Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est important, à plus d’un titre.
La France contribue chaque année à hauteur d’une vingtaine de milliards d’euros au budget européen : un peu moins de 21 milliards d’euros en 2015, soit près de 17 % des recettes européennes. C’est une ligne budgétaire élevée en volume du projet de loi de finances, qui correspond en outre à 8, 1 % des recettes fiscales françaises nettes. Ainsi, alors que les dépenses totales de l’État ont diminué de 2, 7 milliards d’euros en valeur depuis 2012, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne a augmenté de pratiquement 2 milliards d’euros.
En outre, la France est contributeur net au budget de l’Union. Elle contribue à son budget davantage qu’elle ne perçoit de fonds européens, et ce quel que soit le mode de calcul choisi, soit plus 8, 5 milliards d’euros, c'est-à-dire 0, 4 % du PIB.
Enfin, la France contribue aussi à différents mécanismes, dont le mécanisme européen de stabilité financière. Ainsi, près d’une soixantaine de milliards d’euros de notre dette découlent directement de notre contribution au budget de l’Union européenne.
Il ne s’agit évidemment pas de discuter le principe même de l’effort financier consenti par la France au profit de l’Union. Il participe du projet européen et de l’exception européenne. Toutefois, dans la mesure où le prélèvement sur recettes, au titre de la participation au budget de l’Union, est inclus dans le calcul de notre déficit, toute hausse de son montant diminue d’autant les crédits consacrés à d’autres politiques nationales.
À cet égard, nous pouvons souligner une augmentation de 2, 5 % des dépenses administratives européennes, et ce malgré l’objectif de réduction de 5 % des effectifs des institutions, organes et agences de l’Union entre 2013 et 2017, pourtant acté par les chefs d’État et de gouvernement et inscrit dans l’accord institutionnel du 2 décembre 2013.
Cela représente un effort particulièrement important en faveur de la fonction publique européenne, souligné dans le fascicule jaune budgétaire, où l’on peut également lire ceci : « Dans la mesure où la plupart des États membres sont engagés dans des politiques strictes de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement, il est essentiel que l’Union s’associe activement à ces efforts. »
De plus, comme cela a été souligné dans un rapport d’information de l’Assemblée nationale de juillet 2014, l’exécution du budget européen est particulièrement « chaotique ».
Ce rapport donne l’exemple de l’année 2013 pour laquelle le budget initial s’élevait à 150, 9 milliards d’euros en crédits d’engagement et à 132, 8 milliards d’euros en crédits de paiement. Or pas moins de neuf budgets rectificatifs ont été adoptés au cours de l’année 2013, lesquels ont augmenté les engagements de près de 1, 2 milliard d’euros et les paiements de 11, 6 milliards d’euros.
Ces écarts ont une incidence immédiate sur la contribution des États membres, qui, dans le même temps, doivent consentir des efforts importants dans le cadre de la maîtrise de leurs dépenses. Ils fragilisent, par conséquent, l’effort de prévision et l’exécution budgétaire au sein de ces États et bafouent le rôle des parlementaires nationaux.
C’est pourquoi nous proposons, par notre amendement, d’exclure les contributions nationales nettes au budget de l’Union européenne du calcul du solde nominal et structurel des administrations publiques dans le cadre de la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.
Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne ne doit plus être pris en compte dans la norme de dépenses de l’État. Cette déduction des contributions des États membres au budget européen permettrait aussi de relancer un espace d’investissement public, entre autres par des augmentations des contributions des États au budget européen et donc aux politiques publiques européennes.
En effet, lors du récent débat sur le rôle de la France dans la relance de la zone euro, nous avions pointé l’incohérence – voire à certains égards la schizophrénie – du Gouvernement, qui, d’une part, défend une politique de relance au niveau européen et, d’autre part, s’inscrit aux côtés des autres pays contributeurs nets pour limiter les dépenses du budget européen parce qu’elles augmentent son déficit.
Cette position, incohérente à nos yeux, est aussi celle de la Commission européenne qui, d’un côté, prévoit une hausse substantielle du budget européen, donc de la participation des États membres, et, de l’autre, sanctionne la France pour son manque d’orthodoxie budgétaire. De son côté, le Conseil ne peut à la fois annoncer des objectifs politiques ambitieux et refuser d’en assumer les conséquences financières.
Toujours lors de ce même débat avait été soulignée la nécessité, en vue d’une reconstruction européenne, d’une réorientation des priorités en faveur de l’investissement public, social et écologique, cela afin d’éviter la déflation qui guette la zone euro.
À cet égard, le Fonds monétaire international, dans ses Perspectives de l’économie mondiale d’octobre 2014, jugeait que « l’investissement dans l’infrastructure, même financé par la dette, peut se justifier et aider à stimuler la demande à court terme et l’offre à moyen terme. ».
Or les budgets nationaux sont contraints et le mode de financement actuel de l’Union force les contributeurs nets à limiter les ambitions du budget européen.
Certes, des engagements ont été pris par le Conseil de juin 2014 ainsi que par le président de la Commission européenne d’investir pour une croissance plus robuste et plus justement répartie. Un plan de 300 milliards d’euros nous a certes été annoncé par M. Juncker, mais il n’y a aujourd’hui aucune perspective concrète quant à ces 300 milliards d’euros. À y regarder d’un peu plus près, il s’agit de 5 milliards de cash effectif, de 16 milliards de garanties des États membres, l’essentiel de l’effort reposant sur les investisseurs privés. Nous espérons qu’ils seront au rendez-vous, encore que 300 milliards d’euros ne représentent, somme toute, que 30 % du coût estimé de l’évasion fiscale au sein de l’Union européenne. Peut-être y a-t-il là une piste à explorer avec beaucoup d’ardeur, mais je ne doute pas que M. Juncker saura s’attaquer à cette réalité inacceptable au Luxembourg et ailleurs.