La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108).
Nous en sommes parvenus aux dispositions de la seconde partie du projet de loi de finances.
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Nous allons maintenant entamer l’examen des différentes missions.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi » (et articles 62 et 63) et du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».
La parole est à M. François Patriat, rapporteur spécial.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » rassemble l’ensemble des moyens budgétaires consacrés à la politique de l’emploi et à la lutte contre le chômage. C’est donc une mission importante, comme en témoignent les montants élevés qui lui sont dédiés. Elle est aussi le reflet de la solidarité de la nation envers les différentes catégories de la population, notamment envers les plus fragiles d’entre elles.
La mission « Travail et emploi » est dotée, pour 2015, de près de 12 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 11, 4 milliards d’euros en crédits de paiement. Ses crédits sont donc stables par rapport à 2014. Ils ont été majorés de 428 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 123 millions d’euros en crédits de paiement à l’issue des votes de l’Assemblée nationale. Ce budget préservé traduit l’engagement réaffirmé et volontaire du Gouvernement en matière de lutte contre le chômage, dans le contexte économique et social difficile que nous connaissons tous.
Persistance du chômage, de l’exclusion, de la pauvreté : nul ne peut se satisfaire de cette situation, mais la regretter ne serait ni suffisant ni responsable. C’est pourquoi le Gouvernement a fait le choix de l’action et de l’engagement, ce dont je me félicite.
Le budget de la présente mission est donc avant tout un budget de soutien : soutien à l’emploi, soutien à la reprise économique, soutien aussi aux réformes engagées par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
Près de 80 % des crédits de cette mission seront ainsi consacrés à des dépenses d’intervention, portées notamment par les programmes 102 « Accès et retour à l’emploi » et 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi ».
Le programme 102 sera doté, en 2015, de 7, 5 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de plus de 3, 5 % par rapport à 2014.
La subvention de l’État en faveur du fonds de solidarité s’élèvera à 1, 7 milliard d’euros en 2015. Par ailleurs, les moyens du service public de l’emploi seront consolidés. Une subvention de 1, 52 milliard d’euros sera versée à Pôle emploi, soit un niveau de dotation identique à celui de 2014. Ces crédits permettront de prendre en charge la dépense liée à l’augmentation des moyens humains de cet opérateur depuis 2012.
Le budget de la présente mission traduit aussi la priorité accordée aux jeunes. Alors que leur taux de chômage s’élève à près de 23 %, les jeunes sont les premières victimes de la crise économique. Le Gouvernement a donc fait le choix d’augmenter les moyens en faveur de l’emploi des jeunes.
Cet engagement se traduira tout d’abord par le recrutement de 65 000 emplois jeunes supplémentaires en 2015. Ces entrées concerneront notamment le secteur marchand. Cet engagement se traduira aussi par la montée en charge de la « garantie jeunes », qui sera dotée de 148 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 133 millions d’euros en crédits de paiement en 2015, soit une augmentation de 118 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 103 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à 2014. Au total, plus de 400 000 contrats aidés supplémentaires seront créés en 2015, pour une dépense s’élevant à plus de 3 milliards d’euros.
En outre, l’article 62 rattaché à la présente mission prévoit que 58 millions d’euros seront prélevés sur les réserves de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, et du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, qui permettront de financer 20 000 de ces contrats pour des personnes handicapées.
Des amendements ont été déposés afin de diminuer le nombre d’emplois aidés. C’est une décision que je respecte, mais qui me semble correspondre bien plus à une logique comptable qu’à un véritable choix en matière de politique de l’emploi. En ce qui me concerne, je préfère offrir aux jeunes la possibilité de s’en sortir plutôt que de les laisser s’enfermer dans l’exclusion.
Les contrats aidés ne sont certainement pas parfaits, tant s’en faut, mais ils ont le mérite de donner une chance à ceux qui veulent s’insérer. D’ailleurs – faut-il le rappeler ? –, tous les gouvernements, quelle que soit la majorité dont ils étaient issus, ont eu recours à ce type de contrat en période de crise.
Ce budget prépare en outre l’avenir. Ainsi, les crédits consacrés à l’accompagnement des mutations économiques et au développement de l’emploi s’établiront à 5, 5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 5 milliards d’euros en crédits de paiement, dont 1, 3 milliard d’euros sera consacré au développement de l’alternance.
Dans le domaine de l’apprentissage – ce sujet nous intéresse tous ici –, l’architecture du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » sera complètement rénovée en 2015 afin de tirer les conséquences de la réforme des aides et du financement de l’apprentissage engagée en 2013.
L’article 63 rattaché à la présente mission crée une aide incitative au recrutement d’un apprenti. D’un montant de 1 000 euros, cette aide sera versée par les régions aux entreprises de moins de 250 salariés, sous conditions. Je me suis félicité, vous le savez, tout comme vous, mes chers collègues, de cette décision prise par le Président de la République et par le Gouvernement. Pour les entreprises de moins de onze salariés, le montant de cette aide s’élèvera désormais à 2 000 euros, ce qui répond à une demande formulée à plusieurs reprises dans le contexte de baisse de l’apprentissage que nous avons connu au cours de ces deux dernières années.
Après une réforme majeure de l’apprentissage, il convient cependant désormais de stabiliser les dispositifs existants. C’est ce que nous demandent les entreprises. Mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2015 crée donc les conditions de l’amélioration de la situation de l’emploi que tous, sur nos travées, nous appelons de nos vœux.
Certes, les crédits de l’emploi ne permettront pas d’inverser la courbe du chômage dans notre pays ; mais si le Gouvernement n’avait pas fait l’effort méritoire que nous devons saluer aujourd'hui, il est certain que le système présenterait bien des failles. Dans ce budget, le Gouvernement témoigne de la priorité qu’il accorde à l’emploi.
Aussi, vous l’aurez compris, malgré l’avis de la commission des finances, je voterai l’adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », ainsi que les articles 62 et 63 sans modification. §
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, dans le contexte économique et social actuel, le budget de la mission « Travail et emploi » n’est pas anodin. Il représente, pour de nombreux Français, un appui, voire une nécessité. C’est un budget de soutien face à des situations humaines souvent difficiles telles que le chômage ou l’exclusion.
Je décernerai donc un satisfecit à ce projet de budget, car il apporte à mon avis des réponses nécessaires à la situation de l’emploi dans un contexte budgétaire contraint.
Le projet de loi de finances est d’abord un budget de sortie de crise, un budget d’appui à la politique volontariste du Gouvernement en faveur de l’emploi.
Les crédits de la mission « Travail et emploi » sont en effet stabilisés en autorisations d’engagement, après une forte hausse entre 2012 et 2014 de près de 12, 5 %, et en augmentation pour ce qui concerne les crédits de paiement.
Ce haut niveau de dépenses – près de 11 milliards d’euros en crédits de paiement – vise à soutenir l’emploi des personnes les plus fragiles, à savoir les jeunes, les personnes handicapées et les personnes rencontrant des difficultés particulières d’insertion. Il traduit dans les faits la priorité accordée par le Gouvernement à la politique de l’emploi.
Dans un contexte de persistance du chômage – il touchait plus de 10 % de la population active au second semestre 2014, soit près de 3, 5 millions de personnes –, il était absolument nécessaire que l’intervention de l’État soit maintenue à un niveau constant.
Ce budget responsable est aussi exigeant. Il participe à l’effort de maîtrise des dépenses publiques et accompagne des réformes importantes, notamment dans le champ du dialogue social.
Ainsi, les crédits du programme 111, « Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations de travail », s’élèveront en 2015 à 133, 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et à près de 82 millions d’euros en crédits de paiement. Ce sont ainsi 13 millions d’euros en autorisations d’engagement et 9 millions d’euros en crédits de paiement qui seront consacrés à la mise en œuvre du deuxième cycle de la mesure de l’audience des organisations syndicales. Je dois avouer que j’ai découvert cette action, que je ne connaissais pas, comme certainement nombre des membres de la commission des finances ! Cette action s’appuiera sur l’agrégat des résultats aux élections professionnelles, du scrutin organisé pour les salariés des très petites entreprises et les emplois à domicile et des élections aux chambres d’agriculture.
Ces crédits permettront aussi le financement du lancement de la mesure de l’audience des organisations patronales instaurée par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
Ces dispositifs permettront de mieux évaluer la représentativité des organisations syndicales et patronales et, par conséquent, de renforcer encore leur légitimité.
L’année 2015 sera en outre marquée par la mise en œuvre de la réforme du financement des organisations syndicales et patronales. Cette réforme était en effet indispensable pour améliorer la transparence du financement des partenaires sociaux. Nous ne pouvons que nous féliciter de sa mise en œuvre.
L’article 31 de la loi du 5 mars 2014 crée ainsi un fonds destiné au financement des organisations syndicales et patronales, abondé par une contribution des entreprises complétée par une subvention de l’État.
Ce fonds, qui sera mis en place au 1er janvier 2015, sera doté, pour 2015, de 82 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 34 millions d’euros en crédits de paiement.
Ces crédits permettront de prendre en charge la formation des salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales ainsi que la participation des partenaires sociaux à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des politiques publiques du travail et de l’emploi.
Par ailleurs, les crédits demandés au titre du programme 111 pour l’année 2015 prennent en compte la prolongation des mandats des conseillers prud’hommes jusqu’en 2017, dont le principe a été voté par le Sénat le 14 octobre 2014 afin de permettre la réforme de leur mode de désignation.
Je vous rappelle que cette réforme, qui substituera à une élection générale un dispositif de désignation fondé sur l’audience – on y revient – des organisations syndicales et patronales, permettra une économie structurelle importante, de l’ordre de 100 millions d’euros en cinq ans. En effet, le coût de l’organisation des élections est évalué à quelque 105 millions d’euros, contre environ 5 millions d’euros pour le futur mode de désignation, soit une différence de 100 millions d’euros.
Cette réforme permettra en outre de renforcer la légitimité des conseillers prud’hommes, puisqu’elle s’appuiera désormais sur un collège d’électeurs rassemblant plus de 5, 4 millions de personnes, contre 4, 8 millions de votants lors des dernières élections de 2008.
Le deuxième programme examiné dans mon rapport, le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail », est, je le rappelle, le programme support de la mission « Travail et emploi ». Il sera doté, pour 2015, de plus de 765 millions d’euros en autorisations d’engagement et de près de 772 millions d’euros en crédits de paiement.
La diminution des crédits de ce programme, à hauteur de 10, 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 14, 5 millions d’euros en crédits de paiement, traduit l’effort du ministère en matière de réduction des dépenses publiques. Ses effectifs seront ainsi diminués de 150 postes en 2015. Depuis 2010, 930 postes ont été supprimés, soit une baisse de 9 % en cinq ans. C’est un effort important qu’il convient de souligner. Les dépenses de personnel s’élèveront donc, en 2015, à 628, 5 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, soit une baisse de 1, 73 %.
Le schéma du programme 155 sera en outre profondément rénové en 2015. Il comptera ainsi douze actions, contre seulement six auparavant. Plus cohérente, cette nouvelle architecture permettra de mieux identifier les dépenses en fonction de leur nature.
Mes chers collègues, le budget de la mission « Travail et emploi » opère donc des choix, parfois difficiles mais assumés. Les objectifs sont clairs : réduire le chômage des jeunes, consolider les moyens du service public de l’emploi et accompagner des réformes importantes.
C’est pourquoi, à titre personnel, je voterai sans modification les crédits de cette mission du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage » ainsi que les articles 62 et 63 rattachés.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de paiement de la mission « Travail et emploi » s’élèvent à 11, 1 milliards d’euros selon le projet de loi de finances pour 2015, soit une baisse de 3 % environ par rapport à la loi de finances initiale pour 2014, retraitée au format 2015.
Cette diminution est pour le moins surprenante dans un contexte de hausse sensible et continue du chômage. Surtout, je déplore la volonté du Gouvernement de maintenir coûte que coûte les dispositifs existants et les priorités fixées depuis 2012. Deux exemples sont particulièrement révélateurs à cet égard.
Le premier est la propension de la majorité actuelle à donner la priorité aux contrats aidés dans le secteur non marchand plutôt que dans le secteur marchand. Le Gouvernement avait certes essayé de corriger le tir dans le projet de loi de finances initiale, mais un amendement adopté à l’Assemblée nationale, sur l’initiative de M. Le Roux, est venu remettre en cause ce début de rééquilibrage en faveur des contrats aidés dans le secteur marchand.
C’est pourquoi je ne peux qu’approuver l’amendement n° II-71 déposé par M. le rapporteur général et adopté jeudi en commission des finances, soit le lendemain de la réunion de la commission des affaires sociales, qui tend à supprimer la disposition proposée par M. Le Roux.
Le second exemple est l’échec relatif du contrat de génération, dont la complexité des règles d’attribution de l’aide financière a rebuté les employeurs. Entre mars 2013 et le 31 mai 2014, seules 21 370 demandes d’aide ont été acceptées. Force est donc de constater que les objectifs initiaux du Gouvernement d’accorder 100 000 aides financières par an sont pour l’heure hors d’atteinte.
Pis, le Gouvernement a derechef revu à la baisse ses prévisions pour 2014, réduisant de 33 305 à 20 000 les aides financières. Le contrat de génération est-il condamné à péricliter, ou bien le Gouvernement souhaite-t-il demander aux partenaires sociaux d’assouplir les règles d’attribution de l’aide ?
Le deuxième motif d’insatisfaction concerne les nombreuses zones d’ombre du budget.
Par le décret du 13 octobre 2014, l’État s’est engagé à prendre en charge le différé des indemnisations pour les intermittents du spectacle institué par la nouvelle convention assurance chômage. L’UNEDIC estime que ce différé représente 70 millions d’euros en 2015, mais aucun crédit n’est prévu à cet effet dans le budget.
Par ailleurs, l’article 62 du projet de loi de finances pour 2015 impose à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, et au Fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, une contribution annuelle de 29 millions d’euros pendant trois ans pour financer des contrats aidés.
Mais le Gouvernement n’a pas été en mesure de garantir le fléchage de ces fonds vers le financement des contrats à destination exclusive des personnes handicapées. J’espère, monsieur le ministre, que vous nous apporterez aujourd’hui des assurances sur l’utilisation de ces contributions.
Enfin, je regrette les hésitations du Gouvernement en matière d’apprentissage, car elles contribuent, selon moi, aux graves difficultés que traverse actuellement cette formation en alternance.
La prime de 1 000 euros, instituée par l’article 63 du projet de loi de finances pour 2015, vise à encourager les entreprises de moins de 250 salariés à recruter des apprentis, mais les règles retenues sont trop complexes et sa portée est très limitée. Surtout, sa création intervient un an à peine après la réforme très contestée des indemnités compensatrices forfaitaires.
Le compte d’affectation spéciale, profondément remanié, ne peut pas, à lui seul, pallier l’absence de pilotage au niveau national de l’apprentissage. Un consensus existe sur la nécessité d’imaginer de nouvelles relations entre les régions et l’État, en particulier le ministère de l’éducation nationale, pour faire de l’apprentissage une filière d’excellence, pleinement reconnue et capable de lutter massivement contre le chômage qui frappe les plus jeunes de nos concitoyens.
C’est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l’adoption tant des articles 62 et 63 rattachés que du compte d’affectation spéciale relatif à l’apprentissage. Elle avait également donné un avis défavorable à l’adoption en l’état des crédits de la mission « Travail et emploi » ; mais dès lors que la commission des finances propose d’en modifier l’équilibre, je voterai à titre personnel les crédits de cette mission, sous réserve de l’adoption de l’amendement précité du rapporteur général. §
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Le Gouvernement, quant à lui, dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Claude Kern.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il est une politique qui se juge à ses résultats, c’est bien celle du travail est de l’emploi.
Alors, ces résultats, quels sont-ils ?
Le ministre du travail a eu l’honnêteté de tordre le cou au mythe de l’inversion de la courbe du chômage. Nos rapporteurs l’ont rappelé : fin septembre 2014, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A dépassait 3, 4 millions. En 2015, selon le Bureau international du travail, les chômeurs représenteront plus de 10 % de la population active française. En outre, la progression annuelle du chômage est de 4, 3 %.
Or, dans le même temps, les crédits de la mission « Travail et emploi » ne progressent pas de 4, 3 %, tant s’en faut, puisqu’ils diminuent globalement de 3 % ! C’est un drôle de signal que vous adressez là à nos concitoyens, monsieur le ministre !
Mon intervention se concentrera sur le programme 102 « Accès et retour à l’emploi », premier programme de la mission « Travail et empli », qui représente plus de 70 % de ses crédits. Malheureusement, l’analyse de ce programme révèle une politique de l’emploi sans cap ni cohérence.
Après l’échec des certitudes et des recettes du début du quinquennat, le Gouvernement ne semble plus savoir à quel saint se vouer. Les résultats, ce sont de mauvais choix mollement confirmés et de bonnes directions à peine esquissées. C’est un peu comme le tango, deux pas en avant, un pas en arrière !
La situation est particulièrement caricaturale en matière de contrats aidés. Dans le secteur non marchand, ces contrats ne sont pas ou peu générateurs d’emplois durables. La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, ou DARES, l’a encore confirmé récemment. Pourtant, nous n’avions cessé de le répéter lors de la création des emplois d’avenir.
Or qu’observe-t-on sur les contrats aidés dans la mission « Travail et emploi » pour 2015 ? Certes, les contrats aidés réservés à l’emploi non marchand sont en reflux, puisque l’enveloppe initialement prévue reposait sur une projection de 270 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CAE, contre 350 00 en 2014 et 432 000 en 2013 ; par ailleurs, les contrats aidés réservés au secteur marchand sont en nette augmentation, puisque l’on passe de 50 000 nouveaux contrats initiative emploi, les CIE, en 2013 et en 2014 à 80 000 en 2015. Pour autant, ces derniers demeurent très minoritaires par rapport aux premiers, alors même que le taux d’insertion dans l’emploi à l’issue d’un CIE est le double de celui que l’on observe à l’issue d’un CAE.
De surcroît, l’Assemblée nationale a freiné la tendance vertueuse au recentrement du dispositif sur le secteur marchand en créant 45 000 nouveaux contrats aidés pour le secteur non marchand. Vous comprendrez donc que nous soutiendrons l’amendement visant à revenir sur cette mesure.
L’absence de cap de la politique de l’emploi se traduit très logiquement par l’émiettement de ses structures.
Entre Pôle emploi, les permanences d’accueil, d’information et d’orientation, les missions locales pilotées par l’État, les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi et les maisons de l’emploi, plus personne ne s’y retrouve, les publics concernés encore moins que les autres !
À titre d’exemple, les jeunes demandeurs d’emploi de mon territoire doivent se rendre dans la banlieue strasbourgeoise pour aller à Pôle emploi, ce qui représente un déplacement de vingt kilomètres vers le sud, et, dans l’autre sens, à Haguenau, à huit kilomètres, pour la mission locale. Pourtant, il y a un Pôle emploi à Haguenau, mais ils n’y ont pas accès !
Il faut coordonner et décentraliser, en un mot régionaliser, pour se rapprocher des bassins d’emploi. Nous tâcherons d’orienter en ce sens le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou projet « NOTRe ». La région doit se voir confier la responsabilité des politiques de parcours vers l’emploi, ce qui suppose qu’elle pilote, en associant les partenaires sociaux, les opérateurs de service public de l’emploi – en particulier Pôle emploi qui, malgré ses efforts, ne peut mener à bien, en l’absence d’une telle réforme, sa mission de manière satisfaisante.
Dans cette régionalisation de nos politiques de l’emploi, j’inclus les maisons de l’emploi, dont le traitement par le présent projet de loi de finances est très inquiétant. Ce dernier pourrait en effet parachever leur asphyxie programmée, alors qu’elles ont fait la preuve de leur utilité. En effet, depuis leur création par le plan de cohésion sociale, en 2005, les maisons de l’emploi n’ont cessé de voir leurs crédits restreints. En 2012, ils ont été réduits de 20 % d’un coup. De nombreuses maisons de l’emploi ont dû licencier – un comble ! – et une quinzaine ont fermé.
Vous vous plaignez qu’il y ait trop de structures, donc pourquoi maintenir celles-là ?
Les maisons de l’emploi sont sous-financées. Elles réclamaient déjà 15 millions d’euros l’année dernière. Aujourd’hui, on nous explique que leurs crédits sont sanctuarisés à hauteur de 26 millions d’euros. En réalité, c’est la sous-dotation qui est sanctuarisée.
