Séance en hémicycle du 28 novembre 2014 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis un rapporteur spécial déçu, mécontent.

Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, la France ne remplit pas – ou elle le remplit insuffisamment – le rôle particulier qu’elle doit jouer en matière de droit d’asile. Certes, le projet de loi relatif à la réforme de l’asile va nous être soumis et nous verrons alors les mesures qui nous seront proposées. Mais, d’un point de vue budgétaire, il faut à tout le moins que la République consacre un véritable budget à cette mission et ne soit pas dans le non-dit, sinon dans le mensonge.

Le projet de budget pour 2015, de même que le budget triennal 2015-2017, nous montre que, concernant le droit d’asile, la France ne se donne pas les moyens de le garantir, ou se les donne mal.

Elle ne se les donne pas parce que l’évolution prévisionnelle des dépenses, qu’il s’agisse des dépenses d’asile en 2015 ou de la quasi-stabilité des crédits d’ici à 2017, n’est pas réaliste.

Elle se les donne mal parce que l’allocation des crédits octroyés à l’asile et le renoncement budgétaire à la politique d’intégration témoignent d’une politique à l’envers : une politique qui accueille massivement et mal des étrangers qui, pour l’essentiel, n’ont pas vocation à rester en France et qui, pour les autres, ne seront pas correctement accompagnés vers l’intégration dans la société et la citoyenneté française.

Permettez-moi de décliner rapidement ce constat général en analysant les deux programmes de la mission.

Le programme 303, « Immigration et asile », est consacré à deux principales actions : Demande d’asile et Lutte contre l’immigration irrégulière.

Depuis 2008, les dépenses liées à l’asile ont connu une explosion : elles ont doublé en sept ans, sous l’effet de la hausse du nombre de demandes d’asile et de l’incapacité, partagée, je le reconnais, par tous les gouvernements qui se sont succédé, à engager les réformes nécessaires pour réduire l’attractivité de notre pays et accélérer l’examen des demandes.

Le système, engorgé, est à bout de souffle.

Toutefois, deux points me donnent satisfaction dans ce projet de budget.

Tout d’abord, je note une augmentation conséquente des moyens dévolus à l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ; les embauches de personnel vont lui permettre de traiter les dossiers de manière un peu plus rapide.

Ensuite, je me félicite de la poursuite de la politique en faveur des centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA, avec 2 000 places supplémentaires en 2014, ce qui va dans le bon sens. Chaque fois que l’on met en place de tels centres, on peut réduire – ou on peut imaginer de le faire ! – à terme l’hébergement d’urgence, si tant est que l’on maîtrise les flux.

Toutefois, ces places supplémentaires ne suffisent pas. Il faudrait assurer une meilleure gestion des places attribuées, centraliser la répartition des demandeurs d’asile sur le territoire national et, enfin, fluidifier la sortie des déboutés du droit d’asile. Telle est l’orientation prise par le Gouvernement au travers de la réforme de l’asile, mais cela constituera, au niveau de la gestion, un important chantier pour l’OFII, l’Office français de l’immigration et de l’intégration et ne sera pas sans susciter des résistances, notamment, monsieur le ministre, de la part des associations.

Les demandeurs d’asile qui ne peuvent être accueillis dans les CADA ont droit à la fois à l’hébergement d’urgence et à l’allocation temporaire d’attente, l’ATA. C’est sur ce point que portent mes critiques, et ce pour deux raisons.

Premièrement, ces deux postes, qui devaient être des variables d’ajustement par rapport aux CADA, sont devenus massifs : ils représentent, cette année, un coût cumulé de près de 300 millions d’euros, mes chers collègues, alors que ce ne devait être qu’une variable d’ajustement !

Deuxièmement, ces dispositifs, notamment l’allocation temporaire d’attente, ne sont pas financés à hauteur des besoins prévisionnels, ce qui pose un véritable problème de régularité eu égard à la LOLF. Ainsi, la ligne budgétaire de l’ATA passera de 180 millions d’euros en 2014 à 110 millions d’euros en 2015. Qui peut réellement croire que nous allons réduire cette allocation d’un tiers en un an ?

La réforme attendue de l’ATA, qui deviendra l’ADA, l’allocation pour demandeur d’asile, ne sera pas applicable avant juillet 2015, et elle n’est en rien susceptible de diminuer la dépense. Il y a manifestement là une sous-budgétisation du dispositif.

Les votes intervenus à l’Assemblée nationale pour réduire les crédits relatifs à l’asile renforcent d’ailleurs cette insincérité quant à l’asile et contredisent le financement de 500 places d’hébergement supplémentaires à Calais.

Je ne dirai qu’une chose du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française » : on a retiré à l’OFII la capacité de faire son métier ! En effet, de moins de moins de crédits sont octroyés à l’OFII. Il ne peut donc plus assurer les cours de français, d’instruction civique ou encore d’intégration aux primo-arrivants. Il n’a donc absolument plus aujourd'hui la capacité de remplir ses missions.

Le résultat est simple : on subit une massification des flux migratoires, on ne prépare pas les réfugiés à rester dans notre pays et, même si ceux-ci obtiennent le droit d’asile, on ne fait rien pour les intégrer, faute de budget.

Face à ces différents constats et, eu égard, notamment, à l’insincérité du budget, à la concentration des crédits et à la politique de la gestion des flux des demandeurs, qui ne s’attache pas à la réussite des parcours d’intégration des étrangers, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de rejeter les crédits de la mission. (

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Esther Benbassa, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Dès lors, ces crédits se présentent comme un budget de

En 2015, les crédits consacrés à l’exercice du droitd’agent instructeur supplémentaires en 2015.

Cette augmentation des effectifs a pour objet de réduire les délais de traitement des dossiers de demande d’asile, et ce afin de diminuer

Dans le même temps, les crédits consacrés à la Courneuf emplois supplémentaires pour cette année. Là aussi, l’objectif est de réduire au maximum les délais de jugement des recours.

Monsieur le ministre, la première question que je désire vous poser porte sur le contentieux de l’asile, dont le transfert aux juridictions de droit commun avait été envisagé, notamment dans le rapport de notre collègue Valérie Létard et du député Jean-Louis Touraine. Pour l’heure, ce projet semble écarté de la réforme de l’asile en cours d’examen à l’Assemblée nationale, ce dont nous nous réjouissons. Pouvez-vous nous garantir que la CNDA sera bien maintenue ?

En ce qui concerne les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile, la commission des lois a régulièrement salué les efforts de sincérité budgétaire accomplis depuis 2012, mais, cette fois, elle ne peut que regretter le manque de réalisme des prévisions présentées par le Gouvernement au regard de l’exécution des précédents exercices. Je pense en particulier à l’allocation temporaire d’attente, déjà sous-budgétée les années passées, dont les crédits, fixés à 110 millions d’euros, sont réduits de 25 millions d’euros supplémentaires.

En vérité, monsieur le ministre, nous trouvons vos prévisions non seulement irréalistes, mais aussi quelque peu incohérentes.

Les crédits destinés au financement des centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA, continueront de croître l’année prochaine : ils augmenteront de 7 millions d’euros pour atteindre 220, 8 millions d’euros. Toutefois, rien n’est prévu dans le projet de loi de finances en ce qui concerne le nombre de places au sein de ces centres. Or le parc comptera 25 689 places à la fin de cette année, ce qui reste insuffisant ; je vous rappelle que les inspections générales des finances, des affaires sociales et de l’administration, dans leur rapport d’avril 2013, ont fixé l’objectif de 35 000 places à l’horizon 2019.

D’où, monsieur le ministre, ma seconde question. Vous nous avez annoncé, lors de votre audition par notre commission, que vous envisagiez la création de 5 000 places en CADA en 2015, notamment par la transformation des places d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, et aussi grâce aux économies liées à la réforme. Êtes-vous certain que cet effort suffira et pouvez-vous nous indiquer un calendrier pour ces créations de places ?

Nous espérons, monsieur le ministre, que vos réponses viendront lever les doutes qui subsistent dans nos esprits.

En dépit des réserves que je viens de formuler, la commission des lois s’est prononcée en faveur de l’adoption des crédits consacrés à l’asile.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE . – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je présenterai quelques observations tirées de l’avis budgétaire adopté par la commission des lois, qui traite des aspects financiers, mais s’intéresse aussi à certains aspects des politiques menées. J’insisterai sur la stabilisation des crédits consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière, avant de mettre ce budget dans la perspective d’une réforme de la politique d’accueil et d’intégration.

Les crédits dont l’examen pour avis m’a été confié, c’est-à-dire ceux qui ne se rapportent pas à l’action n° 2, Garantie de l’exercice du droit d’asile, du programme 303, « Immigration et asile », dont l’analyse a été confiée par notre commission à Mme Esther Benbassa, se montent à 146, 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 156, 4 millions d’euros en crédits de paiement ; ces montants font apparaître respectivement une diminution de 2, 7 millions et de 3, 9 millions d’euros par rapport aux crédits ouverts pour l’année en cours.

Les principes qui ont guidé l’élaboration du budget de cette mission pour 2015 s’inspirent de ceux suivis l’année dernière : la légère augmentation des crédits affectés à l’asile est compensée par une diminution des crédits consacrés à l’immigration, notamment de ceux alloués au programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », qui concerne en particulier les étrangers primo-arrivants.

Il faut reconnaître que le programme 303, « Immigration et asile », quant à lui, bénéficie d’une stabilisation de ses crédits. Il comprend notamment l’action n° 3, Lutte contre l’immigration irrégulière, une action extrêmement importante à laquelle sont alloués 63, 6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 73, 8 millions d’euros en crédits de paiement.

La commission des lois estime qu’il convient de poursuivre la rationalisation de la gestion des centres de rétention administrative. Les travaux du centre de Mayotte avancent, mais ceux du centre de Coquelles ont pris un peu de retard. Nous attendons les résultats des enquêtes menées par les différents services pour déterminer précisément les actions à mener.

Je tiens à attirer votre attention sur un phénomène qui n’est pas strictement d’ordre financier, mais qui devrait avoir des conséquences budgétaires : nos centres de rétention administrative sont peu occupés – le taux d’occupation n’a atteint que 48 % en 2013 –, ce qui rend une réorganisation absolument nécessaire.

J’ajoute que les salles d’audience délocalisées créées à proximité de ces centres sont peu utilisées, au point que trois seulement fonctionnent vraiment. Il est possible que des économies puissent être réalisées de ce côté-là. En tout cas, je constate que le projet de loi de finances ne prévoit la création d’aucune salle supplémentaire.

J’en viens à ma seconde série d’observations, destinées à montrer que ce budget est en attente de la réforme à venir des politiques d’immigration et d’accueil.

La commission des lois a constaté que la structure de l’immigration légale ne faisait apparaître aucun changement majeur. Mon rapport comporte des données chiffrées relatives aux vingt principaux pays d’origine, dont proviennent 151 711 personnes sur un total de 213 253. En tête des pays d’origine, on trouve toujours les pays du Maghreb et la Chine. On constate seulement quelques changements mineurs en ce qui concerne l’immigration économique, sans incidence sur les structures fondamentales.

En revanche, des évolutions se sont produites pour ce qui est de l’obtention des titres de séjour. À cet égard, nous attendons beaucoup de la future carte pluriannuelle de séjour, dont les étrangers ne pourront bénéficier que s’ils respectent le contrat d’accueil et d’intégration, le CAI ; nous en parlerons lors de la discussion du projet de loi relatif au droit des étrangers en France. Si le CAI est satisfaisant dans son principe, il l’est moins dans ses modalités : il fait l’objet de nombreuses critiques, qui visent en particulier le niveau de langue exigé, mais aussi la formation civique.

Ce contrat doit d’autant plus être réformé que le dispositif actuel est un peu coûteux, puisque les diverses formations dispensées au titre de l’intégration ont représenté en 2013 une dépense de près de 50 millions d’euros.

Enfin, comme M. Karoutchi l’a signalé au nom de la commission des finances, une interrogation entoure le financement de l’OFII, dont le budget ne tient pas compte des missions nouvelles qui lui sont confiées, en particulier dans le domaine de l’asile. Le montant total des ressources de l’OFII s’est élevé à 172, 7 millions d’euros en 2013, contre 178, 7 millions d’euros en 2012.

La commission des lois partage les inquiétudes que M. le rapporteur spécial de la commission des finances vient d’exprimer à l’égard de cet organisme, qui joue un rôle important pour assurer la qualité de l’accueil des migrants et de l’appréciation de ceux qui viennent sur notre territoire. Nous craignons que les crédits qui lui sont alloués ne soient pas à la mesure de ses missions.

Telles sont, mes chers collègues, les observations que je souhaitais porter à votre connaissance dans le temps qui m’était imparti.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. Je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir respecter le temps de parole qui vous est attribué.

Par ailleurs, monsieur le ministre, le Gouvernement dispose d’un temps d’intervention total de quinze minutes.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est difficile de s’en tenir à moins de dix minutes sur de tels sujets ! Je vais néanmoins m’y efforcer.

Nous débattons des crédits des programmes 303, « Immigration et asile », et 104, « Intégration et accès à la nationalité française ». Je traiterai pour l’essentiel de l’asile, compte tenu de la réforme importante qui est en cours dans ce domaine.

L’asile relève de l’exercice d’un droit fondé sur la convention de Genève. Le projet de loi que l’Assemblée nationale examine actuellement est le fruit des ambitions de notre pays et de plusieurs directives européennes relatives à des procédures communes aux États membres de l’Union européenne dans ce domaine. La future réforme se traduit déjà dans les crédits soumis à notre examen cet après-midi.

À titre préalable, je tiens à faire observer que, malgré tout ce qu’on peut dire de sa situation, la France reste attractive en matière d’immigration et d’asile. Cette réalité mérite d’être soulignée et devrait nous donner des raisons d’espérer en notre pays, puisque d’autres espèrent en lui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Très bien ! On dit tellement souvent le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

La réforme de l’asile, qui aboutira l’année prochaine, sert deux objectifs : offrir de nouvelles garanties procédurales aux demandeurs d’asile par la transposition des directives européennes et raccourcir les délais. Ces deux objectifs ne sont pas antinomiques, au contraire : si l’octroi de nouvelles garanties permet d’analyser au fond un plus grand nombre de demandes en première instance, les délais pourront être raccourcis.

Cette réforme fondamentale comporte deux nouveautés : les demandeurs d’asile seront répartis sur l’ensemble du territoire grâce à une gestion centralisée des CADA et une place centrale sera donnée à l’OFII, chargé du premier accueil des demandeurs d’asile.

Globalement, dans l’Union européenne, les demandes d’asile ont explosé au cours de cette année ; il n’en a pas été de même en France, en dépit de l’attractivité que je viens de signaler. En 2008, 42 000 demandes ont été déposées en France, et 28 000 en Allemagne ; cette année, nous en aurons probablement reçu 60 000, tandis que, selon l’édition d’hier du journal Le Monde, l’Allemagne en a reçu 158 000 rien que sur les dix premiers mois de l’année.

Il convient donc de faire preuve de prudence dans l’examen des crédits consacrés à l’asile : les moyens alloués à l’OFPRA doivent être regardés comme absolument indispensables, compte tenu de l’accroissement des demandes qui se produit chez nos voisins et qui pourrait également nous concerner.

C’est en faveur de l’OFPRA, qui a accompli un travail remarquable ces derniers temps, qu’il était essentiel de consentir des efforts budgétaires importants. Ces efforts sont au rendez-vous puisque l’organisme bénéficiera en 2015 de 55 nouveaux équivalents temps plein, destinés principalement au recrutement d’officiers de protection, titulaires, de surcroît. Au total, les moyens de l’OFPRA passeront de 40 millions d’euros environ à 46 millions d’euros. Cet effort important était indispensable, à la fois pour accélérer le traitement des demandes et pour assurer le respect des directives européennes, qui offrent de nouvelles garanties aux demandeurs d’asile.

Grâce au travail de l’OFPRA, plus d’accords sont donnés en première instance. Il faut dire que la situation était jusqu’à présent proprement aberrante : c’était la CNDA, et non l’OFPRA, qui accordait le plus grand nombre de protections. Or la proportion de protections accordées par l’OFPRA est passée de 9, 4 % à 15 % entre 2012 et 1014.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

C’est la preuve que, au cours des deux dernières années, l’OFPRA a amélioré la qualité de ses analyses, permettant à un plus grand nombre de demandeurs d’asile d’obtenir une protection plus rapidement.

La CNDA, dont le budget s’élève à 22 millions d’euros, n’entre pas dans le champ du programme 303, mais elle sera également touchée par la future réforme. Elle bénéficiera de moyens complémentaires, qui lui seront indispensables pour traiter les demandes que l’OFPRA lui transmettra désormais plus rapidement.

Quant à l’OFII, il voit son rôle réaffirmé et élargi à l’accueil des demandeurs d’asile. Seulement, je vous rappelle que son budget provient à 84 % de taxes et droits de timbre acquittés par les étrangers – 15 % de ses ressources sont issues d’un fonds de concours européen –, pour un montant total de 144 millions d’euros. Faire financer l’accueil des demandeurs d’asile par les étrangers qui arrivent sur notre sol est peut-être politiquement habile, mais moralement discutable ; idéalement, en effet, il ne devrait pas y avoir de lien entre le fait de présenter une demande et celui d’acquitter une taxe.

Autant, donc, l’augmentation importante du budget de l’OFPRA est indispensable compte tenu des directives européennes, autant on peut s’interroger sur les moyens donnés à l’OFII pour faire face à ses nouvelles responsabilités.

Il est bien évident que, si nous voulons pouvoir signifier aux personnes déboutées qu’elles doivent repartir, il ne faut pas qu’elles restent trois ans dans notre pays ! C’est pourquoi il est nécessaire de raccourcir le délai d’instruction d’une demande d’asile – non pas seulement le délai de traitement par l’OFPRA et la CNDA, mais l’ensemble de la procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

En particulier, les demandes doivent être enregistrées dès que possible, et pas après deux ou trois mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Comment, en effet, demander à une personne de quitter notre sol si elle y a pris des habitudes pendant deux ou trois ans ? La décision doit être prise rapidement !

C’est pourquoi, si l’objectif de réduire à trois mois les délais de l’OFPRA et à six mois ceux de la CNDA est légitime, il est important de raccourcir également le délai en amont, c'est-à-dire celui qui concerne les préfectures. Faute de délais convenables, la situation faite aux demandeurs d’asile déboutés est inhumaine et leur retour devient beaucoup plus problématique.

Et cela a un coût élevé pour nous. Je rappelle en effet que le budget de l’OFPRA représente ce que coûtent en un seul mois les CADA, les hébergements d’urgence et l’ATA. Mieux vaut donc un OFPRA qui travaille vite et bien que des délais qui s’allongent !

Vous avez dit que le budget de l’hébergement était insincère, monsieur Karoutchi – même si l’on note une progression significative pour les CADA –, mais il n’y a jamais eu de budget véritablement sincère dans ce domaine. La sincérité d’un budget se vérifie après coup. De ce point de vue, les pires budgets ont été ceux de 2009, 2010 et 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ces budgets se caractérisaient par des reports systématiques sur l’année suivante. Cette année, pour la première fois, des moyens supplémentaires sont octroyés à l’OFPRA. Laissez-nous donc vous montrer que cela peut marcher !

Toutefois, je pense comme vous que nous avons effectivement été très optimistes concernant l’hébergement d’urgence. Mais il y a toujours eu des dépassements, les plus importants ayant eu lieu en 2009, en 2010 et en 2011, comme vous le relevez d’ailleurs vous-même dans votre rapport, où vous faites preuve d’une grande objectivité.

Sachant que les premiers pays d’origine des demandeurs d’asile sont la République démocratique du Congo, le Kosovo, l’Albanie, le Bangladesh et la Russie, on est en droit de se poser quelques questions. Quand on pense à la corne de l’Afrique, à la Syrie et à l’Irak, on se demande si la France accueille bien tous les demandeurs d’asile qui mériteraient d’être reçus sur son territoire. Nous savons que l’Allemagne, elle, fait face à de très nombreux demandeurs d’asile venant de Syrie et d’Irak.

Je tiens toutefois à saluer le travail essentiel qu’accomplissent nos consulats à Istanbul, à Amman, à Beyrouth, à Ankara et à Erbil.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ce sont eux qui étudient les demandes d’asile et octroient les visas au titre de l’asile.

Je suggère d’ailleurs que la demande de visa soit instruite par l’OFPRA et non plus par le ministère de l’intérieur, afin de donner une plus grande cohérence à l’ensemble de notre dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ce n’est pas en créant les conditions d’une embolie du système pour dissuader les demandeurs que les choses marcheront mieux ! C’est la politique qui a été menée durant cinq ans, entre 2007 et 2012. Or elle a coûté très cher d’un point de vue humain et financier. On parle d’un « stock de 26 000 demandes d’asile », mais je rappelle qu’il s’agit d’êtres humains ! Et les prestations représentent plus de 100 millions d’euros par an.

Cette réforme est donc indispensable. Nous pouvons espérer que, compte tenu des moyens octroyés à l’OFPRA et à la CNDA, elle sera une réussite.

Le temps m’étant compté, je serai bref sur les questions d’immigration.

Je demande simplement que notre pays réfléchisse à sa stratégie d’insertion des populations de l’Union européenne d’origine rom. Il doit veiller à avoir les moyens d’assurer leur intégration au sein de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Eh bien, en conclusion, je rappellerai que nous discutons ici non pas simplement d’un budget, mais aussi des moyens de respecter la personne humaine et sa dignité, qu’il s’agisse d’un migrant ou d’un demandeur d’asile, et de tenir compte de la diversité du monde. C’est indispensable !

Nous assistons tous les jours à des drames. Nous ne pouvons pas accepter que la Méditerranée, berceau de notre civilisation, soit aujourd'hui le tombeau de milliers de nos frères humains, qui méritent tous le respect. La France doit se donner les moyens de lutter contre cela. Tel est l’enjeu de ce budget. §

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2015, les dotations globales de la mission « Immigration, asile et intégration » augmenteront de 1, 5 % par rapport à 2014.

Dans le contexte de réduction drastique des dépenses publiques imposée par le Gouvernement, devons-nous nous féliciter de cette légère hausse ?

Comme vous le savez, les besoins dans ces domaines sont importants. Comme vous le savez également, les associations d’aide aux migrants constatent toujours et encore le recours massif à la rétention administrative, ainsi que la présence de trop nombreux enfants dans les centres de rétention. En outre, certains centres de rétention sont dans un état déplorable.

Le nombre croissant de migrants retenus témoigne de la persistance d’une politique d’enfermement, politique à laquelle je n’adhère pas, et qui s’inscrit d’ailleurs dans une logique européenne puisque le record du placement en rétention de citoyens européens a été battu en 2013.

Par ailleurs, le nombre de retours forcés a également augmenté, atteignant 44 458 personnes en 2013 contre 38 652 en 2012. Le nombre de personnes éloignées, via le dispositif d’aide au retour, a quant à lui fortement chuté. Ces chiffres révèlent des pratiques qui ne servent nullement les buts politiques affichés !

La mise en œuvre de cette politique prive les personnes éloignées d’un accès effectif à la justice et du contrôle du juge judiciaire, dans une proportion de 54 % en métropole et de 99 % outre-mer. Pourtant, lorsqu’elles ont la possibilité de défendre leurs droits, 27 % des personnes enfermées sont libérées par un juge. Dès lors, on ne peut manquer de s’interroger sur la légalité des procédures.

S’agissant de la situation des Roms, je rappellerai simplement que les évacuations de campements se poursuivent, sans qu’aucune solution pérenne soit trouvée ; je suis bien placée pour le savoir, moi qui vis dans le département de Seine-Saint-Denis, fortement concerné par ce problème.

J’ajoute que les mesures de relogement durable et de soutien social prévues dans la circulaire du 26 août 2012 ne sont pas appliquées dans un certain nombre de villes.

Aussi, monsieur le ministre, permettez-moi de douter de la sincérité des propos tenus lors de l’examen de ce budget à l’Assemblée nationale par la secrétaire d’état chargée des droits des femmes, qui est intervenue à votre place. Elle a déclaré que la mission « Immigration, asile et intégration » restait au cœur des priorités du Gouvernement. On peut faire plusieurs lectures de ces propos…

Des données statistiques tirées du rapport sur les centres et locaux de rétention administrative, rédigé par des associations intervenant dans ces centres, témoignent de la poursuite d’une politique du chiffre qui n’est pas assumée et de préoccupations de gestion des flux, que l’on avait senties en arrière-plan de la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, adoptée il y a peu.

On constate donc que la politique menée aujourd'hui en matière d’immigration n’est pas nettement différente de la précédente, encore marquée qu’elle est du sceau de la stigmatisation des étrangers.

Le Gouvernement a mis en avant trois priorités : des conditions d’accueil et de séjour clarifiées, harmonisées et simplifiées, pour une meilleure intégration des étrangers ayant vocation à nous rejoindre ; le renforcement de notre attractivité pour les migrations de l’excellence, de la connaissance et du savoir ; la lutte déterminée contre l’immigration irrégulière et les filières.

Sincèrement, je ne vois pas comment le premier objectif pourrait être atteint alors que l’accueil et les crédits d’hébergement d’urgence sont inférieurs de 17, 5 millions d’euros aux dépenses enregistrées en 2013, que l’allocation temporaire d’attente est également sous-dotée de plusieurs millions d’euros par rapport à 2013, que les centres d’accueil pour demandeurs d’asile ne connaîtront pas de nouvelles ouvertures de places en 2015 et que leur coût unitaire subira une nouvelle baisse de 2 %.

Je ne vois pas non plus comment ce budget pourrait favoriser l’intégration et la diversité quand le programme « Intégration et accès à la nationalité française » supporte encore une fois l’essentiel des économies.

Cette diminution des moyens ne favorisera pas l’insertion linguistique, culturelle et professionnelle des personnes étrangères dans notre société.

De même, l’Office français de l’immigration et de l’intégration sera encore une fois sous-doté, alors que le périmètre de cet organisme est plus important.

Le seul élément qui peut être salué est la budgétisation de 55 postes supplémentaires de fonctionnaires à l’OFPRA et de 9 postes à la Cour nationale du droit d’asile afin de parvenir à réduire les délais des procédures d’asile.

Je tiens à rappeler à certains de mes collègues ici présents qu’il n’existe pas de brochure d’information publique largement diffusée en Érythrée, au Soudan ou en Libye, vantant les mérites des systèmes sociaux des pays européens et invitant les jeunes ressortissants de ces pays, les femmes et les hommes emportés dans le grand tourbillon des guerres civiles, à venir en Europe, en particulier en France, pour échapper au sort funeste qui pourrait les attendre.

Il y a aujourd’hui, malheureusement, des zones de conflits et de massacres dans le monde, que tentent de fuir plusieurs milliers de personnes, victimes d’enjeux politiques qui les dépassent parfois et de persécutions diverses.

Nous devons évidemment soutien et solidarité aux chrétiens d’Irak et de Syrie quand ils sont menacés, comme à tous ceux qui, sur la planète, subissent le même type d’agression.

Que, dans ce contexte, l’OFPRA ait une activité importante qui, dans bien des cas, se termine par des recours devant les juridictions administratives et la CNDA ne doit pas nous surprendre outre mesure.

Abréger les délais de rendu des décisions est donc utile, mais cela doit se faire dans le respect du droit des individus à être correctement défendus et à voir leur situation examinée avec la plus grande objectivité.

Je reconnais qu’un effort est fait, monsieur le ministre, mais il ne suffit pas. Aussi, vous l’aurez compris, le groupe CRC ne pourra pas voter le budget de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, immigration, asile, intégration : trois mots pour un seul sujet, aujourd’hui essentiel à plusieurs titres, notamment à la préservation de notre pacte républicain.

Dans un monde où la mondialisation induit à la fois des inégalités de développement importantes et des flux migratoires facilités, la question de l’immigration soulève aussi la problématique de la traite des êtres humains et des réseaux organisés.

Les images récurrentes de l’afflux de migrants à Calais, de la situation sur l’île de Lampedusa, sont un reflet parmi d’autres du drame humain qui se joue derrière ces mots. Je rappelle que 2 900 migrants sont décédés en essayant de franchir la Méditerranée depuis le début de l’année, soit quatre fois plus qu’en 2013, année qui avait déjà vu 700 personnes perdre la vie.

Ces problématiques me sont particulièrement familières. En effet, l’île de Saint-Martin a vu sa population pratiquement tripler au cours des deux dernières décennies. Le phénomène migratoire y est important, car l’île est attractive, notamment en raison du faible contrôle de la frontière entre les parties française et néerlandaise et des différentes législations régissant ces deux territoires.

Du côté français, l’accroissement incontrôlé de la population entraîne de nombreux problèmes en termes socio-économiques, éducatifs et de santé et pèse sur les finances de la collectivité. Par exemple, les enfants doivent être scolarisés, les familles doivent être logées et les immigrants doivent bénéficier d’un système de soin.

Les chiffres sont rares en raison du caractère illégal et informel des activités économiques, j’en citerai quelques-uns qui me semblent tout à fait révélateurs des difficultés soulevées.

En 1984, l’île comptait 8 000 habitants ; en 2014, elle en compte plus de 36 000.

Le conseil général servait 300 000 euros de RMI en 1998 ; le RSA représente aujourd'hui plus de 15 millions d’euros par an.

Enfin, nous accusons une dette de 30 millions d’euros envers la caisse d’allocations familiales.

Il serait essentiel qu’une véritable politique de coopération transfrontalière soit mise en place, mais, pour cela, il nous faut des moyens.

Bien sûr, je n’ignore pas que ce phénomène se retrouve dans d’autres territoires ultramarins de la République, particulièrement la Guyane et Mayotte

Mais je referme cette parenthèse, pour revenir au plan national.

