Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, j’ai écouté avec intérêt vos interventions, notant que certaines descriptions du budget de l’emploi sont assez éloignées de la réalité des crédits, tant dans leur contenu que dans leur dynamique.
Je vais m’efforcer de répondre à toutes les interrogations, notamment à celles qui ciblent plus particulièrement tel ou tel point de la mission « Travail et emploi ». L’exercice de réponse a posteriori à des questions qui couvrent l’ensemble des sujets est parfois compliqué et fait, de temps à autre, apparaître l’absence de cohérence des demandes exprimées. Nous en aurons l’illustration lors de l’examen des amendements relatifs aux maisons de l’emploi, qui révèlent des positions parfois contradictoires.
Effectivement, ce budget est en très légère baisse : après son examen par l’Assemblée nationale, il diminue exactement de 2 %. On peut dire que c’est un budget d’exception en ce sens qu’il est quasiment stable. Cela témoigne d’un effort significatif du Gouvernement dans un contexte de réduction importante de la dépense publique que vous n’ignorez pas. Certains d’entre vous réclament d’ailleurs à cor et à cri une réduction beaucoup plus importante que celle que nous pratiquons. Encore une incohérence supplémentaire dont nous aurons l’occasion de reparler !
Je voudrais le rappeler ici, cette quasi-stabilité fait suite à une forte augmentation des autorisations d’engagement, qui ont progressé de plus de 20 % entre 2012 et 2014. La stabilité contenue dans le projet de loi de finances pour 2015 doit donc s’apprécier en référence avec un niveau d’intervention de la politique publique de l’emploi historiquement élevé – et nécessaire !
Le Gouvernement réaffirme la priorité qu’il accorde à l’emploi en consolidant les moyens de la mission à ce niveau élevé. L’ampleur de l’effort n’affranchit cependant pas le budget de la recherche du sens de la responsabilité dans un contexte de sérieux budgétaire.
C’est à ce titre, me semble-t-il, un budget d’exigence, qui vise trois objectifs.
Premier objectif, la lutte contre le chômage. Certes, le taux de chômage atteint un niveau très élevé, je ne le conteste pas, je l’ai d’ailleurs dit, et je vais de nouveau rappeler les chiffres afin que tout le monde soit bien éclairé. Le taux de chômage s’élève aujourd’hui très exactement à 9, 7 % pour la France métropolitaine, et il atteint 10, 3 % en prenant en compte les territoires et départements d’outre-mer.
Je rappelle qu’il a atteint des niveaux beaucoup plus élevés à d’autres périodes. En 1995, par exemple, il était de 10, 7 %. Je le dis non pour me satisfaire de la situation, mais pour montrer que le chômage de masse est, dans notre pays, une longue histoire.
Je le répète, la lutte contre le chômage est l’une des priorités du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix – une décision dont nous attendons des résultats – d’aider à rétablir la compétitivité des entreprises : 41 milliards d’euros vont revenir aux entreprises pour leur permettre de retrouver leur compétitivité et d’investir. Cette restitution est indispensable, car, depuis dix ans, elles avaient perdu cette compétitivité, notamment à l’international. L’OCDE le dit, ces politiques paieront, car elles permettront, dès l’année prochaine, des surcroîts de croissance. Nous aurons l’occasion de le vérifier.
Deuxième objectif, il faut, avec ce budget, faire mieux avec à peu près autant. Cela a été dit et c’est vrai.
Troisième objectif, il faut, et c’est très important, répondre avec efficacité à l’urgence du moment.
Les exigences concernent trois domaines : les demandeurs d’emploi, le service public de l’emploi – qui existe et dont je souhaite qu’il demeure – et les entreprises.
Premier principe, améliorer notre intervention et notre efficacité sans augmenter les moyens.
Je vais parler de Pôle emploi en réponse à tous ceux qui se sont interrogés sur ce sujet. Nous avons accordé – faut-il le rappeler ? – des moyens exceptionnels à Pôle emploi depuis 2012 : 4 000 équivalents temps plein supplémentaires sont venus en renfort des équipes existantes. Ce n’est pas rien ! Maintenant, ce budget est sanctuarisé.