Plus grave encore, les financements complémentaires des maisons de l’emploi sont menacés. En 2014, ces maisons ont reçu 4 millions d'euros dans le cadre des contrats de projets État-région. Cela sera-t-il également le cas en 2015 ? Il semblerait que non. Les maisons de l’emploi ont surtout survécu grâce à une rallonge de 10 millions d’euros au titre d’appels à projets de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou GPEC, territoriale. Ces 10 millions d'euros ne sont pas reconduits. Si l’État ne veut plus soutenir ces structures, il doit le dire. En attendant, nous sommes favorables aux amendements visant à augmenter les crédits des maisons de l’emploi.
La nécessaire régionalisation des politiques de l’emploi va de pair avec celle de la formation professionnelle. Voilà qui me permet, pour conclure, d’élargir mon propos. Les crédits de la mission « Travail et emploi » ne sont absolument pas représentatifs de l’effort de la nation contre le chômage. À côté de ces 11 milliards d’euros, la politique de l’emploi, ce sont les 20 milliards d’euros de dépenses fiscales, crédit d’impôt compétitivité emploi, ou CICE, compris, les 36 milliards d’euros d’allégements de charges et les 32 milliards d’euros de la formation professionnelle. C’est aussi, encore plus fondamentalement, toute la politique économique de la nation. Il n’y a pas de meilleure politique de l’emploi qu’une politique de la croissance.
Au regard de ces grandes masses, la mission « Travail et emploi » est un paquet de rustines. C’est bien sûr à ce niveau fondamental que le bât blesse vraiment. Une politique de l’emploi plus efficace ajusterait le marché du travail du côté tant de l’offre que de la demande. Du côté de l’offre, cela passe par l’assouplissement du droit du travail, engagé avec les accords de sécurisation de l’emploi, que nous avons soutenus, mais aussi par un choc de compétitivité, que nous ne voyons, quant à lui, pas venir. Si le Gouvernement a certes bien accentué les allégements de charges, nous sommes encore loin du compte, puisque c’est la totalité du financement des branches santé et famille qu’il faudrait parvenir à fiscaliser.
Du côté des demandeurs d’emploi, la réforme clef est bien entendu celle de la formation professionnelle, et plus particulièrement de l’apprentissage, cher au groupe UDI-UC, qu’il faut relancer et développer. Nous ne pouvons que déplorer le rendez-vous manqué de la loi du 5 mars dernier, qui n’a pas permis de réorienter les moyens de la formation professionnelle vers les chômeurs et les travailleurs peu qualifiés.
En attendant qu’une telle politique soit mise en œuvre, le groupe UDI-UC votera les crédits de la mission « Travail et emploi » sous réserve de l’adoption des amendements visant à corriger les crédits des contrats aidés et des maisons de l’emploi.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, cela a été dit, le budget alloué à la mission « Travail et emploi » reste globalement stable par rapport à la loi de finances pour 2014, avec une baisse de seulement 3 %. Il s’établit ainsi à 11, 2 milliards d’euros.
Nous pourrions passer de longs moments à commenter la légitimité de ce montant, que ce soit en souhaitant que plus de moyens soient alloués à la mission afin de faire face à la montée du nombre de chômeurs, ou en donnant la priorité à la réduction des déficits. En ce qui me concerne, je centrerai mon propos sur la politique de l’emploi menée actuellement.
Pôle emploi est un acteur incontournable. Chargée de l’indemnisation des chômeurs, mais aussi du retour de ces derniers dans l’emploi, cette institution doit être un levier important des politiques publiques conduites en la matière. Or, depuis quelques mois, la parole gouvernementale au sujet de Pôle emploi est focalisée sur un seul axe : le contrôle accru des chômeurs.
Monsieur le ministre, vous ne verrez pas de haine à la commissure de mes lèvres, …
Oui, votre communication m’a déçu. Le 2 septembre, vous avez déclaré que vous alliez demander à Pôle emploi de « renforcer les contrôles pour être sûr que les gens cherchent bien un emploi ». Cette mission nécessite, selon vous, un « état d’esprit différent, des convocations et des vérifications [...]. Sinon on est radié. » Pour justifier ce renforcement des contrôles, vous dressez le constat que, en France, 350 000 emplois ne trouvent pas preneur.
D’où ma double déception, monsieur le ministre. Il se trouve que, en prévision du débat que nous avons eu dans cet hémicycle le 12 juin dernier, j’avais mené des auditions avec des représentants des syndicats, des organisations patronales, des mouvements de chômeurs et de Pôle emploi. Il était ressorti de ces auditions que les causes des difficultés à pourvoir certains emplois étaient multiples : le contexte économique, qui peut empêcher une entreprise de mener à terme un processus de recrutement, l’image du poste ou de la filière, qui peut rebuter les candidats, les conditions de travail, le salaire ou encore des compétences qui ne correspondent pas au poste.
Monsieur le ministre, au cours du débat, je vous avais parlé des maçons. On entend partout que l’on ne peut trouver de maçon. Or, en me rendant sur le site de Pôle emploi, j’avais constaté qu’il y avait énormément de demandes d’emploi de maçon un peu partout en France. Je vous avais même indiqué le chiffre dans votre département. J’espère que vous avez résolu le problème.
Étaient-ce des annonces dépassées ? Le problème est-il résolu ? Peut-être considérez-vous que, les départements n’ayant plus les moyens d’investir, ce n’est pas la peine de recruter des maçons, car ils ne seront pas utilisés… Avez-vous avancé, monsieur le ministre ?
Normalement, un débat doit permettre d’engager une politique.
Je vous ai dit à l’époque qu’il nous manquait un tableau de bord, un GPS, pour identifier précisément la contribution de chacune des causes au total des emplois non pourvus et ainsi déterminer les besoins de formation. Nous en étions incapables. J’ignore si nous en sommes davantage capables aujourd'hui. Vous consacrerez certainement quelques secondes de votre intervention de vingt minutes à ce sujet...
Il est faux de dire qu’un renforcement des contrôles au sein de Pôle emploi permettra de pourvoir les postes plus efficacement. Cette vision que vous avez introduite – vous le regrettez peut-être – a pour seuls effets de stigmatiser encore plus les chômeurs en renforçant le mythe de l’assistanat, de compliquer leur recherche d’emploi en multipliant les procédures et de les fragiliser encore plus en faisant planer la menace d’une radiation. Qui peut croire que le problème du chômage sera résolu par la seule volonté du chômeur de retrouver un emploi, comme si ce problème ne dépendait pas de facteurs économiques ?
Qui sont réellement les chômeurs visés par les procédures de radiation ? De juin 2013 à octobre 2014, une expérimentation sur le contrôle des chômeurs a été menée au sein de Pôle emploi. Au-delà des pourcentages bruts de radiation, qui ont été largement repris dans la presse et ne veulent pas dire grand-chose, il convient de se pencher sur la situation des chômeurs radiés. On s’aperçoit que 63 % des sanctions concernent des demandeurs d’emploi ayant une ancienneté d’inscription à Pôle emploi de plus de un an. On s’aperçoit aussi que 55 % des personnes radiées sont en fin de droits et ne touchent donc plus d’indemnités. Ces chiffres sont symptomatiques d’une véritable détresse, d’un découragement contre lequel on ne peut pas lutter avec des contrôles renforcés.
De l’autre côté du marché de l’emploi, les entreprises, qui ont reçu près de 20 milliards d’euros grâce au CICE, n’ont, quant à elles, aucune obligation de recrutement, et aucun contrôle n’est effectué en brandissant la menace d’une suppression des aides. Je n’ai pas le temps de m’attarder sur le CICE ; je me contente donc de souligner que, à nos yeux, une véritable politique créatrice d’emplois implique la conditionnalité de chaque euro d’argent public versé aux entreprises. Les aides, ciblées, doivent servir uniquement à créer des emplois stables, en contrat de travail à durée indéterminée, ou CDI, et si possible dans des secteurs d’avenir.
Vous n’avez pas repris le principe de la conditionnalité des aides, monsieur le ministre. Nous avons du mal à comprendre quelles sont vos priorités. C'est pourquoi nous nous abstiendrons lors du vote sur les crédits de cette mission.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, publiées cette semaine, le taux de chômage en France devrait passer à 10, 1 % fin 2015, avant une légère baisse à 10 % fin 2016.
Bien évidemment, personne ne se satisfait de ces prévisions. Néanmoins, le chiffre record de 3, 43 millions de demandeurs d’emploi en 2014 est le résultat de l’échec des politiques menées par les gouvernements successifs. Pourtant, les crédits de la mission « Travail et emploi » diminueront de 13, 8 % entre 2014 et 2017, ce qui représente 1, 5 milliard d’euros de moins en quatre ans, alors que ce budget aurait dû être à la hauteur des enjeux pour les millions de femmes et d’hommes en situation précaire et privés d’emplois.
Les crédits en faveur de l’accès et du retour à l’emploi sont en baisse. Le Gouvernement anticiperait d’éventuels effets positifs sur l’emploi du pacte de responsabilité et du CICE. Il va sans dire que le groupe CRC aurait préféré que le Gouvernement attende que l’impact de ces dispositifs sur l’emploi soit effectif et avéré pour réduire la dotation de certaines mesures de retour à l’emploi.
Si nous savons que vous partagez notre souci de lutter contre le chômage, monsieur le ministre, nous pensons que le pacte de responsabilité et le CICE, que vous avez mis en place, ne sont pas les bonnes solutions. En effet, ces mesures sont coûteuses et n’ont jamais prouvé leur efficacité pour créer de l’emploi. Bien au contraire : dans son rapport sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, Michelle Demessine dénonce la course sans fin à la baisse des salaires et le manque de développement des entreprises, de l’emploi et des qualifications.
Il paraît également nécessaire de conditionner les aides perçues par les entreprises à une véritable création d’emplois. Nous regrettons fortement de ne disposer d’aucun chiffre à ce sujet. Les sénatrices et sénateurs du groupe CRC se sont adressés au préfet de leur département pour obtenir des informations, mais ils ont reçu une fin de non-recevoir. Monsieur le ministre, cela n’est pas acceptable : la représentation nationale est en droit de disposer de ces informations.
Porter une politique d’emploi ambitieuse, c’est tout d’abord se préoccuper des jeunes. Ils sont notre avenir, et nous avons le devoir de leur offrir des perspectives et de leur permettre de s’insérer durablement sur le marché du travail. Or les dispositifs temporaires et précaires que vous souhaitez pérenniser ne constituent pas la réponse à ces impératifs. Actuellement, seuls 10 % des emplois d’avenir débouchent sur un CDI, les 90 % restants débouchant sur un contrat de travail à durée déterminée, ou CDD. Les dispositifs précaires que sont les contrats de génération, les emplois d’avenir et la « garantie jeunes » ne permettent pas l’insertion professionnelle durable des jeunes, qui est pourtant la seule réponse ambitieuse à nos yeux.
Porter une politique d’emploi ambitieuse, c’est aussi anticiper et accompagner les conséquences des mutations économiques et le développement de l’emploi. Or les crédits consacrés à ces enjeux ont diminué de 22, 5 % par rapport à 2014. Vous expliquez cette baisse par le transfert de la politique de formation professionnelle aux régions, mais aussi par les mauvais résultats du contrat de génération : alors que vous tabliez sur 100 000 aides au titre de ce contrat, il y en aura seulement 46 800, soit environ la moitié.
De même, les crédits alloués à la GPEC sont en forte baisse. Or les évolutions du marché du travail et les tensions qu’elles génèrent nécessitent d’être anticipées afin que les salariés puissent être formés. Les dispositifs de GPEC et d’engagement de développement de l’emploi et des compétences, ou EDEC, sont donc indispensables, notamment pour les seniors, et doivent être renforcés. Une politique ambitieuse aurait fait le choix de maintenir ces crédits et de les transférer à ces missions, plutôt que de les supprimer.
D’autres mesures de votre budget, monsieur le ministre, ne vont pas dans le sens d’une véritable ambition pour l’emploi.
Je pense notamment aux maisons de l’emploi et de la formation, qui doivent bénéficier de moyens à la hauteur des enjeux pour mener à bien leurs missions. Or elles subissent une réduction drastique de leurs crédits depuis la loi de finances pour 2014.
Ces structures sont pourtant au cœur des dispositifs territoriaux et disposent d’une expertise importante en matière d’emploi et de formation. Il importe de pérenniser leurs financements pour leur permettre de travailler sur le long terme. Nous y reviendrons dans le débat avec les amendements déposés, notamment celui de notre collègue Jean-Pierre Godefroy.
Je pense encore aux services de Pôle emploi et des missions locales, qui doivent fonctionner à budget constant alors que de nouvelles responsabilités leur sont constamment confiées. Ainsi, comme en 2014, les missions locales doivent non seulement ouvrir 50 000 nouveaux contrats, mais elles ont également un stock de plus de 150 000 contrats à gérer. Il en est de même pour Pôle emploi, qui, après des baisses d’effectif continues, doit dorénavant renforcer le contrôle des chômeurs, mesure que nous contestons par ailleurs, mais qui figure bien dans ses nouvelles attributions.
Par ailleurs, monsieur le ministre, comme M. le rapporteur pour avis l’a rappelé, ce budget est la consécration de la suppression des élections prud’homales, puisqu’il affiche 100 millions d’euros sur cinq ans en moins comme résultat de cette suppression. Nous sommes ici même intervenus avec force pour refuser cette suppression et nous constatons que ce recul démocratique permet surtout de réaliser de petites économies sur le budget, mais avec des conséquences néfastes très importantes sur les droits des salariés, ce que nous ne pouvons accepter.
Enfin, cette mission « Travail et emploi » comporte deux articles additionnels. En premier lieu, l’article 62 prévoit une contribution de l’AGEFIPH au financement des contrats aidés, à hauteur de 29 millions d’euros. Sachant qu’il y a 423 000 personnes handicapées privées d’emploi, il est malvenu de priver l’AGEFIPH d’une partie de ces ressources, surtout que ces dernières proviennent de l’inobservation, par les entreprises, de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés. Il est donc logique et nécessaire que cette contribution revienne à ces personnes, et tout particulièrement à leur insertion durable sur le marché du travail.
L’article 63, quant à lui, concerne l’apprentissage. Il a été introduit par vous, monsieur le ministre, en séance publique, alors que ce sujet appelait une réflexion globale, notamment sur la place de l’État en matière d’apprentissage, sur un véritable statut de l’apprenti, ou encore sur la rémunération de ces jeunes en fonction du diplôme préparé. Vous souhaitez parvenir à 500 000 apprentis à l’horizon 2017. Chiche ! Seulement, vous ne pouvez conditionner éternellement cette réflexion à une hypothétique concertation au niveau interprofessionnel.
Pour l’ensemble de ces raisons, vous l’aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC considère que les crédits de la mission « Travail et emploi » sont largement insuffisants, ce qui nous conduira à voter contre.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme tous les gouvernements depuis vingt ans, le gouvernement de M. Valls a annoncé urbi et orbi que la politique de l’emploi serait sa priorité, et le Président de la République, comme ses prédécesseurs, nous promet pour chaque fin d’année l’inversion de la courbe du chômage. Nous partageons bien évidemment ces objectifs.
Il faut reconnaître que certains dispositifs pourraient aller dans le bon sens : les contrats de génération, le développement de l’apprentissage en mixant l’école et l’entreprise, l’aide pour l’emploi des personnes handicapées en encourageant leur recrutement.
Malheureusement, un grand nombre de choix politiques, notamment en matière économique, rendent ces actions inefficaces, voire contre-productives. Soyons clairs : les 11 milliards d’euros dédiés à cette mission « Travail et emploi » ne régleront pas la question de l’emploi, ou plutôt du chômage en France. Pis, ces milliards n’empêcheront sans doute même pas la dégradation du marché de l’emploi, car, pour cela, il faudrait changer de modèle.
C’est par un retour à une véritable politique économique nationale, fondée sur un protectionnisme intelligent, que nous pourrons retrouver le chemin de la croissance, et donc de l’emploi. Or notre pays n’a pratiquement plus de leviers pour atteindre ses objectifs économiques : vous les avez tous transférés, mes chers collègues, aux bureaucrates de Bruxelles !
Souverainetés monétaire, budgétaire, migratoire, diplomatique et même militaire : vous avez abandonné, par idéologie, l’ensemble de nos moyens d’action, de nos capacités à agir par et pour nous-mêmes, à des organisations supranationales, antidémocratiques, car non élues, appliquant avec zèle les dogmes de l’euromondialisme.
Aujourd’hui, devant le désastre économique, social, et surtout humain, vous en êtes réduits à attendre notre salut de Jean-Claude Juncker et ses quelque 21 milliards d’euros, qu’il transforme, par la force de la salive, en un pactole illusoire de 315 milliards d’euros. Il s’agit bel et bien d’un écran de fumée pour tenter de sauver – pour combien de temps encore ? – votre système aujourd’hui à bout de souffle.
À ce protectionnisme intelligent, à ce rejet de la concurrence déloyale venue de l’extérieur, une mesure de bon sens, de bon père de famille, qu’est la priorité nationale permettrait, à compétences égales, de faire bénéficier nos compatriotes d’abord des emplois dont ils ont besoin et dont ils sont scandaleusement privés par une concurrence déloyale venue, si j’ose dire, de l’intérieur.
À la politique d’immigration massive exigée par le grand patronat et exécutée depuis quarante ans par les gouvernements tant de droite que de gauche, l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy a ajouté, comme une double peine, la politique d’immigration choisie, laquelle place désormais nos compatriotes les plus diplômés dans une compétition intenable. Les étrangers diplômés acceptant de travailler pour un salaire au rabais, l’immigration choisie entraîne un phénomène d’émigration de nos élites vers le continent nord-américain, la Grande-Bretagne, ou encore l’Australie.
Protectionnisme intelligent et priorité nationale sont aujourd’hui des mesures de justice sociale et de véritables moteurs pour la création d’emplois.
Enfin, il apparaît franchement, au-delà du contexte économique, qu’il est plus que temps de remettre totalement à plat le mode de représentation actuel des salariés. Outre les abus, dont la presse se fait l’écho, ou, plus grave, les malversations, aujourd’hui sous le regard de la justice, qu’il entraîne, il est clair que ce monopole de représentativité, qui n’est plus justifié, conduit à une défense faussée des intérêts salariaux et empêche toute réforme en profondeur.
Pour conclure, je dirai que, une nouvelle fois, vous vous contentez d’ajustements à la marge, sans entreprendre de réformes de fond. Ce n’est pas ainsi que vous allez redonner à chacun de nos compatriotes cet emploi qui leur permettrait de participer pleinement à la vie de la cité.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on aurait pu s’attendre à ce que la mission « Travail et emploi » bénéficie d’un effort exceptionnel au vu de la situation dramatique de l’emploi en France, constat qui a été corroboré, hier encore, par la publication des chiffres du chômage du mois dernier. On aurait aussi pu s’attendre à ce que les réformes structurelles soient enfin engagées. Il n’en est rien !
Les crédits de la mission, tels qu’ils étaient prévus dans le projet de loi de finances initial, s’établissaient à un peu plus de 11 milliards d’euros, en baisse de 3 % par rapport à 2014, soit une perte de 1, 6 milliard d’euros sur trois années. Certes, l’Assemblée nationale a modifié ces crédits, mais le texte que vous avez présenté révèle votre intention initiale réelle.
La réduction des crédits s’explique non pas seulement par le souci de redressement des finances publiques, mais aussi par la confiance que le Gouvernement place dans les retombées de sa politique économique, comme il est expliqué dans la présentation budgétaire : le pacte de responsabilité et de solidarité doit conduire à relancer la croissance et l’emploi.
Hélas ! les effets du pacte ne sont pas vraiment prévisibles et, de toute façon, ne se feront sentir qu’en 2016. En outre, son financement n’est pas clairement fléché et va peser sur le déficit public.
Il faut craindre qu’une nouvelle fois le chef de l’État ne soit dans le déni, comme il l’était déjà lorsqu’il répétait régulièrement la fameuse et dorénavant célèbre promesse sur «l’inversion de la courbe du chômage ».
Par ailleurs, alors que l’on constate une baisse globale des crédits de la mission, le Gouvernement choisit de cibler une augmentation de certaines aides, mais ces postes ne sont pas forcément ceux que l’on espérait, puisque le quart de la mission « Travail et emploi » concerne les contrats aidés. Qui plus est, ce sont les contrats aidés du secteur non marchand qui ont été priorisés.
On connaît pourtant l’inefficacité de ces contrats en période de crise et de déficit public, car ils ne débouchent pas, ou peu, sur des emplois pérennes. C’est le secteur privé qui offre non seulement des débouchés aux contrats aidés, mais également des statuts moins précaires. Je crois, monsieur le ministre, que vous en êtes convaincu.