La France, tout comme les autres pays de l’Union européenne, a été une terre d’accueil pour nombre de personnes sollicitant le droit d’asile à la suite des événements géopolitiques mondiaux. Par ce rappel, je veux notamment souligner l’importance et le poids que revêtent ces mots, « immigration », « asile » et « intégration », et affirmer la nécessité de leur donner une traduction concrète en termes de moyens budgétaires.

Le groupe du RDSE constate avec satisfaction les efforts budgétaires qui sont réalisés : le budget pour 2015 bénéficiera ainsi d’une légère hausse de 43 millions d’euros, avant transferts, par rapport à la loi de finances de 2014 ; c’est un effort appréciable dans le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre.

Les trois grands axes d’action de la mission « Immigration, asile et intégration » recueillent également notre approbation.

Premièrement, la maîtrise des flux migratoires est l’enjeu primordial d’une politique d’immigration équilibrée et efficace. À ce titre, nous saluons la hausse des crédits du programme 303, qui, représentant 91 % des crédits de la mission, financeront la politique d’immigration et d’asile : par rapport à 2014, en effet, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement augmentent respectivement de 10 millions d’euros et de 9 millions d’euros.

La baisse de 110 millions d’euros de la dotation de l’allocation temporaire d’attente est le reflet de la réforme du droit d’asile, qui doit être examinée par notre assemblée dans les prochains mois.

L’immigration recouvre d’innombrables réalités : l’étudiant étranger, le demandeur d’asile, les victimes de passeurs… Lutter contre les flux migratoires irréguliers, c’est aussi garantir l’exercice effectif du droit d’asile et la qualité de l’accueil de notre pays.

Deuxièmement, la garantie du droit d’asile, qui est inscrit dans l’histoire française depuis bien longtemps, est aujourd’hui menacée par l’engorgement du système d’asile et des délais de traitement considérables. Il y a encore peu, le délai moyen de traitement d’un dossier était de seize mois et demi, ce qui représente un coût à la fois financier et humain. Ce coût est d’ailleurs bien connu : c’est celui des centres de rétention administrative, des frais d’éloignement des migrants en situation irrégulière ou encore de l’allocation temporaire d’attente…

Ces difficultés se sont traduites par un accroissement notable des dépenses du programme 303, dont les crédits sont passés de 340 millions d’euros en 2008 à plus de 600 millions d’euros en 2014. Cette année, les moyens mis en œuvre ont permis à l’OFPRA de réduire le nombre des dossiers en souffrance. Néanmoins, le délai moyen de traitement demeure de sept mois.

Troisièmement, la mission comprend un programme relatif à l’intégration des personnes immigrées. Comme chacun le sait, l’immigration constitue un véritable déracinement. On estime qu’il faut, au terme de démarches administratives lourdes et coûteuses, environ trois années aux immigrés pour surmonter ce qu’on appelle familièrement le « choc d’immigration ».

Mais la question de l’intégration englobe également celle du vivre-ensemble. Intégrer les nouveaux arrivants, ce n’est pas les dépouiller de leurs particularités culturelles ou religieuses, c’est plutôt les rendre parties au pacte républicain et combattre toutes les formes d’intolérance.

L’immigration peut être une chance pour la France, à condition qu’elle fasse l’objet d’une régulation afin d’être maîtrisée. La France doit rester un pays d’accueil où les étrangers sont traités dignement et respectueusement, ce qui n’est possible que si la politique d’immigration est clairement définie.

À cet égard, le projet de loi qui viendra en discussion bientôt devant notre assemblée apportera, je l’espère, des réponses et des solutions adéquates.

Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’indique que le groupe RDSE votera, dans sa majorité, les crédits de la mission qui nous est présentée.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne nous trompons pas de débat sur l’asile et l’immigration.

Commençons par rappeler que nous examinons ici une enveloppe budgétaire de quelque 600 millions d’euros, et non le « coût de l’immigration » supporté par notre pays. À cet égard, ces 600 millions d’euros sont dérisoires, comme le sont les 4, 4 milliards d’euros auxquels le rapport estime le coût de l’immigration pour la Nation.

En effet, cette approche comptable ne prend pas en compte la déstructuration profonde, à la fois sociale, sécuritaire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Le coût véritable de l’immigration de masse et de misère est sans doute plus proche de 70 à 80 milliards d’euros par an.

Prenons cette enveloppe qui nous est soumise.

Sur l’asile, cessons de jouer à l’idiot du village mondial…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Vous prétendez multiplier encore les centres d’accueil au motif qu’ils reviennent 2 ou 3 euros moins cher que les autres structures couplées à l’allocation temporaire d’attente. Et, comble de l’absurde, le rapport reconnaît que ces centres continuent à héberger des personnes une fois qu’elles ont été déboutées !

Songez que l’on accueille, au titre de l’asile, le leader des Femen, un groupe de fanatiques qui prônent la haine antichrétienne, alors que, dans le même temps, viennent à nous des chrétiens qui sont persécutés dans leur pays pour leur foi.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Plus largement, s’agissant de l’immigration, reconnaissez enfin que ce phénomène est de tout temps et que, partout où il se produit dans le monde, il est un facteur de déstabilisation grave pour les sociétés qu’il touche.

C’est particulièrement le cas quand doivent cohabiter des traditions éloignées, voire opposées, en matière de dignité humaine – et des femmes en particulier –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Prenez enfin conscience que nous n’avons pas les moyens d’accueillir encore et encore, par centaines de milliers, chaque année, des populations démunies de tout et qui pèsent d’un poids non seulement financier, mais aussi culturel sur la cohésion nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mais ces populations ne veulent pas rester ! Elles veulent aller en Angleterre !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. Nous avons depuis longtemps dépassé les limites de ce que peut supporter la solidarité nationale ou plutôt, dans le cas présent, la solidarité internationale.

Protestations sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Le bilan de cette politique est désastreux, tant pour notre pays, où les tensions interethniques se multiplient, que pour les pays d’origine, qui voient leurs ressortissants rejoindre un Eldorado qui n’existe pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

L’immigration est une chance », entonnez-vous en chœur, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Oui, c’est une chance, mais une chance pour le grand patronat, qui y voit le moyen de faire pression sur les salaires ! C’est une chance pour la classe politique, en particulier pour la gauche, dont les caisses électorales se vident et qui trouve là – en tout cas, c’est son espoir – une nouvelle manne électorale !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

On est en pleine théorie du complot ! C’est typique du FN !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

C’est une chance pour les centrales syndicales, désertées par nos compatriotes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… trahis par des syndicats convertis à l’euromondialisme ! C’est une chance, aussi, pour les tyrans, qui pillent les pays d’origine et qui voient partir sans regret les forces vives qui pourraient contester leur despotisme !

Nous, législateurs français, ne jouons pas le jeu des uns et des autres. Résorbons la misère des Français d’abord ! Il n’est que temps !

C’est pour toutes ces raisons que je défendrai un amendement visant à diminuer le poids de cette mission dans notre budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

C’est plutôt la haine qui monte, la haine qui est déversée dans l’hémicycle !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je formulerai tout d’abord un constat : la mission « Immigration, asile et intégration » dispose pour l’année 2015 d’un budget global en légère augmentation, avec une enveloppe de 655 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 666 millions d’euros en crédits de paiement.

Les crédits qui lui sont alloués devraient avoir pour objectif une meilleure maîtrise des flux migratoires et une lutte plus efficace contre les filières d’immigration clandestine, tout en garantissant la prise en charge des demandeurs d’asile et l’intégration des personnes immigrées en situation régulière.

L’année 2015 devrait être marquée par l’adoption de deux réformes, l’une relative au séjour des étrangers, l’autre à l’asile. Le projet de loi de réforme de l’asile qui fait suite à un travail de concertation nationale entre l’État et les acteurs de l’asile, mené en 2013 sous la houlette de notre collègue Valérie Létard et de notre collègue député Jean-Louis Touraine, vient d’être examiné par la commission des lois de l’Assemblée nationale.

Dans ce contexte, les crédits demandés affichent une hausse de 1, 3 % en autorisations d’engagement et de 1, 1 % en crédits de paiement. Ces crédits supplémentaires viendront essentiellement soutenir notre dispositif d’accueil des demandeurs d’asile.

Sous l’effet d’une demande en forte augmentation, l’accueil des demandeurs d’asile traverse une crise caractérisée par un allongement des délais et des coûts budgétaires croissants. Nous devons absolument engager une réforme globale de la mise en œuvre de l’asile, comme le soulignait M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

La réduction des délais d’examen des demandes d’asile est l’une des priorités affichées pour 2015, et nous ne pouvons que souscrire à cet objectif. Toutefois, en dépit du recrutement de 55 officiers de protection supplémentaires au sein de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, nous craignons que l’objectif de réduction du délai moyen d’instruction d’un dossier à quatre-vingt-dix jours ne soit pas atteint.

Une autre priorité de ce budget concerne le rééquilibrage du dispositif d’accueil des demandeurs d’asile. Le rapport de nos collègues députés Jeanine Dubié et Arnaud Richard a souligné les failles de notre politique d’accueil. L’une d’entre elles est le recours croissant à l’hébergement d’urgence de droit commun pour les personnes déboutées de l’asile, alors que ces structures, en situation de crise, sont débordées. Rappelons que la population de déboutés, mineurs inclus, atteignait 45 000 personnes en 2013 et 43 500 personnes en 2012.

Ce rapport préconisait notamment de porter l’objectif à 35 000 places en centres d’accueil des demandeurs d’asile, contre 25 000 aujourd’hui. Vous avez, monsieur le ministre, annoncé votre ambition d’augmenter la part des demandeurs d’asile hébergés dans ces centres de 50 %. Pour l’instant, cette ambition n’est pas explicitement concrétisée dans le projet de budget pour 2015.

En outre, on peut s’inquiéter de la sous-budgétisation de l’allocation temporaire d’attente en 2015. Selon notre rapporteur spécial, avec environ 110 millions d’euros, les crédits destinés à l’allocation temporaire d’attente sont inférieurs de 40 millions d’euros à l’exécution 2013 et de plus de 75 millions d’euros à la dépense prévisionnelle 2014, …

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

… qui s’établit à 185, 3 millions d’euros, ou 227 millions d’euros en tenant compte du report de charges de 41, 7 millions d’euros de l’année 2013. Cette budgétisation, manifestement inférieure aux besoins, est donc insincère.

Par ailleurs, nous notons avec inquiétude la baisse des crédits du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », qui supportera, cette année encore, l’essentiel des économies. Ce choix semble peu conforme à notre idéal républicain, qui vise à fournir le meilleur accompagnement afin que ceux que nous décidons d’accueillir parviennent à s’insérer totalement dans notre société.

Dans ces conditions, comment parviendrez-vous à la mise en place du parcours d’accueil et d’intégration que vous prévoyez ?

En outre, au sein de ce programme, les crédits de l’action n° 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, qui correspond à la subvention pour charge de service public versée à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, sont figés cette année, après avoir été diminués l’année dernière. Ce gel laisse présumer des difficultés que rencontrera inévitablement l’OFII pour remplir les nouvelles missions que prévoient de lui confier les deux prochaines réformes.

Enfin, plus généralement, au-delà des avancées de ces dernières années au niveau européen, qu’il s’agisse du règlement Dublin II ou de la mise en place du Fonds européen pour les réfugiés, le temps est venu d’harmoniser nos législations et de mutualiser pleinement nos moyens pour faire face au mieux aux défis de l’immigration et de l’asile.

Un mot sur l’examen de la mission à l’Assemblée nationale, qui s’est traduit par l’adoption de mesures contradictoires. Lors d’une première délibération, le Gouvernement a proposé d’augmenter de 3, 5 millions d’euros les crédits de l’asile pour répondre à l’urgence de la situation à Calais. Puis, lors d’une seconde délibération, l’Assemblée nationale a réduit de 15, 8 millions d’euros les crédits de la mission, toujours sur l’initiative du Gouvernement... Comment peut-on à la fois annoncer 500 places d’accueil supplémentaires à Calais et diminuer les crédits ? Pour reprendre les termes d’Esther Benbassa, nous sommes interloqués par cette incohérence.

L’année 2014 est marquée par une augmentation considérable des franchissements illégaux des frontières extérieures de l’Union européenne. Alors que l’opération Triton vient de succéder à l’opération Mare Nostrum, lancée après le drame de Lampedusa, il devient urgent de nous accorder avec nos voisins européens sur une politique d’immigration globale, en renforçant notamment les moyens de contrôle, principalement maritimes, aux frontières extérieures de l’Union européenne.

Le groupe UDI-UC considère que les moyens de la mission « Immigration, asile et intégration » ne sont pas à la hauteur des ambitions et des enjeux qu’elle recouvre. Nous partageons l’analyse du rapporteur spécial de la commission des finances et nous voterons donc contre les crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’interviens plus ici en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, mais en tant que membre du groupe écologiste, sur l’ensemble de la mission « Immigration, asile et intégration ». Je me concentrerai plus particulièrement sur le volet asile.

En vue de l’élaboration de mon avis, j’ai organisé de nombreuses auditions, qui ont mis en évidence certaines problématiques que je me suis engagée à relayer devant vous.

Dans le cadre de la réforme de l’asile, l’OFII, qui contribue à la politique d’accueil des demandeurs d’asile, voit sa charge de travail s’accroître considérablement alors même que le projet de loi de finances ne prévoit pas d’augmentation de ses moyens. Si l’OFII est en charge de la coordination du réseau des plateformes d’accueil des demandeurs d’asile, ou PADA, il n’en assure pour l’heure qu’assez rarement la gestion directe, s’appuyant de manière très importante sur le secteur associatif.

Cependant, dans la perspective de la mise en place d’un « guichet unique », il est prévu que l’OFII internalise nombre des prestations aujourd’hui dispensées par les associations. Serait-il en mesure d’assumer ces nouvelles missions avec ce budget ?

Les PADA ont été progressivement mises en place par le milieu associatif à compter de l’année 2000, à la demande des pouvoirs publics, afin de pallier les limites du dispositif national d’accueil, ou DNA, et de tenter de réduire les délais d’attente pour entrer en centre d’accueil pour demandeurs d’asile. Ces structures jouent un rôle central dans le premier accueil des demandeurs d’asile en assurant leur domiciliation et en les accompagnant dans leurs démarches administratives et sociales. Certaines plateformes assurent également l’orientation vers une solution d’hébergement d’urgence. En outre, elles accompagnent les demandeurs d’asile tout au long de l’instruction de leur dossier par l’OFPRA, puis, le cas échéant, par la CNDA.

Assurant une mission de service public, les PADA associatives sont financées par des subventions, provenant majoritairement de l’OFII – les collectivités territoriales couvrent le reste –, et des financements européens.

Dans le cadre de la réforme de l’asile, le Gouvernement prévoit la création d’un « guichet unique » d’enregistrement de la demande et d’entrée dans le dispositif d’accueil. Il existe donc des incertitudes sur l’avenir des PADA et de leur financement.

Si tous les acteurs reconnaissent que le statu quo n’est pas souhaitable, et si nombre d’entre eux estiment que l’État doit retrouver son rôle dans le premier accueil des demandeurs d’asile, beaucoup expriment des doutes quant à la capacité de l’OFII à reprendre l’intégralité des missions aujourd’hui assurées par les PADA associatives, en particulier l’accompagnement social, et notamment celui des familles.

Si nous sommes conscients des efforts qui sont mis en place pour améliorer la qualité de l’accueil des demandeurs d’asile en France, sachez que nous attendons beaucoup du projet de loi relatif à la réforme de l’asile, dont nous discuterons prochainement.

Plus généralement, les écologistes attendent un véritable changement de politique envers les migrants. Notre politique doit être fondée sur la liberté de circulation et d’installation, le respect de la dignité humaine et du droit des migrants. Il est temps d’admettre que, comme de nombreux travaux sérieux le montrent, l’immigration apporte à la France autant économiquement que démographiquement. La politique menée par certaines formations, qui consiste à faire des migrants des boucs émissaires, ne pourra que mener notre pays dans une impasse.

Quant à la politique d’asile, elle doit aussi être guidée par un certain pragmatisme. L’état du monde est tel que des millions de gens fuient leur pays, parfois prêts à risquer leur vie pour avoir un avenir. N’en déplaise à certains, la France, ex-terre d’asile pour des milliers de personnes, qui ont ensuite servi le pays avec abnégation et ont contribué à son rayonnement, se doit de continuer dans cette voie. Monsieur le ministre, nous pouvons faire beaucoup plus et surtout beaucoup mieux !

Cela étant dit, le budget nous semble relativement cohérent avec les objectifs fixés par le projet de réforme de l’asile et nous sommes prêts à lui apporter notre soutien. Toutefois, vous comprendrez, monsieur le ministre, que le groupe écologiste fasse dépendre son vote du sort qui sera réservé aux amendements déposés sur cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’immigration cristallise aujourd’hui les passions et les oppositions, provoque des réactions aussi bien de défiance que de compassion. Nous voilà donc, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », une nouvelle fois face à nos responsabilités à l’égard des peuples de migrants. Que peux, que doit faire la France vis-à-vis d’eux ?

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 1990, il y avait 150 millions de migrants internationaux ; en 2013, ils étaient 230 millions. Ce phénomène n’est pas prêt de cesser, ni même de décroître, tant qu’une disparité économique aussi forte, provoquant une instabilité sociale chronique, se maintiendra entre le Nord et le Sud. Au cours de la seule année 2014, plus de 3 000 migrants sont morts à nos portes, et le poids que les autorités italiennes doivent assumer du fait de l’arrivée massive d’immigrants à Lampedusa ne cesse de s’alourdir.

Face à cette situation, la France a toujours essayé de rester fidèle à sa mission de terre d’asile et de pays des droits de l’homme. Le budget que nous étudions aujourd’hui devrait nous permettre de poursuivre cette mission. Cependant, nous sommes profondément convaincus que le problème de l’immigration n’est pas seulement français, mais également européen, et doit être reconsidéré plus en profondeur.

Pris en tenaille entre notre volonté de rester une terre d’accueil et la réduction de nos moyens économiques pour accueillir les migrants, nous sommes obligés de faire des choix. Jusqu’à aujourd’hui, les gouvernements successifs ont toujours semblé dépassés par le phénomène, et les politiques publiques, pourtant indispensables, qu’ils ont entreprises, n’ont fait que répondre à des urgences, alors qu’il aurait fallu travailler à une réponse globale.

L’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » nous donne un bref aperçu de la politique migratoire menée par la France. Certes, toute notre politique migratoire n’est pas comprise dans cette mission. Pour autant, les crédits ouverts représentent près de 80 % des crédits destinés à la politique d’asile.

Je traiterai d'abord le volet budgétaire de cette politique. J’évoquerai ensuite les perspectives que nous offrent l’Union Européenne et le Gouvernement à travers leurs initiatives respectives.

L’analyse des crédits de la mission et des dépenses globales de notre politique d’asile révèle – cela a été souligné par de précédents intervenants – un décalage criant entre les déclarations d’intention du Gouvernement et ses arbitrages. Le cahier des charges que nous présente le Gouvernement pour justifier le montant et la répartition des crédits peut sembler acceptable : le Gouvernement souhaite « réussir à stabiliser et, à terme, faire décroître les dépenses d’asile, d’un côté, et optimiser l’utilisation des moyens réduits alloués aux politiques d’intégration, de l’autre ».

Avoir comme objectif final la diminution des crédits du programme 303, « Immigration et asile », d’un côté, et la préservation et l’optimisation des crédits alloués au programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », de l’autre, nous paraît tout à fait opportun.

Malheureusement, la politique suivie par le Gouvernement semble en totale contradiction avec les ambitions qu’il affiche. Loin de maîtriser l’envol des dépenses issues du programme 303, le Gouvernement entérine une nouvelle hausse des crédits : de 1, 48 % en autorisations d’engagement, pour un montant de 597 millions d’euros, et de 1, 25 % en crédits de paiement, pour un montant de 606 millions d’euros.

Les faits sont là pour contredire la volonté politique affirmée par le Gouvernement : nous avons pu constater une hausse de 87 % des demandes d’asile entre 2007 et 2013. Notons d’ailleurs que le programme consacré au traitement des demandeurs d’asile représente plus de 90 % des crédits de la mission, les 10 % restants étant consacrés à la lutte contre l’immigration clandestine.

Les pays d’origine changent rapidement, mais les pays destinataires ne changent pas vraiment. Dès lors, si nous ne faisons rien, la somme consacrée aux politiques d’intégration – 59 millions d’euros aujourd'hui – risque de diminuer dangereusement. Les chiffres sont éloquents : en 2015, les crédits du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », seront une nouvelle fois en baisse, de près de 3 %. L’intégration des migrants sera donc une nouvelle fois sacrifiée du fait de la hausse des coûts liés aux demandes d’asile. Les arbitrages budgétaires du Gouvernement sont ainsi, une fois de plus, contraires à ses déclarations.

L’État se donne toujours plus de moyens, mais, malgré cela, nos services sont saturés – mon excellent collègue Aymeri de Montesquiou l’a souligné – et les dépenses dérivent inexorablement.

L’évaluation des moyens de notre politique d’asile n’est pas chose aisée. Si l’on se réfère à la nomenclature du rapport d’information sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile rédigé par deux de nos collègues députés, les crédits consacrés à notre politique d’asile sont répartis dans cinq programmes, eux-mêmes répartis dans quatre missions. Des dépenses atomisées entre cinq programmes et quatre missions, voilà qui n’est pas de nature à faciliter l’analyse !

Nous constatons en outre que certaines dépenses sont nettement supérieures aux plafonds de crédits fixés en loi de finances. Il est donc difficile pour le Parlement d’exercer un véritable contrôle sur l’exécution du budget. L’écart entre les dépenses constatées et les plafonds de crédits est même croissant : le plafond pour 2015 est inférieur de plus de 30 millions d’euros à la dépense constatée en 2013 et de plus de 100 millions d’euros à la dépense prévisionnelle pour 2014.

Prenons l’exemple du dispositif d’hébergement d’urgence et de l’allocation temporaire d’attente. La somme des dépenses liées à ces deux dispositifs s’élève à près de 135 millions d’euros, alors que la dépense prévisionnelle pour 2014 relative à la seule allocation temporaire d’attente s’élève à 185 millions d’euros.

Nous sommes donc face à un cas manifeste d’insincérité budgétaire, quelles que soient les explications, certes courageuses, mais parfois laborieuses, du Gouvernement. À cet égard, je salue l’initiative de Roger Karoutchi, qui a déposé un amendement pour tenter de corriger cette difficulté.

Nous sommes confrontés à des coûts qui explosent, sans perspective de solution. Le meilleur exemple est fourni par l’observation de la situation des CADA. Leur capacité aura quadruplé en dix ans, puisqu’ils sont passés de 5 280 places en 2001 à 24 700 à la fin du premier semestre de 2014. De surcroît, 1 000 places supplémentaires sont prévues d’ici à la fin de l’année.

Pourtant, avec 66 000 demandes d’asile en 2013, l’essentiel des demandeurs, à savoir 68 %, a été logé à l’hôtel via le dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile, dispositif dont le coût vient s’ajouter aux 220 millions d’euros prévus pour les CADA. Et je ne parle pas des difficultés qu’entraîne cette situation pour les maires, notamment de la région parisienne, qui doivent accueillir ces populations qui arrivent dans des conditions extrêmement précaires. §

Dans la même logique, les moyens d’instruction des demandes de l’OFPRA, comme ceux de sa juridiction de recours, ont été complétés. Ainsi, la CNDA a réussi à réduire ses délais de jugement, lesquels sont passés de treize mois à huit mois et demi aujourd’hui. Malheureusement, là encore, la mise à disposition de moyens par l’État n’est pas de nature à répondre à la demande sans cesse croissante.

Pour résumer, les crédits du programme 303 sont passés de 350 millions à 650 millions d’euros entre 2008 et 2014, et pourtant, il est fort à parier que cela ne suffira pas.

Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il prêt à endiguer cette évolution ou, au contraire, souhaite-t-il, quelque part, l’encourager ?

En réalité, mes chers collègues, la gestion des demandes d’asile est tout autant un défi européen.

Le nombre des demandes d’asile ne cesse de croître dans l’Union européenne : en 2013, il s’élevait à plus de 434 000, contre 332 000 en 2012, soit une augmentation de plus de 30 %.

La croissance des demandes d’asile ne concerne donc plus simplement la France. Nous pouvons même dire que se déroule aujourd’hui un phénomène de rattrapage chez nombre de nos voisins ; c’est notamment le cas en Bulgarie, à Malte, en Italie et dans quelques autres pays. Et nous constatons un fort décalage, très inquiétant, entre les pays qui accordent l’asile et ceux qui, concrètement, auront à leur charge les flux migratoires.

Malheureusement, avec l’adoption du règlement dit Dublin III, nous ne répondons toujours pas aux difficultés que pose cette asymétrie dans la délivrance du statut de réfugié. Ce règlement est l’exemple typique de la difficulté qu’éprouvent les pays européens à faire appliquer le droit communautaire. En effet, si le droit à un recours juridictionnel effectif ne se discute pas, les textes communautaires s’empilent parfois sur des dispositifs nationaux, avec des procédures administratives fondamentalement divergentes.

Pour cette raison, il nous faudra être très attentifs aux modalités de transposition des directives du 26 juin 2013. La première est relative aux procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale : il s’agit de la directive dite « Procédures ». La seconde a pour objet d’établir des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale : c’est la directive dite « Accueil ». Par ailleurs, nous devrons aussi conserver notre vigilance en ce qui concerne la transposition de la directive « Qualification », qui n’est toujours pas achevée.

Tel sera l’enjeu de l’examen prochain des deux projets de loi afférents aux questions migratoires : le projet de loi relatif au droit des étrangers en France et le projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

Le Gouvernement dénonce lui-même, dans l’exposé des motifs du second texte, des recours abusifs à la procédure d’asile. Il propose, par ailleurs, de permettre plus facilement au dispositif d’écarter rapidement la demande d’asile infondée.

Malheureusement, beaucoup de dispositions visant à accroître les mécanismes de protection des libertés fondamentales des migrants nous semblent aller au-delà du but recherché ; mais nous aurons le temps d’y revenir.

En conclusion, je dirai que les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont le parfait reflet de la politique actuellement menée par le Gouvernement dans ces domaines.

Parce que vous êtes obligé, monsieur le ministre, et nous pouvons le comprendre, de parer au plus pressé, plutôt que d’élaborer une stratégie qui permette de préserver notre droit d’asile de dérives croissantes, vous réduisez inexorablement les moyens mis à disposition pour faciliter l’intégration des migrants, qui reste pour nous une priorité, dans les conditions légales que nous avons rappelées.

Nous en appelons donc au Gouvernement afin qu’il mette en place, avec nos partenaires européens, une véritable politique migratoire et d’insertion cohérente, et ce sur le long terme. Nous nous devons de répondre, en conformité, certes, avec nos valeurs, mais aussi avec nos moyens, à un phénomène d’immigration qui, à n’en pas douter, restera au cœur de nos préoccupations dans les années qui viennent. §

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès 2012, le Gouvernement a fait un choix politique majeur, celui de réformer en profondeur la politique d’immigration. Aujourd’hui, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent de 1, 3 %, s’agissant des autorisations d’engagement. Pourtant, nous les savons tous, le contexte budgétaire reste contraint.

Les situations peuvent être très difficiles dans certaines régions de France. Je pense notamment à Calais, où le nombre de migrants aspirant à gagner le Royaume-Uni grandit de jours en jours, sans qu’aucune issue se dessine. Mais je pense aussi et surtout à mon territoire, la Guyane, qui, à des milliers de kilomètres de Paris, ne saurait rester le parent pauvre d’une politique pas toujours adaptée à nos réalités. En effet, beaucoup d’étrangers se présentent aujourd’hui aux deux frontières de la Guyane pour demander l’asile à la France, alors que leur situation ne relève pas de ce droit.

Il conviendra ainsi, dans le cadre du projet de loi présenté par le Gouvernement pour réformer l’asile, de trouver une solution stable et efficace pour l’examen des demandes en Guyane.

Ce territoire présente pour la France une particularité en ce qu’il possède les seules frontières terrestres partagées avec des pays non membres de l’Union européenne ou de l’espace Schengen : 700 kilomètres avec le Brésil et 500 kilomètres avec le Surinam. Ces frontières sont extrêmement poreuses puisqu’il ne faut que quelques minutes pour franchir, en pirogue, l’un des fleuves frontières.

« Une immigration irrégulière ou non maîtrisée doit être jugulée. » Ce sont là les propos qu’avait tenus, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, l’ancien ministre de l’intérieur, aujourd’hui Premier ministre.

En Guyane la situation est devenue extrêmement préoccupante. Faute de centre d’accueil pour les demandeurs d’asile ou même de centre provisoire d’hébergement, les personnes en attente d’instruction de leur demande d’asile et les personnes en situation irrégulière en viennent à squatter tous les espaces disponibles.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez ainsi les raisons de mon attachement à une politique d’accueil juste, mais ferme, pour lutter contre les filières clandestines, qui maltraitent les hommes et les femmes, leur promettant un avenir radieux, avant que le rêve ne vire au cauchemar de la clandestinité, du chômage et de la pauvreté.

Ces filières de passeurs font payer jusqu’à 5 000 euros à de jeunes Haïtiens pour arriver en Guyane depuis la frontière brésilienne. Elles proposent ensuite des logements vétustes, insalubres, d’une surface souvent inférieure aux 9 mètres carrés prévus par la loi, et à des prix exorbitants. Et je ne parle pas des 10 000 à 15 000 garimperos, ces chercheurs d’or clandestins qui viennent piller l’or guyanais, utilisant encore aujourd’hui du mercure qui pollue nos fleuves et nos rivières.

