Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il est une politique qui se juge à ses résultats, c’est bien celle du travail est de l’emploi.
Alors, ces résultats, quels sont-ils ?
Le ministre du travail a eu l’honnêteté de tordre le cou au mythe de l’inversion de la courbe du chômage. Nos rapporteurs l’ont rappelé : fin septembre 2014, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A dépassait 3, 4 millions. En 2015, selon le Bureau international du travail, les chômeurs représenteront plus de 10 % de la population active française. En outre, la progression annuelle du chômage est de 4, 3 %.
Or, dans le même temps, les crédits de la mission « Travail et emploi » ne progressent pas de 4, 3 %, tant s’en faut, puisqu’ils diminuent globalement de 3 % ! C’est un drôle de signal que vous adressez là à nos concitoyens, monsieur le ministre !
Mon intervention se concentrera sur le programme 102 « Accès et retour à l’emploi », premier programme de la mission « Travail et empli », qui représente plus de 70 % de ses crédits. Malheureusement, l’analyse de ce programme révèle une politique de l’emploi sans cap ni cohérence.
Après l’échec des certitudes et des recettes du début du quinquennat, le Gouvernement ne semble plus savoir à quel saint se vouer. Les résultats, ce sont de mauvais choix mollement confirmés et de bonnes directions à peine esquissées. C’est un peu comme le tango, deux pas en avant, un pas en arrière !
La situation est particulièrement caricaturale en matière de contrats aidés. Dans le secteur non marchand, ces contrats ne sont pas ou peu générateurs d’emplois durables. La Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, ou DARES, l’a encore confirmé récemment. Pourtant, nous n’avions cessé de le répéter lors de la création des emplois d’avenir.
Or qu’observe-t-on sur les contrats aidés dans la mission « Travail et emploi » pour 2015 ? Certes, les contrats aidés réservés à l’emploi non marchand sont en reflux, puisque l’enveloppe initialement prévue reposait sur une projection de 270 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CAE, contre 350 00 en 2014 et 432 000 en 2013 ; par ailleurs, les contrats aidés réservés au secteur marchand sont en nette augmentation, puisque l’on passe de 50 000 nouveaux contrats initiative emploi, les CIE, en 2013 et en 2014 à 80 000 en 2015. Pour autant, ces derniers demeurent très minoritaires par rapport aux premiers, alors même que le taux d’insertion dans l’emploi à l’issue d’un CIE est le double de celui que l’on observe à l’issue d’un CAE.
De surcroît, l’Assemblée nationale a freiné la tendance vertueuse au recentrement du dispositif sur le secteur marchand en créant 45 000 nouveaux contrats aidés pour le secteur non marchand. Vous comprendrez donc que nous soutiendrons l’amendement visant à revenir sur cette mesure.
L’absence de cap de la politique de l’emploi se traduit très logiquement par l’émiettement de ses structures.
Entre Pôle emploi, les permanences d’accueil, d’information et d’orientation, les missions locales pilotées par l’État, les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi et les maisons de l’emploi, plus personne ne s’y retrouve, les publics concernés encore moins que les autres !
À titre d’exemple, les jeunes demandeurs d’emploi de mon territoire doivent se rendre dans la banlieue strasbourgeoise pour aller à Pôle emploi, ce qui représente un déplacement de vingt kilomètres vers le sud, et, dans l’autre sens, à Haguenau, à huit kilomètres, pour la mission locale. Pourtant, il y a un Pôle emploi à Haguenau, mais ils n’y ont pas accès !
Il faut coordonner et décentraliser, en un mot régionaliser, pour se rapprocher des bassins d’emploi. Nous tâcherons d’orienter en ce sens le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou projet « NOTRe ». La région doit se voir confier la responsabilité des politiques de parcours vers l’emploi, ce qui suppose qu’elle pilote, en associant les partenaires sociaux, les opérateurs de service public de l’emploi – en particulier Pôle emploi qui, malgré ses efforts, ne peut mener à bien, en l’absence d’une telle réforme, sa mission de manière satisfaisante.
Dans cette régionalisation de nos politiques de l’emploi, j’inclus les maisons de l’emploi, dont le traitement par le présent projet de loi de finances est très inquiétant. Ce dernier pourrait en effet parachever leur asphyxie programmée, alors qu’elles ont fait la preuve de leur utilité. En effet, depuis leur création par le plan de cohésion sociale, en 2005, les maisons de l’emploi n’ont cessé de voir leurs crédits restreints. En 2012, ils ont été réduits de 20 % d’un coup. De nombreuses maisons de l’emploi ont dû licencier – un comble ! – et une quinzaine ont fermé.