Il s’élève à 1, 519 milliard d’euros en 2015 et, ce que nous demandons à Pôle emploi, c’est en effet de faire mieux avec ce budget. On peut toujours améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi en développant une offre spécifique, pour les plus petites entreprises, par exemple. À budget constant, atteindre ces objectifs nécessite une mise en œuvre progressive, des gains d’efficience et des redéploiements.
J’ai été interpellé sur le contrôle des chômeurs. La situation de l’emploi est très difficile, c’est une évidence. Vous le savez très bien, c’est une autre évidence, je ne cherche pas à stigmatiser les demandeurs d’emploi, pas plus que je ne veux laisser penser que certains d’entre eux pourraient se satisfaire de leur situation !
On sait que l’éloignement prolongé de l’activité disqualifie à grande vitesse le demandeur d’emploi. Plus on reste longtemps au chômage, plus la perspective de retrouver un emploi s’éloigne. Il faut, à cet égard, agir dès que la rupture a lieu. J’ai demandé à Pôle emploi de ne laisser personne décrocher. Contrairement à ce qui avait été fait avec « l’offre raisonnable d’emploi », il ne s’agit pas de se concentrer sur une approche mécanique, qui consiste à sanctionner des actes isolés sans évaluation ni connaissance de la situation réelle des demandeurs d’emploi. Je ne suis pas dans cette logique !
Il s’agit de vérifier les raisons pour lesquelles des demandeurs d’emploi ne recherchent plus d’emploi. Les raisons sont multiples et le rôle des conseillers de Pôle emploi est de contacter les chômeurs et de leur demander pourquoi ils ont abandonné leur recherche d’emploi. Cela fait partie des missions de Pôle emploi que de rappeler à chacun ses droits et ses devoirs, droits et devoirs qui fondent la politique de l’État. On ne doit pas oublier l’un de ses volets.
Le but de la démarche est bien évidemment de permettre à ceux qui ont abandonné la recherche d’emploi d’en retrouver le chemin. L’expérimentation de Pôle emploi allait d’ailleurs dans ce sens. Elle sera l’occasion de donner des orientations sur la personnalisation de l’accompagnement du demandeur d’emploi, dans une logique d’engagements réciproques, établis par le conseiller avec chaque demandeur d’emploi. La vérification de la recherche d’emploi ne peut être comprise que comme partie intégrante d’un accompagnement qui se fonde sur des engagements réciproques permettant de mobiliser les demandeurs d’emploi dans leur recherche.
Toujours dans ce registre de la consolidation des moyens, je souhaite insister sur le financement de l’insertion par l’activité économique, l’IAE, sur lequel j’ai noté qu’avait été déposé un amendement révélant une petite inquiétude de nature technique qu’il convient de dissiper.
Ce sont 240 millions d’euros qui seront consacrés à l’IAE en 2015, soit un effort de plus de 40 millions d’euros depuis 2012. Il s’agit d’une progression dynamique garantie, avec une indexation sur l’évolution du SMIC dès 2015.
Au total, cela représente un effort de 820 millions d’euros, incluant les 580 millions d’euros consacrés aux contrats aidés dans le domaine de l’IAE qui sont en cours de transformation en aides au poste.
La réforme de l’IAE change la donne. Ainsi, le financement sous forme d’aides au poste rendra celui du secteur plus dynamique, avec une part variable en fonction de la réalisation d’objectifs, notamment en termes de retour à l’emploi.
Deuxième principe, rappelé par Mme Schillinger : chaque euro engagé doit être un euro utile.
Des choix doivent être faits ; je sais que tous ne sont pas consensuels, mais c’est le prix de l’efficacité.
Pour ce qui concerne les maisons de l’emploi, je souhaite répondre clairement à vos interventions, comme je répondrai aux amendements que vous avez déposés sur ce sujet.