Les études sur le sujet sont unanimes : pour parvenir à une insertion durable, les contrats aidés doivent à la fois assurer une formation exigeante et être créés dans des secteurs pourvoyeurs d’emplois.
J’aurais pu évoquer les rapports de la Cour des comptes ou du Conseil d’analyse économique, mais je m’en tiendrai au dernier bilan de la DARES sur les contrats aidés conclus en 2012 : six mois après la fin de leur contrat, 66 % des personnes sorties d’un contrat d’insertion du secteur marchand avaient un emploi, généralement conclu en CDI. Elles étaient seulement 36 % dans le secteur non marchand. En outre, ce taux descend à 22 % pour l’accès à un emploi durable.
Souvenons-nous des débats sur les emplois d’avenir. Notre groupe dénonçait déjà la politique à court terme du Gouvernement. La suite nous a donné raison, les collectivités peinant à créer des postes, ou se heurtant au manque de qualification des demandeurs.
Le seul effet sur le chômage a été de pouvoir sortir des chiffres de Pôle emploi les personnes en contrat d’accompagnement dans l’emploi, en emploi d’avenir ou en contrat de génération.
Pourtant, le PLF pour 2015 a prévu le financement de 80 000 contrats dans le secteur marchand, contre 270 000 dans le secteur non marchand. L’Assemblée nationale a même accentué ce déséquilibre en adoptant un amendement tendant à créer 45 000 contrats supplémentaires : 30 000 postes dans le secteur non marchand et 15 000 emplois d’avenir, eux-mêmes orientés vers le secteur non marchand.
Une telle augmentation des crédits est étonnante : nous ne savons aucunement à quoi ils correspondent, en tout cas pas à des besoins réels, et ils viennent creuser un peu plus le déficit public. Ils sont avant tout le reflet d’une idéologie, dont les tenants se refusent à admettre que ce sont les entreprises qui sont facteurs à la fois de richesse et d’emplois dans un pays. Néanmoins, comme le Gouvernement ne s’y est pas opposé, on peut même penser qu’il est à l’origine de cette initiative ! Courage, fuyons !
Nous dénonçons aujourd’hui ces incohérences en déposant des amendements visant à revenir sur cette décision des députés et sur le montant des crédits consacrés aux contrats aidés du secteur non marchand.
J’ajouterai que les contrats aidés de cette législature n’ont pas rempli leur fonction de formation, condition pourtant essentielle pour parvenir à insérer dans le marché du travail des personnes ayant une faible qualification.
La même étude de la DARES souligne en effet que, malgré le renforcement des exigences en matière d’accompagnement et de formation dans le cadre du contrat unique d’insertion, seulement un tiers des sortants déclarent avoir suivi une formation. Et encore, celle-ci ne représente souvent qu’une simple adaptation au poste de travail. Les dispositifs des contrats d’insertion et des emplois d’avenir sont donc manifestement à revoir.
Coûteux, ils n’ont pas empêché le chômage de grimper à 9, 7 % au deuxième trimestre 2014, comme l’ont révélé les derniers chiffres rendus publics hier. Depuis un an, le chômage n’a donc pas cessé d’augmenter.
Les fonds publics auraient été mieux employés à traiter les causes du chômage. Comme je viens de le souligner, l’une d’elles est souvent l’absence ou l’insuffisance de qualification, spécialement concernant les jeunes, pourtant déclarés publics prioritaires de cette mission. Or, selon le Conseil d’analyse économique, l’enseignement professionnel par l’alternance est encore trop peu développé et trop difficile d’accès pour les jeunes non qualifiés.
Certes, dans ce projet de loi de finances, une prime de 1 000 euros est accordée aux employeurs d’apprentis. Cette prime, d’abord réservée aux très petites entreprises, les TPE, a heureusement été étendue aux entreprises de moins de 250 salariés.
Mais il ne faut pas oublier que cette prime a été créée l’année dernière pour compenser, très partiellement, une mesure désastreuse prise dans le projet de loi de finances pour 2014, comme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales l’a bien rappelé : la division par deux du crédit d’impôt apprentissage.
Malgré un discours favorable à l’apprentissage, le chef de l’État s’est désengagé et n’a fait que mener une politique de stop and go dans le but de réaliser des économies et de financer les contrats aidés du secteur non marchand, ce qui a eu des effets déplorables.
Ces signaux contradictoires sont une des causes essentielles de la désaffection des entrepreneurs pour la prise en charge d’apprentis, ce qui est tout à fait regrettable. De ce fait, l’apprentissage a plongé de 8 % entre 2012 et 2013 et de 14 % depuis le début de l’année 2014. J’espère qu’un rebond se produira. Si le Gouvernement a heureusement revu sa copie, je regrette le caractère tardif de ce repentir qui, de toute façon, ne vient pas rétablir le montant initial des incitations.
Décidément, le Gouvernement fait appel à des économistes, mais il a du mal à suivre leurs avis ! Il est vrai que ceux-ci viennent contredire la plupart du temps les principes idéologiques de la majorité : je pense notamment au coût du travail, aux 35 heures, à la flexibilité – sur laquelle un rapport a été remis hier – et, surtout, à notre système éducatif. Vous comprendrez que, dans ces conditions, notre groupe ne votera pas les crédits de la mission, qui reproduisent les mêmes erreurs, à moins que nos amendements ne soient adoptés.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » traduit une fois de plus l’engagement du Président de la République et du Gouvernement de faire de la lutte contre le chômage une priorité. En effet, en cette période de forte contrainte budgétaire, le budget reste globalement stable, puisqu’il diminue seulement de 3 %.
Avec les emplois d’avenir, le pacte de compétitivité, les accords sur la sécurisation de l’emploi, la création de la Banque publique d’investissement et le contrat générationnel, le Gouvernement témoigne de sa volonté de faire de la lutte contre le chômage et la précarité sa priorité. Il a démontré son engagement fort en faveur de l’emploi. Nous ne devons pas oublier que les crédits destinés au travail et à l’emploi depuis 2012 sont plus élevés qu’auparavant.
Je me félicite de la mobilisation en faveur de l’accès et du retour à l’emploi, illustrée par le programme 102 qui regroupe les deux tiers des crédits de la mission. Les crédits destinés à ce programme sont en progression de 3, 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Ainsi, 50 000 contrats aidés seront créés en 2015 et 15 millions d’euros sont destinés à renforcer les moyens des missions locales qui suivent les jeunes.
Les contrats aidés sont donc confortés avec 270 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi, 80 000 contrats d’insertion dans l’emploi, soit un doublement par rapport à 2014. Le Gouvernement poursuivra également son effort en faveur des contrats de génération.
Je tiens à souligner ici l’importance des contrats aidés dans le secteur marchand et salue le choix du Gouvernement qui, dans ce projet de loi de finances pour 2015, a décidé de donner plus de poids aux contrats aidés dans ce secteur. Selon une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, six mois après la fin de leur contrat, 66 % des personnes sorties d’un contrat unique d’insertion dans le secteur marchand ont un emploi, contre seulement 36 % des personnes sorties d’un contrat aidé du secteur non marchand.
Comme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, M. Forissier, je déplore que, dans les 45 000 contrats aidés supplémentaires prévus par un amendement adopté par l’Assemblée nationale, il n’ait pas été envisagé de contrats aidés supplémentaires dans le secteur marchand, car il est essentiel de poursuivre la dynamique engagée dans ce secteur afin de soutenir les petites entreprises.
Je me réjouis par ailleurs des mesures en faveur des personnes handicapées qui seront financées à hauteur de 350 millions d’euros, soit 13 millions d’euros de plus qu’en 2014.
Face au chômage persistant, il était impératif que le soutien de l’État à Pôle emploi demeure inchangé. Avec des crédits d’un montant de 1, 519 milliard d’euros et l’embauche de 4 000 salariés supplémentaires en contrat à durée indéterminée, les moyens de Pôle emploi seront ainsi renforcés.
J’en profite pour souligner l’importance que revêt pour notre pays la nécessité de refonder les modalités de pilotage des politiques de l’emploi.
Dans mon rapport intitulé Les collectivités territoriales et l’emploi : bilan d’un engagement, j’ai souligné les difficultés liées à la multiplication des acteurs dans les politiques de l’emploi menées au niveau des territoires. L’emploi mobilise un trop grand nombre d’acteurs : l’État, Pôle emploi, les partenaires sociaux, les chambres consulaires, les collectivités territoriales, etc. Le paysage institutionnel des politiques de l’emploi menées au niveau local est devenu un véritable maquis. Les demandeurs d’emploi y perdent leurs repères, ballottés au gré des évolutions législatives et institutionnelles. La multiplicité des acteurs sur le terrain est donc contre-productive et la volonté d’une simplification de ce paysage est largement partagée.
Nous devons renforcer la place des collectivités territoriales, ou de leurs groupements, dans la gouvernance de Pôle emploi. Il apparaît donc essentiel de refonder ces modalités de pilotage au niveau local, par exemple en en confiant la responsabilité aux régions et aux intercommunalités dépassant un certain seuil démographique : sur ce point, les régions ont un rôle important à jouer. Une simplification du cadre comptable et financier des structures regroupant plusieurs instances – maisons de l’emploi, plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, ou PLIE, missions locales – pourrait également être envisagée.
Aujourd’hui, des difficultés persistent au sein de Pôle emploi, qui n’arrive pas à répondre à l’ensemble de ses missions, notamment la collecte de l’ensemble des offres d’emploi. Les entreprises n’informent pas Pôle emploi de leurs besoins en ne transmettant pas leurs annonces, alors qu’environ 400 000 emplois restent non pourvus en France.
Il faut remédier, monsieur le ministre, aux difficultés rencontrées dans la collecte des offres, en imposant qu’un seul organisme centralise toutes les offres. Dans certaines régions, Pôle emploi a délégué sa mission d’accompagnement des entreprises de l’artisanat à la chambre des métiers et de l’artisanat, compte tenu de son insuffisante spécialisation dans ce domaine : il est essentiel de clarifier la répartition des rôles de chacun, de mieux les coordonner de manière à ajuster l’offre à la demande. Il s’agit surtout de mieux faire passer l’information auprès des demandeurs d’emploi. De plus, les passerelles entre l’entreprise et l’école ne sont pas suffisamment développées.
Dans mon rapport, j’avais également évoqué la possibilité de la création d’un livret ou d’une carte individuels, afin de faciliter l’échange de données relatives aux personnes à la recherche d’un emploi. Il est particulièrement pénible, pour les demandeurs d’emploi déjà en situation difficile, d’avoir à exposer les étapes de leur parcours à chaque rencontre avec un nouvel interlocuteur. Cette carte ou ce livret donnerait les informations nécessaires aux acteurs de l’emploi sur la formation ou les formations suivies par le demandeur d’emploi.
Pour finir, je salue les dernières avancées en matière d’apprentissage, grâce, entre autres, au financement de la prime de mille euros élargie à tout recrutement par les entreprises de moins de 250 salariés et à la consolidation des missions et des moyens des régions dont les ressources sont en augmentation.
Pour conclure, on a constaté dernièrement que le PIB de la France avait progressé de 0, 3 % au troisième trimestre 2014 selon l’INSEE, alors que la plupart des économistes étaient encore particulièrement pessimistes. Ce chiffre est incontestablement un encouragement à poursuivre la politique économique mise en œuvre par le Gouvernement…
Les crédits destinés à la mission « Travail et emploi » présentés aujourd’hui permettront de lutter contre le chômage, d’accompagner les personnes les plus en difficulté et de soutenir les dispositifs permettant l’accès et le retour à l’emploi.
C’est pourquoi nous voterons ce budget qui est en accord avec les priorités que s’est fixées Gouvernement : l’emploi et la lutte contre la précarité.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l’emploi pour 2015 s’élève à 11, 1 milliards d’euros, en très légère diminution par rapport à l’année dernière. Toutefois, cette baisse doit être relativisée, car elle intervient dans un contexte de fortes restrictions budgétaires qui méritait d’être rappelé. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, il s’agit de « faire beaucoup mieux avec à peu près autant qu’auparavant ». Nous n’avons pas le choix !
Pour autant, j’émettrai une réserve au sujet des maisons de l’emploi. Je regrette en effet que le projet de loi de finances pour 2015 ne prévoie qu’une enveloppe de 26 millions d’euros pour le fonctionnement de ces structures et que vous ne leur accordiez pas un financement spécifique complémentaire. Vous justifiez cette décision par le recentrage des missions de ces structures. En effet, leur nouveau cahier des charges ne prévoit plus que deux missions – le développement de l’anticipation des mutations économiques et le développement local de l’emploi – contre quatre initialement. Je crains toutefois que cette réduction ne mette en péril l’avenir de ces structures qui jouent un rôle essentiel de coordination entre les services de l’État, le service public de l’emploi, la région et les collectivités locales.
Monsieur le ministre, les effets de la crise qui affecte notre pays depuis 2008 sont dramatiques : plus de 3, 4 millions de Français sont à la recherche d’un travail et le nombre de chômeurs de longue durée s’est littéralement envolé.
Ce budget ne remet aucunement en cause la mobilisation du Gouvernement en faveur de l’emploi. Bien au contraire ! Il traduit la volonté qui est la vôtre et celle du Président de la République depuis plus de deux ans de lutter contre le chômage.
Monsieur le ministre, votre budget réaffirme la priorité accordée à l’emploi des jeunes. Je m’en félicite ! Avec la crise, le chômage des jeunes a en effet explosé et les moins qualifiés ont été les plus touchés. Aussi, je ne peux que saluer les efforts importants qui sont faits pour l’accompagnement des jeunes vers l’emploi. Je pense notamment aux emplois d’avenir qui s’adressent aux jeunes peu diplômés ayant des difficultés d’accès à l’emploi. L’objectif est de faciliter leur insertion professionnelle en leur proposant un emploi à temps plein de longue durée incluant un projet de formation. Ainsi, 94 633 emplois d’avenir ont été créés en 2013, 94 801 contrats devraient être conclus en 2014 et 50 000 contrats sont prévus pour 2015.
Je pense également à la « garantie jeunes », mise en place dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de janvier 2013. Cette mesure accompagne les jeunes les plus vulnérables pour les aider à se remettre dans la dynamique de l’emploi. Elle permet de leur redonner confiance en leur garantissant une allocation en contrepartie d’un parcours intensif pour les faire accéder à de premières expériences de formation ou d'activité professionnelle. Ce nouveau dispositif bénéficiera en 2015 de 148 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 133 millions d’euros en crédits de paiement. Je me réjouis, monsieur le ministre, que vous élargissiez ce dispositif qui ne bénéficie aujourd’hui qu’à quelques milliers de jeunes, car le bilan de l’expérimentation dans dix départements est en effet plutôt encourageant.
L’apprentissage, dont la réforme entrera en vigueur le 1er janvier 2015, est également un des leviers dans la lutte contre le chômage des jeunes. Vous avez d’ailleurs appelé à « une révolution intellectuelle » sur l’apprentissage et à une réhabilitation du travail manuel. Je ne peux qu’y souscrire, car cette voie est encore considérée en France comme dégradante ; conseillers d’orientation, parents et professeurs l’assimilent trop souvent à une voie de garage.
J’insiste sur ce point qui me tient à cœur. Il faut, dès l’école élémentaire, expliquer de façon positive l’évaluation et l’orientation et non pas brandir la menace d’une orientation vers l’enseignement technique en cas de mauvais résultats. Ce sera un beau travail transversal à réaliser en coordination avec Mme Najat Vallaud-Belkacem, monsieur le ministre !
Pourtant, l’apprentissage répond, à la fois, au besoin de qualification et d’insertion professionnelle des jeunes et à la demande des entreprises de recruter des salariés qualifiés. Surtout, 80 % des jeunes issus de l’apprentissage trouvent un emploi à l’issue de leurs années de formation. Ce système a d’ailleurs fait ses preuves chez nos voisins, notamment en Allemagne, en Suisse ou en Autriche.
Au-delà du dispositif d’aide aux employeurs d’apprentis, le Gouvernement a lancé une campagne de promotion de l’apprentissage. Je pense qu’il faut aller plus loin pour revaloriser son image et faire évoluer les mentalités. C’est une nécessité : en effet, selon un récent sondage, 56 % des jeunes interrogés jugent que les pouvoirs publics n’en font pas assez pour promouvoir l’apprentissage.
Monsieur le ministre, l’emploi est plus que jamais au cœur des préoccupations de nos concitoyens. La politique menée par le Gouvernement en la matière doit leur redonner confiance en l’avenir. C’est dans cet esprit que le RDSE votera, dans sa grande majorité, les crédits de la mission « Travail et emploi » tels qu’ils sont présentés par le Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de réduction importante de la dépense publique, la stabilité du budget de la mission « Travail et emploi » à 11, 1 milliards d’euros doit être considérée comme un marqueur fort de la volonté du Gouvernement de faire de la politique de l’emploi et de la lutte contre le chômage une priorité de son action.
Le panel de moyens d’action confortés ou mis en place dans ce budget se situe dans la réponse aux perspectives fixées par la Conférence sociale pour l’emploi de juillet 2014, qui fixait des ambitions renforcées en termes de relance de l’apprentissage, d’insertion des jeunes très désocialisés et de maintien dans l’emploi des seniors.
Il tient également compte de plusieurs avancées législatives récentes. Je pense, par exemple, à la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui met en place, à compter du 1er janvier 2015, le compte personnel de formation. Ce projet de budget intègre aussi la réforme des modes de financement des structures d’insertion par l’économique, entrée en vigueur en 2014, qui vise à simplifier, harmoniser et valoriser l’activité des structures d’insertion par l’activité économique, les SIAE, dans l’accompagnement des salariés et dans les résultats en termes de retour à l’emploi.
Quelques mots pour insister sur l’importance des mesures prises en direction de l’insertion par l’économique, qui a obtenu une revalorisation de 25 millions d’euros en 2014, et bénéficiera à nouveau de 18 millions d’euros supplémentaires en 2015 grâce à la mise en œuvre des nouvelles modalités de cofinancement arrêtées entre le ministère et le Conseil national de l’insertion par l’activité économique.
Avant d’examiner les propositions du programme 102 « Accès et retour à l’emploi », il n’est malheureusement pas inutile de rappeler l’environnement dans lequel elles interviennent. Nous avons eu connaissance hier des chiffres du chômage, qui recensent près de 3 500 000 chômeurs pour le mois d’octobre 2014. Le taux de chômage s’établit à 10, 2 %. Le nombre de chômeurs de longue durée est en augmentation, ce qui doit nous interroger – 2, 2 millions de chômeurs le sont depuis plus d’un an.
Notre pays, comme l’ensemble de la zone euro, dans laquelle le chômage atteint 11, 5 %, se trouve confronté à un chômage de masse qui a nécessité – vous le savez, monsieur le ministre, vous l’avez rappelé à plusieurs reprises – la concentration des efforts de l’État et de ses opérateurs pour trouver le plus rapidement possible une solution d’emploi, d’activité ou de formation à l’intention de nos concitoyens privés d’emploi.
Dans une période de croissance faible, l’intervention de l’État est plus que jamais indispensable. En effet, derrière ces données chiffrées brutes, il y a d’abord des réalités humaines difficiles, des situations sociales qui se détériorent et un risque de plus en plus grand d’un éloignement durable du marché du travail.
Le Gouvernement, parfaitement conscient de cette situation, concentre ses efforts sur l’amélioration de la qualité et de l’efficacité de son intervention pour faire en sorte, comme vous le dites régulièrement, que « chaque euro dépensé soit un euro utile à l’emploi ». Je crois que nous partageons tous ici cette conviction.
La jeunesse, priorité du quinquennat, a fait l’objet de mesures ciblées et renforcées au titre des propositions budgétaires pour 2015 : emplois d’avenir, relance de l’apprentissage, « garantie jeunes », insertion par l’activité économique. Elles ont permis, même si cette évolution demande à être amplifiée l’année prochaine, de faire reculer le chômage des moins de vingt-cinq ans. Je veux notamment me féliciter, comme ma collègue Françoise Laborde, de la montée en puissance de la « garantie jeunes ». L’expérience en cours sur dix territoires depuis fin 2013 apparaît positive et le dispositif, qui devrait s’étendre à 50 000 nouveaux jeunes en 2015, concernera de nouveaux territoires et mobilisera 100 millions d’euros supplémentaires l’année prochaine, dont 30 millions d’euros provenant de crédits européens.
Je ne reviendrai pas sur les différents programmes de la mission qui ont été largement évoqués par les orateurs précédents. Si nous devons collectivement nous féliciter de ces avancées positives sur la question du chômage des jeunes, j’aimerais attirer votre attention, mes chers collègues, sur le problème récurrent de l’emploi des seniors.