Le programme 303 sur l’immigration et l’asile prévoit 24, 3 millions d’euros pour les outre-mer sur un total de 596 millions d’euros. Les crédits de paiement sont certes en hausse de 1, 8 %, mais cette augmentation n’est pas précisément répartie entre les territoires. Ce sont près de 74 millions d’euros au sein de ce programme qui seront alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière en 2015.

Je vous invite donc, monsieur le ministre, à prendre la mesure de la situation de la Guyane en fléchant les crédits nécessaires à l’application de la politique souhaitée par le Gouvernement et par les Guyanais.

Le:-nombre de demandeurs d’asile en Guyane est de 22 pour 10 000 habitants, alors qu’il est de 15, 6 pour 10 000 habitants en Île-de-France et de 8, 3 pour 10 000 habitants en Rhône-Alpes, ce qui crée une situation insoutenable tant pour les demandeurs que pour l’ensemble de la population guyanaise.

La Guyane est une terre riche de sa diversité et de son multiculturalisme, qui a accueilli des personnes venues de tous les continents. Pourtant, le climat engendré par cette situation mène inéluctablement au repli sur soi, à l’intolérance, voire à la xénophobie.

Nous avons besoin d’une politique ambitieuse d’intégration et d’accompagnement, mais elle ne saurait être menée au détriment du développement de notre territoire, qui manque toujours cruellement d’infrastructures, d’accès à l’eau potable et à l’électricité, un territoire où le taux de délinquance et de criminalité est supérieur de 10 points à la moyenne nationale, selon les syndicats de police en Guyane.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez mon souci de voir apporter une issue pérenne à cette situation difficile à vivre pour la population guyanaise. La Guyane attend aujourd’hui des réponses du Gouvernement, et je profiterai du débat au Parlement sur le projet de loi de réforme de l’asile pour proposer des solutions adaptées à la situation de ce territoire. §

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord vous remercier très chaleureusement de la richesse de vos interventions, d’où qu’elles viennent, à la faveur de l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Avant de répondre à toutes les questions qui ont été posées, sans prétendre à l’exhaustivité, compte tenu de leur nombre et du faible temps qui m’est imparti, je souhaite dire quelques mots sur la réforme de l’asile dans laquelle nous sommes engagés.

J’ai entendu notamment M. Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances, et M. Cambon faire part de leurs interrogations, que je comprends, concernant le décalage existant entre la situation de l’asile en France et l’organisation de l’accueil des migrants. Ces interrogations, également formulées par Mme Benbassa, méritent des réponses extrêmement précises.

Je veux tout d’abord insister sur l’ambition de la réforme que je viens d’évoquer et rappeler à chacun les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Il faut savoir que le délai moyen de traitement des dossiers des demandeurs d’asile entre le moment où la première demande est émise et le moment où la réponse définitive est apportée est actuellement en France de vingt-quatre mois, alors que, dans la plupart des pays européens, elle est inférieure à neuf mois, atteignant parfois même six mois.

Comme vous le savez, cette situation est loin d’être nouvelle. Elle n’est pas le résultat de la politique menée par ce gouvernement : celui-ci l’a trouvée en arrivant aux responsabilités.

Il est tout à fait exact que plus le délai de traitement des dossiers des demandeurs d’asile est long, moins il est facile de traiter, dans des conditions humaines, la situation de ceux qui, au terme de l’ensemble des procédures et des voies de recours, se trouvent déboutés du droit d’asile.

Si nous voulons humaniser la situation des demandeurs d’asile en France, nous devons prendre un certain nombre de dispositions, que j’aurai l’honneur de présenter au Sénat et à l’Assemblée nationale dans quelques semaines. Quelles sont-elles ?

D’abord, nous voulons absolument que les délais soient raccourcis. Cela implique que ceux qui sont en charge du traitement des dossiers des demandeurs d’asile soient davantage armés pour remplir leur mission rapidement.

Nous avons donc pris des dispositions concernant l’organisation de l’OFPRA, lesquelles ont permis à cet organisme de traiter cette année 15 % de dossiers supplémentaires. Il s’agit de mesures d’organisation interne, qui concernent notamment les conditions dans lesquelles se répartissent les dossiers entre les différents officiers traitants selon les zones géographiques considérées. Cette réforme a donné des résultats significatifs.

De plus, nous allons créer 55 postes équivalents temps plein à l’OFPRA, qui sont prévus dans le budget pour 2015. Ceux-ci vont permettre de renforcer considérablement les moyens de cet office et donc de traiter plus vite les dossiers.

Nous allons également, avec le même objectif, procéder à une réorganisation de l’OFII et allouer des moyens supplémentaires à la CNDA, qui a besoin, autant que l’OFPRA, d’être mise en mesure de gérer dans de meilleures conditions les dossiers qui lui sont soumis.

Par ailleurs, nous voulons renforcer les droits des demandeurs d’asile. Je rappelle à cet égard que le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, qui sera prochainement examiné par le Parlement, permettra d’énormes progrès dans la reconnaissance des droits des demandeurs d’asile, répondant ainsi à la préoccupation que plusieurs orateurs ont exprimée quant à la dignité de l’accueil réservé à ces personnes.

Sans prétendre donner une représentation exhaustive de la réforme, je citerai deux exemples.

Dans le cadre de la procédure accélérée, le caractère suspensif de l’appel sera reconnu. Ainsi, les demandeurs d’asile ne seront plus susceptibles d’être reconduits à la frontière avant même que le résultat de l’appel ne soit connu, ce qui représente un progrès considérable.

Nous avons également décidé que les demandeurs d’asile pourraient être accompagnés par un certain nombre de conseils dans leurs démarches auprès de l’OFPRA : voilà un autre progrès considérable.

Par ailleurs, nous souhaitons que les demandeurs d’asile puissent être accueillis en France dans des conditions plus dignes que celles qui prévalent dans un certain nombre de territoires que j’ai pu visiter et où je retournerai, notamment à Calais. Il faut donc un nombre suffisant de places en CADA pour accueillir ces personnes dans de bonnes conditions. Si ces places n’existent pas, nombre de ces personnes sont réduites à vivre dans la rue ou à accepter des conditions d’hébergement d’urgence qui ne correspondent pas aux standards que nous souhaitons.

C’est la raison pour laquelle il a été décidé, l’an dernier, de créer 4 000 places en CADA. Et cette année, nous en ajouterons 5 000, ce qui n’est pas négligeable, madame Benbassa. Même s’il existe un décalage de 20 000 unités entre le nombre de places déjà disponibles et le nombre de demandeurs d’asile qui se présentent en France annuellement, nous escomptons que ces créations de places, d’une part, et la diminution des délais de traitement des demandes, d’autre part, qui aura pour effet de faire sortir plus rapidement les demandeurs d’asile du processus d’hébergement en CADA, nous permettront d’atteindre des objectifs qui, jusqu’à présent, restaient hors de portée.

Bien entendu, ces places en CADA représentent un coût que nous budgétons. Par ailleurs, un certain nombre d’entre elles est financé par la transformation de places d’hébergement d’urgence. Monsieur Cambon, monsieur Karoutchi, madame Benbassa, madame Assassi, vous voyez que la politique que nous mettons en place apporte des réponses qui, jusqu’à présent, n’avaient pas été proposées.

Nous le faisons non pas simplement pour mettre la France en conformité avec trois directives de l’Union européenne, mais parce que nous considérons que la tradition de la France, son message et ses valeurs doivent la conduire à accueillir dans de meilleures conditions ceux qui ont pris le chemin de l’exode. Ceux-ci ne sont pas tombés amoureux du « code frontières Schengen », contrairement à ce que je peux lire de temps en temps, ils quittent leur pays parce qu’ils y ont été persécutés, emprisonnés, torturés, maltraités pour mille raisons qui tiennent à la politique, à la religion ou à l’orientation sexuelle. Tout cela doit être dit.

J’ajoute que l’idée selon laquelle il y aurait moins de migrants si les accords de Schengen n’existaient pas est une idée courte, qui ignore ce que sont les mouvements de populations dans le temps long de l’histoire de l’humanité.

Je souhaite ajouter quelques mots sur notre politique à l’égard de l’Union européenne en matière d’asile. J’entends dire que nous devrions prendre des mesures que nous avons déjà prises : c’est donc que je ne me suis pas suffisamment expliqué ! Je profite de l’interpellation de certains sénateurs pour le faire à nouveau.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous eu raison de signaler qu’il fallait prendre en compte la dimension européenne de la politique de l’asile, et je vais essayer de vous apporter des réponses à cet égard. Nous assistons à une arrivée massive sur le territoire européen de migrants poussés sur le chemin de l’exode par les persécutions que je viens d’évoquer.

Pour donner un chiffre à tous ceux d’entre vous qui se sont interrogés sur ce point, avec les « printemps arabes » en 2011, quelque 110 000 migrants sont arrivés en Italie en un an. Au mois de novembre 2014, nous avons déjà enregistré 160 000 arrivées depuis le début de l’année. On constate donc une augmentation, pour des raisons liées à la conjoncture internationale et à la géopolitique.

Par ailleurs, les Italiens ont souhaité mettre en place l’opération Mare nostrum, qui vise le sauvetage en mer des migrants partant de Libye, notamment, au plus près des côtes africaines. Cette opération, dont je comprends les motivations humanitaires, a eu un résultat immédiat : elle a permis de sauver plus de vies. Elle a eu aussi une conséquence non désirée : il y a eu plus de morts, tout simplement parce que les responsables des filières d’immigration irrégulière ont placé des migrants de plus en plus nombreux sur des embarcations de plus en plus frêles, après avoir prélevé sur eux des dîmes de plus en plus importantes, qui sont de véritables impôts sur la mort. Au final, il y a plus de sauvetages, mais aussi plus de morts en mer.

C’est la raison pour laquelle j’ai effectué une tournée de nos partenaires européens au mois d’août dernier, pour rencontrer mes homologues et leur présenter des propositions qui ont été ensuite adoptées par l’Union européenne.

Premièrement, nous voulons substituer à Mare nostrum, qui est un dispositif italien, une opération conduite par Frontex, qui sera une opération de contrôle aux frontières méridionales de l’Union européenne. Cette opération ne laissera pas les migrants mourir en mer, puisque le droit de la mer s’appliquera évidemment. La semaine dernière, quelque deux cents migrants ont d’ailleurs été sauvés.

Deuxièmement, nous souhaitons que cette opération de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne soit accompagnée d’une meilleure coordination des missions des États et des missions de l’Union, en relation avec les pays de provenance, pour les migrations en Méditerranée centrale.

Troisièmement, nous voulons que les demandeurs d’asile soient répartis entre les différents pays de l’Union européenne, en tenant compte du nombre de demandeurs d’asile déjà accueillis par chacun de ces pays.

Quatrièmement, et enfin, nous souhaitons que les règles de Schengen et de Dublin soient appliquées et qu’un contrôle s’opère, notamment en Italie. Pour ce contrôle, nous mobiliserons nos fonctionnaires et ceux de Frontex afin de nous assurer que la banque de données Eurodac, qui centralise les empreintes digitales, fonctionne correctement.

Voilà ce que nous faisons. Nous menons une politique globale, cohérente, qui a sa force et sa part d’engagement. Le Parlement sera en outre amené à se saisir très prochainement des dispositifs relatifs à l’asile.

En guise de conclusion, je souhaite apporter des réponses précises à certaines questions qui m’ont été posées.

Je répondrai tout d’abord à MM. Karoutchi et de Montesquiou sur les crédits du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », consacrés à la formation linguistique. Si les crédits du programme 104 ont diminué de 20 % entre 2010 et 2014, les crédits consacrés à la formation linguistique ont, quant à eux, été sanctuarisés. Une hausse de ces crédits de 11 millions d’euros sur la période 2016-2017 est d’ailleurs proposée.

Ainsi, le Gouvernement entend rénover profondément le dispositif d’accueil et d’accompagnement, afin de concentrer les efforts sur les premières années d’installation en France. Il s’agit d’élever le niveau de langage, de faciliter le parcours d’apprentissage linguistique menant au niveau A2 à l’issue des cinq premières années d’installation, dans la perspective de la délivrance de la carte de résident.

À cette fin, un effort considérable sera consenti en matière de formation linguistique dans les années qui viennent. D’une part, le démarrage de cet effort, en 2015, est consacré au maintien des moyens budgétaires de l’État et de l’OFII, en ciblant plus particulièrement les publics qui ont le plus besoin de cette formation. D’autre part, les crédits du programme 104 centrés sur les primo-arrivants seront renforcés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m’interrogez également sur la sous-budgétisation des crédits consacrés à l’asile et l’insuffisance des crédits d’intégration dans la perspective de la réforme de l’asile.

L’augmentation des stocks d’affaires pendantes devant l’OFPRA et la CNDA ces dernières années ont contribué à accroître les délais d’instruction des demandes d’asile, donc le nombre des bénéficiaires de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA. Les renforts successifs des capacités de traitement de ces organismes n’ont pas suffi, à ce stade, à réduire ces stocks, compte tenu du fait que cette tendance est ancienne et ne saurait s’inverser en quelques mois.

Néanmoins, grâce aux efforts du Gouvernement et à ceux qui ont été entrepris par Pascal Brice, le directeur de l’OFPRA, pour réduire les délais de traitement des dossiers, on note une inversion très prometteuse de la tendance depuis le début de l’année 2014.

Comme vous le savez, les dépenses liées à l’ATA se sont jusqu’à présent toujours révélées supérieures au montant prévu en loi de finances. Je tiens à attirer votre attention sur le fait que l’écart entre la budgétisation et l’exécution s’est fortement réduit depuis 2012, grâce à la volonté du Gouvernement de prévoir la budgétisation la plus sincère possible, alors que cette dépense est particulièrement difficile à prévoir.

En 2011, les crédits de l’ATA inscrits en loi de finances initiale représentaient 34 % de la dépense réelle ; en 2013 ils en représentent 94 %. Je pense que vous mesurez les progrès accomplis, qui prouvent la volonté du Gouvernement de faire en sorte que la situation évolue de manière positive.

Mme Benbassa m’a interrogé sur la réforme de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA. Je rappelle que d’autres hypothèses avaient été débattues, notamment la possibilité d’expérimenter un transfert de ce contentieux, en totalité ou en partie, aux tribunaux administratifs. Ces hypothèses n’ont pas été retenues, …

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

… parce qu’il nous est apparu essentiel de conforter la CNDA dans la plénitude de ses missions.

Madame Benbassa, vous m’interrogez par ailleurs sur le niveau de la dotation budgétaire prévue en 2015 pour financer l’allocation temporaire d’attente, soit près de 110 millions d’euros, et sur son caractère réaliste. Je vous ai répondu à l’instant, en vous montrant que nous avions réduit le décalage qui existait jusqu’à présent entre le niveau des crédits budgétisés et celui de l’exécution, ce qui prouve notre volonté de rigueur et de sincérité budgétaire.

En ce qui concerne le nombre de créations de places en CADA, je vous ai également répondu : nous avons créé quelque 4 000 places en 2014 et en créerons 5 000 de plus en 2015. J’ai ajouté que j’escomptais que la réduction des délais de traitement des dossiers de demande d’asile contribuerait à diminuer l’écart qui existe entre le nombre de demandeurs d’asile et le nombre de places disponibles. Bien entendu, notre objectif est de procéder à un ajustement grâce à la réforme de l’asile.

Vous m’avez interrogé également sur l’évolution des missions de l’OFII dans le cadre de la réforme de l’asile. Nous allons adapter le fonctionnement de cet organisme, et trois sources d’économies nous permettront de garantir qu’il soit en situation d’accomplir ses missions dans de bonnes conditions : l’adaptation de la visite médicale – une évaluation par le Haut Conseil de la santé publique est en cours –, la suppression de certaines démarches redondantes ou sans valeur ajoutée et l’optimisation des aides au retour.

Monsieur Leconte, vous m’avez interrogé sur le délai d’enregistrement des demandes d’asile. J’ai commencé à répondre sur ce point, et nous aurons encore l’occasion d’en débattre longuement dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la réforme de l’asile.

Cette réforme vise à réduire les délais d’entrée dans la procédure, notamment les délais d’enregistrement, fixés en principe à trois jours par les directives européennes. À cet effet, le projet de loi supprime l’obligation d’une domiciliation préalable des demandeurs d’asile. En outre, mes services travaillent à la mise en place de guichets uniques, rassemblant les services des préfectures et de l’OFII, afin de rendre plus simple et plus rapide l’enregistrement des demandes.

Mme Assassi a posé la question des associations qui s’occupent des migrants en rétention. L’idée que la France ne respecterait pas les droits fondamentaux des étrangers…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Madame la sénatrice, je sais que vous n’avez pas employé ces mots, mais je saisis cette occasion pour élargir mon propos, afin de répondre aux critiques que l’on entend souvent dans les médias ou dans certains milieux associatifs.

L’idée selon laquelle la France ne respecterait pas les droits fondamentaux des étrangers, disais-je, me semble devoir être nuancée. En ce qui concerne la rétention en général, le cadre juridique français est bien plus favorable que ce que prévoient les directives européennes : en France, la durée de rétention est la plus brève d’Europe – quarante-cinq jours au maximum –, le contrôle juridictionnel sur la rétention est le plus poussé, avec l’intervention de deux juges, le juge administratif et le juge des libertés et de la détention, et des associations rémunérées par l’État sont systématiquement présentes pour aider les étrangers dans leurs recours.

Nous sommes le seul pays d’Europe à offrir autant de garanties : c’est très bien ainsi, et je ne souhaite pas remettre en cause cette situation.

J’observe simplement que ces garanties vont bien au-delà de ce que prévoient les normes européennes. Celles-ci disposent que la rétention ne peut excéder dix-huit mois, alors que sa durée maximale est de quarante-cinq jours seulement en France, je le répète, et que des associations doivent pouvoir accéder aux centres de rétention : tel est bien sûr le cas en France, où elles sont même subventionnées par l’État pour aider les demandeurs d’asile dans leurs recours.

La France est l’un des rares États européens à prévoir des garanties aussi complètes. Du reste, c’est normal, la force de notre État de droit étant de donner toutes les armes au migrant, même en rétention, pour faire valoir ses droits. Telle sera toujours la doctrine du Gouvernement.

Le prochain projet de loi relatif à la réforme de l’asile introduira une garantie supplémentaire, en ouvrant aux journalistes la possibilité d’accéder aux centres de rétention, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur le ministre, je dois vous demander de conclure.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vais le faire, madame la présidente, ne craignez rien ! En réalité, je suis pris entre deux feux : être désagréable en poursuivant ou ne pas être complet dans ma réponse en m’interrompant…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

S'agissant des mineurs en rétention, la directive du mois de novembre dernier a été évoquée. Il faut distinguer la situation de Mayotte, qui est soumise à une intense pression migratoire, et celle de la métropole. Sur ce sujet, je profiterai du projet de loi relatif à la réforme de l’asile pour vous apporter toutes les réponses.

Monsieur Karam, je propose, compte tenu de la pression horaire à laquelle je suis soumis, de ne pas vous répondre succinctement sur un sujet qui appelle des développements assez longs. Je le ferai à l’occasion de l’examen du projet de loi susmentionné. J’en profite pour vous confirmer mon déplacement en Guyane, prévu les 15 et 16 janvier prochain. La discussion de ce futur texte et mon déplacement dans votre département me permettront d’apporter une réponse cursive à toutes les questions que vous avez bien voulu soulever. §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

en euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration, asile et intégration

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° II-164, présenté par MM. Ravier et Rachline, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Cet amendement vise à faire baisser la charge de l’immigration sur le budget de la France et à rendre au droit d’asile sa pleine signification.

À cet effet, les crédits alloués à l’action n° 2, Garantie de l’exercice du droit d’asile, sont diminués en trois phases. Tout d’abord, une réduction de 220, 8 millions d’euros, qui correspond à la suppression des centres d’accueil des demandeurs d’asile, les CADA. Ensuite, une baisse de 17, 1 millions d’euros, qui correspond à la réduction des crédits liés à l’hébergement d’urgence, pour revenir au niveau de l’année 2014. Enfin, une soustraction de 109, 931 millions d’euros, qui correspond à la suppression de l’allocation temporaire d’attente.

Ces économies permettront d’augmenter le budget alloué à l’action n° 3, Lutte contre l’immigration irrégulière. Actuellement créditée de 73, 8 millions d’euros, celle-ci passerait ainsi, selon nos souhaits, à 100 millions d’euros.

L’asile, tradition historique de notre pays, doit être considérablement réduit. Il faut le réserver aux seuls persécutés politiques, à condition bien sûr qu’ils fassent vraiment l’objet d’une persécution. Et il faut en exclure ceux qui, grâce à un glissement sémantique et idéologique, bénéficient du statut de réfugié sanitaire, sexuel, comme l’a rappelé M. le ministre, voire environnemental. J’en passe, et des plus abracadabrantesques !

La France n’a clairement plus les moyens d’avoir une politique d’asile aussi généreuse et dogmatique. Le rapport du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, paru au printemps dernier, estime le coût total de la politique d’asile en 2014 à 666 millions d’euros.

Par conséquent, il est urgent de supprimer les politiques d’hébergement obligatoire et de mettre un terme à l’aide temporaire d’attente, pour cesser de faire du droit d’asile une pompe aspirante de l’immigration clandestine.

Les dotations à l’hébergement d’urgence sont conservées. Concernant les centres d’accueil, l’action n° 15 du programme 104 finance déjà les centres provisoires d’hébergement des réfugiés, les CPH.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Cet amendement n’a pas été examiné par la commission des finances. Je vais donc émettre un avis personnel, et chacun pourra voter comme il l’entend.

Mon avis est bien sûr tout à fait défavorable. Vous devriez d'ailleurs, cher collègue, retirer cet amendement, parce que ses dispositions vont à l’encontre de l’objectif que vous avez dit vouloir atteindre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Vous affirmez en effet que le droit d’asile en lui-même doit être préservé – j’allais presque dire sanctifié. Vous préférez le droit d’asile à l’immigration détournée, qui utilise le droit d’asile, et nous sommes d’accord sur ce point.

Nous devrions désormais avoir globalement 30 000 demandeurs d’asile, au lieu de 65 000 à 70 000. Les places en CADA leur sont destinées. Un certain nombre de vos amis ont tellement dénoncé, au cours de leurs campagnes électorales respectives, l’hébergement d’urgence et l’hébergement dans les hôtels qu’il est évident que nous avons tous intérêt à privilégier les CADA, dont les places sont contrôlées, plutôt que l’hébergement d’urgence, qui est évidemment beaucoup moins contrôlé et plus difficile à mettre en œuvre dans les centres-villes.

L’Allocation temporaire d’attente, l’ATA, est liée au manque de places en CADA, me semble-t-il, ce qui pose un autre problème. Si vous persistez à vouloir supprimer les CADA, il vous faudra donner plus d’ATA. Préservons donc les CADA, réduisons à terme le nombre de demandeurs et essayons de le faire correspondre au nombre de places dans les centres d’accueil.

La suppression des crédits destinés au CADA aboutirait au résultat inverse de celui que vous recherchez, à savoir préserver le droit d’asile et le rendre prioritaire par rapport à son détournement via l’immigration clandestine.

Par conséquent, je vous demande, cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Notre groupe est totalement défavorable à cet amendement, dont les dispositions s’inscrivent dans la droite ligne du discours tenu par M. Ravier lors de la discussion générale.

Les dispositions de cet amendement reposent sur le postulat selon lequel la France délivrerait trop généreusement le droit d’asile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous le confirmez ! Finalement, chaque demandeur d’asile est un suspect, coupable d’accroître l’immigration clandestine.

Sachez, cher collègue, que la France accueille les demandeurs d’asile conformément à la convention de Genève. Sachez également que la France accueille moins de demandeurs d’asile qu’un certain nombre d’autres pays d’Europe très proches de nous.

Il existe une grande différence entre la politique d’immigration, qui est définie par le Gouvernement, et l’asile, qui est un droit, garanti par la convention de Genève.

Je n’accepte pas, pour ma part – les membres de mon groupe non plus –, que l’on jette la suspicion sur les demandeurs d’asile. Pensons à toutes les personnes persécutées, à celles qui actuellement se noient dans la mer. Pensons aussi aux êtres humains qui vivent en Syrie dans des conditions épouvantables et qui arriveront en Europe. Qu’allons-nous leur dire ?

Sur le fond, cet amendement me paraît tout à fait inacceptable, car il est contraire aux principes respectés depuis très longtemps par la France en matière d’asile.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Vouloir supprimer l’ensemble des crédits du CADA, cela peut faire sourire. Toutefois, ne sourions pas trop ! En effet, derrière ces propositions démagogiques et xénophobes, il y a tout un courant de pensée, selon lequel on va mettre dehors les immigrés, et tout ira mieux ! Telle est l’idée fondamentale, totalement irréaliste et bien sûr irréalisable.

Néanmoins, ce sont des idées qui malheureusement progressent dans l’opinion – il faut le dire – et que l’on retrouve dans d’autres pays d’Europe. Pensons à ce qui se passe en Angleterre, la mère de la démocratie, avec l’UKIP. Pensons à ce qui a déjà commencé à se passer en Suisse. Malheureusement, il faut répondre à ce problème.

Nous sommes confrontés à une progression importante du nombre de demandeurs d’asile. Mon collègue Jean-Pierre Sueur a bien exposé la situation sur le plan juridique.

Un Premier ministre avait dit que la France ne pouvait « pas accueillir toute la misère du monde », mais qu’elle devait « en prendre sa part. » Le codicille est important ! Or notre part, aujourd’hui, cela représente entre 60 000 et 62 000 personnes. On le voit, la pression continue. Et c’est une idée fausse de croire que cela va s’arrêter.

J’ai visité Ceuta et Melilla. On a construit des murs et tout ce qui est nécessaire pour empêcher les futurs demandeurs de droit d’asile de passer. Que font-ils ? Ils passent un peu plus loin ! On n’arrête rien !

Cette idée surprenante, puérile et démagogique de supprimer tous les crédits dévolus aux CADA et de fermer ces derniers aura donc pour seul effet de provoquer autant d’abcès de fixation que ceux que nous observons aujourd’hui à Calais, où 400, 500 ou 600 personnes courent dans les rues, à droite, à gauche, et se cachent derrière les haies. On les chasse, ils reviennent ! C’est quelque chose de totalement irréaliste et infaisable. De plus, c’est une insulte au genre humain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je me reconnais totalement dans les propos de M. Yung. Mon groupe est fermement opposé à l’amendement qui nous est proposé, pour de nombreuses raisons et notamment parce qu’il révèle l’obsession anti-immigrés du Front national. Nous en avons encore un exemple cet après-midi, et je trouve cela lamentable !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° II-160, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur le ministre, j’hésite ! J’hésite à défendre cet amendement, non pas en tant que tel, mais parce que je suis convaincu que l’OFII ne dispose pas des moyens nécessaires.

Au cours d’une mission consacrée à l’Office, j’ai visité des centres. Et j’ai constaté combien étaient dérisoires les cours de français, d’instruction civique, la formation à la société française… On peut toujours faire des déclarations pour affirmer que l’on va améliorer le niveau en français l’année prochaine, en le faisant passer du niveau 1 au niveau 2 : si on ne donne pas les moyens nécessaires à l’OFII, ces propos resteront lettre morte !

Monsieur le ministre, quand vous dites que 94 % des crédits de l’ATA sont inscrits en loi de finances. C’est vrai, facialement. Toutefois, avec un report de 40 millions d’euros, en réalité, vous êtes à 70 millions d’euros.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Ce n’est pas si mal !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

C’est mieux que 34 millions d’euros, certes. N’engageons pas sur une bataille de chiffres, ce n’est pas le sujet. Le problème, c’est que l’on ne se donne pas les moyens d’intégrer dans de bonnes conditions les gens qui ont demandé l’asile et qui l’ont obtenu au terme d’un parcours administratif.

Je reviendrai un jour sur l’ensemble des centres d’hébergement pour les réfugiés. Sincèrement, ils ne sont pas dignes du droit d’asile qui a été accordé à ces derniers ! Il faut une politique équilibrée, qui soit sans complaisance envers une immigration qui, en réalité, joue sur le droit d’asile ; en même temps, ceux qui sont réellement demandeurs d’asile doivent être mieux traités que nous ne le faisons actuellement Quant aux délais de traitement des dossiers, ils progressent très peu, en fait.

Monsieur le ministre, j’ai demandé le rejet de l’ensemble des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». J’ai donc quelque peu de scrupules à défendre un amendement visant à faire passer 10 millions d’euros du programme 303 au programme 104…

En conséquence, après avoir souligné que l’OFII n’a décidément pas les moyens de réaliser sa mission et que je compte sur vous, monsieur le ministre, pour rétablir cet équilibre, je retire mon amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° II-160 est retiré.

Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Voici le résultat du scrutin n° 46 :

Ces crédits ne sont pas adoptés.

Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Jean-Pierre Caffet remplace Mme Isabelle Debré au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 57 et 57 bis).

La parole est à Mme Teura Iriti, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Teura Iriti

Mme Teura Iriti, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour ma première intervention sur les crédits de la mission « Outre-mer », vous comprendrez que j’intervienne, à la fois, en qualité de rapporteur spécial de cette mission et en tant qu’élue ultramarine d’une Polynésie bien française qui vous envoie tous ses soleils pour illuminer nos travaux.