La vocation première des maisons de l’emploi a disparu, c’est vrai, avec la création de Pôle emploi. Dès 2013, nous avons interrogé leur plus-value et confirmé le recentrage de leurs missions.
Dans le contexte de sérieux budgétaire qui caractérise le projet de loi de finances pour 2015, il nous faut être justes en la matière. Je propose donc de reconduire au niveau de l’an dernier, soit 26 millions d’euros, leurs crédits de fonctionnement, mais je rejette tout financement spécifique complémentaire.
Je m’engage, par ailleurs, à ce que les maisons de l’emploi aient accès aux crédits d’accompagnement des mutations économiques lorsqu’elles portent un projet à forte plus-value, et uniquement dans ce cas.
Dans un contexte de chômage de masse et d’allongement de la durée passée au chômage, l’urgence implique de concentrer les efforts en vue d’offrir une solution d’emploi, d’activité ou de formation, et d’éviter l’éloignement durable du marché du travail.
Cette recherche d’efficacité nous a conduits à prendre aussi des mesures de saine gestion, comme la mobilisation des réserves de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés, l’AGEFIPH, et celles du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP.
Ces mesures permettent de mobiliser des réserves « dormantes » et n’affectent en rien la politique de l’emploi des personnes handicapées, dont les moyens, il faut le rappeler, ont été augmentés de plus de 20 % depuis 2012, et ont été encore accrus par l’Assemblée nationale avec la création de 500 aides au poste environ dans les entreprises adaptées ; c’est là le fléchage que vous avez demandé.
Troisième et dernier principe : Concentrer les forces sur les priorités.
Tout d’abord, Mme Laborde l’a évoqué, nous consacrons un effort massif à la jeunesse.
Avec le déploiement de la « garantie jeunes », nous visons un objectif de 50 000 jeunes concernés par ce dispositif dès 2015. Cette initiative française s’inscrit largement dans le cadre de l’initiative européenne du même nom. Nous y consacrerons 160 millions d’euros en 2015, dont 30 millions d’euros de crédits disponibles au titre du Fonds social européen, les crédits FSE.
Nous mettons en place un accompagnement de ceux qui sont au bord du décrochage, ou ont déjà décroché, mais aussi une petite allocation pour pouvoir vivre et de nombreuses périodes d’immersion en entreprise.
L’expérimentation de la « garantie jeunes » est en cours sur dix territoires, et vient d’être élargie à dix nouveaux territoires. Plus de cinquante territoires ont fait acte de candidature pour rentrer dans le dispositif en 2015 et 2016.
Nous consolidons les missions locales, qui sont essentielles pour l’accompagnement des jeunes de 16 à 25 ans. Nous y consacrons 188, 8 millions d’euros au titre de la subvention principale de l’État, laquelle avait été accrue de 10 millions d’euros en 2014. Cet effort représente 269 millions d’euros au total, incluant les crédits d’accompagnement de la « garantie jeunes » et des emplois d’avenir.
Les résultats sont là, il est important de le signaler. Le chômage des jeunes, et c’est heureux, est maîtrisé depuis la mise en place de notre politique. L’objectif de 150 000 emplois d’avenir a été atteint, et je veux de nouveau rappeler qu’il y a aussi des emplois d’avenir dans le secteur marchand !
L’enveloppe de 50 000 nouveaux emplois d’avenir prévus pour 2015 a été portée par les députés à 65 000, et pas seulement pour le secteur non marchand, comme je l’ai entendu dire… Cela implique, après la première lecture à l’Assemblée nationale, un effort de 1, 7 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1, 3 milliard d’euros en crédits de paiement.
Ensuite, avec les emplois aidés, nous faisons le choix du travail.
Les contrats aidés constituent un engagement fort du Gouvernement et un outil de sa politique de l’emploi, dont il n’a cessé d’accroître la qualité et le ciblage depuis 2012.
Faut-il rappeler qu’avant mai 2012, la durée moyenne des contrats aidés était de six ou sept mois ? Elle est aujourd’hui de onze mois et demi.