Les plus de cinquante ans sont en effet particulièrement touchés par le chômage dans notre pays, avec une augmentation de 11, 1 % en un an, chiffre qu’il faut mettre en perspective avec le recul de l’âge légal de la retraite et avec la difficulté renforcée, en période de tension du marché du travail, de retrouver un emploi après cinquante-cinq ans.
Je me réjouis que le Président de la République ait marqué très nettement son souci de faire évoluer la situation au cours de son émission télévisée du 8 novembre dernier, en évoquant à la fois une plus grande ouverture des contrats aidés en direction des seniors et en exprimant le souhait d’étendre l’allocation transitoire de solidarité, ou un dispositif équivalent, aux personnes nées entre 1954 et 1956 pour leur permettre, dès lors qu’elles bénéficieront du nombre de trimestres nécessaires, d’assurer une transition jusqu’à l’âge de la retraite.
Le budget qui nous est présenté aujourd’hui ne prend pas en compte la dimension de ces annonces du Président de la République et je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous en dire un peu plus sur la manière dont elles seront mises en œuvre et financées, et à quelle échéance elles pourront entrer en vigueur.
Pour conclure, je veux saluer l’engagement volontaire que manifeste le Gouvernement à travers les crédits de la mission « Travail et emploi », que nous voterons avec conviction.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.
Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j’ai écouté avec intérêt vos interventions, notant que certaines descriptions du budget de l’emploi sont assez éloignées de la réalité des crédits, tant dans leur contenu que dans leur dynamique.
Je vais m’efforcer de répondre à toutes les interrogations, notamment à celles qui ciblent plus particulièrement tel ou tel point de la mission « Travail et emploi ». L’exercice de réponse a posteriori à des questions qui couvrent l’ensemble des sujets est parfois compliqué et fait, de temps à autre, apparaître l’absence de cohérence des demandes exprimées. Nous en aurons l’illustration lors de l’examen des amendements relatifs aux maisons de l’emploi, qui révèlent des positions parfois contradictoires.
Effectivement, ce budget est en très légère baisse : après son examen par l’Assemblée nationale, il diminue exactement de 2 %. On peut dire que c’est un budget d’exception en ce sens qu’il est quasiment stable. Cela témoigne d’un effort significatif du Gouvernement dans un contexte de réduction importante de la dépense publique que vous n’ignorez pas. Certains d’entre vous réclament d’ailleurs à cor et à cri une réduction beaucoup plus importante que celle que nous pratiquons. Encore une incohérence supplémentaire dont nous aurons l’occasion de reparler !
Je voudrais le rappeler ici, cette quasi-stabilité fait suite à une forte augmentation des autorisations d’engagement, qui ont progressé de plus de 20 % entre 2012 et 2014. La stabilité contenue dans le projet de loi de finances pour 2015 doit donc s’apprécier en référence avec un niveau d’intervention de la politique publique de l’emploi historiquement élevé – et nécessaire !
Le Gouvernement réaffirme la priorité qu’il accorde à l’emploi en consolidant les moyens de la mission à ce niveau élevé. L’ampleur de l’effort n’affranchit cependant pas le budget de la recherche du sens de la responsabilité dans un contexte de sérieux budgétaire.
C’est à ce titre, me semble-t-il, un budget d’exigence, qui vise trois objectifs.
Premier objectif, la lutte contre le chômage. Certes, le taux de chômage atteint un niveau très élevé, je ne le conteste pas, je l’ai d’ailleurs dit, et je vais de nouveau rappeler les chiffres afin que tout le monde soit bien éclairé. Le taux de chômage s’élève aujourd’hui très exactement à 9, 7 % pour la France métropolitaine, et il atteint 10, 3 % en prenant en compte les territoires et départements d’outre-mer.
Je rappelle qu’il a atteint des niveaux beaucoup plus élevés à d’autres périodes. En 1995, par exemple, il était de 10, 7 %. Je le dis non pour me satisfaire de la situation, mais pour montrer que le chômage de masse est, dans notre pays, une longue histoire.
Je le répète, la lutte contre le chômage est l’une des priorités du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix – une décision dont nous attendons des résultats – d’aider à rétablir la compétitivité des entreprises : 41 milliards d’euros vont revenir aux entreprises pour leur permettre de retrouver leur compétitivité et d’investir. Cette restitution est indispensable, car, depuis dix ans, elles avaient perdu cette compétitivité, notamment à l’international. L’OCDE le dit, ces politiques paieront, car elles permettront, dès l’année prochaine, des surcroîts de croissance. Nous aurons l’occasion de le vérifier.
Deuxième objectif, il faut, avec ce budget, faire mieux avec à peu près autant. Cela a été dit et c’est vrai.
Troisième objectif, il faut, et c’est très important, répondre avec efficacité à l’urgence du moment.
Les exigences concernent trois domaines : les demandeurs d’emploi, le service public de l’emploi – qui existe et dont je souhaite qu’il demeure – et les entreprises.
Premier principe, améliorer notre intervention et notre efficacité sans augmenter les moyens.
Je vais parler de Pôle emploi en réponse à tous ceux qui se sont interrogés sur ce sujet. Nous avons accordé – faut-il le rappeler ? – des moyens exceptionnels à Pôle emploi depuis 2012 : 4 000 équivalents temps plein supplémentaires sont venus en renfort des équipes existantes. Ce n’est pas rien ! Maintenant, ce budget est sanctuarisé.
Il s’élève à 1, 519 milliard d’euros en 2015 et, ce que nous demandons à Pôle emploi, c’est en effet de faire mieux avec ce budget. On peut toujours améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi en développant une offre spécifique, pour les plus petites entreprises, par exemple. À budget constant, atteindre ces objectifs nécessite une mise en œuvre progressive, des gains d’efficience et des redéploiements.
J’ai été interpellé sur le contrôle des chômeurs. La situation de l’emploi est très difficile, c’est une évidence. Vous le savez très bien, c’est une autre évidence, je ne cherche pas à stigmatiser les demandeurs d’emploi, pas plus que je ne veux laisser penser que certains d’entre eux pourraient se satisfaire de leur situation !
On sait que l’éloignement prolongé de l’activité disqualifie à grande vitesse le demandeur d’emploi. Plus on reste longtemps au chômage, plus la perspective de retrouver un emploi s’éloigne. Il faut, à cet égard, agir dès que la rupture a lieu. J’ai demandé à Pôle emploi de ne laisser personne décrocher. Contrairement à ce qui avait été fait avec « l’offre raisonnable d’emploi », il ne s’agit pas de se concentrer sur une approche mécanique, qui consiste à sanctionner des actes isolés sans évaluation ni connaissance de la situation réelle des demandeurs d’emploi. Je ne suis pas dans cette logique !
Il s’agit de vérifier les raisons pour lesquelles des demandeurs d’emploi ne recherchent plus d’emploi. Les raisons sont multiples et le rôle des conseillers de Pôle emploi est de contacter les chômeurs et de leur demander pourquoi ils ont abandonné leur recherche d’emploi. Cela fait partie des missions de Pôle emploi que de rappeler à chacun ses droits et ses devoirs, droits et devoirs qui fondent la politique de l’État. On ne doit pas oublier l’un de ses volets.
Le but de la démarche est bien évidemment de permettre à ceux qui ont abandonné la recherche d’emploi d’en retrouver le chemin. L’expérimentation de Pôle emploi allait d’ailleurs dans ce sens. Elle sera l’occasion de donner des orientations sur la personnalisation de l’accompagnement du demandeur d’emploi, dans une logique d’engagements réciproques, établis par le conseiller avec chaque demandeur d’emploi. La vérification de la recherche d’emploi ne peut être comprise que comme partie intégrante d’un accompagnement qui se fonde sur des engagements réciproques permettant de mobiliser les demandeurs d’emploi dans leur recherche.
Toujours dans ce registre de la consolidation des moyens, je souhaite insister sur le financement de l’insertion par l’activité économique, l’IAE, sur lequel j’ai noté qu’avait été déposé un amendement révélant une petite inquiétude de nature technique qu’il convient de dissiper.
Ce sont 240 millions d’euros qui seront consacrés à l’IAE en 2015, soit un effort de plus de 40 millions d’euros depuis 2012. Il s’agit d’une progression dynamique garantie, avec une indexation sur l’évolution du SMIC dès 2015.
Au total, cela représente un effort de 820 millions d’euros, incluant les 580 millions d’euros consacrés aux contrats aidés dans le domaine de l’IAE qui sont en cours de transformation en aides au poste.
La réforme de l’IAE change la donne. Ainsi, le financement sous forme d’aides au poste rendra celui du secteur plus dynamique, avec une part variable en fonction de la réalisation d’objectifs, notamment en termes de retour à l’emploi.
Deuxième principe, rappelé par Mme Schillinger : chaque euro engagé doit être un euro utile.
Des choix doivent être faits ; je sais que tous ne sont pas consensuels, mais c’est le prix de l’efficacité.
Pour ce qui concerne les maisons de l’emploi, je souhaite répondre clairement à vos interventions, comme je répondrai aux amendements que vous avez déposés sur ce sujet.
La vocation première des maisons de l’emploi a disparu, c’est vrai, avec la création de Pôle emploi. Dès 2013, nous avons interrogé leur plus-value et confirmé le recentrage de leurs missions.
Dans le contexte de sérieux budgétaire qui caractérise le projet de loi de finances pour 2015, il nous faut être justes en la matière. Je propose donc de reconduire au niveau de l’an dernier, soit 26 millions d’euros, leurs crédits de fonctionnement, mais je rejette tout financement spécifique complémentaire.
Je m’engage, par ailleurs, à ce que les maisons de l’emploi aient accès aux crédits d’accompagnement des mutations économiques lorsqu’elles portent un projet à forte plus-value, et uniquement dans ce cas.
Dans un contexte de chômage de masse et d’allongement de la durée passée au chômage, l’urgence implique de concentrer les efforts en vue d’offrir une solution d’emploi, d’activité ou de formation, et d’éviter l’éloignement durable du marché du travail.
Cette recherche d’efficacité nous a conduits à prendre aussi des mesures de saine gestion, comme la mobilisation des réserves de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés, l’AGEFIPH, et celles du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP.
Ces mesures permettent de mobiliser des réserves « dormantes » et n’affectent en rien la politique de l’emploi des personnes handicapées, dont les moyens, il faut le rappeler, ont été augmentés de plus de 20 % depuis 2012, et ont été encore accrus par l’Assemblée nationale avec la création de 500 aides au poste environ dans les entreprises adaptées ; c’est là le fléchage que vous avez demandé.
Troisième et dernier principe : Concentrer les forces sur les priorités.
Tout d’abord, Mme Laborde l’a évoqué, nous consacrons un effort massif à la jeunesse.
Avec le déploiement de la « garantie jeunes », nous visons un objectif de 50 000 jeunes concernés par ce dispositif dès 2015. Cette initiative française s’inscrit largement dans le cadre de l’initiative européenne du même nom. Nous y consacrerons 160 millions d’euros en 2015, dont 30 millions d’euros de crédits disponibles au titre du Fonds social européen, les crédits FSE.
Nous mettons en place un accompagnement de ceux qui sont au bord du décrochage, ou ont déjà décroché, mais aussi une petite allocation pour pouvoir vivre et de nombreuses périodes d’immersion en entreprise.
L’expérimentation de la « garantie jeunes » est en cours sur dix territoires, et vient d’être élargie à dix nouveaux territoires. Plus de cinquante territoires ont fait acte de candidature pour rentrer dans le dispositif en 2015 et 2016.
Nous consolidons les missions locales, qui sont essentielles pour l’accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans. Nous y consacrons 188, 8 millions d’euros au titre de la subvention principale de l’État, laquelle avait été accrue de 10 millions d’euros en 2014. Cet effort représente 269 millions d’euros au total, incluant les crédits d’accompagnement de la « garantie jeunes » et des emplois d’avenir.
Les résultats sont là, il est important de le signaler. Le chômage des jeunes, et c’est heureux, est maîtrisé depuis la mise en place de notre politique. L’objectif de 150 000 emplois d’avenir a été atteint, et je veux de nouveau rappeler qu’il y a aussi des emplois d’avenir dans le secteur marchand !
L’enveloppe de 50 000 nouveaux emplois d’avenir prévus pour 2015 a été portée par les députés à 65 000, et pas seulement pour le secteur non marchand, comme je l’ai entendu dire… Cela implique, après la première lecture à l’Assemblée nationale, un effort de 1, 7 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1, 3 milliard d’euros en crédits de paiement.
Ensuite, avec les emplois aidés, nous faisons le choix du travail.
Les contrats aidés constituent un engagement fort du Gouvernement et un outil de sa politique de l’emploi, dont il n’a cessé d’accroître la qualité et le ciblage depuis 2012.
Faut-il rappeler qu’avant mai 2012, la durée moyenne des contrats aidés était de six ou sept mois ? Elle est aujourd’hui de onze mois et demi.
Je tiens à dire à Mme Procaccia, dont j’écoute toujours avec intérêt les interventions, que le nombre de contrats aidés a explosé au cours du premier semestre de 2012 : ce sont 225 000 de ces contrats qui ont été mis en place par le précédent gouvernement, pour de courtes durées d’environ six mois. Beaucoup d’efforts ont été faits depuis.
En 2012, sur 330 000 ou 340 000 emplois aidés, 225 000, je le répète, ont été créés au premier semestre et 115 000 au second. Or vous nous faites un procès, madame la sénatrice, certes sans grande virulence, pour avoir mis en place ces contrats. Pourtant, le gouvernement que vous souteniez, à l’instar de tous ceux qui l’ont précédé, y avait également fait appel de façon massive, à un moment clef et pour des durées brèves.
Il est vrai, madame Emery-Dumas, que l’emploi des seniors est pour moi une préoccupation majeure. Les contrats initiative emploi, les CIE, sont un outil privilégié de notre politique dans ce domaine. L’action que nous souhaitons déployer va cependant bien au-delà. Elle concerne ainsi le renforcement de l’accès au contrat de professionnalisation, pour aider au maintien dans l’emploi ou à l’accompagnement des transitions professionnelles.
Par ailleurs, cela a été dit, nous devons nous rassembler autour de la question de l’apprentissage. Désormais, les engagements financiers sont pérennes et permettent de stabiliser la politique en la matière.
J’ai entendu vos observations sur la nécessité d’améliorer l’image de l’apprentissage.
C’est un engagement fort du Gouvernement, comme en témoigne la création de la nouvelle aide destinée aux entreprises recrutant un ou plusieurs apprentis supplémentaires, qui a été introduite par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2015. Son montant est de 1 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés et de 2 000 euros pour celles comptant moins de 11 salariés, s’agissant des contrats signés à partir du 1er juillet 2014.
Il y avait, à la fin de 2013, 426 600 jeunes en apprentissage. Nous avons pour objectif qu’ils soient bientôt 500 000, et nous y parviendrons.
La réforme du financement de l’apprentissage, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2015, avait déjà conduit à dégager plus de 150 millions d’euros de ressources supplémentaires d’ici à 2017, à destination des centres de formation d’apprentis, les CFA. J’encourage les régions à utiliser ce dispositif pour améliorer et renouveler les équipements de leurs CFA.
Cette réforme du financement consolidera les ressources des régions et leur garantira un dynamisme des recettes en les indexant sur la masse salariale. Ainsi, de 2014 à 2015, la croissance des ressources des régions sera de 65 millions d’euros pour le développement de l’apprentissage, hors compensation des primes d’apprentissage.
Le Gouvernement compense, par ailleurs, ces primes par l’affectation des crédits budgétaires pour les nouvelles primes, mais surtout par des recettes fiscales. L’article 13 du projet de loi de finances pour 2015 prévoit ainsi l’affectation de 255 millions d’euros aux régions à ce titre.
Mais l’engagement du Gouvernement en faveur de l’apprentissage n’est pas seulement financier, comme nombre d’entre vous l’ont dit.
La journée de mobilisation pour l’apprentissage du 19 septembre dernier a permis de fixer les axes prioritaires pour la levée des freins non financiers au développement de l’apprentissage. Ces freins existent ; certains sont dans les têtes, et il faut les en faire sortir !
Certaines mesures peuvent être prises rapidement : par exemple, dans la fonction publique, la sortie des apprentis des plafonds d’emploi des administrations d’État. Un frein non négligeable serait ainsi supprimé, car, nous le savons, 800 personnes seulement sont aujourd’hui en apprentissage dans la fonction publique.
D’autres mesures demandent plus de temps et de concertation, avec les branches et les partenaires sociaux. C’est le cas, notamment, de l’évolution de la réglementation relative aux travaux dangereux et en hauteur, que nous souhaitons assouplir, sans bien évidemment remettre en cause la sécurité des jeunes.
Enfin, des questions ont été posées, notamment par Mme Schillinger et M. Kern, sur la coordination des politiques de l’emploi au niveau régional.
Oui, j’en suis persuadé, il est nécessaire d’avancer vers une meilleure coordination des acteurs du service public de l’emploi et une meilleure prise en compte des réalités territoriales dans l’action.
L’État, qu’on le veuille ou non, est et restera tenu par nos concitoyens pour responsable des résultats en matière de lutte contre le chômage, et doit donc conserver les leviers lui permettant d’exercer cette responsabilité.
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale apporte déjà de nouvelles possibilités en matière de coordination, qui devront être mises en œuvre à partir du début de 2015. Elle prévoit une coordination renforcée des politiques d’emploi et de formation professionnelle, et la mise en œuvre d’une nouvelle gouvernance régionale de ces politiques entre l’État, la région et les partenaires. Ainsi seront mis en place les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, les CREFOP, qui seront coprésidés par le préfet de région et le président du conseil régional.
Le développement de la contractualisation entre l’État, les régions et les opérateurs du service public de l’emploi constituera le socle de la coordination de leurs interventions et de la mise en cohérence de leurs moyens d’intervention.
Il faut bien mesurer – et je remercie les rapporteurs de l’avoir fait – ce que ces efforts représentent dans un contexte contraint. Ils sont, je le crois, à la hauteur de l’enjeu. Et nous agissons, comme en témoigne ce budget de mobilisation contre le chômage et de préparation de l’avenir, qui met l’accent sur des accompagnements qualitatifs indispensables au retour à l’emploi.
Formation professionnelle, apprentissage, telles sont les clefs pour l’emploi de demain !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.
Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.
en euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Travail et emploi
Accès et retour à l’emploi
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail
Dont titre 2
628 490 760
628 490 760
L’amendement n° II-175, présenté par M. Karoutchi, Mme Procaccia et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
§(en euros)
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Accès et retour à l’emploi
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travailDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Nous avons en effet compris qu’il était un homme d’une grande rigueur lorsqu’il a lui-même admis que la politique menée par le Gouvernement en matière de chômage était un échec.
Pourquoi voulons-nous l’aider ? Je reprendrai les propos tenus par une oratrice socialiste, qui disait que le dispositif des contrats aidés dans le secteur marchand fonctionnait bien, donnait des résultats et permettait d’intégrer dans l’emploi. Nous avons bien la preuve que ce dispositif contribue à réduire le chômage des jeunes.
En revanche, s’agissant du secteur non marchand – je le dis d’autant plus facilement, monsieur le ministre, que tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont mis en place des contrats aidés en tout genre, pour le secteur associatif, pour la fonction publique, pour les collectivités locales… –, tous les rapports publiés depuis trois ou quatre ans indiquent que ce système ne marche pas.
Certes, il arrive que certains retrouvent un emploi… Mais, selon la DARES, si les deux tiers des contrats aidés du secteur marchand aboutissent à l’intégration dans l’emploi, dans le secteur non marchand, à l’inverse, les deux tiers de ces contrats aboutissent au chômage.
De la même manière, le dispositif demeure très faible en termes de formation : un tiers seulement des personnes ayant bénéficié de ces contrats disent avoir suivi une véritable formation.
On sait bien, en réalité, qu’il faudrait rapatrier les crédits que vous continuez de consacrer massivement au secteur non marchand vers le secteur marchand.
Il est vrai, monsieur le ministre, qu’il est plus facile de doter les associations, les collectivités locales, le secteur public… Mais cela ne correspond plus à rien !
Vous ne pouvez pas dire, d’un côté, aux collectivités locales que vous allez leur donner des crédits pour les emplois aidés, et, de l’autre, que lesdites collectivités cumulent trop de dépenses de fonctionnement et qu’il faut réduire – ce que vous faites, d’ailleurs ! – la dotation que l’État leur accorde.
