Intervention de François Marc

Réunion du 26 novembre 2014 à 9h30
Loi de finances pour 2015 — Article 30 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de François MarcFrançois Marc :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il m’est agréable de vous présenter ce matin le rapport de la commission des finances sur la contribution française au budget communautaire dans le présent projet de loi de finances pour 2015, contribution qui, comme vous le savez, prend la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État, voté chaque année en loi de finances. Je tiens à préciser que mon exposé mettra l’accent sur quelques faits marquants, ce qui me conduira, monsieur le secrétaire d’État, à vous interroger à plusieurs reprises, comme c’est la règle s’agissant des rapports spéciaux.

Avant de vous parler de l’évaluation de cette contribution pour le projet de loi de finances pour 2015, je dirai quelques mots du niveau de ce prélèvement en 2014. Au cours des semaines passées, en effet, l’actualité nous a interpellés sur ce sujet, puisque le chiffre d’un milliard d’euros d’économies pour la France a été évoqué, dans la mesure où la part du revenu national brut, ou RNB, de la France dans le RNB total de l’Union européenne s’est réduite. Cela n’est pas forcément une bonne nouvelle en soi, mais emporte des conséquences quant à notre contribution.

En réalité, l’exécution 2014 de notre prélèvement dépendra surtout des huit projets de budgets rectificatifs présentés en 2014, qui conduiraient à augmenter les crédits ouverts sur l’exercice, et donc appelés sur les contributions nationales. Compte tenu de ce contexte d’incertitude, l’exercice de prévision d’exécution pour 2014 est particulièrement difficile ; je vous serais donc reconnaissant, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir nous indiquer quelles sont vos prévisions à ce jour sur ce point. De même, je voudrais savoir si le Gouvernement a bien l’intention de répercuter sur l’exercice 2014, et non sur l’exercice 2015, le fameux milliard d’euros de moindre appel à contribution.

L’article 30 du projet de loi de finances pour 2015 évalue notre contribution à 21, 04 milliards d’euros. Cependant, ce montant est d’ores et déjà incertain, puisque notre futur prélèvement pourrait être amené à baisser en raison de notre faible croissance. Là aussi, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous communiquer l’actualisation de votre prévision du prélèvement sur l’exercice 2015 ? Pour ma part, et au nom de la commission des finances, quelle que soit l’issue des exécutions 2014 et 2015, je plaide pour que l’estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement soit la plus précise et la plus fiable possible.

J’en viens maintenant à la négociation budgétaire communautaire pour le budget 2015. On le sait, la négociation entre les deux branches de l’autorité budgétaire a échoué le 17 novembre dernier, lors de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne, et cela en raison de divergences trop importantes, notamment sur les restes à payer de l’exercice 2014. Nous savions que ces négociations seraient difficiles. En effet, l’avant-projet de budget présenté par la Commission européenne au printemps prévoyait une augmentation de 2, 1 % des crédits d’engagement par rapport à 2014, soit 145, 6 milliards d’euros. Les crédits de paiement affichaient, quant à eux, une hausse de 4, 9 % et s’élevaient à 142, 14 milliards d’euros.

Ce projet de la Commission, on le sait, a été revu à la baisse par le Conseil européen. Je relève que les coupes réalisées par le Conseil, de l’ordre de 522 millions d’euros en crédits d’engagement et, surtout, de 2, 14 milliards d’euros en crédits de paiement, vont à l’encontre des priorités adoptées par l’Union européenne en matière de soutien à la croissance et à l’emploi, dans la mesure où la rubrique consacrée aux dépenses de compétitivité est la plus durement affectée.

Enfin, le Parlement européen a voté en séance plénière, le 22 octobre dernier, un budget plus ambitieux que celui émanant du Conseil, portant le niveau des engagements à 146, 35 milliards d’euros et le niveau des paiements à 146, 42 milliards d’euros, soit une augmentation de 2, 6 % des crédits d’engagement et de 8, 1 % des crédits de paiement par rapport à 2014.