Je tiens à dire à Mme Procaccia, dont j’écoute toujours avec intérêt les interventions, que le nombre de contrats aidés a explosé au cours du premier semestre de 2012 : ce sont 225 000 de ces contrats qui ont été mis en place par le précédent gouvernement, pour de courtes durées d’environ six mois. Beaucoup d’efforts ont été faits depuis.
En 2012, sur 330 000 ou 340 000 emplois aidés, 225 000, je le répète, ont été créés au premier semestre et 115 000 au second. Or vous nous faites un procès, madame la sénatrice, certes sans grande virulence, pour avoir mis en place ces contrats. Pourtant, le gouvernement que vous souteniez, à l’instar de tous ceux qui l’ont précédé, y avait également fait appel de façon massive, à un moment clef et pour des durées brèves.
Il est vrai, madame Emery-Dumas, que l’emploi des seniors est pour moi une préoccupation majeure. Les contrats initiative emploi, les CIE, sont un outil privilégié de notre politique dans ce domaine. L’action que nous souhaitons déployer va cependant bien au-delà. Elle concerne ainsi le renforcement de l’accès au contrat de professionnalisation, pour aider au maintien dans l’emploi ou à l’accompagnement des transitions professionnelles.
Par ailleurs, cela a été dit, nous devons nous rassembler autour de la question de l’apprentissage. Désormais, les engagements financiers sont pérennes et permettent de stabiliser la politique en la matière.
J’ai entendu vos observations sur la nécessité d’améliorer l’image de l’apprentissage.
C’est un engagement fort du Gouvernement, comme en témoigne la création de la nouvelle aide destinée aux entreprises recrutant un ou plusieurs apprentis supplémentaires, qui a été introduite par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2015. Son montant est de 1 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés et de 2 000 euros pour celles comptant moins de 11 salariés, s’agissant des contrats signés à partir du 1er juillet 2014.
Il y avait, à la fin de 2013, 426 600 jeunes en apprentissage. Nous avons pour objectif qu’ils soient bientôt 500 000, et nous y parviendrons.
La réforme du financement de l’apprentissage, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2015, avait déjà conduit à dégager plus de 150 millions d’euros de ressources supplémentaires d’ici à 2017, à destination des centres de formation d’apprentis, les CFA. J’encourage les régions à utiliser ce dispositif pour améliorer et renouveler les équipements de leurs CFA.
Cette réforme du financement consolidera les ressources des régions et leur garantira un dynamisme des recettes en les indexant sur la masse salariale. Ainsi, de 2014 à 2015, la croissance des ressources des régions sera de 65 millions d’euros pour le développement de l’apprentissage, hors compensation des primes d’apprentissage.
Le Gouvernement compense, par ailleurs, ces primes par l’affectation des crédits budgétaires pour les nouvelles primes, mais surtout par des recettes fiscales. L’article 13 du projet de loi de finances pour 2015 prévoit ainsi l’affectation de 255 millions d’euros aux régions à ce titre.
Mais l’engagement du Gouvernement en faveur de l’apprentissage n’est pas seulement financier, comme nombre d’entre vous l’ont dit.
La journée de mobilisation pour l’apprentissage du 19 septembre dernier a permis de fixer les axes prioritaires pour la levée des freins non financiers au développement de l’apprentissage. Ces freins existent ; certains sont dans les têtes, et il faut les en faire sortir !
Certaines mesures peuvent être prises rapidement : par exemple, dans la fonction publique, la sortie des apprentis des plafonds d’emploi des administrations d’État. Un frein non négligeable serait ainsi supprimé, car, nous le savons, 800 personnes seulement sont aujourd’hui en apprentissage dans la fonction publique.
D’autres mesures demandent plus de temps et de concertation, avec les branches et les partenaires sociaux. C’est le cas, notamment, de l’évolution de la réglementation relative aux travaux dangereux et en hauteur, que nous souhaitons assouplir, sans bien évidemment remettre en cause la sécurité des jeunes.