Intervention de Roger Karoutchi

Réunion du 28 novembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Immigration asile et intégration

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances :

Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis un rapporteur spécial déçu, mécontent.

Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, la France ne remplit pas – ou elle le remplit insuffisamment – le rôle particulier qu’elle doit jouer en matière de droit d’asile. Certes, le projet de loi relatif à la réforme de l’asile va nous être soumis et nous verrons alors les mesures qui nous seront proposées. Mais, d’un point de vue budgétaire, il faut à tout le moins que la République consacre un véritable budget à cette mission et ne soit pas dans le non-dit, sinon dans le mensonge.

Le projet de budget pour 2015, de même que le budget triennal 2015-2017, nous montre que, concernant le droit d’asile, la France ne se donne pas les moyens de le garantir, ou se les donne mal.

Elle ne se les donne pas parce que l’évolution prévisionnelle des dépenses, qu’il s’agisse des dépenses d’asile en 2015 ou de la quasi-stabilité des crédits d’ici à 2017, n’est pas réaliste.

Elle se les donne mal parce que l’allocation des crédits octroyés à l’asile et le renoncement budgétaire à la politique d’intégration témoignent d’une politique à l’envers : une politique qui accueille massivement et mal des étrangers qui, pour l’essentiel, n’ont pas vocation à rester en France et qui, pour les autres, ne seront pas correctement accompagnés vers l’intégration dans la société et la citoyenneté française.

Permettez-moi de décliner rapidement ce constat général en analysant les deux programmes de la mission.

Le programme 303, « Immigration et asile », est consacré à deux principales actions : Demande d’asile et Lutte contre l’immigration irrégulière.

Depuis 2008, les dépenses liées à l’asile ont connu une explosion : elles ont doublé en sept ans, sous l’effet de la hausse du nombre de demandes d’asile et de l’incapacité, partagée, je le reconnais, par tous les gouvernements qui se sont succédé, à engager les réformes nécessaires pour réduire l’attractivité de notre pays et accélérer l’examen des demandes.

Le système, engorgé, est à bout de souffle.

Toutefois, deux points me donnent satisfaction dans ce projet de budget.

Tout d’abord, je note une augmentation conséquente des moyens dévolus à l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ; les embauches de personnel vont lui permettre de traiter les dossiers de manière un peu plus rapide.

Ensuite, je me félicite de la poursuite de la politique en faveur des centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA, avec 2 000 places supplémentaires en 2014, ce qui va dans le bon sens. Chaque fois que l’on met en place de tels centres, on peut réduire – ou on peut imaginer de le faire ! – à terme l’hébergement d’urgence, si tant est que l’on maîtrise les flux.

Toutefois, ces places supplémentaires ne suffisent pas. Il faudrait assurer une meilleure gestion des places attribuées, centraliser la répartition des demandeurs d’asile sur le territoire national et, enfin, fluidifier la sortie des déboutés du droit d’asile. Telle est l’orientation prise par le Gouvernement au travers de la réforme de l’asile, mais cela constituera, au niveau de la gestion, un important chantier pour l’OFII, l’Office français de l’immigration et de l’intégration et ne sera pas sans susciter des résistances, notamment, monsieur le ministre, de la part des associations.

Les demandeurs d’asile qui ne peuvent être accueillis dans les CADA ont droit à la fois à l’hébergement d’urgence et à l’allocation temporaire d’attente, l’ATA. C’est sur ce point que portent mes critiques, et ce pour deux raisons.

Premièrement, ces deux postes, qui devaient être des variables d’ajustement par rapport aux CADA, sont devenus massifs : ils représentent, cette année, un coût cumulé de près de 300 millions d’euros, mes chers collègues, alors que ce ne devait être qu’une variable d’ajustement !

Deuxièmement, ces dispositifs, notamment l’allocation temporaire d’attente, ne sont pas financés à hauteur des besoins prévisionnels, ce qui pose un véritable problème de régularité eu égard à la LOLF. Ainsi, la ligne budgétaire de l’ATA passera de 180 millions d’euros en 2014 à 110 millions d’euros en 2015. Qui peut réellement croire que nous allons réduire cette allocation d’un tiers en un an ?

La réforme attendue de l’ATA, qui deviendra l’ADA, l’allocation pour demandeur d’asile, ne sera pas applicable avant juillet 2015, et elle n’est en rien susceptible de diminuer la dépense. Il y a manifestement là une sous-budgétisation du dispositif.

Les votes intervenus à l’Assemblée nationale pour réduire les crédits relatifs à l’asile renforcent d’ailleurs cette insincérité quant à l’asile et contredisent le financement de 500 places d’hébergement supplémentaires à Calais.

Je ne dirai qu’une chose du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française » : on a retiré à l’OFII la capacité de faire son métier ! En effet, de moins de moins de crédits sont octroyés à l’OFII. Il ne peut donc plus assurer les cours de français, d’instruction civique ou encore d’intégration aux primo-arrivants. Il n’a donc absolument plus aujourd'hui la capacité de remplir ses missions.

Le résultat est simple : on subit une massification des flux migratoires, on ne prépare pas les réfugiés à rester dans notre pays et, même si ceux-ci obtiennent le droit d’asile, on ne fait rien pour les intégrer, faute de budget.

Face à ces différents constats et, eu égard, notamment, à l’insincérité du budget, à la concentration des crédits et à la politique de la gestion des flux des demandeurs, qui ne s’attache pas à la réussite des parcours d’intégration des étrangers, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de rejeter les crédits de la mission. (

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