Sourires. – Applaudissements sur certaines travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Teura Iriti

Ce projet de budget apporte incontestablement certaines réponses aux besoins particuliers des territoires d’outre-mer, et je m’associe à mes collègues ultramarins qui ont eu l’occasion de vous en féliciter, madame la ministre, au cours des débats parlementaires.

Je retiendrai dans ce projet de budget trois priorités.

La première concerne la nécessité vitale pour nos collectivités de soutenir l’emploi et les entreprises, qui souffrent encore plus durement outre-mer qu’en métropole des effets du ralentissement économique mondial.

La deuxième priorité porte sur les mesures en faveur du développement et de la formation des jeunes, pour contribuer au redressement des économies ultramarines et les accompagner à l’aide de nouveaux outils de développement.

La troisième priorité, enfin, vise à répondre aux besoins massifs de logements dans les territoires ultramarins, à l’aide de mesures favorisant l’accès à une palette de logements élargie, du très social jusqu’au logement intermédiaire, en passant par l’habitat dispersé, qui reste un domaine à consolider.

S’agissant de l’emploi, la compensation des exonérations de charges sociales constitue une nécessité vitale pour les économies des territoires ultramarins. En 2014, ce dispositif a été recentré sur les bas salaires, pour une économie estimée à 90 millions d’euros, et à 108 millions d’euros en régime de croisière. Par ailleurs, 1, 13 milliard d’euros sera consacré en 2015 à la compensation des exonérations de charges.

Une question demeure toutefois, celle de la dette de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale, qui s’élevait, en 2013, à 75, 5 millions d’euros. La réforme de 2014 devrait s’accompagner de mesures visant à apurer la dette antérieure ; vos rapporteurs resteront cependant vigilants sur cette question.

S’agissant des aides spécifiques aux entreprises, l’article 57 rattaché à la présente mission prévoit la suppression de l’aide à la rénovation hôtelière.

Le bilan de cette mesure montre que, depuis sa création, cette aide a été globalement peu utilisée à l’échelle de l’outre-mer par les entreprises hôtelières. Je proposerai donc d’adopter cet article sans modification.

Pour ce qui concerne la formation des jeunes ultramarins, celle-ci repose essentiellement sur le service militaire adapté, le SMA, et la formation en mobilité.

Le SMA constitue un incontestable succès : 76, 3 % des volontaires quittent ce dispositif avec un stage qualifiant ou un contrat, et je me félicite que l’objectif de 6 000 volontaires ait de bonnes chances d’être atteint en 2016.

La formation en mobilité s’appuie principalement sur trois dispositifs : le passeport-mobilité formation professionnelle, ainsi que les programmes « Cadre avenir » et « Cadres pour Wallis-et-Futuna ». Ces initiatives, bien qu’elles soient utiles, semblent toutefois limitées au regard des enjeux et devront être confortées par des dispositifs à plus large portée.

C’est un euphémisme que de dire que la crise du logement revêt une dimension particulière dans les territoires ultramarins : quelque 7 612 logements sociaux neufs ont été financés en 2013, quand il en faudrait 12 000 pour satisfaire les besoins. La stabilité des crédits de paiement de la ligne budgétaire unique à 247, 7 millions d’euros est une mesure de sauvegarde qu’il faut saluer, même si elle est loin d’être suffisante.

Cependant, au-delà de ces mesures de sauvegarde, le projet de budget qui nous est présenté comporte de graves lacunes, qui ne me permettent pas de le soutenir.

De fait, comme l’a souligné l’intergroupe parlementaire auquel je ne peux, bien évidemment, que m’associer, la hausse globale des crédits consacrés au financement de contrats de plan État-régions ne doit pas masquer certaines disparités. La Polynésie française verra ainsi le montant des autorisations d’engagement dédiées au financement de ces contrats diminuer de plus de 6 millions d’euros en 2015.

L’article 57 bis rattaché à la présente mission prévoit, de plus, la fixation dans la loi du montant de la dotation globale d’autonomie, la DGA, versée à la Polynésie française. Il entérine ainsi, pour l’avenir, une baisse significative de cette dotation, ce qui est un bien mauvais sort réservé à la Polynésie française au sein d’un budget présenté comme équitable entre les collectivités. C’est pourquoi, à titre de refus symbolique, j’ai appelé à voter contre cet article pour rouvrir la discussion entamée à l’Assemblée nationale sur le sujet, tout en sachant que nos marges de manœuvre étaient étroites.

Les filets de la nasse étant bien serrés, puisqu’il nous faudrait encore amputer les crédits du SMA, j’aurai l’occasion, mes chers collègues, de vous demander de revenir sur cette position de principe lors de la discussion de cet article.

Cette position en rejoint une autre à propos de la continuité territoriale, qui est un autre sujet de déception, sur lequel je partage les attentes de notre collègue Didier Robert. Pourtant, si je ne puis être favorable à une nouvelle ponction de 10 millions d’euros sur le SMA pour abonder les crédits de la continuité territoriale, je me félicite que la délégation sénatoriale aux outre-mer envisage de se saisir du dossier en 2015 pour formuler des propositions de révision d’une politique publique tellement importante pour les relations avec les collectivités ultramarines.

Enfin, je rappellerai que la mission « Outre-mer » a vu ses crédits diminuer de 4, 2 millions d’euros à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale sur des programmes présentés, là encore, comme prioritaires.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable au projet de budget qui nous est présenté aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Georges Patient, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec près de 2, 7 millions d’habitants, les territoires ultramarins rassemblent plus de 4 % de la population française.

Malgré leur diversité de populations et de cultures, les outre-mer – il est préférable d’employer le pluriel, tant leur situation géographique et leur niveau de développement sont différents – sont confrontés à une même situation de crise, avec un dénominateur commun : l’urgence.

Cette urgence est tout d’abord sociale : une étude relativement récente de l’Agence française de développement souligne ainsi que l’indice de développement humain des outre-mer est significativement plus faible que celui de la métropole. Ces territoires connaissent un retard de développement estimé à une vingtaine d’années en moyenne.

Cette urgence sociale se double d’une urgence économique. Selon l’INSEE, le PIB par habitant de ces territoires s’élevait à 19 349 euros en 2005, contre 31 420 euros dans l’hexagone. Le taux de chômage des outre-mer représente en outre plus du double de celui de l’hexagone, soit plus de 25 %. Les jeunes sont particulièrement touchés, puisque leur taux de chômage peut atteindre, selon les territoires, jusqu’à 60 %, contre 24 % environ en métropole.

Ce budget apporte des réponses concrètes à cette double urgence. En effet, avec un peu plus de 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, la mission « Outre-mer » fait partie des rares missions dont les crédits augmenteront sur l’ensemble de la programmation triennale 2015-2017.

Plus de 90 millions d’euros supplémentaires seront ainsi consacrés, sur les trois prochaines années, aux deux programmes de la mission « Outre-mer », le programme 138, « Soutien à l’emploi », et le programme 123, « Amélioration des conditions de vie outre-mer ».

En 2015, les crédits de la présente mission afficheront une relative stabilité. Ils progresseront de 0, 39 % en crédits de paiement et diminueront de 0, 7 % en autorisations d’engagement, hors mesures de périmètre.

Ce budget traduit aussi la participation de la mission « Outre-mer » à l’effort de réduction des dépenses publiques. Je citerai comme exemple le recentrage des exonérations de charges intervenu en 2014 – il devrait produire ses pleins effets en 2015 –, la diminution de 5 % des crédits de fonctionnement du ministère, la suppression ou encore la réforme de plusieurs dispositifs d'aide en 2015.

Le budget de la présente mission est avant tout un budget de soutien. Il est constitué à près de 90 % de dépenses d’intervention. Le dispositif de compensation des exonérations de charges aux organismes de sécurité sociale représente ainsi, à lui seul, plus de la moitié des crédits de paiement de la mission, soit 1, 13 milliard d’euros.

La dépense liée au remboursement des exonérations de charges augmentera de 200 millions d’euros sur le quinquennat. En outre, les entreprises situées dans les départements d’outre-mer, qui pouvaient déjà prétendre au bénéfice du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dans les conditions de droit commun, pourront bénéficier d’un taux majoré qui sera porté de 6 % à 7, 5 % en 2016, puis à 9 % en 2017.

La majoration du taux du CICE devrait contribuer à compenser le déficit de compétitivité dont souffrent les entreprises ultramarines. Reste, madame la ministre, à vérifier l’impact sur le terrain de ces exonérations de cotisations sociales, outil essentiel de la politique de l’État pour la croissance et l’emploi dans les outre-mer. Les résultats en termes d’emplois créés ou sauvegardés, en termes d’incitation à investir plutôt qu’à rémunérer le capital, seront-ils à la hauteur des enjeux ?

S’agissant du logement, les efforts sont louables. Après avoir connu une hausse significative de 25 % depuis 2011, les crédits de paiement de la ligne budgétaire unique sont sanctuarisés. Toutefois, cette augmentation des crédits n’a pas permis d’éviter de revenir à un niveau élevé des impayés de l’État vis-à-vis des bailleurs sociaux : 34, 6 millions d’euros à la fin de 2013.

Par ailleurs, il convient d’émettre des réserves sur le niveau retenu pour les crédits, qui ne devrait pas permettre une diminution significative du niveau des charges à payer pour le logement.

Malgré ces efforts, les besoins annuels en matière de logement restent immenses. Ils sont évalués à un nombre d’habitations compris entre 21 000 et 24 000, dont près de 11 600 logements sociaux. Or le nombre de logements neufs sociaux financés n’était que de 7 162 en 2013.

Les crédits à la jeunesse sont un point de satisfaction. L’action n° 2, Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, qui vise essentiellement le service militaire adapté, le SMA, voit ses moyens augmenter. Cette progression des crédits devrait permettre d’atteindre l’objectif de 6 000 volontaires d’ici à 2017.

Diminuer ces crédits de dix millions d’euros, comme le propose notre collègue Didier Robert dans un amendement déposé au nom de la commission des affaires sociales, se traduirait par une réduction des moyens du SMA d’environ un cinquième. Cette mesure ne me semble pas souhaitable, dès lors que les outre-mer affichent des taux moyens de chômage des jeunes de plus de 50 % et que le SMA est reconnu comme un dispositif efficace, qui faisait jusqu'alors l’unanimité sur les travées de cette assemblée.

L’augmentation des crédits de l’ADOM, l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, permettra de sécuriser la politique de formation en mobilité, qui est sa mission prioritaire. La réforme du dispositif d’aide à la continuité territoriale, telle qu’elle est proposée, n’aura aucune conséquence pour 80 % des bénéficiaires de l’aide : la majorité des personnes éligibles voyagent non pas tous les ans, mais tous les trois ou quatre ans. En revanche, cette réforme renforce les possibilités accordées aux étudiants, aux personnes en formation ou aux familles vivant des drames personnels.

Le soutien aux territoires ultramarins connaît des évolutions contrastées. S’agissant des quatre départements et régions d'outre-mer, les DROM, le montant initialement pris en charge était de 268 millions d’euros. Il s’élève, après transferts de crédits issus de quatre autres ministères, à 297, 9 millions d’euros.

Quant aux moyens destinés au financement des opérations contractualisées, ils s’élèvent en 2015 à 137, 5 millions d’euros en autorisations d’engagement, et 154, 6 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de respectivement 5, 28 % et 6, 3 %, après une diminution l’an passé.

En revanche, les crédits du Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, subissent une baisse sensible. Or celle-ci ne doit pas remettre en cause l’objectif de 500 millions d’euros de crédits d’ici à 2017, objectif qui était un engagement du Président de la République.

S’agissant de l’appui à l’accès aux financements bancaires, il serait souhaitable que l’AFD, l'Agence française de développement, communique davantage sur les opérations éligibles à ce dispositif.

Enfin, les crédits consacrés à l’action n° 4, Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport, sont stables. En raison de la forte croissance démographique des outre-mer et de l’importance des problèmes sociaux, un effort plus important aurait pu être consenti. Nous espérons que les ministères directement concernés y contribueront.

Il convient en effet de rappeler que la mission « Outre-mer » ne représente qu’une part minoritaire de l’effort de l’État en faveur des territoires ultramarins. Cet effort global en faveur des outre-mer est porté par quatre-vingt-cinq programmes relevant de vingt-six missions. En 2015, il atteindra 14, 25 milliards d’euros, soit une augmentation de 0, 3 %, après une baisse de 1, 2 % en 2014.

Il est nécessaire cependant de noter que la hausse des crédits globaux en faveur des territoires ultramarins est essentiellement imputable à une hausse des dépenses de personnel, qui atteindront 7, 26 milliards d’euros en 2015.

Je terminerai mon propos par cette information issue de la Fédération des entreprises d’outre-mer, la FEDOM, qui notait dans sa lettre du 20 octobre 2014 que l’effort budgétaire de l’État par habitant en 2013 s’élevait à 5 194 euros pour les onze départements et collectivités d’outre-mer, contre 5 668 euros pour l’Hexagone. Ce chiffre va bien sûr à l’encontre des idées reçues : les Ultramarins ne sont pas, contrairement à ce que l’on peut parfois entendre, les « enfants gâtés de la nation ».

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je voterai en faveur des crédits de cette mission, ainsi que des articles 57 et 57 bis rattachés, sans modification.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la définition du budget 2015 pour les outre-mer obéit à une équation complexe. D’un côté, dans un contexte difficile pour les finances publiques, les ressources sont rares ; l’heure est à la baisse des dépenses et à la maîtrise de la pression fiscale. De l’autre, la réalité économique et sociale des territoires ultramarins est fragile et dégradée.

Taux de chômage et de pauvreté beaucoup plus élevés que dans l’Hexagone, niveau de vie moyen nettement plus bas : les outre-mer sont en souffrance économique et sociale. Ils ont donc besoin que les mesures de rattrapage et de soutien destinées à renforcer leur compétitivité et à améliorer l’emploi continuent à se déployer.

Aussi, je me félicite de l’augmentation du budget prévue pour les outre-mer en 2015. En effet, si l’on gomme les effets des modifications de périmètres, le budget de la mission « Outre-mer » s’établit en hausse de 2, 6 %. Préservation des dispositifs d’exonération de cotisations sociales, préservation de la LBU, la ligne budgétaire unique, poursuite de la montée en puissance du service militaire adapté : il y a de vrais motifs de satisfaction !

Par ailleurs, en dehors de la mission « Outre-mer », on trouve certaines dispositions particulièrement intéressantes pour nos territoires, comme la majoration de 50 % du taux du CICE et celle du taux du crédit d’impôt recherche.

En même temps, et je tiens à le dire avec insistance, les outre-mer ne restent pas à l’écart de l’effort de maîtrise de la dépense publique, comme en témoignent la suppression de l’aide à la rénovation hôtelière – peu utilisée, d’ailleurs, et l’on sait pourquoi –, la diminution des dotations forfaitaires des départements et du bloc communal, la réforme de l’aide à la continuité territoriale, ou encore la baisse des moyens du ministère des outre-mer.

Si, en ce qui concerne les outre-mer, le texte initial du projet de loi de finances était déjà bon, la discussion parlementaire a permis de lui apporter encore quelques améliorations. Je me félicite notamment de l’adoption par nos collègues députés d’un amendement du Gouvernement tendant à rétablir les 6 millions d’euros nécessaires à la préservation de l’enveloppe allouée à la filière canne-sucre et à la diversification agricole.

Je me félicite également de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un article rattaché de la seconde partie de la loi de finances qui relève le plafond des avantages fiscaux de 10 000 à 18 000 euros, afin de permettre le financement du logement locatif intermédiaire.

Actuellement, le plafond est trop bas, et il se produit un effet d’éviction au détriment du logement intermédiaire. Peut-être aurait-on pu chercher à rendre cette disposition plus rapidement effective, comme je l’avais proposé au travers d’un amendement qui a malheureusement été rejeté. Néanmoins, on peut espérer que, à compter du début de l’année 2015, l’incitation fiscale jouera à plein pour stimuler un secteur du bâtiment dont la situation est réellement dramatique outre-mer.

Concernant le crédit d’impôt pour la transition énergétique, je regrette que l’examen des amendements sur la première partie de la loi de finances n’ait pas permis de réaliser des avancées plus franches. La plupart des dépenses d’amélioration de la qualité environnementale des logements qui seraient pertinentes dans un climat tropical sont en effet exclues du dispositif.

Or je m’étonne des arguments qui ont été avancés par certains pour empêcher la « tropicalisation » du dispositif. D’un côté, on nous dit qu’adapter un dispositif fiscal aux spécificités d’un territoire donné pourrait créer une inégalité devant l’impôt, avec un risque d’inconstitutionnalité à la clef ; de l’autre, si le dispositif n’est pas adapté aux spécificités du territoire, on nous dit qu’il est mal ciblé et va coûter trop cher… Il faut choisir !

À toutes fins utiles, je souhaite rappeler, dans cet hémicycle, que la France est diverse et que les outre-mer s’étendent pratiquement sous toutes les latitudes.

Par conséquent, on y rencontre autant de climats tropicaux que de climats rigoureux. Cela explique notamment que l’article 73 de la Constitution dispose que les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières des régions et des départements d’outre-mer.

Je souhaite enfin évoquer la situation dramatique du secteur hôtelier aux Antilles : ce moteur de l’économie locale est particulièrement en crise, du fait de son manque de compétitivité, dû à la concurrence des îles voisines et à la vétusté de ses infrastructures.

Exsangues, notamment du fait de leurs dettes fiscales et sociales, les entreprises hôtelières se voient contraintes de casser les prix, ce qui détériore plus encore leur situation financière. Par ailleurs, elles ne sont pas non plus éligibles aux dispositifs de défiscalisation et d’aides qui leur permettraient de rénover leurs établissements. C’est un cercle vicieux, qui les tire vers le bas !

Madame la ministre, j’estime qu’il est urgent de conduire une réflexion globale sur le secteur touristique et d’adopter des mesures fortes, afin d’éviter la fin programmée de la grande hôtellerie aux Antilles françaises et, singulièrement, à la Martinique.

En dépit de ces bémols, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires économiques, à émettre un avis favorable sur les crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2015, ainsi que sur les articles rattachés à cette mission. §

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Robert

La commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Outre-mer », ainsi que sur les articles 57 et 57 bis qui lui sont rattachés, principalement afin d’ouvrir le débat sur les crédits relatifs à la continuité territoriale.

Elle n’a pu en effet qu’émettre plusieurs réserves importantes face au manque d’ambition du budget qui nous est proposé et qui ne peut en aucun cas permettre de préparer l’avenir dans des territoires pourtant particulièrement défavorisés.

Vous nous dites, madame la ministre, qu’il s’agit d’un budget « préservé ». Pour ma part, j’y vois d’abord un effort financier minimal de l’État envers les outre-mer, certes dans un contexte budgétaire contraint, mais qui reste insuffisant à répondre aux besoins. Après la baisse de crédits introduite à l’Assemblée nationale, et cela de manière cavalière et sans aucune évaluation préalable, je crois que l’outre-mer joue en définitive le rôle de variable d’ajustement dans ce budget 2015. Nous avons au total une « variation » des crédits de + 0, 1 % : c’est en réalité, vous en conviendrez, à peine une stagnation, si l’on tient compte de l’inflation.

Je ne reviendrai cependant pas en détail sur la présentation des crédits, qui nous a été excellemment faite par nos collègues de la commission des finances, et je concentrerai mon propos sur les éléments qui ont justifié les réserves de la commission des affaires sociales. Ils sont de deux ordres.

S’agissant tout d’abord du logement, je dois dire, madame la ministre, que je peine à trouver dans ce budget la traduction concrète et financière de votre « ambition pour l’habitat outre-mer ». La question est pourtant primordiale, tant les besoins, notamment en matière de logement social – le problème est connu –, sont immenses. Toutefois, je voudrais aussi insister sur les insuffisances s’agissant de la réhabilitation du parc de logements, notamment de la résorption de l’habitat insalubre. Il faut bien avoir en tête que, à Mayotte, par exemple, plus de 50 000 personnes vivent encore dans des cases insalubres en « non dur ».

Face à cette situation, on nous indique que la mise en œuvre du plan pluriannuel pour le logement social pour les outre-mer ne mobilisera pas d’autres instruments budgétaires que ceux dont nous disposons déjà, à savoir la LBU, dont les crédits ne progressent pourtant pas cette année. On nous dit également que les opérations de réhabilitation du parc de logements anciens reposent en partie sur une éventuelle utilisation des « crédits restants » à la fin d’un exercice. Je pose donc la question de la réalité de la prise en compte des besoins dans les outre-mer.

J’en viens maintenant à la continuité territoriale, qui subit cette année une baisse de 20 % de ses crédits, soit 10 millions d’euros. Je voudrais tout d’abord rappeler l’importance de ce dispositif, qui constitue la traduction des principes d’égalité des droits, de solidarité nationale et d’unité de la République. Par nature, il devrait donc être considéré comme universel et pouvoir bénéficier le plus largement possible aux Ultramarins.

Compte tenu de ces principes, la réforme de l’aide à la continuité territoriale que vous nous proposez, madame la ministre, ne me paraît pas acceptable. Je passe sur la méthode employée, quoique je déplore le manque de concertation réelle et le flou artistique entourant encore ces modifications importantes. Je relève surtout que les crédits alloués aujourd’hui sont déjà insuffisants au regard des objectifs.

Je note également que, loin de constituer des voyages de confort, les déplacements effectués grâce à l’ACT répondent le plus souvent à des impératifs familiaux.

Je rappelle enfin que l’effort financier est largement partagé entre l’État et les collectivités territoriales. Ce sont d’ailleurs ces dernières, madame la ministre, qui prendraient en charge les déplacements effectués par des familles dont le quotient familial serait compris entre 11 000 euros et 26 000 euros, comme c’est le cas à La Réunion. Je regrette à ce stade la présentation caricaturale qui a pu être faite du dispositif. Le critère du quotient familial, vous le savez, a été justement retenu pour tenir compte de la situation particulière de chaque famille.

La DEGEOM, la délégation générale à l’outre-mer, nous indique qu’il est indispensable de contenir une dépense qui serait, selon les termes employés, « en explosion ». Or la réalité est bien celle d’une baisse continue des crédits, d’année en année, pour ce qui concerne la part de l’État : 55, 2 millions d’euros en 2013, quelque 51, 4 millions d’euros en 2014 et une proposition de 41, 1 millions d’euros pour 2015.

Et si je rapproche cette participation de l’État des 187 millions d’euros versés à la Corse chaque année au titre de la continuité territoriale, vous comprendrez aisément la colère légitime, nourrie par le sentiment d’une terrible injustice, des populations d’outre-mer sur cette question.

Pour tenir compte de ces observations, la commission des affaires sociales a adopté, sur ma proposition, un amendement visant à reconduire pour 2015 les crédits relatifs à la continuité territoriale à la hauteur de ceux qui étaient ouverts en 2014. C’est là une mesure aussi minimale qu’indispensable, qui ne peut qu’être temporaire, en attendant la mise en place d’une véritable politique de continuité territoriale pour l’ensemble des territoires d’outre-mer.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la présentation du budget pour 2015 en faveur des outre-mer. Permettez-moi simplement, comme certains de mes collègues, de me réjouir que, conformément à l’engagement du Président de la République, les crédits de la mission « Outre-mer » augmentent à périmètre constant. La situation socio-économique difficile des outre-mer a été prise en compte par le Gouvernement.

J’en viens immédiatement au sujet sur lequel la commission des lois a souhaité se pencher cette année, à savoir les difficultés d’application de la législation outre-mer. Ce sujet n’est pas sans incidence budgétaire. En effet, le droit ultramarin est foisonnant. Il devient de plus en plus du « sur-mesure », ce dont on peut se réjouir. Le droit pensé pour la métropole nécessite en effet d’être adapté à nos territoires ultramarins, tout le monde en conviendra.

Cependant, créer ce droit particulier, le suivre et le faire vivre suppose de disposer de moyens humains, notamment d’une expertise pointue. Cette affirmation est aussi vraie pour l’État que pour les collectivités ultramarines. Pensez-vous, madame la ministre, que ces moyens existent au sein de l’État, au niveau tant central que déconcentré ?

Je concentrerai mon propos sur quatre points.

Premièrement, j’évoquerai les ordonnances adoptées pour l’application et l’adaptation de la loi outre-mer. Ce recours est devenu traditionnel, pour ne pas dire systématique. Le Gouvernement peut compter autant sur l’article 38 que sur l’article 74-1 de la Constitution. D’ailleurs, cette dernière disposition, introduite en 2003, n’a pas, contre toute attente, limité le recours à l’article 38, bien au contraire !

Je rappellerai simplement un chiffre pour illustrer l’ampleur du phénomène : sur les textes examinés au fond ou pour avis par la commission des lois, quelque 87 habilitations ont été sollicitées par les gouvernements successifs depuis 2009. Pis, sur ces 87 habilitations, 25 n’ont pas été utilisées à temps, ce qui pose tout de même question !

Un tel constat soulève une difficulté de principe : les parlementaires ne peuvent pas correctement débattre des adaptations de la législation dans les outre-mer. Madame la ministre, je sais que vous n’êtes pas à l’origine de ce phénomène, mais je vous pose la question : pourquoi le Gouvernement réserve-t-il un traitement à part à nos territoires ? Le ministère des outre-mer peut-il davantage se faire entendre auprès des autres administrations, pour que les outre-mer ne soient pas seulement la préoccupation de votre ministère ? Les outre-mer doivent être non pas l’apanage des Ultramarins, mais un souci partagé par l’ensemble des ministres et des parlementaires.

J’évoquerai maintenant le principe de spécialité législative, qui constitue seulement une possibilité ouverte par la Constitution pour les collectivités d’outre-mer. C’est un principe aux racines anciennes – il remonte à l’Ancien Régime –, qui aboutit souvent à un droit obsolète ou lacunaire dans plusieurs de ces collectivités. Il a inexorablement décliné : abandonné pour plusieurs collectivités, puis pour plusieurs pans de la législation au sein des collectivités qui en connaissent encore l’application, sans doute faudrait-il faire preuve d’audace en envisageant son renversement ou, à tout le moins, en le réservant à des sujets pour lesquels son utilité est avérée. Par exemple, je ne suis pas sûr qu’il soit absolument pertinent en droit pénal et en procédure pénale, matières à propos desquelles il n’y a pas de raison objective de penser que la loi ne doit pas être la même pour tous les citoyens.

Un autre dispositif constitutionnel permet d’assurer l’adaptation de notre droit aux réalités ultramarines. Je pense aux délégations prévues par l’article 73 de la Constitution, que, depuis 2007, les départements et régions d’outre-mer peuvent recevoir du pouvoir législatif et règlementaire pour adapter les normes sur le territoire de leurs collectivités. Pour résumer, à l’exception des matières régaliennes, les assemblées locales sont conduites à « légiférer » avec l’accord du Parlement.

Ce mécanisme a été sollicité à plusieurs reprises, particulièrement par les collectivités guadeloupéennes et martiniquaises. Je regrette que nous ne prenions pas davantage le temps de dresser un bilan de l’utilisation qui est faite de ces délégations. Comment les normes nationales ont-elles été adaptées ? Des difficultés existent-elles ? Autant de questions sur lesquelles le Gouvernement et le Parlement devraient se pencher, plutôt que d’accorder des habilitations « à l’aveugle », sans songer aux conséquences.

Je conclurai en évoquant l’homologation ou l’approbation des sanctions pénales édictées par les autorités locales. Cette procédure est importante, car, à défaut, les règles édictées localement ne sont assorties d’aucune sanction : autant dire que leur effectivité est gravement compromise.

La responsabilité des retards, parfois de plusieurs années, observés en la matière incombe à l’État, particulièrement au Gouvernement. Notre collègue Michel Magras en a fait l’expérience malheureuse à Saint-Barthélemy. Madame la ministre, le Gouvernement s’engage-t-il à respecter des délais raisonnables pour procéder à ces approbations ?

Sous réserve de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de cette mission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Paul Vergès.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Vergès

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 24 novembre 2011, dans ce même hémicycle, nous discutions du budget de l’outre-mer. J’avais exprimé ma conviction que nous nous acheminions vers la fin d’une période et que nous devions en tirer toutes les leçons.

Trois années plus tard, qu’en est-il ? Au gré des élections, ce ne sont plus les mêmes qui siègent sur ces travées ou qui sont à l’Élysée, à Matignon ou rue Oudinot.

Toutefois, nos problèmes, eux, n’ont pas changé. Pis, ils se sont aggravés ! Notre souci est toujours le même : comment corriger les conséquences à long terme des erreurs stratégiques commises dès le vote de la loi du 19 mars 1946 ?

Tout d’abord, la décision d’étendre aux seuls fonctionnaires de l’État les avantages du statut colonial réservé à la minorité des fonctionnaires d’autorité : revenus supérieurs de 100 %, congés en France tous les trois ans, trois ans de séjour sur place équivalant à quatre annuités pour la retraite et une retraite actuellement supérieure de 35 % par rapport à celle qui est versée à Paris.

Ensuite, l’absence de prévision des conséquences de la transition démographique à La Réunion : la population est passée de 240 000 habitants en 1946 à 850 000 actuellement, et l’on en comptera 1 million dans quinze ans. Chaque année, la population augmente de près de 10 000 habitants et le nombre de bacheliers, par exemple, de 9 000.

Les conséquences, depuis soixante-huit ans, de ces deux décisions, sur tous les plans – économique, social, culturel et politique –, sont évidentes, mais n’ont eu qu’un résultat : l’entêtement dans leur maintien. On crée, dès le départ, la base institutionnalisée de l’inégalité sociale et on pénalise du même coup tout le développement à venir.