Suivant jusqu’au bout notre logique, nous proposons par cet amendement de diminuer de 501, 7 millions d’euros les crédits de paiement consacrés aux contrats aidés dans le secteur non marchand. Les éléments d’information dont nous disposons, qu’ils proviennent de la DARES, de la Cour des comptes ou d’autres organismes, indiquent en effet que, si ces contrats avaient quelque efficacité dans ce secteur il y a dix ou vingt ans, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les raisons en sont simples : le secteur associatif, qui connaît des difficultés, ne crée plus d’emplois ; quant aux collectivités locales, elles ne sont plus en situation de multiplier les contrats.
Par conséquent, monsieur le ministre, adaptons-nous à la réalité ! Et puisque vous êtes un homme attaché à la réalité, que vous savez dire les choses telles qu’elles sont, nous proposons de vous rendre 500 millions d’euros pour les mettre sur ce qui marche : les contrats aidés dans le secteur marchand ! Cela fera plaisir aux entreprises – et le Gouvernement aime les entreprises, il le dit tous les jours ! –, cela fera plaisir aux jeunes qui trouveront enfin un emploi au terme de leur contrat aidé, et cela nous évitera les stages parking, qui sont un désastre pour ce pays !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.
La commission des finances n’a pas examiné cet amendement, mais M. le ministre vient d’exposer sa volonté de poursuivre ces contrats aidés, même si leurs résultats ne sont pas toujours à la hauteur des espérances, ainsi que l’évoquait à l’instant avec humour M. Karoutchi, et je l’en remercie.
Pourtant, même si M. Karoutchi vient d’une grande région et moi d’une plus petite, nous savons tous deux fort bien que lorsque nous accompagnons les contrats aidés, nous le faisons non pas de façon massive, mais d’une manière intelligente. Dans nos communes, intercommunalités, et départements, ces contrats rendent d'abord un grand service à leur public, les jeunes éloignés de l’emploi, dont ils facilitent l’insertion.
À titre personnel, je soutiendrai donc la position du Gouvernement et serai par conséquent défavorable à l’amendement n° II-175.
Comme toujours, je me suis plu à écouter M. Karoutchi ! Sa présentation était très habile…
M. François Rebsamen, ministre. … quoique légèrement pernicieuse !
Sourires.
M. François Rebsamen, ministre. Disons qu'elle était légèrement pernicieuse, et, en effet, peut-être un peu trop habile !
Nouveaux sourires.
Vous-même, monsieur Karoutchi, avez souligné qu’un effort important est déployé en direction du secteur marchand, puisque l’on passe de 40 000 à 80 000 contrats. Je crois sincèrement qu’augmenter encore, brutalement, le nombre d’emplois dans le secteur marchand créerait un effet d’aubaine incontestable. Or nous ne voudrions surtout pas nous exposer ainsi à une critique que vous ne manqueriez pas, alors, de nous adresser…
Finalement, j’aurais tendance à vous soupçonner de vouloir désarmer la politique de l’emploi que nous portons.
M. Roger Karoutchi marque son désaccord.
Vous le voyez, ces contrats aidés ont été très utilisés, et ils présentent une utilité concrète pour les publics les plus fragiles. Ils s’adressent à des jeunes – le cadre des emplois d’avenir a été rappelé – dont 80 % n’ont pas le baccalauréat, et à des publics très éloignés de l’emploi. Ces contrats sont donc utiles, à condition que leur durée soit allongée pour permettre à leurs bénéficiaires d’acquérir une vraie formation, comme on l’a dit.
C'est pourquoi nous avons demandé de poursuivre l’effort jusqu’à ce que la durée de ces contrats atteigne un an. J’y veille chaque mois au cours de rencontres avec les préfets, et nous en sommes aujourd'hui à 11, 3 mois. Cet effort est donc très important.
Je me rappelle, monsieur Karoutchi, avoir participé avec l’ancien Président de la République au « Grenelle de l’insertion »…
…, qui se déroulait à Dijon. J’y ai assisté, à l’époque, en tant que maire. Il se trouve que la demande faite au Président de la République était alors d’allonger la durée des contrats aidés pour qu’ils deviennent de véritables outils de retour à l’emploi.
Alors, monsieur Karoutchi, je vous en supplie, retirez votre amendement ! §Vous ne pouvez pas laisser ainsi attaquer la politique de l’emploi ! À défaut, l’avis sera défavorable.
Les sénateurs ici présents ont tous diverses responsabilités ; pour ma part, je suis président d’une mission locale. Les remarques de Roger Karoutchi sont justes. Ne pourrait-on pas changer un peu d’objectif, cesser de solliciter le public et le parapublic ? Même certains collègues du groupe socialiste, avec qui nous discutons, préfèreraient un dispositif vraiment orienté vers les entreprises.
De fait, monsieur le ministre de l’emploi, nous vivons un paradoxe : pour l’économie et pour la compétitivité des entreprises, de l’avis de tous les économistes, les salaires sont globalement trop élevés dans ce pays. Pourtant, même avec 5 millions de chômeurs, aucune contrainte ne s'oppose à ce que les salaires du secteur privé progressent plus rapidement que l’inflation. On peut le déplorer, mais ce problème est indéniable !
À partir de ce constat, essayons d’imaginer des dispositifs un peu plus subtils. Nous sommes d’accord pour que des moyens soient engagés dans la lutte contre le chômage. Mais je crois qu’il faut les cibler vers les entreprises.
Aujourd'hui, quel est le problème ? Notre secteur privé est très protégé, et les jeunes ont beaucoup de mal à obtenir de vrais emplois. Malgré tout ce qui existe dans le secteur public et dans le secteur parapublic, pour eux, l’eldorado, c'est le CDI dans une entreprise !
Par ailleurs, les entreprises ont du mal à embaucher les jeunes qui débutent parce que les premiers salaires sont trop élevés. Alors, monsieur le ministre, pourquoi ne mettrions-nous pas au point un dispositif réservé au secteur privé en vertu duquel 70 % ou 75 % de la rémunération serait à la charge de l'entreprise, une aide de l’État venant la compléter pour atteindre le niveau du SMIC, soit un salaire décent ?
C'est le système allemand ! Vous pouvez demander à mon collègue Jean Germain : nous sommes d’accord pour réorienter les emplois aidés vers les entreprises ! §Le problème est de leur faire confiance, car le système des aides publiques est complètement à bout de souffle. Ici, il ne s'agirait pas de faire des cadeaux aux entreprises, mais d’offrir à ces jeunes, les deux premières années, un système leur permettant d’obtenir directement de vrais emplois et, par la même occasion, de recevoir aussi une formation de ces entreprises.
On le sait très bien, même avec des contrats d’apprentissage de bon niveau, on ne devient pas rentable du jour au lendemain pour l'entreprise qui vous embauche. Si l’on veut vraiment prendre en considération l’accès des jeunes aux emplois, il faut donc résorber la contradiction résultant d’une augmentation trop rapide des salaires au regard de ce que peuvent payer les entreprises, et de la nécessité, pour les jeunes, d’y trouver un emploi.
Voilà pourquoi nous souhaiterions que tous ces moyens soient orientés différemment. Je pense que l’on pourrait vraiment y travailler sérieusement. On nous dit que nous n’avons jamais de proposition, eh bien, en voilà une qui mériterait, selon moi, que M. le ministre s’y intéresse…
Je me permettrai enfin d’ajouter que, d’une manière générale, cet effort en direction du secteur non marchand constitue une erreur de ciblage, au même titre que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Et ce sont ces problèmes de ciblage, dont le constat traverse tous les partis politiques, qui desservent votre action, monsieur le ministre !
Les écologistes défendent sur ce point la politique du Gouvernement.
D’abord, comme l’a dit M. le ministre, les contrats visés permettent le retour à l’emploi de leurs bénéficiaires. C'est important ! Pour eux, un emploi représente une avancée bien réelle, et pas un parking ! Bien sûr, on peut ensuite s'interroger sur la transformation de l’emploi ainsi attribué, mais, en attendant, son bénéficiaire est réinséré dans la société et reprend goût au travail.
Ensuite, contrairement à ce que pourraient laisser entendre certains propos, les nombreux services rendus par les associations sont parfois aussi intéressants que ceux rendus par les entreprises ! Certes, il faut distinguer les associations qui développent une activité économique autonome de celles dont l’existence est conditionnée par des subventions. Mais toutes remplissent un rôle social important.
Enfin, je crois plus à l’utilité des crédits destinés aux contrats aidés qu’à ceux du CICE ! Le calcul est simple – vous l’avez dit tout à l'heure. On estime que les 66 milliards d’euros devant être débloqués pour le CICE d’ici à 2017 devraient créer 400 000 emplois. On atteint ainsi près de 165 000 euros par emploi créé, ce qui est plutôt onéreux pour le budget de l’État, et il n’est même pas certain que tous ces emplois seront créés ! Il se dirait en effet que l’on commence déjà à trouver toutes les bonnes excuses pour utiliser cet argent à autre chose, par exemple pour augmenter les salaires…
Par contre, avec les emplois aidés dans le secteur non marchand, les embauches sont directes, avec la garantie d’assurer un service social ou public.
Pour ces raisons, les écologistes voteront contre l’amendement n° II-175.
Je précise d’emblée que cette explication vaudra aussi pour l’amendement n° II-71 en ce qu’il vise, comme l’amendement n° II-175, à réduire le nombre de certains contrats aidés, et que notre groupe votera contre ces deux amendements.
L’amendement n° II-71 de la commission des finances tend ainsi à revenir sur un amendement présenté et voté par la majorité de l’Assemblée nationale, donc issu de l’expérience de terrain.
Il est excessif de se livrer à la critique de dispositifs qui sont pourtant utilisés depuis longtemps – trop longtemps sans doute – par nombre de collectivités et d’associations.
Les contrats d’accompagnement dans l’emploi ont pourtant le grand mérite de s’adresser à des personnes souvent très éloignées de l’emploi. Quant aux emplois d’avenir, ils s’adressent à des jeunes qui sont souvent sortis sans aucun diplôme du système scolaire. C’est le cas de 41 % d’entre eux, et 42 % ont un CAP ou un BEP.
Dans les deux cas, ces contrats sont donc destinés à des personnes en difficulté et, d’une manière ou d’une autre, en décrochage par rapport à la vie professionnelle, avec un risque réel de désinsertion sociale.
Les CUI-CAE – les contrats uniques d’insertion-contrats d’accompagnement dans l’emploi – et les emplois d’avenir ont donc un premier objectif : remettre en activité leurs bénéficiaires, leur redonner confiance et leur permettre de recevoir enfin à nouveau un salaire. Ce premier point est fondamental. Ces personnes sont utiles et le ressentent. La valeur de leur existence est reconnue grâce à un travail dans une équipe. Elles perçoivent un salaire à la fin du mois, et c’est un pas vers le retour à la confiance en soi.
S’agissant maintenant de l’insertion à l’issue du contrat, il convient de rétablir une vérité qui a pu être malmenée par des gens de mauvaise foi.
Il faut aussi tenir compte d’un élément important : les bénéficiaires des contrats dans le secteur marchand sont souvent mieux armés pour reprendre un emploi dont la finalité, pour l’entreprise, est la rentabilité. Plus « employables » au départ, il est normal qu’ils aient un meilleur taux d’insertion durable à l’arrivée, et nous en sommes tous très heureux.
Néanmoins, 89 % des emplois d’avenir dans le secteur non marchand sont à temps plein, pour une durée moyenne de vingt-cinq mois. On constate que le taux de rupture à un mois est de 4 %, et qu’il atteint 8 % au bout de six mois. À titre de comparaison, on atteint les 20 % chez les jeunes qui sont en entreprise, y compris en contrat d’apprentissage, ce qui ne manque pas d’interroger. Il y a donc chez les jeunes une véritable motivation pour saisir la chance qui leur est offerte.
Pour le CAE, la critique porte sur l’accès à l’emploi durable à l’issue du contrat : 36 % d’accès à l’emploi et 22 % dans l’emploi durable. Il est vrai que 90 % des embauches en entreprise se font aujourd’hui en CDD, mais ce ne sont pas les bénéficiaires du CAE qui sont responsables de cette situation anormale. Faut-il pour autant priver ces derniers de la possibilité d’accéder à l’emploi ?
Le véritable sujet est celui de la qualification et de la formation. C’est évidemment là qu’il faut faire porter l’effort. Des actions d’accompagnement professionnel sont présentes dans 93 % des emplois d’avenir, et 38 % proposent une formation qualifiante. C’est encore trop peu, mais les moyens des missions locales ont été logiquement renforcés pour améliorer cette situation.
Il faut rappeler aussi que, pour les CAE, l’employeur doit garantir aux salariés le bénéfice d’actions d’orientation, de formation et de validation des acquis. Le salarié est suivi par un tuteur. Il peut aussi être placé auprès d’un employeur tiers pour une période d’immersion d’un mois.
Les contrats aidés du secteur non marchand, dont l’Assemblée nationale a voulu augmenter le nombre, ne sont donc pas, comme certains voudraient le faire croire, des mesures de traitement statistique du chômage. Ils ont un objectif à la fois sociétal et économique.
Dans un environnement global difficile et un contexte budgétaire contraint, nous soutenons le choix d’en renforcer le nombre. Et si nous devions formuler un souhait, ce serait que le Gouvernement mette l’accent sur les actions de qualification et de formation, en relation avec les organismes de formation et les branches professionnelles.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre cet amendement.
Bien évidemment, je voterai contre cet amendement, mais sans m’en satisfaire totalement.
Monsieur Karoutchi, je me souviens tout de même qu’au mois de novembre 2010, alors que nous examinions le projet de budget pour 2011, M. Xavier Bertrand, alors ministre du travail, avait proposé une diminution de 25 % du nombre de contrats aidés. Il avait alors justifié sa décision par les arguments que vous venez de développer.
À la télévision, le 11 février 2011, le Président de la République de l’époque, M. Nicolas Sarkozy – vous pourrez vérifier mes dires –, avait prôné une augmentation du nombre de contrats aidés, qu’il considérait comme insuffisant. Par conséquent, ce qui était vrai au mois de décembre se révélait faux au mois de février. Il avait finalement incité le Parlement à modifier les choses, en affectant 500 millions d’euros à la création rapide d’un certain nombre de ces contrats.
Selon moi, le sujet du chômage de masse, qui touche des millions de Français et d’Européens, mérite mieux que cela ! Les personnes qui sont au chômage, ou les autres, ceux qui ont peur d’y être, nous regardent. Peu à peu, ils choisissent l’abstention ou le vote Front national, qui a désormais une fonction tribunitienne que d’autres exerçaient auparavant.
Nous le savons très bien, pour lutter contre le chômage, nous avons besoin à la fois de mesures économiques actives et d’un traitement social. Effectivement, M. Delattre l’a dit, je milite pour que les acteurs politiques et syndicaux de notre pays parviennent à traiter ces sujets sans s’invectiver, en évitant de fonder leur argumentation sur de fausses réalités. Cet amendement en est un exemple.
Tous les gouvernements, y compris leurs plus grands responsables, ont créé des emplois aidés. Alternativement, ils ont été pour puis contre. Le résultat, c’est que le chômage augmente et que les gens ne croient plus en nous. À un moment donné, il faut sortir d’une telle situation et avoir le courage de dire qu’il faut une politique active et des traitements sociaux, en définissant les points sur lesquels les principaux partenaires pourraient se mettre d’accord.
Monsieur Delattre, je répète donc bien volontiers les propos que j’ai tenus devant la commission des finances. J’ai l’impression que, de toute façon, les événements nous contraindront un jour à parcourir ce chemin.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. André Gattolin applaudit également.
Le groupe UDI-UC soutiendra cet amendement. Pour autant, nous ne sommes pas opposés aux dispositifs de contrats aidés. Il en faut, parce que l’action publique peut favoriser la réinsertion professionnelle de certains publics éloignés du travail, en apportant des réponses à des besoins sociaux identifiés. Mais telle n’est pas la priorité aujourd'hui.
Il convient d’abord, en effet, de restaurer la confiance des entrepreneurs pour qu’ils puissent relancer l’économie et apporter ainsi une réponse durable au problème du chômage, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Aujourd'hui, si l’économie est en panne, c’est parce que les entrepreneurs n’ont pas confiance, qu’ils ne sentent pas une véritable volonté des pouvoirs publics de les soutenir. Nous devons donc envoyer plus de signes positifs aux entreprises, et les accompagner.
Par conséquent, le groupe UDI-UC plaide plutôt pour une baisse assez significative des charges, mais pas dans le cadre du CICE, qui crée un niveau de contraintes extrêmement pesant. Ainsi, ce dispositif ne permet-il pas de restaurer la confiance, les entreprises n’y croyant pas suffisamment.
Il faut donc instaurer un mécanisme beaucoup plus simple et lisible. De cette manière, nous pourrons enfin apporter un élément de réponse positif au problème crucial du chômage.
Mon intervention vaudra pour l’ensemble des amendements déposés sur cet article. Je ne reprendrai plus la parole ensuite, ce qui permettra de raccourcir nos débats.
Mon groupe votera contre tous ces amendements, à l’exception de l’amendement n° II-87 rectifié, proposé par M. Godefroy et relatif aux maisons de l’emploi. En revanche, nous nous abstiendrons lors du vote de l’amendement de M. Desessard, puisque nous ne sommes pas favorables, a priori, à une ponction sur l’AGEFIPH. Si toutefois cette ponction devait se faire, nous soutiendrions la précision contenue dans cet amendement.
Pour en revenir à l’amendement n° II-175, nous voterons bien évidemment contre. Pour autant, je l’ai dit tout à l’heure, nous ne sommes pas favorables aux contrats aidés, dans la mesure où, depuis plus de vingt ans, les contrats aidés successifs ont finalement accompagné l’augmentation du chômage. Une telle politique n’est donc pas la bonne pour maintenir l’emploi !
J’ai aussi entendu parler de restauration de la confiance. Pour le coup, avec le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité, si les entreprises ne sont pas encore satisfaites, je ne sais pas ce qu’il faut faire ! Peut-être revenir à l’esclavage ?
Exclamations.
Ce serait un bon moyen, pour les entreprises, de trouver des salariés corvéables à merci, travaillant dans n’importe quelles conditions, flexibles et mobiles, puisque ce sont les nouveaux termes qu’il faut désormais employer. Heureusement, en France, il y a encore des droits attachés aux salariés et aux entreprises !
J’ai entendu dire tout à l’heure que les salaires étaient trop élevés en France. Mes chers collègues, j’aimerais vous voir travailler, alors que l’âge de la retraite approche, dans une entreprise pour un salaire d’environ 1 500 euros nets par mois, proche du SMIC, après avoir passé plus de trente ans de votre vie de salarié à respecter votre emploi et votre employeur !
Peut-être certains salaires sont-ils trop élevés, mais il y a aussi, très certainement, des dividendes trop importants, dont le coût sur le travail est bien plus lourd que celui des salaires.
Je m’abstiendrai sur cet amendement, pour une raison très simple.
J’estime que, dans la période extrêmement difficile que nous traversons – chacun l’a très bien décrite ce matin –, il est délicat de déshabiller Pierre pour habiller Paul, chacun essayant de faire de son mieux.
Je sors d’une série d’entretiens avec des associations d’insertion et d’économie solidaire de mon bon département de l’Orne, notamment Jardins dans la ville, qui œuvre à Argentan, une cité totalement sinistrée. Ces dernières s’occupent de gens marginalisés, qui passent à travers les mailles du filet des systèmes de récupération sociale, pour tenter désespérément de les réintroduire dans le marché de l’emploi.
Évidemment, il faut développer la formation, donner confiance aux entrepreneurs et faciliter l’application des normes sociales et de sécurité, afin que les chefs d’entreprises puissent embaucher plus facilement. On connaît tous ces problématiques. Selon moi, on ne peut pas supprimer dans de telles conditions les budgets de cette mission, uniquement au profit du secteur marchand. Sans le système associatif, les choses seraient encore plus difficiles.
Bien que je le comprenne, je ne peux donc pas soutenir complètement cet amendement. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai.
Je veux que les choses soient claires.
Comme c’est aussi le cas pour nombre de mes collègues, ma vie n’a pas commencé au Sénat. Lorsque j’étais au cabinet de Philippe Séguin, en 1987, j’ai participé à la mise en place de ce qu’on appelait à l’époque le plan d’urgence pour les jeunes, lequel déclinait un certain nombre de dispositifs permettant de créer des emplois qu’on pourrait qualifier aujourd'hui d’« aidés ».
Par conséquent, loin de moi l’idée de dire que les contrats aidés sont une horreur. Le sujet n’est pas là ! La situation a changé, les choses bougent. Aujourd'hui, des bilans objectifs réalisés, non pas par le groupe UMP, mais par un certain nombre d’organismes l’affirment : les contrats aidés du secteur non marchand enregistrent, d’année en année, de moins en moins de résultats. Ils ne favorisent pas vraiment la formation et débouchent de moins en moins, à terme, sur une intégration dans l’emploi.
