Intervention de Michel Forissier

Réunion du 28 novembre 2014 à 9h30
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage, amendement 71

Photo de Michel ForissierMichel Forissier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de paiement de la mission « Travail et emploi » s’élèvent à 11, 1 milliards d’euros selon le projet de loi de finances pour 2015, soit une baisse de 3 % environ par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, retraitée au format 2015.

Cette diminution est pour le moins surprenante dans un contexte de hausse sensible et continue du chômage. Surtout, je déplore la volonté du Gouvernement de maintenir coûte que coûte les dispositifs existants et les priorités fixées depuis 2012. Deux exemples sont particulièrement révélateurs à cet égard.

Le premier est la propension de la majorité actuelle à donner la priorité aux contrats aidés dans le secteur non marchand plutôt que dans le secteur marchand. Le Gouvernement avait certes essayé de corriger le tir dans le projet de loi de finances initiale, mais un amendement adopté à l’Assemblée nationale, sur l’initiative de M. Le Roux, est venu remettre en cause ce début de rééquilibrage en faveur des contrats aidés dans le secteur marchand.

C’est pourquoi je ne peux qu’approuver l’amendement n° II-71 déposé par M. le rapporteur général et adopté jeudi en commission des finances, soit le lendemain de la réunion de la commission des affaires sociales, qui tend à supprimer la disposition proposée par M. Le Roux.

Le second exemple est l’échec relatif du contrat de génération, dont la complexité des règles d’attribution de l’aide financière a rebuté les employeurs. Entre mars 2013 et le 31 mai 2014, seules 21 370 demandes d’aide ont été acceptées. Force est donc de constater que les objectifs initiaux du Gouvernement d’accorder 100 000 aides financières par an sont pour l’heure hors d’atteinte.

Pis, le Gouvernement a derechef revu à la baisse ses prévisions pour 2014, réduisant de 33 305 à 20 000 les aides financières. Le contrat de génération est-il condamné à péricliter, ou bien le Gouvernement souhaite-t-il demander aux partenaires sociaux d’assouplir les règles d’attribution de l’aide ?

Le deuxième motif d’insatisfaction concerne les nombreuses zones d’ombre du budget.

Par le décret du 13 octobre 2014, l’État s’est engagé à prendre en charge le différé des indemnisations pour les intermittents du spectacle institué par la nouvelle convention assurance chômage. L’UNEDIC estime que ce différé représente 70 millions d’euros en 2015, mais aucun crédit n’est prévu à cet effet dans le budget.

Par ailleurs, l’article 62 du projet de loi de finances pour 2015 impose à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, et au Fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, une contribution annuelle de 29 millions d’euros pendant trois ans pour financer des contrats aidés.

Mais le Gouvernement n’a pas été en mesure de garantir le fléchage de ces fonds vers le financement des contrats à destination exclusive des personnes handicapées. J’espère, monsieur le ministre, que vous nous apporterez aujourd’hui des assurances sur l’utilisation de ces contributions.

Enfin, je regrette les hésitations du Gouvernement en matière d’apprentissage, car elles contribuent, selon moi, aux graves difficultés que traverse actuellement cette formation en alternance.

La prime de 1 000 euros, instituée par l’article 63 du projet de loi de finances pour 2015, vise à encourager les entreprises de moins de 250 salariés à recruter des apprentis, mais les règles retenues sont trop complexes et sa portée est très limitée. Surtout, sa création intervient un an à peine après la réforme très contestée des indemnités compensatrices forfaitaires.

Le compte d’affectation spéciale, profondément remanié, ne peut pas, à lui seul, pallier l’absence de pilotage au niveau national de l’apprentissage. Un consensus existe sur la nécessité d’imaginer de nouvelles relations entre les régions et l’État, en particulier le ministère de l’éducation nationale, pour faire de l’apprentissage une filière d’excellence, pleinement reconnue et capable de lutter massivement contre le chômage qui frappe les plus jeunes de nos concitoyens.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l’adoption tant des articles 62 et 63 rattachés que du compte d’affectation spéciale relatif à l’apprentissage. Elle avait également donné un avis défavorable à l’adoption en l’état des crédits de la mission « Travail et emploi » ; mais dès lors que la commission des finances propose d’en modifier l’équilibre, je voterai à titre personnel les crédits de cette mission, sous réserve de l’adoption de l’amendement précité du rapporteur général. §

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