Deux exemples : la seule surrémunération d’une seule catégorie de fonctionnaires, ceux de l’État, génère à La Réunion un montant de 600 millions d’euros par an, l’équivalent de la facture totale de l’énergie importée – pétrole, gaz et charbon. Et, dans le même temps, l’égalité sociale – le SMIC, les prestations familiales, les minima sociaux – nous a été refusée pendant un demi-siècle !

Si l’on y ajoute la suppression du chemin de fer, dans les années soixante, on a tous les éléments de la crise structurelle qui asphyxie l’économie et la société réunionnaises depuis soixante-huit ans. Et sur cela se greffent, depuis six ans, les conséquences de la crise mondiale.

Les menaces qui pèsent sur nous se sont aggravées : les outre-mer ne sont pas à l’abri d’explosions sociales tout aussi graves, sinon plus, que celles de 2009.

Les impacts de la crise sont considérables pour la France continentale ; ils le sont encore plus dans les territoires insulaires, fragiles. À La Réunion, nous ne le rappellerons jamais assez, c’est près d’un tiers de la population active qui est condamnée au chômage, ce sont plus de 40 % de la population totale qui vivent officiellement au-dessous du seuil de pauvreté. Quelle serait la situation de la France si elle comptait 10 millions de chômeurs et si 30 millions de ses habitants vivaient au-dessous du seuil de pauvreté ?

C’est sous cet angle que nous devons examiner le budget que l’on nous présente. Certes, les crédits de la mission « Outre-mer » ont été épargnés par les coupes budgétaires, mais ils ne représentent en fait que 14 % de l’effort financier consacré par l’État aux territoires ultramarins.

Au-delà de l’annonce brute des chiffres, il convient de s’interroger sur la philosophie économique qui sous-tend l’élaboration de ce budget.

Premier exemple : pour l’outre-mer, on nous annonce une augmentation des exonérations de cotisations sociales de 200 millions d’euros durant le quinquennat, soit une augmentation de 20 % en cinq ans.

Deuxième exemple : parmi les dix mesures phares présentées par le ministère des outre-mer, pour la croissance et l’emploi, trois portent sur les crédits d’impôt et une porte sur la défiscalisation.

Néanmoins, dans le même temps, les crédits de la ligne budgétaire unique pour le logement restent stables cette année et seront sanctuarisés pour les trois années à venir. Et que dire de cette mesure « phare » qu’est « la tenue d’un conseil de promotion du tourisme outre-mer au premier trimestre de 2015 », afin d’élaborer une stratégie ?

Le ministère des outre-mer avait annoncé le financement, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, d’un plan de relance du tourisme en faveur de l’outre-mer. Sa réalisation était confiée à Atout France. Quel en est le bilan ? Quelles sont les retombées de la campagne internationale de promotion qui a été menée ?

Si changements il y a eu sur l’échiquier politique, force est de constater que ce sont toujours les mêmes méthodes, les mêmes leviers qui sont actionnés depuis deux tiers de siècle. Le cadre de réflexion dans lequel s’inscrivent les politiques en faveur des outre-mer n’a pas évolué, et cela, quels que soient les gouvernements en place.

Il n’y a pas de prise de conscience de la gravité de la situation dans les outre-mer, ou très peu. Et surtout, il n’y a pas la volonté d’admettre que le mode de développement plaqué sur les outre-mer depuis 1946 est à bout de souffle et qu’il faut en changer.

Certes, nous avons le droit d’amendement. Toutefois, quel que soit le nombre d’amendements que nous pouvons déposer, nous savons tous que cela ne changera en rien la situation au fond, que cela ne résoudra en rien nos difficultés.

De nombreuses réflexions ont été engagées durant ces dernières décennies, de nombreux rapports ont été commis, mais ils n’ont jamais été suivis d’effet, dans leur prise en compte globale. En 2011, j’avais attiré l’attention du gouvernement d’alors sur les échéances fatidiques pour La Réunion. Fait significatif de leur urgence, ces échéances fatidiques convergeaient en 2014.

J’évoquais le renouvellement du règlement sucrier : l’échéance est reportée. Portant, comment envisageons-nous, ensemble, la suite, à savoir la fin des quotas en 2017 – c'est-à-dire demain –, et, par voie de conséquence, celle du prix communautaire garanti ? La promesse d’une aide complémentaire de 38 millions d’euros pour la filière canne-sucre-rhum-bagasse est suspendue à la détermination de la France à obtenir l’autorisation de Bruxelles.

Toutefois, au-delà de cette aide ponctuelle, quelle est notre stratégie d’avenir ? Comment peut-on légitimement discuter en toute sérénité lorsque des rapports sur cette question sont confisqués par les ministères ? Et comment peut-on envisager l’avenir de la filière de la canne lorsque l’horizon de la prochaine convention canne entre planteurs et usiniers est réduit à deux ans seulement ?

J’évoquais le nouveau régime de l’octroi de mer. Là encore, l’échéance est repoussée de quelques années. Cependant, quelle est la perspective durable au-delà du terme fixé ? Le même questionnement que pour le règlement sucrier prévaut.

Même triste constat pour la question de la réforme des collectivités territoriales. Celle-ci était contestée en métropole, et elle le reste. Nous le disions alors, nous le répétons aujourd’hui : elle est totalement inadaptée aux outre-mer, notamment à La Réunion. La question de la gouvernance reste entière pour les outre-mer.

Quelles avancées pour La Réunion et les outre-mer dans la négociation des accords de partenariat économique entre l’Europe et les pays d’Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique ? Nous sommes toujours exclus de toute discussion. On aurait pu légitimement penser que des ambassadeurs sur nos trois océans avaient un rôle à jouer. Nous avons vite déchanté.

J’en donnerai un exemple : dans un mois – je dis bien dans un mois –, en décembre prochain, sera signé un accord entre vingt-sept pays d’Afrique orientale et australe regroupant 600 millions d’habitants et représentant 58 % du PIB continental. Parmi ces États figurent toutes les îles du sud-ouest de l’océan Indien, proches de La Réunion. Ces vingt-sept pays sont engagés dans un processus d’intégration économique, commerciale et sociale, ainsi que dans un accord de libre-échange commercial avec l’Union européenne. Quel sera le sort de La Réunion dans ce processus en cours ?

Chacun répète à l’envi que les outre-mer sont une chance pour la France, qu’ils permettent son rayonnement sur trois océans. Pourtant, dans le même temps, on continue à ignorer nos difficultés d’insertion dans notre environnement géographique proche. Un exemple : dans notre environnement immédiat, Madagascar est distante de La Réunion comme Paris l’est de Marseille.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Vergès

Je vais conclure, monsieur le président.

Cette île, peuplée de 4 millions d’habitants en 1946, en compte aujourd’hui plus de 23 millions et atteindra 55 millions d’habitants en 2050, soit dans une génération. Quelle est notre politique pour ce rendez-vous ?

Revenons à notre débat budgétaire. Bien sûr, il y a eu quelques avancées, ces trois dernières années. La loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, par exemple, a permis d’encadrer, très timidement d’ailleurs, certains prix de la grande distribution, ainsi que l’activité bancaire. Néanmoins, le coût du crédit est toujours plus élevé dans les outre-mer qu’en France métropolitaine, et cela n’est pas acceptable.

Les anciens ministres Pierre Moscovici et Victorin Lurel, en mars de cette année, ont confié au comité consultatif du secteur financier une mission sur « la tarification des services bancaires dans les départements et collectivités d’outre-mer ». Ce rapport, daté de juin 2014, est d’ailleurs très instructif : il nous apprend que « le mouvement de convergence est ainsi amorcé par la tarification croissante des frais de tenue de compte en métropole ». L’écart se resserre, non pas parce qu’il y a une baisse outre-mer, mais parce que les tarifs augmentent en métropole.

Pour conclure, je citerai quelques chiffres. Les crédits de la mission « Outre-mer » s’élèvent, pour 2015, à 2, 19 milliards d’euros. Les compléments de rémunération de la fonction publique d’État versés aux outre-mer, tous territoires confondus, s’élevaient, en 2013, à quelque 1, 164 milliard d’euros, dont la moitié pour La Réunion.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Vergès

Le coût des dépenses fiscales relevant de la mission outre-mer est estimé pour l’année 2015 à quelque 3, 867 milliards d’euros. Peut-on raisonnablement envisager de poursuivre le même schéma de développement ?

Nous sommes à la croisée des chemins. Il est déjà très tard pour changer, mais il n’est pas encore trop tard pour prendre des mesures significatives et novatrices répondant à l’urgence économique, sociale, environnementale, et montrant une volonté de changement fondamental de politique.

Nous pouvons, s’il y a la volonté politique de le faire, ouvrir de nouvelles perspectives de développement en ayant le courage d’opérer les changements fondamentaux nécessaires : c’est le défi que nous avons à relever. Tout est une question de volonté politique.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il me revient l’honneur de m’exprimer sur le budget de l’outre-mer au nom du groupe RDSE, qui compta parmi ses membres les plus illustres Gaston Monnerville, élu de l’outre-mer, qui fut un grand président du Sénat et un ardent défenseur de la Haute Assemblée.

En guise de propos liminaire, je soulignerai, comme l’ont fait les orateurs qui m’ont précédé, que cette mission est l’une des rares, dans le contexte budgétaire que l’on sait, dont les crédits augmentent, quoique légèrement : 0, 3 % en crédits de paiement – voire 2, 6 % à périmètre constant –, même si les crédits d’engagement connaissent un tassement de 2, 3 %.

Ce maintien constitue un effort indéniable, dans un contexte de redressement des comptes publics – nous l’avons vu au travers de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2015 et de celui des autres missions. Il est, en outre, conforme à la trajectoire triennale 2014-2017 et constitue un message fort en direction de tous les territoires ultramarins.

Nous le savons, les crédits de cette mission ne constituent qu’une partie des dispositions budgétaires et fiscales inscrites dans le projet de loi de finances et ayant une incidence dans les outre-mer. Les documents de politique transversale concernant l’outre-mer mettent en lumière une stabilisation des autorisations d’engagements entre les exercices 2014 et 2015.

Toutefois, l’année 2014 fut marquée par d’importants événements climatiques et des inondations sans précédent qui frappèrent les Petites Antilles, touchant plus particulièrement Saint-Martin.

Madame la ministre, quelques jours après le passage du cyclone Gonzalo, vous êtes venue à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin vous rendre compte des dommages causés, qui sont estimés à 3 millions d’euros s’agissant des seuls équipements publics. Ces dégâts sont des plus malvenus au moment où s’ouvre la saison touristique dans les Antilles.

Dans ce contexte, l’article 57 du présent projet de loi de finances, rattaché à la présente mission, qui prévoit l’abrogation de l’aide à la rénovation d’hôtels, instaurée par la loi pour le développement économique des outre-mer de 2009, nous a alertés.

Je ne reviendrai pas sur les écueils de ce dispositif, surtout sa complexité. Paradoxalement, bien qu’il n’ait été que peu utilisé sur l’ensemble des territoires d’outre-mer, celui-ci était largement consommé par les professionnels de Saint-Martin. Si certains autres mécanismes fiscaux existent en soutien de l’industrie du tourisme, la suppression de cette aide pourrait mettre en péril le fragile équilibre de ce secteur.

L’économie saint-martinoise repose essentiellement sur le tourisme. Son impact, direct ou indirect sur l’ensemble des activités économiques de l’île demeure fort. En outre, Saint-Martin se caractérise par un taux de chômage structurellement très élevé. Si l’on se fie au tableau inséré dans la note de présentation de nos collègues rapporteurs spéciaux, il est même le plus élevé, parmi l’ensemble des territoires d’outre-mer.

En septembre dernier, madame la ministre, lors de votre intervention en clôture du colloque intitulé « Tourisme outre-mer : osons une nouvelle dynamique », à l’Assemblée nationale, vous avez fixé, parmi vos priorités, le développement des infrastructures d’accueil, notamment hôtelières. Pour ce faire, vous aviez mis en avant le CICE renforcé à 9 % et évoqué un éventuel CICE « super-renforcé » à 12 %, pour les secteurs exposés à la concurrence.

Cependant, la collectivité de Saint-Martin, disposant de l’autonomie fiscale, ne bénéficie pas de ce dispositif de crédit d’impôt, qui pourrait compenser la suppression de l’article 26 de la loi de 2010 pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM.

Mes chers collègues, si nous sommes tous ici des élus de la nation tout entière, nous n’en sommes pas moins des élus attachés à nos territoires. Le Sénat assure aussi la représentation des collectivités territoriales de la République, et je me fais donc le porte-parole des élus de la collectivité dont j’ai également l’honneur d’être le premier vice-président. Aussi, permettez-moi de m’éloigner quelques instants du périmètre de la mission « outre-mer ».

Madame la ministre, lors des travaux de l’Assemblée nationale, vous avez déclaré à propos des mesures inapplicables à Saint-Martin en raison de son autonomie fiscale : « C’est la rançon de la responsabilisation, qui emporte aussi quelques contraintes ». Je partage votre avis. Un statut de collectivité d’outre-mer implique en effet des responsabilités. La majorité actuelle de l’assemblée territoriale en prend toute sa part.

Toutefois, exemple parmi d’autres, entre 2011 et 2013, les recettes fiscales de la collectivité ont augmenté de plus de 40 %. Cette hausse s’est faite à la seule faveur des dispositions fiscales nouvelles votées par le Conseil territorial. Si l’État encourage la collectivité de Saint-Martin à assumer ses responsabilités, cela ne nous offense pas, loin de là. Néanmoins, cela implique aussi la même exigence de la part de l’État.

J’en donnerai quelques illustrations. La première concerne la compensation financière insuffisante des transferts de compétence intervenus en 2007. Nos concitoyens saint-martinois en subissent les conséquences au quotidien : des investissements inférieurs aux besoins et un faible budget alloué à la jeunesse saint-martinoise, dont l’extraordinaire potentiel ne demande qu’à croire en l’avenir.

Il nous faut dépassionner les discussions, dépasser les clivages et travailler ensemble à l’émergence de solutions pour l’avenir de Saint-Martin.

Le deuxième sujet concerne les recettes fiscales non reversées à la collectivité. Cela fait plusieurs années que l’exécutif demande le reversement des recettes fiscales dues : droits sur les jeux, droits de succession, fraction de taxe de l’aviation civile, compensation des règles particulières de domiciliation fiscale... La liste pourrait être encore bien plus longue.

Malgré des engagements écrits du préfet délégué auprès des collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ainsi que de vos prédécesseurs, rien n’est encore réglé. Madame la ministre, je tiens à souligner l’inquiétude grandissante au niveau local.

À Saint-Martin, les 10 millions d’euros qui sont attendus seraient particulièrement appréciés, surtout eu égard à la situation budgétaire dégradée que nous déplorons, ainsi qu’aux dépenses imprévues liées aux événements climatiques dont j’ai fait mention tout à l’heure.

J’admets que les sujets que j’évoque ici auraient pu trouver leur place au cours de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cependant, votre présence aujourd’hui m’a amené à les exposer devant vous – vous le comprendrez, madame la ministre, j’en suis certain –, en attendant notre rencontre prochaine et leur examen plus en détail.

Je souligne que ces questions sont d’importance et je suis certain qu’elles pourront constituer les prémices d’un dialogue renouvelé et d’un travail en concertation entre l’État et la collectivité de Saint-Martin.

Ainsi, madame la ministre, mes chers collègues, mon groupe, le RDSE, et moi-même approuverons les crédits de la mission « Outre-mer » de ce projet de loi de finances.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le niveau des crédits et leur variation sont certes des éléments clefs pour apprécier un budget, mais ils sont tout autant des signaux envoyés pour indiquer une orientation des politiques publiques, directement ou en marge du budget.

En l’occurrence, madame la ministre, dans sa globalité, c’est avec un certain soulagement que j’ai trouvé du sens aux orientations que traduisent votre budget et les annonces qui l’ont accompagné. C’est l’une des raisons pour lesquelles je commencerai volontairement par m’écarter du budget en relevant votre projet de stratégie pour relancer le tourisme outre-mer.

Je crois, en effet, qu’il s’agit d’un secteur qui doit concentrer toute l’attention, tant son potentiel de croissance est important. En outre, comme vous le savez, c’est un sujet auquel je suis particulièrement sensible. L’outre-mer possède la matière première touristique. Or le secteur du tourisme contribue à hauteur de moins de 10 % au PIB. On ne peut qu’en conclure que le potentiel de croissance et d’emplois inexploité est considérable.

C’est pourquoi, symboliquement, j’ai souhaité commencer cette intervention par ce point, pour saluer cette intention. Il en est de même s’agissant de l’augmentation des crédits du service militaire adapté, le SMA, car ce dispositif mérite d’être renforcé. Il répond en effet au besoin de formation et d’encadrement de la jeunesse ultramarine, qui enregistre des taux de chômage record, de plus de 30 % en moyenne.

Nous ne devons pas non plus ignorer les difficultés, inégales d’un territoire à un autre – sociales, voire parfois morales –, qui sont cachées derrière les chiffres de l’emploi. La jeunesse a besoin de repères, plus encore dans un contexte difficile, et je pense que le SMA constitue une réponse globale pour les jeunes qui s’y dirigent.

Ce budget prend par ailleurs en charge une partie de la politique fiscale mise en œuvre outre-mer. Ce serait me renier que d’affirmer que la défiscalisation est un outil que j’approuve de manière absolue. Nombreux sont ceux de mes collègues qui ont eu l’occasion de m’entendre la décrier en raison du caractère artificiel et non durable de l’activité économique qu’elle crée.

Pour autant, je considère qu’elle reste pour l’outre-mer un outil qui permet de compenser les difficultés d’accès au crédit et le déficit en capital pour l’investissement. Lier l’avantage fiscal à la réalisation d’un objectif – ce que j’ai souvent appelé « la défiscalisation de projet » – aurait à mon sens favorisé des investissements plus inscrits dans la durée.

Cela dit, au titre des mesures fiscales, je souhaiterais aborder en premier lieu la suppression de l’aide à la rénovation hôtelière. Mon collègue de Saint-Martin vient d’en parler brillamment. Je sais que nombreux sont mes collègues qui la déplorent. Je suis, pour ma part, plus nuancé, car je considère qu’il s’agissait d’un dispositif en demi-teinte.

Le parc hôtelier ultramarin de la Guadeloupe, que je connais mieux – mais j’ai entendu mon collègue de la Martinique dire la même chose du parc martiniquais –, nécessite un vaste plan de mise aux normes internationales pour pouvoir entrer véritablement en concurrence avec les îles voisines. Je mets donc cette suppression en perspective de la stratégie de relance du tourisme annoncée, souhaitant qu’elle préfigure la mise en place d’un outil de remplacement plus global et, j’ose le dire, plus efficace.

Toujours au titre des mesures fiscales, je crois inutile de préciser que je note avec satisfaction le relèvement à 50 % du crédit d’impôt recherche.

Il est effectivement vital d’encourager la recherche et le développement dans ces territoires, et, sur ce point, les chiffres parlent d’eux-mêmes : la recherche et développement représentent en outre-mer 0, 65 % du PIB, contre 2, 24 % en métropole. Le retard est donc considérable. On peut, de plus, attendre un double bénéfice de cette incitation : outre l’augmentation de la recherche par les entreprises locales, elle pourrait favoriser l’implantation d’entreprises attirées par l’avantage fiscal.

La recherche montre d’ores et déjà un dynamisme encourageant, avec une hausse de plus de 20 % des effectifs salariés du secteur de la recherche scientifique dans les départements d’outre-mer entre 2006 et 2012.

En revanche, s’agissant du crédit impôt innovation, je regrette que le taux de 20 % ait été maintenu. La mesure mérite d’être renforcée par rapport à la métropole, car elle correspond davantage au tissu entrepreneurial ultramarin, composé essentiellement de très petites, petites et moyennes entreprises.

Dans le contexte majoritairement insulaire des économies ultramarines, j’ai souvent eu à le dire, l’innovation n’est pas un mot ou une expression à la mode : elle est incontournable, voire vitale. L’insularité suppose une adaptation permanente, et encore plus aujourd’hui que se pose avec acuité la question de la transition énergétique. L’innovation est une clef du développement et de la réussite de nos territoires. L’encourager et l’accompagner n’est pas seulement un choix, c’est une obligation.

Or, avec un crédit impôt innovation fixé à 20 %, l’avantage fiscal dont pourrait bénéficier la majorité des entreprises serait moindre que celui du crédit impôt recherche, plus adapté aux grandes entreprises.

Quant au relèvement du plafond de défiscalisation pour le logement intermédiaire, il me semble conforme aux besoins et la structure socioéconomique de l’outre-mer, ce segment de logement connaissant d’importants besoins également.

À cet égard, la préservation des crédits de la ligne budgétaire unique, la LBU, marque la volonté de ne pas infléchir l’effort de rattrapage des besoins en logements sociaux. La réponse du Gouvernement au référé de la Cour des comptes sur le logement social outre-mer conforte la nécessité de maintenir la combinaison de la subvention par la LBU et de la dépense fiscale en matière de logement social.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objectif de croissance et de création d’emplois que nous visons tous ne peut se concevoir sans aborder la question de la compétitivité.

Dans leur environnement régional, les économies des outre-mer sont comparativement désavantagées par le poids des charges qui pèsent sur leurs entreprises. Le renforcement du CICE doit donc permettre d’améliorer leur compétitivité, à condition, bien entendu, que cet allégement y soit dédié et non considéré comme un simple allégement sans contrepartie.

Pour les secteurs exposés, au sein desquels j’inclus le tourisme, ce taux devrait être renforcé par un allégement supplémentaire de charges. Cet équivalent pourrait être atteint, notamment, par le relèvement des plafonds de salaires éligibles aux exonérations de charges.

En effet, si la concentration des allégements sur les bas salaires permet de cibler le plus grand nombre, il convient de prendre garde à ne pas créer une trappe généralisée aux bas salaires, au risque de créer une économie sous-encadrée. Le relèvement des plafonds serait, de surcroît, cohérent avec l’incitation à l’investissement dans la recherche notamment, et l’on ne pourra pas non plus relancer le tourisme sans cadres.

Enfin, un dernier sujet, mais non des moindres, est celui de la continuité territoriale. J’ai relevé les propos de Mme Bello, évoquant à l’Assemblée nationale l’ambiguïté du dispositif, d’ailleurs révélée par son nom.

Le rapport de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, la CNEPEOM, nous a amenés à conclure au sujet des dispositifs d’aide à la continuité territoriale qu’il convenait de trouver une ressource à affecter à leur financement, tout en les encadrant davantage, notamment pour l’aide à la continuité territoriale, l’ACT, un dispositif tout public, cofinancé par certaines régions.

L’ouverture d’un droit sans fixer de limites revient à augmenter la dépense selon l’évolution de la demande. Je reste néanmoins surpris, comme beaucoup d’autres, par l’amputation de 10 millions d’euros des crédits consacrés à la continuité territoriale.

Madame la ministre, je suis bien conscient qu’un budget ne peut pas tout régler et que les urgences sont nombreuses outre-mer. Je suis convaincu que, dans ce contexte, le travail et la réflexion doivent être mis en commun, et c’est dans cet esprit que j’inscris mon intervention.

Je ne saurais toutefois conclure ce propos général sans évoquer Saint-Barthélemy. Le Sénat a adopté cette semaine un amendement réduisant la dotation globale de compensation négative de Saint-Barthélemy. Je le sais, madame la ministre, c’est un sujet que vous suivez avec attention, et je suis persuadé que votre accompagnement sera déterminant pour le sort de cet amendement.

J’en terminerai avec la question qui vous a été posée à l’Assemblée de l’extension du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi aux collectivités d’outre-mer à fiscalité particulière.

La proposition de Saint-Barthélemy sur ce point est formulée dans la proposition de loi que j’ai déposée, visant notamment à créer une caisse locale de prévoyance sociale. Celle-ci permettrait un abaissement des charges en produisant un effet équivalent à celui du CICE.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je formulerai trois remarques sur cette mission « Outre-mer ».

La première est l’augmentation constante de ses crédits de paiement sur les trois dernières années, de 7, 5 %. Ce constat atteste du respect par le Gouvernement de l’engagement pris par le chef de l’État de faire des territoires ultramarins de la République une priorité. La considération retrouvée de la République envers ses outre-mer tourne ainsi le dos au sentiment d’abandon de ces dernières années, et je m’en félicite.

Ma deuxième remarque porte sur les orientations majeures confirmées, voire renforcées, au travers de ce budget, sur des dossiers aussi vitaux que ceux du logement et de l’emploi.

S’agissant du logement, la ligne budgétaire unique est remise sur la voie de la sanctuarisation. LBU, défiscalisation, c’est, dans cet ordre, la meilleure association pour une relance sécurisée et efficiente du secteur du logement outre-mer.

À propos de la défiscalisation élargie au logement intermédiaire à hauteur de 18 000 euros, la voix des élus et des acteurs économiques a été entendue par le Gouvernement. Madame la ministre, nous nous en réjouissons.

La défiscalisation, si longtemps décriée, souvent à juste titre, est une véritable clef pour le développement économique et social des outre-mer. Mes chers collègues, nous savons reconnaître les bonnes initiatives, même quand elles ne viennent pas de nous. La mise en œuvre, aujourd’hui responsable et transparente, de la défiscalisation, est une condition essentielle à la poursuite de sa mobilisation efficace demain. Nous devons tous en être conscients et nous préparer aux évaluations.

En ce qui concerne l’emploi, de nombreuses autres mesures dans ce budget constituent des atouts essentiels pour y faire face. Il en est ainsi des exonérations de charges en augmentation, comme les orateurs précédents l’ont souligné, ainsi que de la hausse du CICE – celui-ci est une réalité, dès à présent, dont la visibilité est triennale –, à 4 % en 2013, 6 % en 2014, puis 7, 5 % en 2015 et 9 % en 2016, autant de mesures de nature à renforcer ce crédit d’impôt, si d’aventure nous parvenons à le faire entrer dans le cadre de la réglementation européenne.

Soulignons également la présence aujourd’hui de la Banque publique d’investissement, la BPI, qui est opérationnelle, en lieu et place de banques privées souvent aux abonnés absents.

Il en est de même du service militaire adapté, le SMA, symbole fort de l’apprentissage et de la formation professionnelle, un outil de référence que ce budget assoit et développe, ou encore de l’économie sociale et solidaire, enfin reconnue, afin de répondre au mieux au défi du chômage qui gangrène et déstructure nos sociétés ultramarines. Dans ce budget, de nombreuses mesures constituent en effet des leviers importants pour agir plus efficacement sur l’emploi.

Ma dernière remarque concerne l’amendement présenté par M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la continuité territoriale.

Comme je l’ai indiqué en 2011 et en 2012, alors que j’assurais cette fonction, la continuité territoriale, slogan de campagne déjà en 2002, n’a jamais existé, sauf à continuer de détourner les mots de leur sens véritable. Même 50 millions d’euros n’assurent en rien une continuité territoriale entre les outre-mer et l’Hexagone. En revanche, 10 millions d’euros en moins sur le SMA font beaucoup de dégâts !

En réalité, mes chers collègues, c’est d’aide à la mobilité seule que nous devrions parler. Agissons ensemble, État et régions, pour rendre cette aide plus efficace, au côté de ceux qui en ont besoin : jeunes, étudiants, personnes en formation, familles à faibles revenus... Les moyens mobilisés dans ce budget pour l’aide à la mobilité nous le permettent.

Mes chers collègues, ce budget est respectueux des engagements, il est volontaire dans un contexte budgétaire difficile, il est aussi courageux de la part du Gouvernement, face aux interrogations légitimes que pourraient lui poser nos collègues hexagonaux.

Aussi, me vient à l’esprit cette situation si bien décrite en créole : Certes, Z’enfant i pleure pas na poin tété – l’enfant qui ne pleure pas n’a pas sa tétée.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Toutefois, attention : À force tant lu pleure, personne i entend pu lu – à force de tant pleurer, plus personne ne l’entend.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Excellente intervention, tout à fait remarquable !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Frogier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne puis prendre la parole devant vous, en cette fin d’après-midi, sans me rappeler que, voilà trente ans, jour pour jour, la Nouvelle-Calédonie était défigurée par une terrible flambée de violence.

C’est en novembre 1984 qu’a débuté cette période sombre de notre histoire récente, que nous avons pudiquement baptisée « les événements », quand la revendication indépendantiste a choisi, pour s’exprimer, la voie insurrectionnelle.

Notre territoire a été livré à une véritable guerre civile, à la confrontation brutale de nos communautés. Il a vécu une période de violents désordres, d’exactions, de vols, de pillages, d’incendies, qui ont déchiré les familles, les tribus et les clans. Il y eut des familles contraintes de quitter la brousse, des clans chassés de leurs terres. Il y eut des blessés et des morts.

Trente ans après, nous n’avons pas oublié et nous ne voulons plus jamais revivre cela. Nous n’avons pas oublié non plus que ce sont les promesses aux indépendantistes du gouvernement socialiste de l’époque, promesses impossibles à tenir, qui ont mis la Calédonie à feu et à sang. Cela non plus, nous ne voulons plus le connaître !

Après nous être violemment affrontés, entre indépendantistes et partisans du maintien au sein de la France, nous avons choisi la voie difficile de la paix et de la réconciliation, et nous avons décidé de construire, ensemble, notre avenir. Depuis 1988, grâce aux accords de Matignon, prolongés par l’accord de Nouméa, nous sommes engagés dans un processus exemplaire de dialogue et de partage des responsabilités. Ce processus fait l’admiration de tous.

À l’heure où le Président de la République vient de se rendre en Nouvelle-Calédonie et alors que nous entamons la dernière phase du processus de l’accord de Nouméa, il nous a été rappelé que l’État organiserait, au plus tard en 2018, un référendum d’autodétermination pour décider de notre avenir.