Ces contrats sont trop nombreux dans un secteur qui a du mal à intégrer. La fonction publique, les collectivités, mais aussi, monsieur Desessard, les associations créent de moins en moins d’emplois pérennes, et le Gouvernement n’est pas le dernier à nous dire de faire des économies de fonctionnement. Par conséquent, ces contrats aidés offrent forcément de moins en moins de débouchés. Pourtant, on continue de dire que cela n’a pas d’importance, dans la mesure où il s’agit d’une solution immédiate et temporaire.
Je ne suis pas en train de dire, monsieur le ministre, qu’il faut tripler le nombre de contrats aidés dans le secteur marchand ! Mais on sent bien qu’il y a là un vrai sujet. Les secteurs public et parapublic seront de moins en moins créateurs d’emplois et il faut par conséquent tout faire pour que le secteur concurrentiel prenne le relais.
Il s’agit non pas de supprimer les contrats aidés dans le secteur non marchand, mais de les réduire, afin qu’ils occupent une place en rapport avec ce que devrait être le secteur marchand.
On vous demande en réalité, mes chers collègues, une inflexion plus forte, non pas par sens de la provocation ou par goût, mais simplement parce que le secteur non marchand – des organismes indépendants l’ont démontré – ne peut plus créer d’emplois pérennes supplémentaires.
Les gens croient que, après un contrat aidé dans le secteur non marchand d’un ou deux ans, ils auront un emploi permanent. Or, aujourd'hui, 66 % d’entre eux sont au chômage après avoir bénéficié de ce type de contrats. Quand ce chiffre atteindra 70 % ou 80 %, ils nous reprocheront à juste titre et avec amertume de leur avoir fait croire des choses.
Essayons donc d’agir dans le secteur où ils ont le plus de chance de trouver un emploi à terme ! Il s’agit non pas de lutter contre les contrats aidés dans le secteur non marchand, mais d’adapter leur nombre à ce que ce secteur, à l’avenir, pourra en réalité intégrer.
Je mets aux voix l'amendement n° II-175.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 43 :
Le Sénat a adopté.
L'amendement n° II-71, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Accès et retour à l’emploi
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travailDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur général.
L’objet de cet amendement a été très largement abordé à l’occasion de l’examen du précédent amendement, sur lequel des orateurs de l’ensemble des groupes ont pu s’exprimer. Concrètement, la commission des finances souhaite revenir sur la création, à la suite de l’adoption d’un amendement par l’Assemblée nationale, de 45 000 contrats supplémentaires dans le secteur non marchand – 30 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi et 15 000 emplois d’avenir.
Je détaillerai brièvement les deux raisons pour lesquelles la commission a déposé cet amendement.
En premier lieu, comme l’a expliqué à l’instant notre collègue Michel Canevet, en matière de politique générale de l’emploi, nous préférerions instaurer des baisses de charges permettant la création de vrais emplois, des emplois durables, dans le secteur concurrentiel. C’est cette raison de fond qui explique une certaine réticence de notre part à l’égard des contrats aidés dans le secteur non marchand.
En second lieu, cela a été dit également, même si nous ne sommes pas contre ce type de contrat, bien évidemment – nous reconnaissons volontiers que tous les gouvernements y ont eu recours –, nous pensons qu’il n’est pas souhaitable, comme le proposent les députés, de favoriser principalement le secteur non marchand, c’est-à-dire le secteur des collectivités ou le secteur associatif ; nous sommes favorables à un rééquilibrage en faveur de l’emploi dans le secteur concurrentiel, autrement dit dans le secteur marchand.
Les raisons en sont évidentes : elles tiennent aux problèmes de financement.
Tant lors du Congrès des maires de France, qui a pris fin hier, que lors de l’examen, lundi, par le Sénat de l’article 9 du présent projet de loi de finances, nous avons eu l’occasion de nous exprimer les uns et les autres sur les contraintes qui vont être imposées aux collectivités locales et sur la baisse prévue de 12, 5 milliards d’euros en quatre ans de leurs dotations. Comme le rappelle chaque jour le Gouvernement, les collectivités devront faire des économies de fonctionnement ; en particulier, elles devront se montrer beaucoup plus vigilantes quant à l’évolution de leur masse salariale. Or, avec ces contrats aidés, on les oblige en quelque sorte à promouvoir les emplois non durables dans le secteur non marchand, ce qui va quelque peu à l’encontre de l’objectif d’économies vers lequel elles doivent tendre.
S’agissant du secteur associatif, les contrats aidés lui sont indispensables – et notre amendement ne vise pas à les supprimer – : on sait bien que les associations sans but lucratif notamment dépendent très largement des subventions publiques, même si, fort heureusement, la générosité du public et le mécénat, auxquels elles font parfois appel, assurent une grande part de leur financement. Notre crainte, c’est que le secteur associatif souffre de la réduction des dotations aux collectivités prévue par l’article 9 du projet de loi de finances, mais aussi des coupes opérées dans le budget général de l’État, et soit lui-même contraint d’être beaucoup plus vigilant en matière de création d’emplois, aidés ou non.
Aussi, par cet amendement, nous proposons de réduire de 175 millions d’euros les crédits de paiement destinés à la création de ces 45 000 emplois aidés supplémentaires – contrats d’accompagnement dans l’emploi et emplois d’avenir – dans le secteur non concurrentiel.
Mes chers collègues, si vous n’étiez pas tout à fait convaincus de la pertinence de cette mesure, j’ajoute que, si nous sommes très réticents à l’égard de ce type de contrats, c’est que, selon le « bleu » budgétaire, le taux d’insertion dans l’emploi durable n’est que de 21, 9 % pour les bénéficiaires d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi.
M. Jean Desessard s’exclame.
Nous ne critiquons pas d’une manière générale ces emplois aidés, non plus que nous ne les condamnons ; il s’agit davantage d’une réticence de notre part à l’égard de l’idée de créer des emplois aidés supplémentaires dans le secteur non concurrentiel, notamment dans les associations ou les collectivités.
Je ne m’étendrai pas davantage sur les conséquences de la proposition du Gouvernement de réduire en quatre ans de 12, 5 milliards d’euros les dotations aux collectivités : de fait, celles-ci hésiteront alors peut-être à créer de nouveaux emplois.
Le Gouvernement émet bien évidemment un avis défavorable sur cet amendement.
Si je suis bien votre raisonnement, monsieur le rapporteur général, vous manifestez la volonté, à la suite de M. Karoutchi, de mettre à mal le budget de l’emploi. Deux milliards d’euros en moins…
… pour les publics les plus fragiles ! Excusez du peu ! Voilà la réalité.
Tout à l’heure, Mme Procaccia me faisait reproche d’avoir réduit le budget de 1, 5 % ; là, c’est non pas à une coupe sombre que vous procédez, mais bien à une coupe claire !
Pour donner des gages à l’opinion publique, vous avez pour objectif de faire 150 milliards d’euros d’économies. Vous avez déjà trouvé 2 milliards d’euros, il vous reste encore 148 milliards d’euros à trouver ! Il va falloir tailler sévèrement dans les dépenses pour atteindre ces 150 milliards d’euros…
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Effectivement, monsieur le ministre, tout à l’heure, je vous ai reproché la baisse de votre budget, tout en regrettant que les crédits soient fléchés vers des emplois aidés non marchands. L’amendement de la commission cible quant à lui les emplois du secteur marchand. Le groupe UMP est persuadé que l’avenir de l’emploi se joue dans les entreprises privées et non pas dans le secteur public.
C’est la raison pour laquelle, suivant en cela le rapporteur général, je considère que cet amendement va dans le bon sens en matière d’emploi.
M. Jean Desessard. Je suis un peu surpris, car je croyais que nous nous en tiendrions à ces 1, 5 milliard d’euros et que le rapporteur général s’en satisferait. Eh bien non ! On rajoute 500 millions d’euros ! Vous ne faites pas dans le détail, mes chers collègues de majorité sénatoriale : vous vous affirmez !
Sourires.
Au moins, cette mesure a le mérite de préfigurer la politique que vous défendrez…
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Rires.
Évidemment, nous sommes contre cet amendement. Si d’aventure il était adopté, nous ne voterions pas les crédits de la mission puisqu’elle aurait été de fait dénaturée. Nous avions déjà quelques réticences, dont nous pourrons reparler au cours des trois prochaines années, mais, là, vous assumez parfaitement, chers collègues de la majorité sénatoriale : à la louche, 1, 5 milliard d’euros ici, 500 millions d’euros là, et hop ! On y va gaiement !
M. Claude Kern. Les explications de M. le rapporteur général vont dans le sens de la position que j’ai exprimée dans mon propos de début de séance. Par conséquent, le groupe UDI-UC votera cet amendement.
Marques de regrets sur les travées du groupe socialiste.
Je veux apporter une précision.
Les autorisations d’engagement visées dans le projet de loi de finances concernent des contrats pluriannuels. De fait, leur montant est supérieur aux crédits de paiement pour 2015. Aussi, nous n’améliorons malheureusement pas le solde budgétaire de manière aussi importante qu’il y paraît.
L’amendement que j’ai présenté au nom de la commission des finances porte sur 175 millions d’euros ; celui qu’a présenté Roger Karoutchi porte sur 500 millions d’euros. Certes, ces montants sont importants, mais ils n’atteignent pas 1, 5 milliard d’euros.
Il ne faut pas confondre les crédits de paiement avec les autorisations d’engagement. Je le répète, l’amendement de la commission n’améliore le solde budgétaire pour 2015 que de 175 millions d’euros.
Je ne pouvais pas laisser passer ce qui a été dit.
Je mets aux voix l'amendement n° II-71.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 44 :
Le Sénat a adopté.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-12 rectifié quater, présenté par M. Mouiller, Mmes Cayeux et Canayer, MM. Husson, Cambon, D. Laurent, Mandelli et D. Robert, Mme Mélot, M. Cardoux, Mme Imbert, MM. Charon et Houpert, Mmes Gruny et Troendlé, M. Savin, Mme Garriaud-Maylam, MM. Houel et Lemoyne, Mmes Keller et Primas, MM. B. Fournier, Danesi et de Nicolaÿ, Mme Deroche, MM. Laménie et Morisset, Mme Micouleau, MM. Revet et Falco, Mmes Deromedi et Létard et M. Vanlerenberghe, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Accès et retour à l’emploi
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travailDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Le budget des maisons de l’emploi subit une forte baisse dans le projet de loi de finances pour 2015 : 26 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement alors que, l’an dernier, un amendement avait permis de porter ce budget de 36 millions d’euros à 46 millions d’euros, avec une possibilité pour les régions de l’abonder à hauteur de 4 millions d’euros supplémentaires.
Ces 4 millions d’euros prévus dans le projet de loi de finances pour 2014 en autorisations d’engagement et crédits de paiement dans le cadre des contrats de projets État-région prennent fin.
Les maisons de l’emploi créées en 2005 par la loi de cohésion sociale ont été imaginées comme des outils de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l’échelle des territoires, la GPECT. Elles ont fait l’objet de plusieurs rapports qui confirment l’efficacité de nombre d’entre elles, et la moindre efficacité des autres. Leur cahier des charges a évolué pour ne plus retenir que deux axes de missions : l’anticipation des mutations économiques et le développement de l’emploi local. Les maisons de l’emploi sont effectivement les plus à même de définir les besoins d’un bassin d’emploi et d’aider, ainsi, les demandeurs d’emploi dans leurs recherches.
Le ministère du travail a, à plusieurs reprises, confirmé que les maisons de l’emploi qui respecteraient ces axes verraient leurs moyens maintenus. Depuis plusieurs mois, certaines ont dû se restructurer, d’autres ont disparu, d’autres encore maintiennent leurs actions tout en respectant le nouveau cahier des charges. Il y a lieu de conforter les moyens de celles qui apportent la preuve, par le dialogue de gestion avec les services de l’État, de l’efficacité de leur action dans la lutte contre le chômage.
Pour ce faire, cet amendement vise à maintenir les moyens dont disposent les maisons de l’emploi, en augmentant leurs crédits à hauteur de 15 millions d’euros au titre de la sous-action n° 2, Coordination du service public de l’emploi, de l’action n° 1 du programme 102, et en retirant la même somme à la sous-action n° 1, Anticipation des mutations et gestion active des ressources humaines, de l’action n° 1 du programme 103 – la ponction pourra notamment s’effectuer sur les crédits alloués aux contrats de génération, qui sont loin d’avoir atteint leurs objectifs. Cela porterait le budget dédié aux maisons de l’emploi à 41 millions d’euros.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° II-87 rectifié est présenté par M. Godefroy et Mmes Génisson, Bataille et Claireaux.
L'amendement n° II-111 rectifié est présenté par MM. Husson, Mouiller, Houpert, Morisset, D. Laurent, Revet, Cambon, P. Leroy, G. Bailly, Raison et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Savin, Delattre et de Nicolaÿ, Mme Létard, MM. Karoutchi, Vanlerenberghe et Bonhomme, Mme Troendlé et M. Pierre.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Accès et retour à l’emploi
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travailDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour défendre l’amendement n° II-87 rectifié.
Monsieur le ministre, les questions économiques sont au cœur des préoccupations des territoires.
C’est la raison pour laquelle les élus locaux ont créé et développé des outils territoriaux capables d’organiser les stratégies de l’emploi en lien avec le développement économique. C’est ainsi que fut créée en 1991 la Maison de l’emploi et de la formation du Cotentin, qui affirmait notre volonté de disposer d’un outil permettant de penser et d’animer un projet de territoire sur un bassin de vie cohérent, complémentaire avec l’ensemble des autres outils présents localement.
La réussite de ces expérimentations locales diverses a conduit l’État à mesurer le rôle important joué par ces outils territoriaux et à reconnaître que les notions économiques et d’emplois devaient s’adapter aux spécificités liées aux territoires au travers de la création, en 2005, du label « Maisons de l’emploi ».
Pour mémoire, l’année de la labellisation des maisons de l’emploi, l’État avait dédié 100 millions d’euros à leur fonctionnement. Dans ce projet de loi de finances, nous sommes à 26 millions d’euros de fonctionnement. Inutile de vous préciser que le nombre de structures labellisées « Maisons de l’emploi » ne cesse de diminuer et que de nombreuses autres sont déstabilisées et fragilisées par les changements ou avenants au cahier des charges.
Les maisons de l’emploi développent et animent des actions pouvant être très diversifiées, car il s’agit de l’outil le plus proche des territoires, et pouvant donc préparer ceux-ci aux défis économiques et à l’emploi de demain !
Je prendrai pour exemple la Maison de l’emploi et de la formation du Cotentin, que je connais bien. Le travail qu’elle réalise sur le volet ressources humaines du grand chantier de l’EPR – European Pressurised Reactor – de Flamanville représente 541 000 heures de formation pour 776 demandeurs d’emploi et 681 embauches après cette formation entre 2008 et 2013. Mais c’est aussi la préparation de la main-d’œuvre locale à répondre aux besoins prochainement liés aux énergies marines renouvelables, ou encore les dispositifs d’insertion professionnelle et les 208 000 heures de travail pour 393 personnes en insertion entre 2007 et 2013.
J’insiste sur le fait que si les missions citées en exemple devaient être mises en difficulté, aucun autre partenaire sur le territoire ne disposerait de l’ingénierie, des savoir-faire et de la légitimité pour les accomplir.
Vous me répondrez qu’il sera possible pour les maisons de l’emploi de disposer des crédits liés à la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences sur les territoires par d’autres biais. Mais, monsieur le ministre, comme l’a souligné Mme Patricia Bouillaguet dans le bilan partagé des maisons de l’emploi : « La qualité de leurs interventions suppose qu’elles puissent inscrire leurs actions dans la durée et dans un cadre stabilisé. »
Vous le savez, les projets pensés et animés de manière partenariale mettent du temps à se mettre en place. Casser ces constructions, ces logiques ou freiner leur dynamique parce que le cadre n’est ni stable ni pérenne serait un signal négatif envoyé aux milieux économiques, aux personnes en insertion et aux territoires.
Suite à la diminution de plus de 50 % du budget alloué aux maisons de l’emploi en dix ans à peine, les collectivités territoriales ont pris une part du financement très conséquente à leur charge. En 2013, 124 maisons de l’emploi ont répondu à une consolidation nationale demandée par leur réseau : 46 % du budget total de l’opération a été apporté par l’État, 7, 5 % par le Fonds social européen, 13, 1 % par du financement privé ou autre et 36, 7 % par les collectivités territoriales. Vu le contexte budgétaire compliqué et restreint pour les collectivités locales, reconnaissez, monsieur le ministre, qu’il ne serait pas sérieux d’imaginer qu’elles consentent un tel investissement si de très bons résultats n’étaient pas au rendez-vous.
Ces maisons de l’emploi et de la formation – j’insiste sur l’aspect formation – sont tout à fait nécessaires à la reconversion des bassins d’emploi. C’est la raison pour laquelle je vous demande de maintenir les crédits à hauteur de 36 millions d’euros en transférant ces 10 millions d’euros d’un poste budgétaire à l’autre.
La parole est à M. Francis Delattre, pour présenter l'amendement n° II-111 rectifié.
M. Francis Delattre. C’est un vrai plaisir de défendre un amendement identique à celui de nos collègues du parti socialiste !
Sourires.
Même si leur implantation géographique est incomplète, où elles existent, ces maisons de l’emploi ont beaucoup de succès auprès des PME, des TPE et autres. Au-delà du problème du chômage, elles s’associent souvent à des projets de territoire.
Pour toutes ces raisons, et pour que cesse cette diminution des crédits, nous voterons cet amendement – à l’unanimité, semble-t-il, puisqu’il est identique sur le fond à ceux de nos collègues.
La commission n’a pas examiné ces amendements. Je pense néanmoins, comme l’expliquait M. le ministre, que les missions de Pôle emploi, qui se trouvent réorientées et renforcées, prennent en compte aujourd’hui de nombreuses actions menées par les maisons de l’emploi, qui sont très diverses, et dont les résultats sur le territoire sont loin d’être équivalents.
S’il est vrai que certaines d’entre elles fonctionnent bien et remplissent de vraies missions, d’autres les assurent moins bien. Compte tenu des éléments apportés par le Gouvernement et de l’expérience vécue sur le terrain, je demanderai donc, à titre personnel, le retrait de ces amendements. Sinon, mon avis sera défavorable.
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur les maisons de l’emploi.
Pour faire un petit rappel historique en quelques mots : en 2005, sur l’initiative de M. Borloo, ces maisons de l’emploi étaient lancées. Malheureusement, après l’élection du Président de la République Nicolas Sarkozy, en 2007-2008, leur destruction a été engagée, concomitamment au rapprochement nécessaire – et que nous avons soutenu – de l’ANPE et des ASSEDIC. La fusion de ces dernières visait à constituer un pôle public, Pôle emploi, qui allait assumer une part des missions des maisons de l’emploi.
C’est ainsi que, de 2009 à 2012, les crédits alloués aux maisons de l’emploi ont connu une diminution, que vous avez dû voter, monsieur Delattre, de 40 %. Vérifiez, vous verrez que ce que je dis est exact. Il y a tout de même là une certaine contradiction : vous vouliez la disparition progressive des maisons de l’emploi et, maintenant, vous voulez les faire revivre !
Nous arrivons à maintenir pour 2015 ces crédits, à hauteur de 26 millions d’euros. L’année dernière, des maisons de l’emploi ont disparu sur le territoire – généralement, celles qui n’étaient pas aidées par les collectivités locales ! Car il existait aussi des maisons de l’emploi qui n’étaient pas aidées par les collectivités locales et l’on assistait d’ailleurs souvent à des compétitions entre élus à leur propos : tel conseil général les soutenait, tel autre refusait de le faire.
Bref, des maisons de l’emploi ont disparu, et nous stabilisons donc leurs crédits à 26 millions d’euros, une enveloppe qui leur permet aujourd’hui de fonctionner. C’est le même budget que l’an dernier ; il n’y a donc pas de variation dans la proposition du Gouvernement sur les crédits de fonctionnement. Il est vrai toutefois qu’un amendement parlementaire était venu, l’an dernier, abonder leurs crédits de 10 millions d’euros, crédits qu’elles pouvaient utiliser dans le cadre de la GPEC, par exemple.