J’indique que, à la suite de l’échec de la phase de conciliation, la procédure reprend à son point de départ : la Commission européenne présente un nouveau projet de budget et les deux branches de l’autorité budgétaire – Conseil et Parlement européens – doivent ensuite se mettre rapidement d’accord, sans quoi l’Union européenne devra recourir au système des « douzièmes provisoires », en dépensant chaque mois un maximum de crédits équivalent au douzième des crédits alloués pour 2014.

J’en arrive à mes remarques sur le stock de « restes à liquider », les fameux RAL. Ces RAL correspondent aux engagements pris par l’Union européenne non encore couverts par des paiements. Le stock de RAL est estimé – tenez-vous bien, mes chers collègues ! – à 233 milliards d’euros pour la fin 2015, et il est probable que les RAL vont continuer d’augmenter, sans qu’aucune mesure soit pourtant prise pour contrer cette évolution.

À ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger : quelle est la part de la France dans ces RAL ? Quel est l’impact précis des RAL sur notre contribution nationale ? Quelle est la position de la France quant au mode de résolution de ce problème, qu’il va bien falloir affronter ? Quelles mesures pourraient être proposées pour porter remède à cette situation tout à fait inquiétante ?

J’observe également que ces RAL doivent être distingués des restes à payer, qui correspondent à des factures reportées d’une année sur l’autre. Il s’agit du point essentiel de discorde dans la négociation communautaire sur le budget 2015, comme je viens de l’indiquer. Il est vrai que le montant de ces restes à payer a tendance à augmenter très nettement. Pour la seule politique de cohésion, ils se montent en 2014 à un niveau record de 23 milliards d’euros ! Comment interprétez-vous ce phénomène, qui vient s’ajouter au problème des RAL, monsieur le secrétaire d’État ? Est-ce le signe que les États membres ne cherchent plus tant à être remboursés rapidement par le budget communautaire qu’à éviter purement et simplement les dépenses ?

Cette question est une bonne transition pour aborder le sujet de la plus-value européenne dans le contexte économique difficile que nous traversons. À mon sens, l’Union européenne doit apporter les leviers indispensables au relèvement de notre croissance potentielle. J’attends donc du budget communautaire qu’il s’oriente dans cette direction et qu’il mette l’accent sur les dépenses de compétitivité. J’ai apprécié que, dans son discours récent devant le Parlement européen, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, annonce un plan d’investissements de 300 milliards d’euros sur les trois prochaines années. Depuis quelques années, en effet, les investissements internationaux dans l’Union européenne ont diminué de 15 %. C’est dire à quel point l’Europe doit relancer la machine pour les accueillir à nouveau.

Un tel plan paraît donc utile, mais des incertitudes pèsent sur ses modalités de financement, ainsi que sur ses finalités. Aujourd’hui même, le 26 novembre 2014, le président Juncker devrait dévoiler dans le détail ce plan d’investissements, lors de la session plénière du Parlement européen qui se tient à Strasbourg.

Je vous poserai trois questions à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État. S’agira-t-il, d’abord, comme il semble que cela se dise aujourd’hui, de recourir à des financements indirects, par l’intermédiaire de garanties et de crédits de la Banque européenne d’investissement, la BEI, avec la recherche d’un effet de levier significatif ? Cela pourrait en effet paraître pertinent.

Ensuite, alors que l’impact du plan sur les finances publiques européennes et nationales reste incertain, pouvez-vous nous assurer que les contributions des États membres à ce plan ne seront pas prises en compte dans le calcul des déficits publics ? En effet, il est question d’un apport de 20 milliards d’euros des États, dont quelques milliards d’euros pour la France. Quel est, monsieur le secrétaire d’État, votre point de vue sur ce sujet ?

Enfin, ce plan d’investissements sera-t-il orienté vers les entreprises innovantes ou bien prioritairement dirigé vers le financement du Mécanisme pour l’interconnexion en Europe, le MIE, c’est-à-dire vers des projets d’aménagements d’infrastructures en matière de transport, d’énergie et de numérique ?

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