Je souhaite vous redire ce soir, avec force, que ce référendum d’autodétermination n’est pas susceptible de résoudre l’équation qui nous est posée : satisfaire deux revendications radicalement antagonistes.

Si, lors de cette visite, le Président de la République a tenu à s’incliner sur les tombes de Jacques Lafleur et de Jean-Marie Tjibaou, c’est bien pour saluer la poignée de main qui a scellé un accord de paix et de réconciliation. Ce geste nous oblige et nous engage, par ailleurs, en nous rappelant que, en surmontant nos différences, la cogestion du territoire, entre les indépendantistes et nous, est devenue la norme.

Certes, vous m’opposerez que le scrutin d’autodétermination est inscrit dans l’accord de Nouméa. Toutefois, ce scrutin d’autodétermination est absurde, monsieur Sueur !

Alors que, depuis près de trente ans, nous faisons tout pour travailler ensemble, pour apprendre à nous connaître et à nous reconnaître, pour nous respecter mutuellement, nous allons rouvrir de vieilles blessures, nous allons de nouveau diviser les Calédoniens, et tout cela pour une consultation dont nous connaissons par avance le résultat, quelle que soit l’habileté rédactionnelle des questions qui seront posées. Je vous le dis, cela n’a aucun sens ! Pis, en validant la logique des blocs, le référendum brutal risque de séparer ces mains qui se sont unies.

Madame la ministre, je pense aussi comprendre que l’accord de Nouméa, dans sa rédaction actuelle, est finalement une aubaine pour l’État, ce dernier étant plus prompt à esquiver, à fuir ses responsabilités régaliennes de signataire des accords, plutôt qu’à assumer son rôle de partenaire éminent.

En vous situant à équidistance des indépendantistes et de nous, vous nous renvoyez dos à dos, au risque d’alimenter les tensions entre nous. En ajoutant un groupe d’experts indépendants à la mission Christnacht-Merle, le tout placé sous l’œil vigilant de missions parlementaires de réflexion sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie – à l’Assemblée nationale, et pourquoi pas au Sénat ? –, vous créez les conditions de l’impuissance et de la cacophonie.

Madame la ministre, les enjeux en Calédonie et dans le Pacifique exigent un État fort, sûr de lui, afin que ne triomphent pas ceux qui s’opposent dans les deux camps aux concessions nécessaires.

Un État fort, c’est être capable de se tenir aux côtés des Calédoniens, qui, en dernier ressort, décideront de leur avenir, mais en affirmant avec courage ses ambitions, ce qu’il ne fait pas.

Un État fort, c’est être capable d’affirmer la fierté de la France d’être reconnue comme puissance régionale dans le Pacifique, au moment où cet océan est convoité par d’autres grandes puissances.

Un État fort, c’est être capable de saluer le message de milliers de Calédoniens, mobilisés le jour de l’arrivée du Président de la République à Nouméa, afin de lui dire leur fierté d’être Français et leur volonté de le rester, ce qu’il n’a pas fait.

Madame la ministre, l’État n’aura pas d’autre choix que de faire la proposition d’un nouvel accord, quel qu’en soit le nom. Plus il tardera, plus l’issue sera aléatoire, et vous en porterez la responsabilité, car ce n’est pas en substituant des proclamations formelles au douloureux exercice de la négociation que l’on se rapprochera de la solution.

N’ignorez pas la volonté très majoritaire des Calédoniens à rester Français, fiers de leur appartenance à une nation capable de reconnaître et d’additionner leurs différences !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances s’inscrit, une nouvelle fois, dans un contexte particulièrement difficile. Cependant, les crédits de la mission « Outre-mer », dont nous débattons, doivent être salués. En effet, le budget réservé aux outre-mer en 2015 prouve, si besoin en était encore, le respect des engagements du Président de la République et toute la considération, toute l’importance que le Gouvernement accorde aux collectivités ultramarines.

Depuis 2012, le soutien de l’État est resté sans faille ; chaque année, les outre-mer ont vu leurs crédits progresser. Des augmentations complémentaires sont encore prévues jusqu’en 2017.

Pour 2015, la hausse totale des crédits est significative. Elle permettra de soutenir l’emploi et la formation, mais aussi l’investissement public, ce qui est particulièrement important outre-mer.

Vous le savez, le statut de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ne permet pas aux entreprises d’y bénéficier des dispositifs d’aide aux entreprises et, partant, d’exonérations d’impôts qui leur seraient pourtant bien précieuses. Nous ne pouvons que le déplorer et, au moment où une majorité d’élus s’interrogent sur la pertinence du statut actuel, force est de constater que c’est un des sujets qu’il faudra traiter et inclure dans notre réflexion. Nous devrons également nous pencher sur les compétences, sur les recettes de nos collectivités et, plus particulièrement, sur une situation que l’on peut assimiler à une mise sous tutelle des communes par la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

À cet égard, je profite de cette occasion pour revenir brièvement sur des enjeux qui cristallisent l’attention des élus depuis plusieurs années, sans qu’ils aient fait l’objet de réponses fermes et définitives de la part du Gouvernement. Je songe notamment aux dispositifs d’accompagnement social mis en œuvre au profit des plus démunis et, plus particulièrement, aux allocations de logement et à l’extension de plusieurs prestations sociales que la population attend depuis trop longtemps.

L’égalité sociale ne doit pas être un vain mot, et le montant des crédits à mobiliser au titre de ces mesures ne saurait être un frein à leur mise en place. C’est avant tout une question de volonté politique. Celle-ci doit être assumée, et elle doit se traduire dans les faits.

S’ajoute à cela un sujet ô combien important pour mon archipel : l’intégration de ce dernier à son environnement régional et le rôle qui doit être le sien en tant qu’unique territoire ultramarin français en Amérique du Nord.

Madame la ministre, vous connaissez mon attachement au rayonnement des outre-mer. Ma récente élection à la présidence du bureau du Conseil national de la mer et des littoraux ne peut que renforcer en moi ce sentiment. §Saint-Pierre-et-Miquelon a un rôle essentiel à jouer dans la stratégie maritime de notre pays aux portes des Amériques, comme poste avancé de la France et de l’Europe.

L’ouverture de la « route du Nord-Ouest » provoquera divers bouleversements, et la France, deuxième puissance maritime après les États-Unis, se doit d’être un acteur incontournable dans tous les débats que suscitera cette transformation.

Notre pays peut jouer ce rôle à partir de Saint-Pierre-et-Miquelon, à travers les installations portuaires comme par l’action de l’État en mer dans cet espace. Port d’intérêt national, Saint-Pierre doit devenir une base avancée du trafic maritime, dans le secteur marchand comme dans le domaine de la défense. À cette fin, des moyens matériels et humains devront être mis en œuvre. La construction d’un sémaphore et sa mise en service, l’acquisition de moyens de surveillance doivent, à cet égard, être élevées au rang de priorités.

Par sa position géographique, l’archipel dont je suis issue est un formidable atout pour la France dans le cadre de l’économie bleue dont il faut poser les bases. Les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon seraient heureux d’y œuvrer avec le Gouvernement. Par un tel travail, celui-ci émettrait un signal fort de l’intérêt qu’il porte à ce petit territoire ainsi qu’aux Saint-Pierrais et aux Miquelonnais qui y vivent.

Cela étant, dans l’immédiat, non seulement je voterai les crédits de cette mission « Outre-mer » mais j’invite tous mes collègues à faire de même ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Abdourahamane Soilihi

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui se déroule dans un contexte bien particulier : rappelons qu’au cours des deux dernières sessions parlementaires, nous n’avons pu débattre des crédits consacrés à nos outre-mer en raison du rejet par le Sénat de la première partie du budget.

La mission « Outre-mer » regroupe l’ensemble des dotations allouées aux territoires ultramarins inscrites au budget du ministère des outre-mer.

Malgré la progression budgétaire annoncée, je regrette qu’aucune mesure phare ne soit prévue pour mettre les collectivités de Mayotte sur les rails de la départementalisation.

Dans le contexte précis de réduction des dépenses publiques, l’examen du présent projet de loi de finances indique que les dotations de l’État aux collectivités territoriales baisseront non de 11 milliards d’euros, mais de 28 milliards d’euros d’ici à 2017. Ce sont les chiffres réactualisés par le président Jacques Pélissard le 24 novembre dernier, lors du congrès des élus d’outre-mer.

L’État veut forcer les collectivités territoriales à faire des économies. Il considère qu’elles sont, elles aussi, responsables du déficit public. Ce n’est pas totalement faux, j’en conviens.

Je me garderai bien de risquer le moindre propos excessif à cette tribune, au sein d’une assemblée qui a toujours témoigné son attachement aux collectivités territoriales. Toutefois, je me permettrai de reprendre les mots très émouvants qu’a prononcés le représentant des maires de Mayotte, en évoquant les difficultés subies par notre département en matière scolaire.

Il disait que les écoles mahoraises sont dans un état de délabrement, menaçant ainsi la sécurité des enfants. À ces problèmes s’ajoutent les difficultés d’alimentation auxquelles sont confrontés nos jeunes. La République ne peut admettre une telle situation.

Mes chers collègues, je vous renvoie à ce discours tenu lundi dernier, qui a subitement relégué au second rang le problème de l’immigration, véritable fléau que l’on ne peut manquer d’aborder lors des grands rendez-vous ; la récurrente question de la vie chère, qui frappe de plein fouet les outre-mer ; la difficile mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires dans les communes de Mayotte, comme sur l’ensemble du territoire national ; la montée très inquiétante de la délinquance juvénile, conséquence directe des problématiques que je viens de rappeler, et dont procède un phénomène nouveau, la multiplication des mineurs isolés – en avril 2013, notre regretté Défenseur des droits, Dominique Baudis, dont l’action appelle de ma part un hommage appuyé, a consacré un excellent rapport à cette question, qui avait déjà été examinée ici même.

Cette idée de réduction des dotations va à l’encontre de la volonté affichée par l’actuel gouvernement de poursuivre, selon la progression prévue, les grands chantiers de la départementalisation.

Cette campagne de restrictions financières, lancée en 2013, n’a pas empêché les collectivités d’augmenter globalement leurs dépenses, et pour cause : la mise en œuvre de leurs nouvelles responsabilités les a conduites à assumer de nouvelles missions. Eh oui, madame la ministre, conformément au principe de libre administration des collectivités locales, il ne peut y avoir de liberté sans responsabilité ni de responsabilité sans moyens. Le cadre juridique de l’article 73 de la Constitution doit être pleinement respecté.

Pour compenser la baisse des recettes de l’État, c’est l’impôt qui est appelé au secours. Il convenait d’assurer l’équilibre entre, d’une part, cette diminution de dotations de l’État et, d’autre part, les dépenses des communes, du conseil général de Mayotte et des groupements constitués par ces collectivités.

Je le signale à cet égard : j’ai moi-même été cosignataire d’un courrier rédigé à la demande du président du conseil général, insistant sur les difficultés d’application de certaines mesures législatives dans un contexte particulier.

Dois-je rappeler qu’au cours des travaux interministériels destinés à préparer l’ordonnance fiscale du 19 septembre 2013, les élus mahorais ont été tenus à l’écart des discussions budgétaires ? Sur un tel fondement, le processus de dialogue ne pouvait qu’être mal engagé, alors même que le Président de la République entendait faire du dialogue territorial un instrument de gouvernance.

Pourtant, en 2013, dans le cadre du projet d’ordonnance fiscale, notre conseil général le précisait clairement, dans un avis adressé au Gouvernement : « Cette ordonnance n’a pas suffisamment pris en compte la situation particulière de Mayotte, le besoin de la progressivité et l’exigence de l’adaptabilité ».

Les choix en matière de fiscalité locale entraîneront de lourdes pertes de pouvoir d’achat, notamment pour les propriétaires mahorais ne disposant que de faibles revenus. En effet, la vulnérabilité des ménages mahorais à l’imposition doit être prise en compte.

La première difficulté majeure posée par l’ordonnance fiscale, qui produit ses effets depuis le 1er janvier 2014, est le niveau trop élevé des taxes foncières.

Le mécanisme proposé pour la fixation des taux a pour base le montant moyen du rôle des autres départements d’outre-mer pour chaque taxe directe locale. Or, à Mayotte, le PIB est trois fois inférieur à la moyenne des autres DOM, et la proportion de propriétaires y est bien plus élevée qu’ailleurs. Une réaction de rejet est d’autant plus à craindre de la part de la population que la régularisation foncière est loin d’être achevée, et que les Mahorais craignent que la réforme fiscale ne se révèle, au total, un outil d’expropriation de leurs terrains familiaux.

J’ajoute que le tissu économique privé est très peu développé à Mayotte, parce qu’il apparaît bien fragile.

Il est donc essentiel que des emplois soient massivement créés au cours des années à venir, afin que l’on puisse offrir des débouchés à la très jeune population mahoraise qui arrive déjà sur le marché du travail.

Certes, l’ordonnance fiscale instaure un dispositif au service du développement économique et de la formation, en créant à Mayotte une zone franche d’activité comparable à celles qui existent dans les autres DOM. Mais l’année de référence de sa création est 2014. Or nous savons que la durée est un élément décisif du soutien au développement économique d’un territoire.

Mes chers collègues, le contexte démographique et social de Mayotte exige la mise en place d’un dispositif jouant pleinement ce rôle de stimulation du dynamisme économique.

Nous savons les difficultés que traverse la société mahoraise. La situation budgétaire critique dans laquelle se trouvent nos collectivités locales nous oblige à réagir.

Aujourd’hui, madame la ministre, je vous interpelle afin que le Gouvernement engage de véritables mesures, dont les effets dureront dans le temps, au lieu de multiplier de petits actes destinés à colmater les brèches, en revalorisant simplement telle ou telle action. §

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien sûr, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, et face à la nécessité qui s’impose au Gouvernement de réduire le déficit, on ne peut qu’apprécier que les crédits de la mission « Outre-mer » affichent une légère hausse et qu’ils n’aient pas subi, comme d’autres missions, des « coups de rabot ».

Bien sûr, on peut constater que la programmation triennale mentionne une hausse des crédits de 4, 7 %. Mais est-ce encore suffisant ?

Après une baisse de 4, 3 % en 2014, le budget global de l’ensemble des missions alloué à la Guyane subit cette année une nouvelle diminution, de l’ordre de 3, 8 %. Ces réductions de crédits ont nécessairement un impact sur la vie quotidienne des Guyanais.

Les problèmes de sécurité, évoqués il y a quelques instants, ne sont plus à démontrer.

Chacun le sait, la Guyane accuse encore un retard de développement. Nombre de ses habitants n’ont pas accès aux équipements de base, à l’eau potable et à l’électricité.

Au surplus, les carences de l’aménagement du territoire y entravent grandement la circulation des biens et des personnes. Pour aller d’un bout à l’autre du département, les seuls moyens de transport sont l’avion ou la pirogue, faute de routes.

Parallèlement, à l’heure où le Gouvernement lance une grande consultation sur la prochaine loi numérique, avec un plan pour le très haut débit en France, je ne peux que rappeler qu’une grande partie de la Guyane n’est toujours pas connectée.

Alors que depuis Kourou, nous mettons sur orbite les satellites aux technologies les plus avancées, notre territoire recèle encore trop de zones blanches, sans internet, sans réseau mobile. Une action majeure et forte du Gouvernement doit être menée en ce sens.

J’en viens maintenant à la mission « Outre-mer » et aux crédits alloués à la Guyane. Je reconnais l’effort qui est fait, puisque ceux-ci s’élèvent à 189 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 3, 2 % par rapport à la loi de finance initiale de 2014.

Je constate, en effet, que les crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » sont en hausse de plus de 13 % pour la Guyane. Ce budget de plus de 50 millions d’euros sur l’année doit justement permettre de faciliter l’accès des populations au logement, à l’école et aux infrastructures.

Concernant la politique du logement, je prends également acte de la hausse de 3 % des crédits du programme 109 « Aide à l’accès au logement » pour la Guyane.

Dans le cadre du programme 138 « Emploi en outre-mer », le Gouvernement prend sa part dans l’effort de relance de la compétitivité de nos entreprises, en augmentant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en lui affectant un taux supérieur à celui de l’Hexagone. Avec un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi à 9 % dans le cadre de la déclinaison du pacte de responsabilité, nous espérons que nos entreprises pourront trouver de nouvelles marges de manœuvre pour créer des emplois. Nous voulons le croire, car nous en avons cruellement besoin : le taux de chômage atteint 25 % sur le territoire, et avoisine 50 % pour les jeunes.

Ces nouvelles peuvent donc être appréciées, mais elles doivent s’accompagner de mesures fortes pour lutter contre la vie chère et contre certaines aberrations économiques. À titre d’exemple, lorsqu’un Guyanais achète de la viande de bœuf produite en Argentine – nous sommes en Amérique du Sud –, ou des fruits cultivés au Chili, ceux-ci ont transité par Rungis ! Le coût économique et environnemental d’une double traversée de l’Atlantique est absurde, et cela doit être revu.

Aussi, madame la ministre, compte tenu des efforts sur le budget de cette mission, je le voterai. Mais je souhaite alerter le Gouvernement sur l’urgence d’un plan massif d’aide au développement pour la Guyane afin de rattraper le retard pris et de renforcer la place de la France et de l’Europe dans la compétition économique de la zone Amazonie et de l’Amérique du Sud. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Fontaine

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen du budget du ministère des outre-mer, qui nous réunit aujourd’hui, est l’occasion pour nous, parlementaires ultramarins, d’évoquer avec solennité la situation de nos territoires.

Je voudrais à ce titre, madame la ministre, insister sur le contexte économique et social particulier de nos outre-mer, et notamment de La Réunion. Sur notre île, le taux de chômage est extrêmement préoccupant, puisqu’il est proche de 30 % et qu’il frappe près de 60 % des 15-24 ans, qui sont donc coupés du marché du travail. Ces chiffres sont les plus élevés d’Europe !

Créer des emplois durables, c’est-à-dire des emplois dans les entreprises, est plus que jamais indispensable, bien plus que ces emplois d’avenir, contrats aidés, précaires, et dont l’avenir est malheureusement incertain. Pourtant, dans un contexte général de faible compétitivité et d’accumulation des déficits, avec une économie qui tourne au ralenti, la confiance des acteurs économiques n’est pas là. Ils ne peuvent donc ni investir ni embaucher. C’est encore une fois le chômage qui gagne !

Aussi, face à ce tableau déjà sombre, la décision de l’exécutif de réduire les dotations de l’État aux collectivités locales va non seulement placer celles-ci face à des difficultés financières majeures, mais va aussi emporter des conséquences en termes d’investissements et donc d’emploi.

Aussi, j’aimerais vous alerter sur les conséquences de la décision de baisser la dotation générale de fonctionnement, la DGF, même si notre assemblée en a minoré l’ampleur. D’ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que la DGF n’est pas une obole, mais une juste et nécessaire compensation des compétences transférées, dont le nombre ne cesse d’augmenter.

Vous avez décidé que les collectivités devront fonctionner avec 3, 7 milliards d’euros en moins en 2015, alors qu’une baisse de 1, 5 milliard d’euros est déjà intervenue en 2014. C’est d’autant plus alarmant que leurs charges augmentent, comme cela a été rappelé cette semaine dans cet hémicycle.

Vous n’êtes pas sans savoir que nos collectivités sont très sensibles à tout désengagement financier de l’État. Toute mesure prise au niveau national a encore plus d’écho dans nos territoires et peut rapidement menacer un équilibre économique précaire. Les collectivités n’auront donc pas d’autre choix que de sacrifier leurs dépenses d’investissement face à cette réduction drastique et inédite de leurs ressources.

Or une baisse de l’investissement des collectivités parallèle à celle des dotations et des recettes sera particulièrement préjudiciable à l’activité économique et donc à l’emploi dans nos territoires, notamment dans le secteur du BTP, dont le chiffre d’affaires est alimenté à près de 80 % par la commande publique à La Réunion.

La diminution des budgets locaux de fonctionnement menacera également le monde associatif et les services à la population, exposant ainsi des populations déjà fragiles, et pèsera sur l’entretien des différents équipements. Attention à ne pas menacer notre cohésion sociale ! À La Réunion, je le rappelle, la pauvreté touche 46 % de la population.

Je me devais d’aborder ces points ici, aujourd’hui, car ce sujet est vraiment alarmant pour les collectivités de La Réunion. Celles-ci subissent une triple peine : la baisse des dotations de fonctionnement, l’impossibilité d’augmenter la fiscalité locale du fait de l’overdose fiscale et une situation économique et sociale plus dégradée qu’en métropole.

En second point, je souhaite évoquer la question du traitement des déchets et de la préservation de l’environnement à La Réunion.

Alors que le Gouvernement promeut la réduction et la valorisation des déchets, notre île a en effet atteint une étape charnière pour mener à bien ses projets en la matière. Le contexte est tout à fait singulier dans la mesure où 80 % des déchets produits sont enfouis, sur un territoire insulaire de 2 500 kilomètres carrés.

Grâce à leur forte volonté d’action dans ce domaine, les collectivités ont réagi en créant un syndicat mixte de traitement des déchets prenant en charge 60 % des déchets du territoire de La Réunion et devant proposer à la population les outils performants de traitement du XXIe siècle. Des interrogations apparaissent néanmoins quant aux modalités de l’accompagnement de l’État en l’espèce. Celles-ci sont capitales pour l’avenir de la politique de gestion des déchets à La Réunion.

Les autorisations d’enfouissement prenant fin en 2015, où allons-nous ? Il n’y a aucune visibilité ! Quels seront les sites et les modèles retenus ? Quelle est la volonté du Gouvernement ?

L’État doit s’engager fermement en proposant un accompagnement fort, et doit s’impliquer aux côtés des collectivités locales et de leurs établissements en tenant compte des disparités territoriales et des difficultés insulaires. Cette filière est créatrice d’emplois et il est primordial que des solutions pérennes soient mises en œuvre.

Pour en revenir au budget de votre ministère, madame la ministre, il est vrai qu’il est globalement préservé. Les dotations de cette mission sont presque stables, avec des crédits de paiement qui augmentent de façon presque symbolique de 0, 3 % par rapport à 2014. Toutefois, cette mission ne représente que 15 % de l’ensemble des crédits de l’État à destination de l’outre-mer.

Les contraintes budgétaires déjà évoquées et la nécessité de maîtriser la dépense publique ne doivent pas occulter les mesures qui doivent être prises pour renforcer la compétitivité de nos territoires, surtout du fait de leur environnement régional.

Enfin, je regrette avec mon collègue Didier Robert la diminution des crédits affectés à la continuité territoriale. Je souhaite qu’un effort significatif de l’État soit engagé, afin de préserver ce dispositif ainsi que les dotations allouées au RSMA.

L’essentiel, vous l’aurez compris, est de redonner à nos territoires cette confiance qui manque tant !

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le vote de la loi de finances est un temps fort de notre activité parlementaire, surtout en ces temps de crise économique. L’effort fourni par tous les Français depuis 2011 commence à produire des résultats. En effet, le déficit public qui atteignait 4, 9 % du PIB en 2012 sera sans doute de 4, 3 % en 2015.

C’est donc dans ce contexte sensible et contraint de retour à l’équilibre des finances publiques que nous sommes amenés à étudier les crédits relatifs aux outre-mer.

Nos territoires ultramarins connaissent depuis plusieurs années, et notamment depuis 2009, une crise économique touchant tous les secteurs, qui les précipite au bord de l’explosion sociale. Le chômage atteint des sommets vertigineux, dépassant 25 % et frôlant même 60 % chez les jeunes, ses principales victimes. Pour la Martinique, que je représente, ce taux est supérieur à 26 %.

Ces difficultés se retrouvent également dans d’autres domaines tout aussi essentiels, comme celui de la justice, avec une situation de surpopulation carcérale, sans commune mesure avec celle que connaît l’Hexagone.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Je pourrais encore citer beaucoup d’autres exemples, comme celui des secteurs sanitaire ou social.

Je me réjouis cependant de constater que, pour la troisième année consécutive, le budget du ministère de l’outre-mer est en hausse, avec plus de deux milliards d’euros en crédits de paiement pour 2015, même si les autorisations d’engagement connaissent, elles, une légère baisse. Celle-ci restera sans réelle conséquence puisque les prévisions d’augmentation de 4, 7 % sur le budget triennal 2014–2017 sont tenues.

De la même manière, le relèvement du plafond de réduction d’impôt, qui passe de 10 000 euros à 18 000 euros dès 2015 pour l’investissement dans le logement locatif intermédiaire en outre-mer constitue sans nul doute une excellente nouvelle. Il en va de même de la hausse des crédits consacrés au service militaire adapté portés à 3 millions d’euros pour un objectif de 6 000 jeunes formés chaque année d’ici à 2017, et du maintien de la ligne budgétaire unique pour un montant de 141 millions d’euros destinés à la construction et à la réhabilitation de logements sociaux.

Enfin, je ne peux que saluer l’effort du Gouvernement concernant la majoration du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pour les entreprises situées dans les départements d’outre-mer, et ce à hauteur de 7, 5 % dès 2015, puis à 9 % en 2016.

Cette majoration représente en effet une aide non négligeable pour les entreprises et un outil en plus pour le retour à l’emploi et à la croissance. Je suis satisfait, au surplus, de son extension au crédit d’impôt recherche. N’est-il pas possible, toutefois, d’élargir cette mesure au crédit d’impôt innovation pour les PME, qui en ont aussi vraiment besoin, notamment en outre-mer ?

Ce budget apporte ainsi la preuve que le Gouvernement reste, malgré les circonstances et la situation de l’économie nationale et mondiale, très attaché à ses territoires ultramarins et demeure mobilisé pour les aider et les accompagner.

Après ces quelques observations, je voudrais souligner mon inquiétude quant à la baisse des crédits alloués à la continuité territoriale et au Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI.

Sur le premier point, nous nous accordons tous sur la nécessité de réformer l’aide à la continuité territoriale afin de l’orienter principalement vers les demandeurs d’emplois, les familles aux revenus modestes et les étudiants. Elle n’a pas vocation à financer les vacances annuelles des foyers aisés !

Toutefois, madame la ministre, j’attire votre attention sur le risque qu’une telle réforme n’exclue des citoyens encore nécessiteux. J’attends de votre part une affirmation et un engagement sans faille à maintenir une vigilance accrue dans la mise en œuvre nouvelle de cette dotation.

Concernant le second point, nous assistons à une baisse du montant alloué au Fonds exceptionnel d’investissement, qui passe de 50 millions d’euros en 2013 et en 2014 à 40 millions d’euros en 2015. Je ne peux masquer mon incompréhension face à cette diminution puisque, dois-je le rappeler, le Président de la République, François Hollande, s’était engagé à l’abonder de 500 millions d’euros entre 2012 et 2017, une promesse très forte faite à l’époque à l’outre-mer. Or, aujourd’hui, la dotation du FEI pourrait atteindre 230-240 millions d’euros, un montant bien éloigné des 500 millions d’euros évoqués. Dès lors, que pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quant au recul du Gouvernement sur ce sujet ?

Il va de soi que la teneur de mes propos traduit ce que sera mon vote ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte rigoureux de retour à l’équilibre budgétaire, je salue la volonté du Gouvernement de préserver les outre-mer. Ce n’est que justice, car nos territoires doivent faire face à de fortes difficultés économiques et sociales, dues à des contraintes d’éloignement, au différentiel de coût du travail avec leurs voisins, à des évolutions démographiques spécifiques et, pour certains d’entre eux, à de lourdes pressions migratoires.

Madame la ministre, vous avez su obtenir des arbitrages favorables, ce dont nous nous félicitons.

Je souhaite, pour ma part, formuler des observations sur cinq points.

Le premier point a trait au logement. Je salue votre souhait de maintenir un rythme élevé de production de logements sociaux, tant les besoins sont considérables. Or on assiste à une chute de la programmation des nouvelles opérations, en raison de l’interprétation qui est faite des dispositifs de financement : les aides de l’État au logement social outre-mer sont placées sous l’égide des aides à finalité régionale, les AFR, alors qu’elles devraient relever, comme celles de l’Hexagone, du régime des services d’intérêt économique général, les SIEG, exemptés de notification à Bruxelles.

L’équilibre de nombreuses opérations a été d’autant plus compromis que, dans le cadre des lignes directrices concernant les AFR, les « plafonds d’intensité d’aide » ont été baissés. Pour la seule Guadeloupe, un millier de logements sont bloqués !

La France a communiqué à la Commission européenne sa volonté de faire dépendre ses aides du régime des SIEG, mais la situation n’aurait pas évolué depuis lors. Il est donc indispensable qu’une instruction soit donnée aux directions concernées pour libérer la délivrance des agréments fiscaux aux opérations en cours d’instruction ou qui sont prêtes à démarrer, avec le maintien des plans de financement initiaux.

Quant au secteur libre du logement, il est atone. Aussi, je me réjouis de la décision de placer la réduction d’impôt Pinel outre-mer sous le plafond spécifique de 18 000 euros, prévu jusqu’à présent pour les autres investissements outre-mer.

Le deuxième point concerne la formation des jeunes, tant touchés par le chômage. Je sais que c’est l’une des priorités de votre ministère. Dans les choix difficiles qui ont dû être faits, vous avez privilégié, en matière de continuité territoriale, les jeunes qui veulent poursuivre leur formation ou qui doivent passer des examens.

Par ailleurs, vous respectez vos engagements pour le SMA, le service militaire adapté. C’est absolument indispensable, je le souligne, car ce dispositif fonctionne très bien. L’objectif de 6 000 contrats doit être atteint durant ce quinquennat, tout en maintenant la durée et la qualité de la formation.

Le troisième point est relatif au Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, dont vient de parler mon collègue Maurice Antiste.