Je propose cette année que les maisons de l’emploi qui auront de véritables projets – je reconnais que c’est le cas dans certains territoires – puissent faire appel autant que de besoin aux crédits de GPEC que nous avons inscrits au titre de l’accompagnement des mutations économiques. Nous sommes sûrs que ce besoin ne dépassera pas l’enveloppe de 10 millions d’euros, eu égard à l’expérience de l’an passé.
Je suggère donc de maintenir le budget tel qu’il est, et de vous donner l’assurance que les maisons de l’emploi auront un droit de tirage sur les crédits destinés à l’accompagnement des mutations, dès lors qu’elles en auraient besoin pour financer un projet apportant une véritable plus-value aux différents acteurs de leur territoire.
Je vous soumets aussi l’idée de confier une véritable mission d’inspection afin d’évaluer précisément l’action des maisons de l’emploi, et donc de compléter le bilan partiel qui, s’il était de qualité, avait abouti à un résultat quelque peu mitigé. Nous pourrions ainsi y voir plus clair, car, si certaines maisons de l’emploi fonctionnent incontestablement de manière satisfaisante – j’en connais ! –, d’autres sont déficientes et nombre d’entre elles ont même disparu.
Par conséquent, avec 26 millions d’euros de budget et la possibilité d’avoir accès aux crédits d’accompagnement des mutations économiques dans les mêmes proportions que l’an dernier, nous devrions nous en sortir.
Vous venez de retirer 2 milliards d’euros d’autorisations d’engagement au budget de l’emploi, monsieur le rapporteur général ; vous voulez à présent rajouter 10 millions d’euros… La comparaison me ferait presque sourire si vos propos, que j’ai écoutés avec intérêt, ne m’avaient quelque peu inquiété, monsieur de Montgolfier. Vous avez déclaré que ces 2 milliards d’euros d’autorisations d’engagement que vous avez supprimées ne représentent finalement que 675 millions d’euros en crédits de paiement. Si vous voulez véritablement réaliser 150 milliards d’euros d’économies sur les crédits de paiement pour 2015, je me demande bien dans quel état va finir le budget de la France !
Sourires.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote sur l’amendement n° II-12 rectifié quater.
Je voudrais apporter deux précisions.
Monsieur le ministre, vous parlez de destruction des maisons de l’emploi en 2007 et 2008. À ce terme un peu excessif, je préfère celui de rationalisation. Nous avons effectivement voulu créer ce qui est ensuite devenu Pôle emploi en fusionnant l’UNEDIC et l’ANPE, à la suite d’une étude ayant démontré qu’un certain nombre de maisons de l’emploi ne fonctionnaient pas.
Comme je l’ai dit devant la commission des affaires sociales, j’approuve cette rationalisation concernant les maisons de l’emploi. Vous nous annoncez une vraie évaluation et une mission sur leur efficacité, en faisant référence à un rapport de l’un de nos collègues députés qui mettait en évidence que certaines d’entre elles ne fonctionnaient pas.
C’est la raison pour laquelle, pour une fois, je suivrai le Gouvernement et ne voterai pas ces amendements.
Monsieur le ministre, j’ai tenu à vous alerter de l’inquiétude d’un certain nombre de maisons de l’emploi et, j’y insiste, de la formation. Il est vrai que certaines d’entre elles n’ont pas donné les résultats escomptés, comme l’a dit Mme Procaccia.
Je vous demande de bien vouloir repréciser que, dans le cadre actuel, les moyens futurs accordés aux maisons de l’emploi seront identiques à ceux de l’an passé, selon les mêmes modalités, c’est-à-dire que les possibilités d’y accéder ne seront pas réduites. Je veux parler de 26 millions d’euros pour le fonctionnement de ces maisons et de 10 millions d’euros qui seront ouverts à des projets.
Ces maisons de l’emploi sont pour nous extrêmement importantes. Le bassin d’emploi de l’agglomération de Cherbourg, par exemple, est en pleine restructuration. En outre, pour réorienter les emplois du futur, nous avons besoin de ces maisons de l’emploi, qui travaillent avec les entreprises, les enseignants, les organisations syndicales et patronales. Et il est absolument indispensable de garantir à ces structures une lisibilité à long terme.
Si vous nous assurez, monsieur le ministre, que les crédits de l’an passé, qui ont d’ailleurs été utilisés, ne diminueront pas, je vous fais confiance et je retire mon amendement.
L’amendement n° II-87 rectifié est retiré.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Madame la présidente, je sais combien l’exercice auquel se livrent les présidents de séance durant l’examen du projet de loi de finances est difficile et complexe.
Je devine l’envie de chacun d’entre nous de prendre la parole pour explication de vote dans un débat sur la seconde partie du projet de loi de finances que nous n’avons pas eu depuis maintenant trois ans.
Certains de nos collègues n’ont peut-être pas l’expérience de ce temps contraint : c’est pourquoi je me permettrai, sans vouloir brimer personne, de rappeler que le temps affecté à la discussion de chaque mission est limité. Nos travaux concernant la présente mission auraient dû se terminer à douze heures quinze. Jusqu’à douze heures trente, il n’y aura pas d’incidence sur la discussion suivante, qui durera quarante-cinq minutes et pour laquelle M. le secrétaire d’État est présent. Si nos débats s’éternisaient, cela nous laisserait entrevoir la perspective de revenir un samedi matin pour terminer l’examen de certaines missions qui n’auraient pas été étudiées.
Le cadre de nos interventions est strict, mais il est le seul, me semble-t-il, qui permette l’examen de toutes les missions dans les meilleures conditions, en présence des ministres concernés.
À ce stade, il nous reste deux amendements à examiner. Si chacun s’appliquait à la plus grande concision, nous pourrions achever l’examen de cette mission à douze heures trente et ainsi éviter à nos collègues de siéger le samedi 6 décembre, puisque la séance de demain est déjà prévue.
Je ne peux que faire respecter le temps de parole des orateurs, mais je ne peux pas empêcher ceux de nos collègues qui le souhaitent de prendre la parole. À vous d’être concis, mes chers collègues !
La parole est à M. le ministre.
Pour être concis, madame la présidente, je me contenterai de vous faire part de mon engagement très précis de mettre en place une mission d’inspection qui vise, en premier lieu, à mobiliser les financements communautaires dans le cadre de la nouvelle programmation du Fonds social européen, le FSE, jusqu’en 2020 – c’est très important –, et en second lieu, à soutenir collectivement les maisons de l’emploi, qui, au côté des acteurs du service public de l’emploi, proposeront des projets territoriaux utiles pour le développement de leur territoire.
Dans la mesure où le Gouvernement, par la voix de M. François Rebsamen, s’engage, et en dépit de tout ce que j’avais dit lors de la discussion générale, je pense que nous allons suivre le Gouvernement.
(Sourires.) Un ancien sénateur devenu ministre qui promet un rapport ne peut que nous donner les vraies informations !
Exclamations sur les travées de l’UMP.
Nous allons retirer notre amendement, monsieur le ministre, non parce que nous vous faisons confiance, mais en raison de la promesse de ce rapport. §
L’amendement n° II-111 rectifié est retiré.
Madame Deromedi, l'amendement n° II-12 rectifié quater est-il maintenu ?
L'amendement n° II-12 rectifié quater est retiré.
L'amendement n° II-119, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Accès et retour à l’emploi
Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travailDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Jean Desessard.
La réforme de l’insertion par l’activité économique, si elle est globalement saluée par les associations, fait naître des inquiétudes financières chez certains employeurs, car elle modifie le financement des structures d’insertion.
En effet, le basculement vers un contrat à durée déterminée d’insertion – CDDI – amélioré, institué par la réforme, remet en cause les exonérations dont certaines structures d’insertion par l’activité économique, ou SIAE, bénéficiaient au travers des contrats uniques d’insertion-contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CUI-CAE, ce qui entraîne un surcoût difficile à supporter pour ce type de structures, et non couvert en totalité par l’aide au poste. Cette dernière comprend un volet forfaitaire de 19 500 euros et un volet modulable soumis à certains critères, dont des critères de résultat imposés par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, les DIRECCTE.
Cela est inquiétant, car dans le cadre de l’application du CDDI, plusieurs structures connaissent des difficultés financières. Elles subissent des pertes, et certaines d’entre elles risquent d’être contraintes de fermer à la fin de l’année, l’application du seul forfait de 19 500 euros ne leur permettant pas de couvrir la totalité de leurs frais. Il faudrait, pour cela, qu’elles puissent également prétendre à la part modulable, ce qui est vraiment incertain.
Il semble aujourd’hui souhaitable d’assurer un soutien plus important au secteur de l’insertion.
Cet amendement tend donc à revaloriser de 1 million d’euros la dotation prévue, afin d’anticiper les lacunes budgétaires que pourraient rencontrer certaines SIAE lors de la mise en place de la réforme.
M. André Gattolin applaudit.
Je demande à titre personnel à Jean Desessard de bien vouloir retirer son amendement, car un accroissement significatif des crédits alloués au dispositif, à hauteur de 18 millions d’euros, est déjà prévu pour cette année et pris en compte dans l’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
Je connais bien ce dossier au titre des régions, puisque l’effort réalisé par les collectivités locales est important pour accompagner les postes et l’économie sociale et solidaire. Compte tenu des éléments budgétaires dont nous disposons, je demande à M. Desessard de bien vouloir retirer son amendement.
Je fais la même demande à M. Desessard.
Nous avons déjà eu l’occasion, à l’Assemblée nationale, d’étudier le même type d’amendements. M. le rapporteur spécial vient de le dire, un effort de 40 millions d’euros supplémentaires a été consenti depuis 2012. J’ai réuni dernièrement le Conseil national de l’insertion par l’activité économique. L’ensemble des acteurs, ateliers et chantiers d’insertion comme entreprises d’insertion, se sont félicités de ce budget.
J’en prends ici l’engagement : il n’y aura aucun manque, sur aucun poste. La mobilisation du fonds départemental d’insertion, fixée à 20, 8 millions d’euros, permettra d’apporter une aide ponctuelle à une structure qui, sans cela, se retrouverait en difficulté. C’est la réponse, je le crois, à la question que vous avez posée.
En résumé, l’aide au poste est effective aujourd’hui et permet une meilleure insertion dans l’emploi. Je le redis, l’ensemble des acteurs et le réseau Alerte, qui fait appel à ces fonds et à ces postes, étaient satisfaits de cette mesure.
Par conséquent, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
L'amendement n° II-119 est retiré.
Nous allons maintenant procéder au vote des crédits, modifiés, de la mission « Travail et emploi », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission, modifiés.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public par le groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 45 :
Le Sénat a adopté.
J’appelle en discussion les articles 62 et 63, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Travail et emploi ».
Travail et emploi
Il est institué, pour chaque année de 2015 à 2017, au bénéfice de l’Agence de services et de paiement mentionnée à l’article L. 313-1 du code rural et de la pêche maritime, une contribution annuelle de 29 millions d’euros à la charge de l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées mentionné à l’article L. 5214-1 du code du travail. Cette contribution est affectée par l’Agence de services et de paiement au financement des contrats uniques d’insertion et des emplois d’avenir mentionnés aux articles L. 5134-19-3 et 5134-110 du même code.
Il est institué à compter de 2015 et jusqu’en 2017, au bénéfice de l’Agence de services et de paiement mentionnée à l’article L. 313-1 du code rural et de la pêche maritime, une contribution annuelle de 29 millions d’euros à la charge du fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique mentionné à l’article L. 323-8-6-1 du code du travail. Cette contribution est affectée par l’Agence de services et de paiement au financement des aides financières versées pour les contrats uniques d’insertion et les emplois d’avenir mentionnés aux articles L. 5134-19-3 et L. 5134-110 du même code.
Elles sont versées en deux échéances semestrielles, la première avant le 1er juin et la seconde avant le 1er décembre.
Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ces contributions sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.
L'amendement n° II-118, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, seconde phrase
Après les mots :
et des emplois d’avenir
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
prioritairement en faveur des travailleurs handicapés mentionnés aux articles L. 5134-19-3 et 5134-110 du même code.
II. - Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La contribution mentionnée au I est réalisée dans le périmètre de concours stabilisé en valeur.
La parole est à M. Jean Desessard.
Par cet article, le Gouvernement ponctionne de 29 millions d’euros les crédits de l’AGEFIPH, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, pour reverser cette somme à l’ASP, l’Agence de services et de paiement, qui devra consacrer exclusivement ces fonds aux contrats aidés.
Les travailleurs handicapés ne représentent que 9, 2 % des bénéficiaires de l’ensemble des contrats aidés, et cette mesure suscite une inquiétude dont je me fais le relais : que ces fonds ne soient pas employés au bénéfice de ces publics.
Le présent amendement tend à lever les doutes subsistant quant au fléchage de ces 29 millions d’euros. Nous devons être assurés que cette somme sera bel et bien prioritairement consacrée aux personnes en situation de handicap.
La commission n’a pas examiné cet amendement. Toutefois, d’après les éléments dont je dispose, il apparaît que des incertitudes juridiques en entoureraient la mise en œuvre. C’est pourquoi, à titre personnel, j’en demande le retrait.
Monsieur Desessard, je vous demande, moi aussi, de bien vouloir retirer votre amendement.
Vous avez tout à fait raison de vous préoccuper de cette question puisque, voilà quelques instants, le Sénat a voté la réduction de divers crédits bénéficiant à l’ensemble des contrats aidés, lesquels sont destinés aux publics les plus fragiles, et notamment aux travailleurs handicapés.
Cependant, il faut garder à l’esprit que près de 11 % des CAE, 8 % des CIE et 3 % des emplois d’avenir sont attribués à des travailleurs handicapés. Le nombre de ces contrats a beaucoup augmenté : il a été porté en tout à 50 000, pour un montant dépassant les 180 millions d’euros. Ces sommes dépassent de loin les ponctions opérées sur les crédits de l’AGEFIPH.
Au reste, comme je l’ai expliqué à la présidente de cette association, les sommes dont il s’agit relèvent d’une trésorerie dormante. Nous assurons 500 créations de postes pour les travailleurs handicapés au sein des entreprises adaptées, preuve parmi d’autres que nous accomplissons, dans ce budget, un effort important en leur faveur. L’AGEFIPH a bien compris l’intention du Gouvernement.
Je précise que cette disposition est appelée à être reconduite l’an prochain.
Mme Patricia Schillinger et M. Jean-Pierre Godefroy applaudissent.
Monsieur le ministre, malgré vos propos, j’éprouve les mêmes inquiétudes que M. Desessard.
Quant aux incertitudes juridiques, monsieur le rapporteur spécial, d’une manière générale, j’ai tendance à penser qu’elles peuvent être levées entre le premier examen d’un texte de loi et son vote définitif.
Cela étant, je profite de cette occasion pour attirer l’attention sur une autre disposition introduite par le Gouvernement à l’Assemblée nationale : elle permet de ponctionner, également à hauteur de 29 millions d’euros, les réserves d’une autre structure dédiée au handicap, le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique – FIPHFP.
Les responsables du FIPHFP estiment que la contribution demandée représente près d’un quart de ses ressources annuelles. Selon eux, cette ponction conduirait à un assèchement de ses réserves dès 2017. Les dispositifs destinés à l’emploi et au maintien dans l’emploi des personnes handicapées au sein des trois fonctions publiques s’en trouveraient affectés.
Je rappelle que c’est l’État lui-même qui a validé les orientations du FIPHFP, il y a un an, en signant la nouvelle convention d’objectifs et de gestion, laquelle prévoit justement la mobilisation de ces réserves pour la période 2014-2018.
Pour ma part, je voterai l’amendement de M. Desessard si celui-ci le maintient.
Une fois n’est pas coutume, cher collègue Desessard, votre amendement me convient et, à l’instar de Catherine Procaccia, je le voterai si vous décidez de le maintenir.
Monsieur le ministre, lors de l’audition que vous avez bien voulu accorder à la commission des affaires sociales, Mme Debré, qui préside nos débats ce matin, vous avait interrogé d’une manière extrêmement précise sur ce dossier. J’en conviens, notre réunion tirait alors à sa fin, mais la réponse très évasive que vous lui avez faite contrastait singulièrement avec toutes celles, très denses, que vous nous aviez apportées sur tous les points que nous avions précédemment abordés.
Je suppose que, si vous aviez entre-temps apporté à notre commission les garanties attendues quant à l’affectation de cette somme, notre collègue écologiste n’aurait pas été amené à déposer cet amendement. Il est donc logique qu’il l’ait présenté aujourd'hui.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je répète que les sommes en question sont prélevées sur des réserves dormantes, qu’il s’agisse de l’AGEFIPH ou du FIPHFP. Pour ce fonds, destiné à l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, les trésoreries dormantes atteignent quelque 394 millions d’euros, ce qui n’est pas négligeable ! La ponction de 29 millions d’euros proposée par le Gouvernement permettra précisément d’activer ces réserves, et ce dans l’intérêt des travailleurs handicapés.
L’effort budgétaire qui est accompli sert, entre autres, à financer des contrats aidés, lesquels sont bien souvent critiqués à la droite de cet hémicycle. Au reste, madame Procaccia, monsieur Cardoux, si vous aviez poussé plus loin votre raisonnement, vous auriez sans doute défendu la suppression de l’ensemble des contrats aidés, à l’exception de ceux qui sont destinés aux personnes handicapées.
Sourires sur les travées de l'UMP.
Bien sûr !
Monsieur Desessard, je vous demande de nouveau de bien vouloir retirer cet amendement : vous vérifierez tous les chiffres disponibles sur ce sujet.
J’ajoute que, comme M. le rapporteur spécial l’a laissé entendre, la disposition que vous proposez créerait de sérieux problèmes juridiques, et c’est bien le fond du problème. L’ASP peine à flécher le financement de tel contrat aidé vers tel financeur. La difficulté de cet exercice complexifierait les circuits de gestion et alourdirait les coûts.
Cela étant, les travailleurs handicapés font l’objet d’un effort important, et c’est normal.
M. Jean Desessard. Avant tout, je tiens à remercier Mme Procaccia et M. Cardoux du soutien qu’ils ont manifesté à cet amendement. Avec leur appui, je pourrais espérer le voir obtenir la majorité… Je m’en réjouis !
Sourires.
Néanmoins, après réflexion, ayant entendu les arguments de M. le rapporteur spécial et de M. le ministre, j’accepte de retirer cet amendement.
Mme la présidente de la commission des finances et M. le rapporteur spécial s’en félicitent.
Malgré tout, monsieur le ministre, je formulerai un dernier vœu. Vous avez très bien répondu sur les deux amendements que j’ai déposés au titre de cette mission. Je serais heureux que vous puissiez faire de même au sujet de cette sorte de GPS pour la formation professionnelle que je vous ai proposé il y a quelques mois. Avec un tel outil, on pourrait voir comment faire face, dans la pratique, aux offres d’emplois non pourvues. Pourquoi ces postes ne trouvent-ils pas preneur ? Est-ce à cause des conditions de travail ? Est-ce du fait de carences de la formation professionnelle ? Le cas échéant, quel type de formation peut-on créer ?
Dans le même ordre d’idées, et dans la perspective d’une prochaine discussion, je vous pose cette question : pourquoi le site de Pôle emploi compte-t-il tant de demandes d’emploi émanant de maçons, y compris dans votre département, alors qu’on entend partout qu’il y a pénurie de maçons ? Il faudra m’expliquer pourquoi on voit sur le site de Pôle emploi tant d’annonces de maçons qui cherchent du travail mais, au même moment, paraît-il, on ne trouve pas de maçons !
(Sourires.) S’agirait-il du même problème ? Est-ce que les annonces figurant sur le site de Pôle emploi remontent en fait à deux, trois ou quatre ans ? Si c’est le cas, il serait bon que Pôle emploi actualise les annonces…
M. André Gattolin applaudit.
Cela me fait penser à ces annonces de vente de voitures d’occasion qu’on voit chez le boulanger : quand on téléphone, on vous répond que le véhicule a été vendu il y a deux ans ! §
L'article 62 est adopté.
I. – La section 1 du chapitre III du titre IV du livre II de la sixième partie du code du travail est complétée par un article L. 6243-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6243 -1 -1. – La conclusion d’un contrat d’apprentissage dans une entreprise de moins de deux cent cinquante salariés ouvre droit, à l’issue de la période mentionnée au premier alinéa de l’article L. 6222-18, à une aide au recrutement des apprentis d’un montant qui ne peut pas être inférieur à 1 000 €.
