéfice des plus pauvres devient une véritable frontière, un mur, qui sépare aide sociale et sécurité sociale.

Je pense que ce n’est pas tenable, du moins dans le projet collectif que nous devons mener à bien. La lecture du récent rapport de l’OCDE sur les dépenses sociales des pays développés est éclairante. Ce travail agrège pour la première fois les dépenses sociales publiques et les dépenses privées, dont on sait qu’elles sont très importantes dans un pays comme les États-Unis.

Si donc on agrège ces deux ensembles de dépenses, la France est en tête pour la part de PIB qu’elle consacre aux dépenses sociales : 32 %, suivie par les États-Unis qui, dépenses privées et publiques confondues, en arrivent à un taux supérieur à 28 %.

Dans le même temps, un rapport national sur la pauvreté en France vient d’être publié, qui contient des chiffres alarmants. Les pauvres ont un visage : une famille monoparentale, une femme seule avec des enfants. Au risque de me répéter, en France, un enfant sur cinq est pauvre, un pauvre sur trois est un enfant.

L’étude de l’OCDE nous apporte un autre enseignement : l’utilisation des prestations sous conditions de ressources reste la meilleure façon de soutenir les moins riches.

Je ne vais pas clore le débat, nous le reprendrons sans doute, mais je souhaite parler pour le présent et pour l’avenir.

Je crois à l’État-providence, et j’y suis attachée. Il nous faut cependant le repenser, parce que nous sommes Français, et donc attachés à la solidarité et que nous ne pouvons pas vivre dans une société sans solidarité. Nous sommes en même temps attentifs à l’efficacité de la dépense en faveur des plus vulnérables.

Nous devrons donc remettre à plat les bases de financement et la gouvernance des dépenses sociales.

Ce grand chantier national ne pourra pas être mené par une fraction des Français contre une autre. Je vous invite donc à la réflexion, mes chers collègues, à la faveur de ce débat sur les allocations familiales, qu’il est juste de placer sous conditions de ressources. En la matière, vous le savez bien, l’universalité n’a jamais été une règle absolue : les allocations ne sont universelles qu’à partir du deuxième enfant.

Je reviens donc à l’objet strict de notre débat, mais en vous invitant tout de même à réfléchir à l’efficacité de la dépense sociale par rapport aux plus pauvres. Je l’ai dit, le Gouvernement s’efforce de faire des économies, tout en préservant l’ensemble des actions nécessaires en faveur des plus fragiles d’entre nous. Accordons-lui ce crédit ! Nous le ferons et le soutiendrons en votant contre vos amendements de suppression, chers collègues.

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