Je regrette la baisse de 10 millions d’euros des autorisations d’engagement. En Guadeloupe, par exemple, la plupart des établissements scolaires restent encore à mettre aux normes sismiques, alors que l’on réserve le « fonds Barnier » prévu à cet effet aux collectivités ayant obtenu un accompagnement du ministère des outre-mer au titre du FEI.

Le quatrième point, et non des moindres, concerne les prisons et, plus particulièrement, la maison d’arrêt de Basse-Terre. Louis Mermaz l’a qualifiée de « bagne » et Louis Le Pensec parlait de « la honte de la République ».

À l’heure actuelle, subsiste encore à Basse-Terre, dans un environnement vétuste et déplorable, un encellulement en dortoirs. Compte tenu de l’absence de travail ou d’activité, de dix à douze détenus sont contraints d’y demeurer entassés près de vingt heures par jour !

Au regard de cette situation inhumaine, je regrette que les prisons de Guadeloupe n’aient pas été retenues parmi les établissements concernés durant les trois premières années du plan d’amélioration et de construction des prisons. J’espère que cette prison de plus de deux siècles sera reconstruite dans un avenir proche.

Je ne saurais conclure mon propos sans faire état d’une désagréable surprise; voire de la consternation de la Guadeloupe, depuis que le projet de reconstruction du CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes a été retiré de l’ordre du jour du COPERMO, le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers, qui devait le valider le 25 novembre dernier. Nous n’avons pas eu d’explication à ce revirement inopiné. Pourtant, en juillet dernier, la ministre de la santé avait qualifié ce projet d’« enjeu majeur au plan national » !

Nous, élus guadeloupéens, demandons solennellement que la programmation annoncée pour cette reconstruction soit respectée !

Quoi qu’il en soit, je voterai, bien entendu, les crédits de la mission « Outre-mer ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gillot

Madame la ministre, je tiens, tout d’abord, à saluer le pari que vous avez réussi en maintenant globalement le niveau des crédits mobilisés dans le cadre de la mission « Outre-mer », dans le contexte de contraction du budget de la nation. Cela permet à l’outre-mer, mais, surtout, à la Guadeloupe, d’obtenir des réponses à deux questions prioritaires : le chômage des jeunes, avec la création de 6 000 postes pour les volontaires du SMA, et la sanctuarisation de la LBU, la ligne budgétaire unique, pour la construction de logements sociaux.

Cependant, je m’interroge sur le devenir de projets phares pour la Guadeloupe, pour lesquels aucune budgétisation n’est actuellement prévue, et le statu quo perdure d’année en année.

Oui, l’outre-mer entend prendre sa juste part à l’exercice de solidarité nationale auquel on ne peut se soustraire. Mais, dans le même temps, l’audace commande de tenir compte des difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités locales, minées par des transferts de compétences mal compensés par l’État.

Aussi, il convient d’aborder les difficultés que rencontre le conseil général de Guadeloupe pour financer ses principales obligations sociales que sont l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, et le RSA, le revenu de solidarité active.

Cela implique aussi de comprendre la nécessité de créer, en Guadeloupe, un fonds d’investissement destiné au rattrapage du retard des DOM en matière d’équipements structurants ; je veux parler des 300 millions d’euros nécessaires aux équipements pour le traitement des déchets ménagers et aux 400 millions d’euros indispensables à la réfection des canalisations d’eau potable qui correspondent à un engagement du gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre. Cet engagement a d’ailleurs été pris en Guadeloupe par les ministres concernés.

Pour la santé de nos compatriotes, l’audace et l’ambition commandent également de sanctuariser, une fois pour toutes, les 590 millions d’euros nécessaires à la reconstruction du CHU de Pointe-à-Pitre.

Sur ce point, je veux rappeler que ces crédits n’ont fait l’objet d’aucune inscription budgétaire, ni dans le cadre de la loi de finances initiale, ni dans celui de la loi de finances rectificative du projet de loi de financement de la sécurité sociale. De surcroît, l’examen du projet inscrit à l’ordre du jour du COPERMO, le 25 novembre dernier, à la suite des engagements pris par la ministre de la santé, lors de son nouveau déplacement en Guadeloupe en juillet dernier, a été une fois de plus reporté. Madame la ministre, c’est insupportable ! Quelle grande déception pour nous de constater que les engagements pris sur des questions aussi importantes que la santé de nos populations ne sont pas suivis d’effets !

Nous attendons de votre part, en votre qualité de ministre des outre-mer – nous le savons, la santé ne relève pas de votre compétence –, un soutien sans faille et un engagement fort auprès du Gouvernement pour faire en sorte que ce projet de reconstruction, dont la nécessité et l’urgence ont été confirmées il y a quelques mois par la Haute Autorité de santé, fasse l’objet d’une traduction budgétaire, dès 2015, à hauteur de 590 millions d’euros. De même, nous attendons qu’un COPERMO extraordinaire statue sur la validation du projet.

L’audace exige aussi, madame la ministre, de mieux cibler le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en faisant en sorte qu’il soit davantage adapté à notre tissu économique, composé de très petites entreprises avec une faible masse salariale. Nous pourrions ainsi améliorer les effets sur le secteur marchand, en vue de créer davantage d’emplois dans le privé.

L’audace et la compréhension de la réalité de nos territoires impliquent, madame la ministre, de prendre toute la mesure des conséquences désastreuses de l’instauration d’un système de licence pour la vente au détail de tabac dans les départements d’outre-mer.

Vous n’êtes pas sans savoir que nous attendons toujours la publication du décret d’application du système instauré par la loi de finances de 2011. D’ailleurs, c’est heureux, puisque les conseils généraux de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion ont adopté chacun une motion demandant la révision de ce dispositif, et ce pour plusieurs raisons.

Ici, madame la ministre, l’audace consisterait à accepter de surseoir à la mise en œuvre de cette réforme, conformément aux motions adoptées, je le répète, par plusieurs collectivités ultramarines.

L’audace, c’est tout mettre en œuvre pour développer des secteurs porteurs tels que ceux de l’agro-nutrition, des énergies renouvelables et de la biodiversité.

Enfin, l’audace consisterait à permettre, demain, aux Guadeloupéens de jeter collectivement, sans carcan ni limite, les bases d’un nouveau contrat social, en créant les conditions de l’évolution institutionnelle qu’une immense majorité de Guadeloupéens appelle de ses vœux.

Madame la ministre, en attendant vos réponses, je voterai le budget des Outre-mer.

Mme Maryvonne Blondin et M. André Gattolin applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Cornano

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis, à l’instar de mes collègues, du budget outre-mer tel qu’il ressort du projet de loi de finances pour 2015.

En effet, après une augmentation marquée des crédits en 2013, un effort financier encore important en 2014, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une progression de 0, 3 % des crédits de paiement de cette mission.

Au-delà, l’effort budgétaire de l’État pour les outre-mer dépasse les seuls crédits de la mission que nous examinons aujourd’hui. Avec 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement pour 2015, la part de la mission « Outre-mer » est de 15 % des crédits de l’État et de 0, 5 % du budget général. L’effort budgétaire et financier consacré à nos territoires ultramarins s’élève, au total, à 14, 2 milliards d’euros. Les dépenses fiscales seront, quant à elles, de l’ordre de 3, 9 milliards d’euros en 2015. Au total, l’effort de l’État est donc de 18, 1 milliards.

Je concentrerai, dans un premier temps, mon propos sur l’aide à la continuité territoriale, l’ACT.

Le projet de loi de finances prévoit de passer d’un droit annuel à un droit triennal pour le bénéfice de l’ACT, avec des crédits en diminution de 10 millions d’euros.

Les crédits octroyés au titre du dispositif du passeport-mobilité études et du passeport-mobilité formation professionnelle, qui bénéficie aux jeunes ultramarins, ont été sauvegardés, et je me réjouis de cette décision. La baisse concerne les crédits de l’aide à la continuité territoriale dite « tout public », eu égard à la croissance continue des demandes.

Mon propos portera, madame la ministre, sur une dimension qui ne vous est pas étrangère, à savoir l’insularité liée à la continuité territoriale.

En effet, lorsque l’on parle d’« insularité », c’est, en premier chef, par rapport à la métropole.

Je suis désireux – mais c’est aussi le cas de la Guadeloupe, de la Polynésie française ou encore de Wallis-et-Futuna – d’attirer l’attention du Sénat et, plus largement, du Parlement, ainsi que du Gouvernement, sur la double insularité par rapport à l’île principale.

Les îles périphériques ou îles du Sud – Les Saintes, la Désirade, Marie-Galante – souffrent principalement de leur situation d’isolement. Elles sont confrontées à des handicaps particuliers liés à la double insularité.

En effet, les coûts des services et des marchandises y sont plus élevés qu’ailleurs, elles accusent un retard en matière d’infrastructures, les liaisons entre les îles sont difficiles et un exode massif se produit. En outre, aucune alternative économique structurée ne s’y développe, alors que la pêche et le commerce connaissent d’énormes difficultés. Les entreprises qui tentent de relever le défi, écrasées par la concurrence et par le poids des charges fiscales et sociales, sont très souvent acculées à la faillite.

Résultat : le taux de chômage est trop élevé, un chômage qui touche particulièrement les jeunes, plus de 30 %, contre 9, 7 % en métropole.

Toutes les réformes institutionnelles, depuis 1946, ont ignoré la réalité d’archipel qui caractérise la Guadeloupe : le pays a été traité dans sa globalité, sans considération pour les nuances territoriales qui en font la richesse tout en complexifiant sa gestion administrative.

La continuité territoriale doit avoir trois objectifs : faciliter la circulation des personnes et des marchandises entre les îles périphériques et le reste de l’archipel, les îles avoisinantes et la France hexagonale ; éliminer les surcoûts liés aux transports aérien et maritime ; contribuer au développement des activités économiques, notamment au développement touristique, qui doit être l’un des plus importants moteurs économiques et l’une des principales sources de richesse et d’emplois.

En ce qui concerne les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs, il faut ne plus considérer seulement les collectivités majeures, mais envisager une dotation de continuité territoriale abondée par des fonds de l’Union européenne, de l’État et, bien sûr, des collectivités territoriales.

J’insiste sur la situation de ces îles car vous vous souvenez, madame la ministre, que l’un des engagements du Président de la République, François Hollande, consistait à prendre en compte le caractère archipélagique de la Guadeloupe dans la mise en place des décisions publiques.

Il nous appartient de trouver les voies et moyens pour créer de l’activité, et donc des emplois, dans des secteurs porteurs d’avenir, en particulier pour la mutation économique des îles périphériques ; je pense notamment au tourisme, aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, aux services à la personne et à l’agro-transformation, liée notamment à l’agriculture biologique.

Il nous appartient aussi de garantir la sécurité, d’assurer la couverture sanitaire, en particulier grâce à l’hôpital de Marie-Galante et au CHU de Pointe-à-Pitre/Abymes, et de réaliser la couverture numérique avec la solution satellitaire, en attendant le câble de fibre optique.

Il s’agit également de protéger la filière canne-sucre-rhum à Marie-Galante, qui est un laboratoire d’idées et d’expériences : plusieurs projets y sont en cours d’élaboration, comme la centrale thermique multi-biomasse de cogénération qui, à terme, permettra à l’île de satisfaire ses propres besoins électriques, voire d’alimenter la Guadeloupe continentale. La question se pose toutefois de la mise en place d’un câble électrique sous-marin entre Marie-Galante et la Guadeloupe, car son coût excède le budget du projet.

Madame la ministre, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer », mais je vous demande quelle place le Gouvernement accorde dans ses ambitions aux outre-mer et à l’archipel guadeloupéen, singulièrement à ses îles périphériques. En particulier, comment entend-il prendre en compte l’insularité liée à la continuité territoriale, au vu de l’horizon prospectif qui se profile ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier pour la qualité des interventions, qui témoigne de l’intérêt que la Haute Assemblée porte à l’outre-mer. J’ai noté avec beaucoup d’intérêt vos interrogations et vos suggestions.

Trois commissions de votre assemblée m’ont fait l’honneur d’approuver à l’unanimité les crédits de la mission « Outre-mer » ; j’ai même entendu, ici ou là, des satisfecit adressés à la politique que nous menons, au sujet de laquelle nous entretenons des échanges réguliers. En vérité, la dotation de cette mission marque l’intérêt prioritaire que le Gouvernement accorde aux outre-mer, qui, nous sommes nombreux à le considérer, représentent une chance pour la France.

Bien entendu, les outre-mer sont dans la France ; il est donc normal que l’effort demandé à tout un chacun pour boucler le budget dans cette période difficile s’applique aussi aux outre-mer. Toutefois, nous avons eu soin de leur demander un effort moindre qu’à la majorité de nos citoyens.

Parmi les axes prioritaires de notre action figure la lutte contre le chômage, sur laquelle plusieurs orateurs ont insisté. C’est pourquoi l’emploi est le premier des objectifs que nous avons privilégiés dans ce budget.

Monsieur le rapporteur spécial, cher Georges Patient, vous avez souligné que les chiffres du chômage en outre-mer étaient souvent le double de ce qu’ils sont en métropole. Il est donc normal que la politique d’exonération de charges, qui est un volet extrêmement important du projet de loi de finances, soit complétée et renforcée par une amélioration du CICE dans les outre-mer. Au total, ce sont près de 2 milliards d’euros dont les entreprises ultramarines bénéficieront l’année prochaine au titre de la politique en faveur de la compétitivité. Sur l’ensemble du quinquennat, nous aurons augmenté les exonérations de charges de 200 millions d’euros.

Des orateurs de divers groupes ont souligné que ces exonérations devraient avoir pour contrepartie des créations d’emplois, qui sont si nécessaires dans les outre-mer. Bien évidemment, nous continuerons de mener avec les entreprises et avec leurs organisations représentatives un dialogue fraternel, si je puis dire, en tout cas appuyé à ce sujet.

Quant à la majoration du crédit d’impôt recherche, elle confortera la capacité d’innovation des outre-mer.

Je confirme, notamment à Mme la rapporteur spécial Mme Iriti, que les mesures que nous avons prises en faveur des entreprises ne nuisent pas aux dispositifs destinés aux collectivités territoriales, ni à aucun autre dispositif de soutien aux outre-mer.

Le deuxième axe prioritaire de notre politique est la formation professionnelle et la politique d’insertion. Nous avons bien sûr à l’esprit le niveau extrêmement élevé du chômage, en particulier du chômage des jeunes. Dans ce cadre, nous avons maintenu, voire augmenté, les crédits du service militaire adapté, le SMA, dont tous les orateurs ont fait observer le remarquable profit pour les jeunes d’outre-mer, notamment pour ceux qui sont en grande difficulté.

Que le chômage des jeunes ait commencé de diminuer grâce aux mesures récentes, il faut s’en féliciter, car c’est un premier pas en avant ; mais le niveau auquel il s’établit encore doit nous conduire à réfléchir tous ensemble au problème du décrochage. En effet, une grande partie des jeunes chômeurs sont des jeunes de 16 à 25 ans qui ont beaucoup de mal à accéder à l’emploi parce qu’ils ont quitté l’école sans qualification.

À cet égard, je pense que la stratégie mise en œuvre aujourd’hui par l’éducation nationale, en liaison avec le ministre du travail, pour lutter contre le décrochage et apporter des solutions aux jeunes qui en sont victimes est particulièrement adaptée aux outre-mer, où nous allons nous atteler à la mettre en œuvre.

S’agissant de notre troisième priorité, le logement, M. le rapporteur spécial de la commission des finances a souligné la hausse significative, de 25 %, connue depuis 2012 par les crédits de la ligne budgétaire unique, la LBU. Comme je sais que plusieurs d’entre vous sont inquiets au sujet de la « dette » de LBU, j’ai veillé, dans le cadre de la fin de gestion de l’année 2014, à la réduire par rapport à l’année dernière.

Dans le domaine du logement, le débat parlementaire sur la première partie du projet de loi de finances a permis des avancées supplémentaires : nous avons renforcé l’attractivité du dispositif Pinel outre-mer pour le logement intermédiaire et favorisé l’émergence d’un véritable crédit d’impôt pour la transition énergétique outre-mer, associé à un bouquet de travaux adapté à la situation particulière dans laquelle se trouvent les outre-mer, à l’exception notable de Saint-Pierre-et-Miquelon. Je tiens également à saluer l’adoption par le Sénat, la semaine dernière, de l’amendement n° I–88 rectifié ter, présenté par Serge Larcher, visant à adapter l’éco-prêt à taux zéro.

Toutes ces mesures donnent corps au plan logement ambitieux que j’ai présenté pour l’outre-mer. Je remercie une nouvelle fois les parlementaires d’avoir massivement soutenu ces avancées.

Un autre point fort de ce budget réside dans le soutien à l’investissement public.

Certains orateurs ont exprimé des craintes à ce sujet ; je sais que je recevrai une écoute particulièrement attentive au Sénat en annonçant que les crédits alloués à la politique contractuelle en outre-mer progresseront de 6, 5 % dès 2015, et de 11 % sur le triennal. Cet effort permettra la préservation intégrale des contrats de développement à Saint-Pierre-et-Miquelon et Saint-Martin, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, ainsi qu’à Wallis-et-Futuna. Dans les DOM, la nouvelle génération des contrats de plan État-région s’inscrira en hausse de près de 180 millions d’euros par rapport à la précédente.

Je me propose d’en reparler avec les présidents des collectivités territoriales, pour que nous expliquions et mettions en valeur les progrès considérables que nous avons pu obtenir en ce qui concerne ces contrats.

Encore faut-il ajouter que l’enveloppe totale avoisine le milliard d’euros si l’on tient compte du plan très haut débit, particulièrement nécessaire dans les outre-mer compte tenu de leurs spécificités géographiques.

En réponse aux craintes exprimées par Mme la rapporteur spécial, je tiens à souligner que les crédits de paiement seront stables, à plus de 135 millions d’euros, sur le triennal. Par ailleurs, la maquette des contrats sur la période 2015-2020 atteint 177 millions d’euros, ce qui représente 700 euros par habitant, une somme largement supérieure à la moyenne métropolitaine.

En outre, je répète solennellement, après l’avoir déjà annoncé à l’Assemblée nationale, que, si les besoins d’autorisations d’engagement pour 2015 excèdent les montants prévus, nous ouvrirons les crédits nécessaires en gestion. Je vous confirme également que nous avons l’intention de réduire la « dette » de la LBU, qui sera ramenée de 65 millions d’euros à moins de 50 millions d’euros dès cette année.

Monsieur Thani Mohamed Soilihi, je vous remercie pour l’avis budgétaire que vous avez établi au nom de la commission des lois.

Le recours trop systématique aux ordonnances, que vous avez signalé, est un problème qui nous préoccupe. Pour y remédier, il convient que mon administration surveille de plus près les textes en préparation. Souvent, en effet, les autres ministères réfléchissent d’abord aux dispositions générales, et se demandent ensuite comment les adapter à l’outre-mer. Il faudrait au contraire que les dispositions nécessaires soient intégrées dans les textes dès leur préparation et leur discussion. Cette méthode a déjà été appliquée certaines fois, notamment à l’égard du projet de loi dont est issue la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Il faut donc que nous améliorions notre travail de veille et que nous commencions à travailler avec vous, parlementaires, dès qu’un projet de loi est annoncé, pour préparer les dispositions relatives aux outre-mer.

Par ailleurs, je me félicite, comme M. Mohamed Soilihi, que les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution s’engagent plus avant dans la voie des habilitations prévues à cet article. Dans le domaine de l’énergie, par exemple, des projets très intéressants ont été menés. M. le rapporteur pour avis de la commission des lois a suggéré qu’un bilan de ces habilitations pourrait être dressé ; je crois que nous pourrons confier une telle mission à l’Inspection générale de l’administration.

M. Mohamed Soilihi a également soulevé la question de l’homologation des peines d’emprisonnement prononcées par une collectivité d’outre-mer disposant d’un pouvoir à cet effet. Il est vrai que le dispositif actuel ne donne pas entière satisfaction, car les peines prononcées par les collectivités ne sont souvent homologuées qu’après plusieurs années. Nous allons donc mettre en place un système de veille particulier, pour que les homologations puissent intervenir au fil de l’eau.

Monsieur Didier Robert, qui étiez auparavant député et qui êtes devenu sénateur, vous avez déclaré que vous n’étiez pas très satisfait des crédits de la mission « Outre-mer », que vous jugez insuffisants à périmètre constant et en tenant compte de l’inflation.

Je tiens d’abord à rappeler que l’inflation a pratiquement disparu aujourd'hui. Ensuite, j’avoue que je suis un peu étonnée, car il me semble me souvenir que lorsque nous étions députés entre 2007 et 2012, vous aviez voté sans grandes critiques un budget de l’outre-mer pourtant en baisse d’environ 11 %. Sans doute la position de sénateur est-elle un peu différente… En l’occurrence, le budget ne diminue pas, il augmente, même s’il augmente peu. Vos critiques, monsieur le sénateur, ne sont donc pas raisonnables.

Vous vous êtes ensuite interrogé sur la dette de LBU. Celle-ci a beaucoup diminué entre 2012 et 2013 et baisse encore cette année, d’environ 25 millions d’euros. Par conséquent, nous sommes plutôt en progrès sur ce point.

Il n’y a pas de diminution effective des crédits consacrés à la résorption de l’habitat insalubre, la RHI. Il est vrai que ce budget est extrêmement important pour les outre-mer. Partout, nous faisons face à un problème d’habitat insalubre, qui est très difficile à régler. Il faut dire aussi qu’on assiste dans certains départements – M. Thani Mohamed Soilihi a évoqué Mayotte, mais on pourrait le dire aussi de la Guyane – à une sorte de course-poursuite entre l’augmentation de la population et le logement des nouveaux arrivants dans des conditions extrêmement précaires, d’une part, et le travail fait pour éradiquer l’habitat insalubre, d’autre part. Certes, le montant prévu est supérieur au montant utilisé les années précédentes, mais, j’en suis d’accord, nous devons faire le maximum pour lutter contre le fléau que constitue l’habitat insalubre.

J’ajoute que nous avons sanctuarisé la LBU et que l’enveloppe de l’ANRU – cette agence intervient beaucoup sur ces sujets –, qui sera annoncée prochainement par mon collègue Patrick Kanner, sera extrêmement généreuse pour les outre-mer. Nous pourrons ainsi remédier à ce problème.

L’aménagement foncier sera également favorisé dans les contrats de plan État-région, via les FRAPU, les fonds régionaux d’aménagement foncier et urbain. Nous pourrons ainsi, je pense, répondre à vos inquiétudes.

Vous vous inquiétez également concernant le dispositif d’aide à la continuité territoriale. Comme je l’ai dit à l’Assemblée nationale, un budget consiste à faire des choix. Par conséquent, puisque nous avions défini comme priorité l’accès à l’emploi et au logement, nous avons dû faire ou demander des efforts sur d’autres dispositifs.

Ainsi, s’agissant de l’aide à la mobilité, nous préférons maintenir, voire améliorer, l’aide pour les jeunes ayant besoin de venir en métropole pour un emploi ou pour une formation plutôt que d’améliorer ou de maintenir une aide permettant aux familles de venir connaître la métropole et de la visiter. Je respecte ce besoin de procéder à des échanges, mais je ne comprends pas pourquoi l’aide à la continuité territoriale fonctionne dans un seul sens. Peut-être les Réunionnais qui vivent en métropole, où ils occupent des emplois souvent extrêmement modestes, aimeraient-ils eux aussi rentrer voir leur famille au pays ?

La suggestion de M. Magras de constituer un groupe de travail sur cette question me semble être une bonne idée. Toutes les études qui ont été faites sur le dispositif existant, notamment celle de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, la CNEPEOM, montrent que, malgré l’intérêt de l’aide tous publics, il n’est pas possible d’avoir des crédits ouverts que l’on ne peut programmer, n’importe qui pouvant réclamer le remboursement de son voyage, parfois même après qu’il ait eu lieu. Il faut que l’on reprenne ce dossier et qu’on y travaille. Je suis positive : cherchons des solutions et essayons de prendre en compte les contradictions entre les uns et les autres. En tout cas, à ma connaissance, il n’y a pas de budget qui puisse laisser une ligne ouverte à volonté pour ceux qui souhaitent l’utiliser !

Sans doute la mesure que nous avons prise constitue-t-elle un effort, mais elle rend au dispositif sa logique de départ, qui est d’aider les personnes modestes à voyager. Je ne vois pas pourquoi l’État devrait en priorité aider les gens ayant les moyens de payer des billets, et gagnant par exemple 9 000 euros par mois, à voyager chaque année.

De toutes les manières, l’expérience a prouvé que les personnes modestes n’avaient pas les moyens de voyager tous les ans et qu’elles voyageaient tout au plus tous les trois ans. Nous allons donc aligner le dispositif sur la réalité.

M. Vergès nous a livré, comme d’habitude, nombre de réflexions très pertinentes et intéressantes sur l’outre-mer et sur les perspectives historiques dans lesquelles il faut se situer.

Vous le savez, monsieur le sénateur, nous ne partageons pas certaines de vos positions, dont plusieurs sont assez audacieuses. Vous faites ainsi depuis longtemps une proposition sur les sur-rémunérations, qui a le mérite d’être constante. Actuellement, même si la Cour des comptes se penche aussi sur ce sujet, il ne me semble pas que le dispositif que vous proposez soit particulièrement d’actualité. Sans doute aurez-vous l’occasion d’y revenir, mais la question des sur-rémunérations ne fait pas partie cette année des priorités que nous devons examiner.

En revanche, la nécessaire ouverture des régions d’outre-mer sur leur environnement doit être prise en considération. J’ai participé dans la Caraïbe à une réunion extrêmement intéressante sur la coopération régionale. Une réunion de cette nature aura bientôt lieu concernant l’Océan indien. Il faut effectivement réussir à améliorer la prise en compte des outre-mer dans la diplomatie française. Il faut que les ambassadeurs et les élus apprennent à échanger. Les ambassadeurs doivent s’appuyer sur l’atout que représentent les outre-mer français dans une zone.

La même argumentation vaut pour le Pacifique. L’Australie, où s’est récemment rendu le Président Hollande, est très intéressée par la France, car sa plus proche voisine est la Nouvelle-Calédonie.

Nous avons tout intérêt à avancer sur cette question.

Votre combat pour l’égalité réelle et le rattrapage est le fondement même de ce que nous essayons de faire dans les outre-mer.

S’agissant de la filière canne, nous avons travaillé sur la fin des quotas sucriers. Le Président de la République l’a redit à La Réunion, il est tout à fait prêt à aider les entreprises qui font du sucre à passer le cap de cette échéance. Nous sommes actuellement en discussion avec Bruxelles pour progresser sur cette question.

M. Arnell nous a livré lui aussi un certain nombre de réflexions extrêmement intéressantes. C’est vrai que j’ai apprécié le dynamisme des habitants de Saint-Martin, qui se sont remis au travail immédiatement après le passage de la tempête. C’est un exemple de résilience important.

Vous nous avez fait part de votre préoccupation concernant le reversement des recettes fiscales acquises à la collectivité. Nous ne comprenons pas pourquoi cela ne se fait pas alors que la loi organique et la convention fiscale de lutte contre la double imposition prévoient que le produit de la fiscalité de source locale revient à la collectivité. Nous allons donc retravailler ensemble sur cette question, sur laquelle il faut que nous avancions.

Vous avez évoqué l’aide à la rénovation hôtelière. Je suis consciente de l’importance du tourisme pour Saint-Martin, monsieur le sénateur, mais cette aide n’était pas utilisée. L’amendement récemment voté à l’Assemblée nationale visant à ramener la défiscalisation à Saint-Martin au niveau de celle des autres départements sera de nature à faciliter la rénovation hôtelière, de façon plus simple qu’aujourd’hui dans le cadre de cette aide particulière.

Je vous félicite de nouveau, monsieur Magras, pour votre désignation en tant que président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer. Je sais que vous reprendrez avec beaucoup de talent le travail constructif et exigeant qui a été effectué sous la houlette de Serge Larcher. Je suis évidemment tout à fait disponible pour travailler avec la délégation dans un esprit constructif.

Je ne reviens pas sur l’aide à la rénovation hôtelière, dont je viens de parler.

Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, la DGC négative qui frappe votre territoire. Nous sommes à vos côtés afin de trouver une solution pragmatique. Vous avez pu faire voter un amendement visant à réduire le montant de cette DGC négative. Nous nous assurerons dans la suite des débats que les choses vont dans le bon sens.

M. Vergoz est intervenu de façon extrêmement positive. J’essaierai de me souvenir du proverbe réunionnais qu’il a cité, que j’ai trouvé tout à fait pertinent et explicite.

Je salue votre intérêt pour l’économie sociale et solidaire, monsieur le sénateur. Elle est effectivement une priorité de mon action. Lorsque je viendrai à La Réunion, nous étudierons ensemble les moyens de mieux mettre en valeur le plan de développement de l’emploi en économie sociale et solidaire.

M. Frogier nous a rappelé ce que nous avons tous à l’esprit, à savoir les événements dramatiques que la Nouvelle-Calédonie a vécu il y a trente ans. Notre tâche aujourd'hui est de faire en sorte de ne pas créer les conditions d’un nouvel affrontement, qui serait tout aussi dramatique. Par conséquent, nous devons respecter l’accord de Nouméa et trouver une sortie correcte de cet accord.