« Cette aide est versée par la région ou par la collectivité territoriale de Corse dès lors que l’une des conditions suivantes est remplie :
« 1° L’entreprise justifie, à la date de conclusion de ce contrat, ne pas avoir employé d’apprentis en contrat d’apprentissage ou en période d’apprentissage depuis le 1er janvier de l’année précédente dans l’établissement du lieu de travail de l’apprenti ;
« 2° L’entreprise justifie, à la date de conclusion d’un nouveau contrat, employer dans le même établissement au moins un apprenti dont le contrat est en cours à l’issue de la période mentionnée au premier alinéa de l’article L. 6222-18. Le nombre de contrats en cours dans cet établissement après le recrutement de ce nouvel apprenti doit être supérieur au nombre de contrats en cours dans ce même établissement le 1er janvier de l’année de conclusion du nouveau contrat.
« À compter du 1er juillet 2015, l’entreprise doit également relever d’un accord de branche comportant des engagements en faveur de l’alternance. L’accord collectif comporte des engagements qualitatifs et quantitatifs en matière de développement de l’apprentissage, notamment des objectifs chiffrés en matière d’embauche d’apprentis.
« La région et la collectivité territoriale de Corse déterminent les modalités de versement. »
II. – L’aide mentionnée à l’article L. 6243-1-1 du code du travail est ouverte aux entreprises mentionnées au même article à compter de la date de promulgation de la présente loi, pour les contrats d’apprentissage conclus à compter du 1er juillet 2014.
III. – La prise en charge, par les régions et par la collectivité territoriale de Corse, de l’aide au recrutement des apprentis mentionnée audit article L. 6243-1-1 fait l’objet d’une compensation par l’État.
Le montant de cette compensation est déterminé chaque année en fonction du nombre d’aides versées par les régions entre le 1er juillet de l’année n-1 et le 30 juin de l’année n et sur la base de 1 000 € par contrat, pour les contrats d’apprentissage répondant aux conditions mentionnées au même article L. 6243-1-1. –
Adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage », figurant à l’état D.
en euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
Répartition régionale de la ressource consacrée au développement de l’apprentissage
Correction financière des disparités régionales de taxe d’apprentissage et incitations au développement de l’apprentissage
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».
Ces crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage ».
M. Jean-Pierre Caffet remplace Mme Isabelle Debré au fauteuil de la présidence.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l’État » se décompose en quatre programmes, concernant respectivement le Conseil d’État et les autres juridictions administratives, la Cour des comptes et les autres juridictions financières, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, et, depuis la loi de finances pour 2014, le Haut Conseil des finances publiques, le HCFP, dont la commission des finances a récemment eu le plaisir d’entendre le président.
L’enveloppe budgétaire de cette mission représente 636, 2 millions d’euros, et progresse de moins de 1 % par rapport à 2014. Plus de 60 % de ses crédits sont consacrés à la justice administrative, contre près de 34 % aux juridictions financières. Le CESE et le HCFP ne représentent, respectivement, que 6 % et 0, 1 % du total de la mission.
En raison de leurs spécificités, ces programmes sont préservés des contraintes habituelles de régulation budgétaire. Pour autant, ils concourent à l’effort budgétaire : en seconde délibération, l’Assemblée nationale en a réduit les crédits de 800 000 euros.
Les crédits du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » augmentent de 2 % par rapport à 2014, pour s’établir à 383 millions d’euros en crédits de paiement.
Par ailleurs, 35 créations de postes sont prévues en 2015, au titre des 635 postes supplémentaires ouverts dans le domaine de la justice. Cet effort bénéficiera principalement aux tribunaux administratifs et au traitement du contentieux de l’asile. C’est essentiel – je parle sous le contrôle de Roger Karoutchi qui, chaque année, appelle notre attention sur ce sujet – si l’on veut respecter l’objectif prioritaire de réduction des délais de jugement.
On prévoit pour 2015 des délais moyens de dix mois, tant dans les tribunaux administratifs que dans les cours administratives d’appel. Cette ambition de stabiliser, voire de diminuer les délais de jugement, est d’autant plus remarquable que l’on observe une augmentation du nombre d’affaires enregistrées dans toutes les juridictions administratives. Cette progression s’est établie, pour les seuls tribunaux administratifs, à 15, 6 % au premier semestre de 2014.
S’agissant plus particulièrement de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, dont le délai moyen de jugement a été diminué de moitié depuis 2009, elle s’est fixé pour 2015 l’objectif d’atteindre le délai, quasi incompressible, de six mois. On ne peut que s’en réjouir.
Le budget du Conseil économique, social et environnemental pour 2015 s’établit à 38, 3 millions d’euros en crédits de paiement – dont 85 % de dépenses de personnel –, lesquels enregistrent ainsi une diminution de 0, 6 % par rapport à 2014. Les crédits de fonctionnement, qui représentent 4, 8 millions d’euros, diminuent de 1 %.
Le financement du programme pluriannuel d’investissement immobilier du palais d’Iéna est assuré en grande partie par les recettes de valorisation de ce patrimoine, qui proviennent en majorité du produit de la location du palais pour diverses manifestations, selon un schéma que l’on peut qualifier de vertueux.
L’année 2015 verra le renouvellement des membres du CESE, ce qui pourrait menacer l’équilibre précaire de sa caisse de retraites. C’est pourquoi le CESE a décidé de recourir à l’expertise de la Caisse des dépôts et consignations.
Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est doté de 214 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une diminution de 1 % par rapport à 2014. Cette baisse s’observe sur les deux postes principaux de dépenses : les dépenses de personnel, qui constituent 87 % des crédits du programme, et les dépenses de fonctionnement, qui diminuent de près de 10 %.
Le coût de la réforme des juridictions financières, et plus particulièrement du regroupement de sept chambres régionales des comptes, a été revu à la baisse : la Cour des comptes l’estime désormais à 6, 8 millions d’euros. Cette réforme doit permettre de réaliser, en 2015, près de 1 million d’euros d’économies en fonctionnement, somme redéployée au profit des dépenses d’investissement.
La Cour estime que d’ici à quatre ans, les coûts de la réforme, hors dépenses de personnel, auront ainsi été compensés par les économies réalisées.
Enfin les crédits du programme « Haut Conseil des finances publiques » s’établissent à 820 000 euros, dont 370 000 euros concernent les dépenses de personnel. À cet égard, il convient de relever que trois équivalents temps plein travaillé qui sont dévolus au HCFP.
Ce budget, certes modeste à l’échelle de la mission, devrait pour autant se révéler largement surcalibré puisqu’il est construit sur le même socle que le budget 2014, alors que le projet de décret d’avance examiné par la commission des finances le 24 novembre dernier prévoit l’annulation de 370 000 euros.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de la mission.
Cette année, pour la première fois, la commission des lois a examiné ensemble les crédits de deux des programmes de la mission « Conseil et contrôle de l’État » : « Conseil d’État et autres juridictions administratives» et « Cour des comptes et autres juridictions financières »
Ces deux programmes ont en commun de présenter une certaine stabilité, permettant aux juridictions administratives comme aux juridictions financières de disposer de conditions relativement favorables à l’accomplissement de leurs missions.
Dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, les crédits alloués pour 2015 au programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » sont en progression de 2, 1 % en crédits de paiement et 35 emplois sont créés.
Les crédits du programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » connaissent une légère diminution par rapport à l’an dernier – de 1 % –, en raison d’un ajustement technique. Quant aux moyens humains, ils s’établissent à un niveau constant par rapport aux exercices précédents.
D’un point de vue strictement budgétaire, donc, ces programmes ne soulèvent pas de difficultés particulières.
Toutefois, l’ensemble des personnes que j’ai pu rencontrer pour préparer cet avis m’ont signalé que cette situation satisfaisante était fragilisée par la forte pression contentieuse subie par les juridictions administratives, d’une part, et par la multiplication des missions confiées aux juridictions financières, d’autre part.
Depuis 2011, l’objectif de ramener à un an les délais de jugement devant l’ensemble des juridictions est atteint pour les juridictions administratives, tous types d’affaires confondues.
Cependant, je tiens à interroger le Gouvernement sur les raisons de la suppression de l’indicateur « délai moyen constaté pour les affaires ordinaires », qui était particulièrement pertinent puisqu’il présentait les délais de jugement des affaires, en dehors des procédures d’urgence et des procédures particulières.
Pour les affaires ordinaires, les délais de traitement s’établissent plutôt autour d’un an et dix mois devant les tribunaux administratifs et d’un an et deux ou trois mois devant les cours administratives d’appel et le Conseil d’État.
Pour permettre aux juridictions administratives de maintenir leur bon niveau de performance face à une pression contentieuse constante – le contentieux du droit au logement opposable et celui des étrangers ont progressé respectivement de 44 % et 25 % de 2010 à 2013 –, des réformes de procédure ont été mises en œuvre, comme la suppression de l’appel ou le recours au juge unique dans 60 % des affaires.
Si ces procédures de simplification contentieuse ont permis à la juridiction administrative de faire face à l’augmentation du contentieux et de réduire ses délais de jugement, on peine à mesurer leur impact sur la qualité de la justice rendue. En effet, certains contentieux, concernant en particulier les publics les plus fragiles – par exemple, les contentieux sociaux –, cumulent suppression de l’appel, règlement par juge unique et dispense de conclusions du rapporteur public.
Enfin, comme lors des deux exercices précédents, j’ai pu constater un véritable sentiment d’impuissance des magistrats face à des contentieux pour lesquels l’utilité de l’intervention du juge pose question. Je pense en particulier au droit au logement opposable, ou DALO. Le juge ne tranche aucune question de droit et il ne règle pas non plus la situation du justiciable, puisqu’il ne peut qu’enjoindre l’administration, sous astreinte, de délivrer un logement qu’elle n’a pas.
Quant aux juridictions financières, elles ont vu leurs missions se multiplier au cours des dernières années. Par exemple, après la certification des comptes de l’État, de la sécurité sociale et des deux assemblées, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de l’État, en cours d’examen au Sénat, prévoit l’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales les plus importantes.
Pour préserver leurs performances satisfaisantes dans un contexte budgétaire contraint, les juridictions financières ont fait l’objet de réformes organisationnelles et de procédures. Ainsi, en 2012, la carte des juridictions a été réformée pour permettre le regroupement des chambres régionales des comptes, ou CRC, dont sept ont été fermées.
Si la période préparatoire de la réforme a été longue et difficile pour les personnels, sa mise en œuvre semble s’être finalement déroulée de manière relativement apaisée. Aujourd’hui, les juridictions regroupées fonctionnent de manière satisfaisante.
La réforme aurait donné une nouvelle dynamique aux juridictions financières : outre une nouvelle répartition et une requalification des effectifs en faveur de la fonction de contrôle, les regroupements semblent avoir permis des réorganisations, des économies d’échelle, une spécialisation dans certains domaines, une plus grande professionnalisation et des gains de productivité.
Mais, depuis la restructuration de la carte et compte tenu du contexte budgétaire contraint, les effectifs des juridictions ont été calculés au plus juste des besoins, au regard de leur programme de contrôle.
Je m’inquiète donc de voir certaines missions se développer. Je pense, par exemple, à la multiplication des formations inter-juridictions, constituées entre la Cour et des chambres régionales des comptes ou entre des chambres régionales. Certes, ces structures permettent aux juridictions financières de répondre dans un délai beaucoup plus court aux demandes d’enquête émanant du Parlement et du Gouvernement, qui concernent à la fois le champ de compétence de la Cour et celui des chambres régionales des comptes ; elles présentent également l’avantage de porter un regard transversal, là où les chambres régionales et territoriales des comptes ne peuvent avoir qu’une vision géographiquement limitée. Toutefois, une certaine prudence s’impose dans l’utilisation de cet outil : il ne faudrait pas que les travaux inter-juridictions se développent au détriment des missions de contrôle des chambres régionales des comptes.
Au bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits des programmes 164 et 165.
J’indique au Sénat que la conférence des Présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission dont nous examinons les crédits n’est certainement pas la mieux dotée du budget pour 2015, avec environ 687 millions d’euros de crédits répartis sur quatre programmes d’importance, le principal portant sur le fonctionnement des juridictions administratives.
L’enveloppe du programme 165, qui concerne ces juridictions, recouvre des réalités très différentes : aussi bien le Palais-Royal, qui héberge les services du Conseil d’État, que les juridictions administratives, qui doivent accomplir une mission complexe, au plus près de la mise en œuvre de textes législatifs et réglementaires.
Soulignons d’emblée que l’accroissement plutôt modeste des effectifs, dans le cadre plus général du renforcement des moyens de la justice, nous semble encore insuffisant pour faire face aux objectifs ambitieux que le Gouvernement entend fixer aux juridictions administratives. Le périmètre de leurs interventions s’est en effet élargi depuis quelques années, touchant notamment les domaines sensibles du droit au logement ou du droit d’asile. Ces deux sources de contentieux sont en effet au cœur de l’allongement constaté des délais de jugement. Vu le temps qui m’est imparti, je ne pourrai en dire plus, en cet instant, sur ces deux sujets, bien qu’ils tiennent à cœur ; l’examen de la mission suivante me donnera toutefois l’occasion d’évoquer notamment l'OFPRA l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Plus que d’économies plus ou moins arbitraires, la mission « Conseil et contrôle de l’État » a besoin d’une juste dépense, respectueuse des droits de la personne et efficace, tant l’intervention des juridictions administratives conditionne également le montant d’autres engagements publics, notamment en matière de santé, d’éducation ou encore de logement.
J’indiquerai en conclusion que les sénateurs du groupe CRC s’abstiendront sur les crédits de cette mission.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente mission budgétaire traduit la mise en œuvre des priorités du Gouvernement et de sa majorité. En effet, dans un contexte de contraintes budgétaires, la justice continue de bénéficier, tout comme la sécurité et l’éducation, d’une attention particulière et de moyens supplémentaires.
Cela se traduit dans les chiffres puisque les crédits de paiement de la mission « Conseil et contrôle de l’État » connaîtront l’an prochain une hausse de l’ordre de 1 %. Il convient de souligner que 35 postes à temps plein seront créés dans les juridictions administratives. Ces nouveaux moyens humains ont notamment vocation à réduire les délais dans lesquels la justice administrative est rendue dans notre pays.
Relevons d’ailleurs que l’objectif fixé en 2011 de ramener en moyenne à un an les délais de jugement est aujourd’hui atteint : ils sont aujourd’hui en moyenne de dix mois pour les tribunaux administratifs et de huit mois et quinze jours pour le Conseil d’État.
Nous le savons, ces juridictions souffrent également de la multiplication des contentieux, notamment en ce qui concerne les droits des étrangers. Nous espérons que les projets de loi relatifs au droit d’asile et aux droits des étrangers permettront de limiter le nombre de recours contentieux et de juger plus rapidement les requêtes formulées devant les juridictions. Monsieur le secrétaire d’État, je forme le vœu que vous nous annonciez l’arrivée prochaine de ces textes devant le Parlement.
Les sénateurs socialistes ont à cœur, en dotant les juridictions administratives de moyens sanctuarisés, de veiller à ce que cet objectif de réduction des délais de l’office du juge ne se fasse pas aux dépens de la qualité de la justice rendue. Nous sommes donc vigilants sur ce budget mais, au vu de l’augmentation constante des contentieux, nous le serons plus encore à l’avenir, afin de nous assurer que les prochains exercices prendront en compte l’augmentation constante des contentieux, qui va inéluctablement contrarier les efforts entrepris pour garantir dans le temps les moyens alloués et permettre aux juridictions administratives de bien fonctionner.
Le juge financier a également vu le nombre de ses missions augmenter. Sa situation pourrait s’en trouver fragilisée, même s’il convient de noter que le regroupement des chambres régionales des comptes, qui anticipe en quelque sorte la réforme territoriale, porte ses fruits.
Ce budget est donc bon pour les juridictions administratives et les juridictions financières. Il conforte le discours du Gouvernement, qui inscrit la justice au cœur de l’action publique. Les sénateurs socialistes, satisfaits des crédits de cette mission, les voteront.
Monsieur le président, je tiens avant tout à remercier l’ensemble des orateurs de leurs interventions constructives. Je me félicite que tous aient souligné la performance des quatre institutions dont les crédits sont retracés par la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Par ailleurs, je me réjouis que cet effort ait été perçu par le rapporteur spécial, Albéric de Montgolfier, ainsi que par le rapporteur pour avis, Michel Delebarre, qui ont tous deux conclu leur propos en émettant un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission.
J’ai néanmoins compris que des interrogations subsistaient. Aussi vais-je tenter, dans le respect de l’indépendance des institutions mentionnées, d’y apporter des réponses aussi claires que possible.
S’agissant, tout d’abord, des juridictions administratives, plusieurs orateurs ont souligné que, en dépit des efforts de productivité réalisés depuis plusieurs années par tous leurs personnels de ces juridictions, la reprise à la hausse, depuis le début de l’année 2014, des contentieux de masse risquait, à terme, de provoquer une dégradation des délais de jugement. Le Gouvernement est pleinement conscient de ce problème et y a répondu de plusieurs manières.
En premier lieu, 35 postes seront créés en 2015 ; ils seront fléchés en priorité vers les tribunaux administratifs et la Cour nationale du droit d’asile. En outre, des procédures allégées, et donc plus rapides, ont été mises en place pour certains contentieux : le développement du juge unique, des ordonnances ainsi que la suppression de l’appel pour certains types de contentieux. Je m’associe pleinement aux propos du rapporteur pour avis, qui a rappelé que ces procédures devaient être réservées aux affaires les plus simples et qu’elles ne sauraient en aucun cas remettre en cause le droit des justiciables à voir leur recours jugé sérieusement et sereinement.
En second lieu, le Gouvernement tient à répondre au problème des contentieux de masse. Le plus important d’entre eux est le contentieux des étrangers, qui représente un tiers du « flux » des dossiers dans les tribunaux administratifs et 45 % dans les cours administratives d’appel, et qui a été complexifié par la loi de 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Comme l’a souligné Philippe Kaltenbach, le projet de loi relatif à la réforme sur l’asile – je confirme qu’il sera bientôt inscrit à l’ordre du jour des travaux de la Haute Assemblée – et le projet de loi relatif au droit des étrangers en France permettront de « soulager » le juge administratif.
Pour ce qui est des indicateurs de performance des juridictions administratives, je vous confirme que le Conseil d’État continue de calculer régulièrement le délai moyen de jugement des affaires ordinaires et qu’il est disposé à transmettre cette information aux parlementaires qui en feront la demande.
J’en viens maintenant au Conseil économique, social et environnemental.
La caisse de retraite de cette institution est, vous le savez, affectée par un déficit structurel, qui risque de devenir intenable avec le renouvellement prévu à la fin de l’année 2015. Grâce à l’appui de la Caisse des dépôts et consignations, qui a été chargée d’une mission sur le sujet, cette situation devrait être assainie dans de brefs délais. Je sais que les deux assemblées parlementaires seront particulièrement vigilantes et qu’elles examineront avec attention les conclusions de cette mission.
Plus généralement, je veux saluer les efforts de bonne gestion réalisés par le président Delevoye à la fois dans le domaine comptable et en matière de réduction des effectifs.
En ce qui concerne le budget de la Cour des comptes et des autres juridictions financières, certains d’entre vous ont fait valoir que la mise en place, au travers du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, d’une procédure d’expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales sur cinq ans, placée sous le contrôle de la Cour des comptes, allait créer une charge de travail supplémentaire pour les personnels des chambres régionales des comptes.
Sur ce sujet, je tiens à vous assurer que le Gouvernement sera ouvert au débat lors de l’examen de ce texte par la Haute Assemblée, qui débutera dès le 16 décembre prochain. Il n’y a pas lieu de craindre cette innovation : elle est nécessaire dans une période où les deniers publics sont rares, et elle sera un facteur de plus grande sécurité juridique pour les collectivités territoriales. §
Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état B.
en euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Conseil et contrôle de l’État
Conseil d’État et autres juridictions administratives
Dont titre 2
318 675 333
318 675 333
Conseil économique, social et environnemental
Dont titre 2
32 594 998
32 594 998
Cour des comptes et autres juridictions financières
Dont titre 2
185 760 609
185 760 609
Haut Conseil des finances publiques
Dont titre 2
366 546
366 546
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
Je souhaite faire une mise au point concernant le vote de mon collègue Robert Hue lors du scrutin public n° 42, qui a eu lieu hier, sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, que le Sénat examinait en nouvelle lecture.
L’analyse de ce scrutin public indique étrangement que Robert Hue n’a pas pris part au vote, alors qu’il souhaitait voter contre.
Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la convention entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d’investissements d’avenir, action « Nano 2017 ».
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des finances ainsi qu’à la commission des affaires économiques.
Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 28 novembre 2014, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
– les impôts sur les sociétés - agrément ministériel autorisant le report de déficits non encore déduits (n° 2014-431 QPC) ;
– l’incompatibilité des fonctions de militaire en activité avec un mandat électif local (n° 2014-432 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.