Pour respecter l’accord de Nouméa, il faut respecter les termes de cet accord qui prévoient un référendum. Comment le Gouvernement pourrait-il se soustraire à un accord qui est quasiment constitutionnalisé ? Nous avons l’obligation de faire en sorte qu’un référendum puisse avoir lieu dans de bonnes conditions. Comme vous le savez, nous avons mis en place tous les moyens pour que le dialogue ait lieu entre les Calédoniens et entre les Calédoniens et les institutions de l’État, de manière que nous puissions trouver des solutions à chacun des sujets qu’il faut aplanir si l’on veut que le lendemain de ce référendum les choses se passent bien en Nouvelle-Calédonie.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre

Aussi, nous devons continuer de travailler main dans la main. Tel était le sens symbolique de la visite du Président de la République en Nouvelle-Calédonie. C’était un symbole extrêmement émouvant.

Madame Claireaux, je vous félicite pour votre élection à la présidence du bureau du Conseil national de la mer et des littoraux. J’y vois un symbole fort de l’importance des outre-mer dans la richesse maritime de la France. Je pense que, grâce à vous, nous allons pouvoir améliorer cette croissance bleue que nous appelons tous de nos vœux.

Vous avez évoqué ce qu’il nous reste à faire pour soutenir le développement économique de l’archipel et donner tout son sens à la citoyenneté des habitants. Nous allons travailler d’assez près sur ces questions au cours de la période qui vient. Comme vous le savez, madame la sénatrice, le Président de la République a décidé de saluer le fait que Saint-Pierre-et-Miquelon ait été l’un des premiers territoires à rejoindre la France libre. Nous serons donc à Saint-Pierre-et-Miquelon le 24 décembre prochain. Je suis sûre que, en préparant cette visite présidentielle, nous pourrons lever un certain nombre de difficultés administratives qui s’opposaient à la réalisation de choses que nous voulions faire.

Monsieur Abdourahamane Soilihi, vous avez souligné un certain nombre de difficultés que rencontre Mayotte. Il est vrai que ce territoire est l’un de ceux que nous regardons avec le plus d’attention, compte tenu de ses équilibres fragiles et des déséquilibres qui s’y créent forcément, parce qu’il avance très vite sur la voie de la modernité. Il faut tout de même admettre que si Mayotte est un territoire où il y a beaucoup de problèmes, c’est aussi un territoire qui évolue très vite.

La majorité fait des efforts considérables pour aider Mayotte à rattraper son retard : revalorisation du RSA, alignement des allocations logement, mise en œuvre de la sur-rémunération, etc.

Surtout, au cours de la prochaine période, les fonds européens vont multiplier par quinze les capacités d’investissements à Mayotte.

Les constructions scolaires sont un problème que je connais bien pour m’en être occupée dans une vie antérieure. Vous le savez, si les constructions scolaires ne vont pas assez vite, c’est parce que le SMIAM, le syndicat mixte d’investissement pour l’aménagement de Mayotte, qui en était chargé avait les plus grandes difficultés à les réaliser, même avec les crédits. Par conséquent, nous y travaillerons, parce que nous sommes persuadés que c’est un enjeu extrêmement important pour Mayotte.

Mais je vous rappelle aussi que, s’il y a quelqu’un qui a pris à bras-le-corps le problème de la restauration scolaire pour les enfants de Mayotte, c’est bien moi, et j’ai pu effectivement améliorer la situation de manière significative.

Pour répondre à tous ces défis auxquels Mayotte est confrontée, nous avons lancé la démarche de dialogue « Mayotte 2025 », de sorte que tous les élus se pencheront sur le sujet et, bien évidemment, votre contribution sera essentielle.

Monsieur Karam, je vous remercie de tout ce que vous avez dit pour soutenir ce budget. Je ne reviens pas, puisque le temps m’est compté, sur les mesures d’allégement supplémentaires, mais je crois en effet qu’il faut que nous accompagnions la compétitivité des entreprises guyanaises et, surtout, que nous renforcions la place de la France en Amazonie et en Amérique du Sud ; à cet égard, le rôle de la Guyane est essentiel.

Monsieur Fontaine, là encore je ne reviens pas sur les dotations, puisque, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, si les outre-mer participent à l’effort général de la nation, la baisse de DGF qu’ils supportent est largement inférieure à l’effort que doivent consentir les communes de métropole. Aussi, il ne faut pas trop en parler.

Vous avez également évoqué la question des déchets. C’est effectivement un véritable problème pour les outre-mer, et il faut que le plan national présenté au début du mois de novembre par Mme Ségolène Royal comporte un volet spécifique pour les territoires d’outre-mer. Nous avons rendez-vous lundi ensemble, monsieur le sénateur, pour approfondir cette question. Je verrai aussi bientôt M. Jacques Gillot, qui a exprimé les mêmes inquiétudes que vous.

Je ne reviens pas sur le chômage des jeunes, si ce n’est pour dire que je suis vraiment prête à travailler de près avec les collectivités et les élus sur cette question de décrochage qui peut être une solution à un certain nombre de problèmes.

Monsieur Antiste, je tiens d’abord à vous remercier de la visite que nous avons réalisée chez vous, qui était extrêmement agréable, et au cours de laquelle nous avons pu voir concrètement les réalisations intervenues grâce au FEI.

Vos craintes à l’égard du FEI ne sont pas totalement fondées. En effet, les crédits de paiement sont maintenus, par conséquent les opérations déjà engagées seront bien financées. Par ailleurs, vous savez que nous avons fait évoluer dans un sens positif un certain nombre d’autres leviers : je pense notamment aux contrats de plan État-région et au plan très haut débit en outre-mer. Au titre des fonds européens, nous disposerons de crédits importants pour répondre aux besoins des outre-mer.

Monsieur Desplan, merci de vos appréciations sur le maintien des crédits consacrés aux outre-mer, notamment ceux qui sont alloués au SMA.

Vous avez exprimé vos préoccupations sur la situation carcérale dans les outre-mer. Vous avez participé au groupe de travail sur cette question. En termes de programmation, vous savez que des opérations ont été lancées aujourd’hui. Par exemple, la rénovation de la maison d’arrêt de Basse-Terre est prévue. Des besoins existent, mais le plan mis en œuvre par Mme Taubira devrait permettre de répondre à vos interrogations.

S’agissant du logement, je tiens à dire que c’est un sujet que nous suivons avec énormément d’attention et nous nous battons pied à pied avec la Commission européenne. Nous devrions normalement recevoir courant décembre une réponse positive de la Commission à notre demande d’intégrer le secteur du logement social dans les services d’intérêt économique général, et nous nous battons pour que le régime applicable aux dossiers en cours en 2014 soit cohérent avec ce qui entrera en vigueur l’an prochain. Nous suivons donc ces questions comme le lait sur le feu.

Monsieur Jacques Gillot, vous avez évoqué un certain nombre de sujets.

Sur la distribution des tabacs, il faut que l’on organise une concertation pour que cela se fasse correctement.

S’agissant de la gestion de l’eau, malheureusement, nous savons bien qu’il reste un énorme travail à faire pour que la gouvernance de l’eau puisse être viable en Guadeloupe. Là encore, je salue les efforts accomplis par les élus pour essayer de trouver une solution de compromis, mais, je le reconnais, le dossier est d’une complexité extraordinaire.

Nous avons lancé une mission d’expertise sur l’eau et l’assainissement, qui s’est rendue dans les cinq DOM. Nous pourrons donc travailler sur la base de ses conclusions.

Concernant le CHU de Guadeloupe, je vous confirme que le dossier est maintenu et que la nécessité de cette reconstruction n’est absolument pas remise en cause. Toutefois, le dossier a été mis au COPERMO du mois de février, parce qu’il y avait un certain nombre d’ajustements, notamment budgétaires, à faire, et les demandes concernant le plan de remise sur pied de l’hôpital, où le ministère voulait avoir des garanties. Mon conseiller social était cet après-midi même en liaison avec le ministère des affaires sociales afin de trouver une solution rapidement pour apaiser les inquiétudes des élus guadeloupéens.

Monsieur Cornano, vous avez souligné les problèmes tenant à la double insularité et il est vrai que cette question devra être prise en compte par le groupe de travail sur la continuité territoriale.

S’agissant de la modernisation de la sucrerie à Marie-Galante et de l’accès à l’emploi, vous savez que nous suivons le dossier de très près, et nous sommes en discussion permanente avec la commission pour l’énergie de manière à pouvoir faire fonctionner une usine moderne à Marie-Galante.

Je m’arrête là, mais je me tiens à votre disposition pour répondre à toutes vos questions et préoccupations, et vous remercie de nouveau de la qualité de ce débat. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Outre-mer

Emploi outre-mer

Dont titre 2

141 836 941

141 836 941

Conditions de vie outre-mer

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

L'amendement n° II–108 rectifié, présenté par M. D. Robert, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Emploi outre-merDont Titre 2

Conditions de vie outre-mer

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Didier Robert, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Robert

Il s’agit, par cet amendement, de rétablir les crédits de l’action relative à la continuité territoriale à la hauteur de ceux qui avaient été ouverts en lois de finances initiales pour 2013 et 2014, soit 51 millions d’euros.

Je considère que la baisse de crédits de 10 millions d’euros qui nous est proposée par le Gouvernement n’est pas acceptable, et ce pour deux raisons : d’abord, parce qu’elle revient à remettre directement en cause l’avenir du dispositif, qui est déjà sous-financé par l’État et ne permet pas aujourd’hui de répondre aux besoins ; ensuite, parce qu’elle constitue la traduction financière d’une réforme qui est encore très floue à l’heure où nous nous prononçons sur ces crédits et sur laquelle le minimum aurait été d’assurer la concertation avec les partenaires concernés. Je rappelle que les collectivités ultramarines financent l’aide à la continuité territoriale à hauteur de 45 %.

L’amendement que je vous propose est un amendement minimal et ne peut constituer qu’une solution temporaire dans le seul but de sauvegarder le dispositif pour l’année, avant que soit engagée une véritable réflexion sur son avenir – et nous nous y emploierons au Sénat. Je retiens, madame la ministre, que vous avez souhaité que le Sénat puisse apporter sa contribution à cette réflexion, et je m’en réjouis.

Les transferts de crédits seraient opérés depuis l’action consacrée au SMA, et je comprends bien que cela puisse faire débat. Je n’ai malheureusement pas d’autre choix du fait de la construction de la maquette budgétaire et des règles de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances.

Je ne souhaite évidemment pas remettre en cause la bonne marche du dispositif pour l’année à venir, et c’est pourquoi je vous propose de prélever ces crédits sur les dépenses d’investissement, et non sur celles de fonctionnement. Je souligne d’ailleurs que l’objectif SMA 6000 a encore été repoussé d’une année et que le Gouvernement lui-même n’a pas hésité à ajuster son budget sur les crédits d’investissement du SMA en séance publique à l’Assemblée nationale le 14 novembre dernier en faisant adopter son amendement n° II–8.

Par ailleurs, la part réelle et directe de la participation de l’État au financement du SMA a considérablement été revue à la baisse depuis 2014, puisque vous avez fait le choix, madame la ministre, de mobiliser au maximum les crédits européens au titre du FSE, le Fonds social européen, pour compenser le désengagement de l’État, réduisant là encore, par effet mécanique, les marges de manœuvre des collectivités locales.

La solution que je propose n’est certes pas optimale, mais je pense que nous n’avons pas d’autre choix si nous voulons préserver pour l’année à venir le dispositif de continuité territoriale, qui est essentiel pour garantir la cohésion nationale entre les territoires de la République sans remettre en cause les fondamentaux du SMA.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

La commission des finances n’a pas pu statuer sur cet amendement. Toutefois, à titre personnel, j’émets bien sûr un avis défavorable, d’autant plus que cet amendement est gagé sur les crédits du SMA, comme M. Robert l’a dit lui-même.

Or il est clair que toucher à 10 millions d’euros de crédits d’investissement du SMA nuirait à l’efficacité de celui-ci et, surtout, à son action en faveur des nombreux jeunes ultramarins qui ont la chance de pouvoir bénéficier de cet outil, qui, comme je l’ai souligné lors de mon intervention, était jusqu’à présent loué sur toutes les travées du Sénat, de droite comme de gauche.

C’est pourquoi j’ai quelque peine à comprendre la position de M. Robert. Mais peut-être s’agit-il d’un amendement d’appel, quand on sait que les jeunes Réunionnais sont sans doute les plus nombreux à bénéficier de ce dispositif.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre

Bien évidemment, cet amendement ne me semble pas du tout correspondre aux besoins des outre-mer.

Encore une fois, le problème majeur des jeunes dans les outre-mer, et les outre-mer en général, c’est le chômage, l’accès à l’emploi. C’est la raison pour laquelle nous avons obtenu de maintenir les budgets de la mission « Outre-mer » en axant notamment l’effort sur cette priorité qu’est la lutte pour l’emploi, mais aussi pour le logement décent.

Aussi, je ne comprends vraiment pas qu’un élu d’un département comme La Réunion, où le taux de chômage des jeunes atteint quasiment 60 %, puisse proposer de diminuer les crédits du SMA. Très franchement, cela m’échappe…

Je comprends qu’il est sans doute agréable ou souhaitable que les familles puissent aller en métropole plus souvent, mais il est incompréhensible de privilégier une telle option par rapport à la possibilité pour les jeunes de se former.

Par conséquent, et compte tenu de la proposition de M. Magras de constituer un groupe de travail sur la question, je ne peux que vous inviter à retirer cet amendement, monsieur Robert, parce que je considère véritablement qu’il nuit à l’image des outre-mer et qu’il va à l’encontre des préoccupations des populations d’outre-mer.

Je suis sûr, en effet, que leur préoccupation principale n’est pas de se rendre en métropole tous les ans. D’ailleurs, dans la réalité, on constate que les familles les plus modestes ne peuvent pas partir

Mme Maryvonne Blondin opine.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre

Pour toutes ces raisons, je crois que ce dispositif n’est pas satisfaisant. Il faut qu’on y retravaille. C’était déjà la demande que formulait la CNEPEOM quand elle l’a analysé.

Pour notre image collective, il serait à mon sens préférable de retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II–108 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Robert

Pour ma part, je ne peux en aucun cas envisager de retirer cet amendement. Il n’y a aucune opposition à faire aujourd’hui entre le dispositif de continuité territoriale et tout ce qui peut être consacré à la formation professionnelle.

Vous savez très bien, madame la ministre, que, dans les différents territoires, les régions interviennent déjà, lourdement.

MM. Jacques Gillot et Michel Magras demandent la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gillot

Monsieur le président, je peux m’exprimer dans le cadre d’un rappel au règlement, si vous le voulez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici le résultat du scrutin n° 47 :

Le Sénat a adopté.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre

Je considère que l’adoption de cet amendement, contrairement au souhait de la grande majorité des parlementaires des outre-mer, à l’avis de la commission et à la suggestion du président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, dénature le budget que nous vous avions présenté. Par conséquent, je demande le rejet des crédits de la mission « Outre-mer ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Outre-mer », modifiés.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Voici le résultat du scrutin n° 48 :

Le Sénat a adopté.

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous propose d’achever l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » avant le dîner, c’est-à-dire à vingt heures trente au plus tard.

J’appelle en discussion les articles 57 et 57 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Outre-mer ».

Outre-mer

I. – L’article 26 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer est abrogé.

II. – Cet article demeure applicable aux demandes d’aide déposées au plus tard le 31 décembre 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Si je ne prenais pas la parole, nous serions plusieurs à partir un peu frustrés de cet hémicycle.

Monsieur le rapporteur pour avis Didier Robert, vous avez dit que vous n’aviez pas d’autre choix. Vous aviez un autre choix, un choix primordial : vous auriez pu accompagner la grande majorité de nos collègues ici présents, toutes sensibilités politiques confondues, dans leur refus de l’amendement anti-SMA. Vous ne l’avez pas fait, et je le regrette – j’allais dire « nous le regrettons », secrètement pour certains d’entre nous.

Une large majorité des sénateurs physiquement présents ont dit combien ce vote représentait un symbole négatif pour nos outre-mer. Pensez donc, mes amis, préférer les voyages au savoir, à la formation, à l’emploi ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

C’était cela l’enjeu. Il n’y a qu’à relire votre amendement : il est simple et explicite ; tout le monde peut le comprendre.

Frustrés, nous le sommes. Quelle est la conséquence de l’adoption de l’amendement anti-SMA ? Mme la ministre a été claire, et nous abondons dans son sens : la mission « Outre-mer », que tout le monde approuvait – en tout cas, la commission des affaires économiques avait émis à l’unanimité un avis favorable à l’adoption de ses crédits, ainsi que me le confirme Serge Larcher –, est dénaturée.

C’est un symbole fort : voyage pour tous contre emploi. Nous sommes défavorables à cette modification des crédits de la mission « Outre-mer ». Je partage la frustration de ceux qui restent silencieux sur les travées qui sont en face de moi. §

Oui, nous avons l’assurance que l’Assemblée nationale rétablira la mission « Outre-mer » dans son intégrité, comme le souhaite la majorité des sénateurs ici présents. Les crédits du SMA seront réinstallés à leur juste et bonne place.

Je voudrais tout de même vous dire que l’histoire nous réserve des surprises terribles. En 2011, j’ai fait mes premiers pas dans cette institution. Comme vous, monsieur le rapporteur pour avis, j’ai rédigé un rapport pour avis sur la mission « Outre-mer ». Le SMA était l’un des dossiers dont j’avais la charge. Ce dispositif avait été porté pendant des années par des gouvernements que je ne soutenais pas. Pourtant, nous, les socialistes, et plus largement les progressistes, nous avons soutenu sans état d’âme ce fantastique outil qui existe depuis des décennies.

J’ai travaillé avec le SMA dans les années 1990 en tant que maire d’une petite ville. Cela me fait mal de voir qu’on a déposé un amendement anti-SMA pour affecter dix malheureux millions d'euros à des voyages. Je ne veux pas croire un seul instant que vous puissiez, depuis l’Hexagone, envisager que cette idée soit saine pour un pays qui compte 30 % de chômeurs et même 60 % parmi ses jeunes.

L’histoire réserve des surprises. Le SMA était inscrit depuis fort longtemps dans le budget. Ce soir, pour la première fois, un amendement l’agresse. Qui aurait cru qu’un tel amendement serait présenté par un membre de l’UMP ? Personne ne l’aurait pensé ; il l’a fait. L’histoire nous réserve de bien drôles de surprises.

Ce soir, le SMA est agressé. Cependant, madame la ministre – je vous remercie de votre vigilance –, il sera rétabli dans son intégrité par l’Assemblée nationale.

Je veux remercier toutes celles et tous ceux, toutes tendances confondues – membres des groupes UMP, UDI-UC, écologiste, RDSE ou CRC –, qui ont trouvé sur ce sujet un plus grand dénominateur commun. Voilà le chantier auquel nous devons travailler si nous voulons donner encore un peu d’espérance à cet outre-mer qui a tant besoin de croire en nous. Nous devons nous entendre sur l’essentiel. Or, ce soir, monsieur le rapporteur pour avis, nous avions l’essentiel à traiter. §

L'article 57 est adopté.

Le second alinéa de l’article L. 6500 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase, les mots : « 90 552 000 € pour l’année 2011 » sont remplacés par les mots : « 84 547 668 € pour l’année 2015 » ;

2° La deuxième phrase est supprimée.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Dubois

J’aurais aimé également m’exprimer sur l’amendement de mon collègue Didier Robert tout à l’heure. Aussi, permettez-moi d’y revenir un instant. La question de la continuité est véritablement essentielle pour toutes nos collectivités territoriales. À ce titre, je comprends tout à fait le but visé à travers cet amendement, même si, il le sait, ma collègue Teura Iriti et moi-même ne l’avons pas soutenu.

Nous avons voté contre, simplement parce que déshabiller Pierre pour habiller Paul n’est pas une solution. Cela dit, le dépôt puis le vote de cet amendement révèlent un véritable problème, à savoir l’insuffisance des crédits accordés au titre de la continuité territoriale. C’est le message que nous voudrions faire passer ce soir.

Au-delà des termes de continuité territoriale, je pense que cette notion doit évoluer. Aujourd’hui, il me semble plus approprié de parler d’un droit à la mobilité pour les ultramarins, notamment, comme l’a souligné mon collègue, en raison de la double insularité, à laquelle beaucoup d’ultramarins sont confrontés. C’est le cas dans tous les territoires d’outre-mer et, vous le savez, madame la ministre, c’est le cas, bien évidemment, de la Polynésie française. Dois-je rappeler que cette collectivité est composée de plus d’une centaine d’îles, dont plus de soixante-dix sont habitées, réparties sur une superficie équivalant à celle de l’Europe ?

Aujourd’hui, lorsque l’on parle de mobilité, terme que je préfère à celui de continuité, on parle d’un droit à la mobilité afin de pouvoir accéder à l’éducation, à la santé, à l’emploi.

Vous avez, à juste titre, indiqué qu’il ne fallait surtout pas baisser les crédits du SMA, qui est véritablement un dispositif d’aide à l’emploi, mais, en l’absence de crédits suffisants affectés à la mobilité, on ne se donne pas les moyens d’une lutte cohérente et efficace contre le chômage.

À titre d’exemple, prenez les Polynésiens qui habitent aux Marquises, qui se trouvent à plus de 3 000 kilomètres de Papeete. Sur toutes ces îles, il n’y a pas de lycée, d’équipements de santé adaptés ni d’offres d’emploi suffisantes. Ces habitants des Marquises, ou des Australes, doivent donc se rendre à Tahiti pour trouver un emploi. Malheureusement, ils n’ont pas les moyens de payer ce transport. C’est vers la résolution de ce type de problème que nous devons tendre en mettant en œuvre ce principe de mobilité territoriale.

Avec la crise actuelle et la misère qu’elle engendre parmi la population, notamment en Polynésie française, le souci n’est pas tant, pour des habitants des îles éloignées de Tahiti, de pouvoir se rendre dans l’Hexagone que de pouvoir aller à Papeete pour y suivre une scolarité jusqu’au bac, bénéficier de soins efficaces et trouver de l’emploi.

Je reviens à l’article 57 bis. Je suis surpris que mes collègues socialistes aient été choqués par la baisse de 10 millions d’euros au titre du SMA, alors qu’ils ne se sont, à aucun moment, émus de la baisse de 6 millions d’euros de la dotation globale d’autonomie, la DGA, accordée à la Polynésie française.

Vous n’avez cessé, toute la soirée, de soutenir que le budget de l’outre-mer était équilibré, mais c’est faux ! Aujourd’hui, la Polynésie française subit une baisse de 6 millions d’euros de ses crédits. Est-ce que vous vous en êtes offusqués ? Je n’en ai pas eu l’impression.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Dubois

Vous le savez, madame la ministre, aujourd’hui, le véritable souci des Polynésiens, c’est la misère qui touche la population, dont plus du quart vit au-dessous du seuil de pauvreté.

J’aimerais simplement rappeler, car mes collègues ne le savent peut-être pas, que, en Polynésie française, nous n’avons ni allocations chômage, ni RSA, ni allocation temporaire d’attente, l’ATA. Or je viens de constater, à l’occasion de la discussion des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », qu’une somme de 110 millions d’euros était affectée à l’ATA. Pour ce qui nous concerne, nous demandons simplement l’affectation de 20 millions d’euros pour combler le déficit du régime de solidarité de Polynésie française, le RSPF. Qu’est-ce que c’est, le RSPF ? C’est 83 euros par mois pour une personne sans revenu, avec un enfant à charge, tandis que l’ATA c’est quelque 340 euros par mois… pour des étrangers dans l’attente d’un travail.

Comprenez que je m’interroge légitimement sur l’étendue de la solidarité nationale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Dubois

… lorsqu’un Polynésien sans emploi ni revenu touche 83 euros par mois, alors qu’une personne qui n’est pas encore Française et qui n’a pas d’emploi touche 340 euros par mois…

C’est un sujet extrêmement sensible. En tout cas, avant de laisser éventuellement la parole à ma collègue Teura Iriti, je tiens à dire que nous sommes – malheureusement ! – pour cet article 57 bis, car, malgré la baisse que je viens d’évoquer, il nous accorde quand même une somme que nous ne pouvons refuser. Il s’agit donc d’un vote par dépit, mais nous demandons à nos collègues de nous soutenir en votant en faveur de cet article. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Vous l’aurez compris, j’interviens sur cet article pour exprimer ce que je n’ai pas pu dire tout à l’heure. Je suis dans une situation particulièrement embarrassante, pour plusieurs raisons.

La première tient non pas au seul chapitre du rapport que j’ai eu l’honneur de présider, mais à la CNEPEOM tout entière, qui a proposé, s’agissant de la continuité territoriale, que l’ACT soit encadrée, car il devenait évident qu’on ne pouvait pas ouvrir un droit sans en fixer les règles d’encadrement. Nous avions proposé, à cette occasion, de trouver une recette à affecter pour que, à l’avenir, les utilisateurs sachent où se situent les limites.

La deuxième raison vient du fait que je préside, depuis peu, la délégation sénatoriale à l’outre-mer. Je ne peux pas prendre d’engagement au nom de mes collègues, mais, pour ma part, j’ai dit que j’étais très ouvert. Nous avons, le 9 décembre prochain, une réunion, au cours de laquelle nous établirons le programme. Il est clair que la question sera mise à l’ordre du jour et nous aurons peut-être à nous prononcer sur cette problématique afin de savoir quelle étude nous devons mener pour arriver à des résultats plus stables.

Enfin, troisième et dernière raison, nous vivons aujourd’hui une situation atypique. En effet, d’une manière générale, le budget de l’outre-mer a toujours fait au Sénat l’objet d’un consensus. Quel que soit le gouvernement, nous nous sommes toujours mis d’accord sur la mission « Outre-mer », dans la mesure où nous avons toujours été reconnaissants aux ministres qui se sont succédé de batailler dur pour défendre les intérêts de l’outre-mer face à un Gouvernement ou une France tout entière qui a besoin de réduire ses budgets et de faire des économies, d’aller dans le sens qui n’est celui dans lequel nous parvenons à aller puisque le budget de l’outre-mer est régulièrement en augmentation.

Je suis donc gêné par le fait que cette proposition aboutisse à un désaccord au sein des parlementaires ultramarins du Sénat, car nous n’y sommes pas habitués.

Pour ma part, si j’avais souhaité intervenir en explication de vote, c’était simplement pour proposer à mon collègue Didier Robert que son amendement puisse être considéré comme un amendement d’appel. Tel aurait pu être le cas si le Gouvernement nous avait demandé d’adopter les crédits en l’état en prenant l’engagement d’inclure dans le premier projet de loi de finances rectificative pour de 2015 un complément de financement correspondant à l’amendement.

Mais – vous avez entendu les propos que j’ai tenus à la tribune – je ne peux me résoudre à prendre sur le SMA, dont on sait tous qu’il est fondamental pour l’outre-mer, pour abonder la continuité territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Pour ces raisons, je faisais partie des frustrés quant à la manière dont s’est déroulée la fin de la discussion de l’amendement. Monsieur le président, vous aviez annoncé la règle ; à cet égard, je regrette de ne pas avoir été suffisamment attentif ou de ne pas avoir eu suffisamment de temps à la tribune pour exprimer ce point de vue. L’occasion venant de m’en être donnée, je me suis permis de le faire, vous voudrez bien m’en excuser.

L'article 57 bis est adopté.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre

Effectivement, nous avons assisté à une solution assez paradoxale. Je devrais me réjouir, puisque les crédits de la mission « Outre-mer » sont adoptés. Je dois dire que ce vote correspondrait à la tonalité des débats que nous avons eus. Les travaux menés en synergie avec les parlementaires de tous les groupes ont bien montré que nous étions en train de construire ensemble un budget qui nous semblait tout à fait positif pour les outre-mer.

Cependant, l’épisode de l’amendement est regrettable à mes yeux, car, manifestement, il s’agit d’une victoire à la Pyrrhus. Vous avez fait voter cet amendement avec une majorité qui existe mais qui est contraire à l’avis de la grande majorité des sénateurs qui ont participé au débat et qui sont ici présents. En l’occurrence, la procédure n’est donc pas vraiment satisfaisante pour la clarté de nos débats.

Bien évidemment, ce dossier va revenir devant l’Assemblée nationale, qui rétablira la situation. Toutefois, il aurait été préférable que le vote corresponde un peu mieux à la tonalité des expressions que nous avons entendues aujourd’hui, et dont je me félicite.

S’agissant de la Polynésie, je tiens à redire à M. Vincent Dubois ce que j’ai expliqué au début à Mme Teura Iriti. Si on avait appliqué la règle mathématique telle qu’elle résultait de la loi, la DGA étant assise sur la DGF, on aurait assisté à une diminution drastique, de l’ordre de 9 millions d’euros. On s’est battu pour que ça soit nettement moindre, puisque la diminution n’est que de 3 millions d’euros. Je considère donc que nous avons vraiment sauvegardé la situation de la Polynésie française.

Par ailleurs, comme vous le savez, nous discutons pour remettre sur pied le régime de solidarité, parce que, nous en sommes conscients, comme vous, la Polynésie, au-delà des cartes postales, est une terre où il y a beaucoup de pauvreté. Aussi, nous travaillons main dans la main pour essayer d’avancer. Je comprends que vous ayez une expression un peu vive, mais elle ne me semble pas correspondre à la réalité des efforts que fait ce gouvernement. En l’occurrence, celui-ci agit de manière assez paradoxale puisque nous essayons de remédier au fait que, la Polynésie étant désormais autonome, un certain nombre de mesures, y compris sociales, que nous mettons en œuvre ne s’y appliquent pas. C’est une réalité juridique. Nous essayons d’en pallier les conséquences, mais nous sommes face à une difficulté majeure que nous ne pouvons pas totalement surmonter.

En tout cas, sachez que, malgré ces propos qui me semblent vifs, nous continuerons à travailler ensemble pour essayer d’améliorer la situation des Polynésiens, notamment des plus modestes d’entre eux. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente.