Intervention de Guillaume Arnell

Réunion du 28 novembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Immigration asile et intégration

Photo de Guillaume ArnellGuillaume Arnell :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, immigration, asile, intégration : trois mots pour un seul sujet, aujourd’hui essentiel à plusieurs titres, notamment à la préservation de notre pacte républicain.

Dans un monde où la mondialisation induit à la fois des inégalités de développement importantes et des flux migratoires facilités, la question de l’immigration soulève aussi la problématique de la traite des êtres humains et des réseaux organisés.

Les images récurrentes de l’afflux de migrants à Calais, de la situation sur l’île de Lampedusa, sont un reflet parmi d’autres du drame humain qui se joue derrière ces mots. Je rappelle que 2 900 migrants sont décédés en essayant de franchir la Méditerranée depuis le début de l’année, soit quatre fois plus qu’en 2013, année qui avait déjà vu 700 personnes perdre la vie.

Ces problématiques me sont particulièrement familières. En effet, l’île de Saint-Martin a vu sa population pratiquement tripler au cours des deux dernières décennies. Le phénomène migratoire y est important, car l’île est attractive, notamment en raison du faible contrôle de la frontière entre les parties française et néerlandaise et des différentes législations régissant ces deux territoires.

Du côté français, l’accroissement incontrôlé de la population entraîne de nombreux problèmes en termes socio-économiques, éducatifs et de santé et pèse sur les finances de la collectivité. Par exemple, les enfants doivent être scolarisés, les familles doivent être logées et les immigrants doivent bénéficier d’un système de soin.

Les chiffres sont rares en raison du caractère illégal et informel des activités économiques, j’en citerai quelques-uns qui me semblent tout à fait révélateurs des difficultés soulevées.

En 1984, l’île comptait 8 000 habitants ; en 2014, elle en compte plus de 36 000.

Le conseil général servait 300 000 euros de RMI en 1998 ; le RSA représente aujourd'hui plus de 15 millions d’euros par an.

Enfin, nous accusons une dette de 30 millions d’euros envers la caisse d’allocations familiales.

Il serait essentiel qu’une véritable politique de coopération transfrontalière soit mise en place, mais, pour cela, il nous faut des moyens.

Bien sûr, je n’ignore pas que ce phénomène se retrouve dans d’autres territoires ultramarins de la République, particulièrement la Guyane et Mayotte

Mais je referme cette parenthèse, pour revenir au plan national.

La France, tout comme les autres pays de l’Union européenne, a été une terre d’accueil pour nombre de personnes sollicitant le droit d’asile à la suite des événements géopolitiques mondiaux. Par ce rappel, je veux notamment souligner l’importance et le poids que revêtent ces mots, « immigration », « asile » et « intégration », et affirmer la nécessité de leur donner une traduction concrète en termes de moyens budgétaires.

Le groupe du RDSE constate avec satisfaction les efforts budgétaires qui sont réalisés : le budget pour 2015 bénéficiera ainsi d’une légère hausse de 43 millions d’euros, avant transferts, par rapport à la loi de finances de 2014 ; c’est un effort appréciable dans le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre.

Les trois grands axes d’action de la mission « Immigration, asile et intégration » recueillent également notre approbation.

Premièrement, la maîtrise des flux migratoires est l’enjeu primordial d’une politique d’immigration équilibrée et efficace. À ce titre, nous saluons la hausse des crédits du programme 303, qui, représentant 91 % des crédits de la mission, financeront la politique d’immigration et d’asile : par rapport à 2014, en effet, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement augmentent respectivement de 10 millions d’euros et de 9 millions d’euros.

La baisse de 110 millions d’euros de la dotation de l’allocation temporaire d’attente est le reflet de la réforme du droit d’asile, qui doit être examinée par notre assemblée dans les prochains mois.

L’immigration recouvre d’innombrables réalités : l’étudiant étranger, le demandeur d’asile, les victimes de passeurs… Lutter contre les flux migratoires irréguliers, c’est aussi garantir l’exercice effectif du droit d’asile et la qualité de l’accueil de notre pays.

Deuxièmement, la garantie du droit d’asile, qui est inscrit dans l’histoire française depuis bien longtemps, est aujourd’hui menacée par l’engorgement du système d’asile et des délais de traitement considérables. Il y a encore peu, le délai moyen de traitement d’un dossier était de seize mois et demi, ce qui représente un coût à la fois financier et humain. Ce coût est d’ailleurs bien connu : c’est celui des centres de rétention administrative, des frais d’éloignement des migrants en situation irrégulière ou encore de l’allocation temporaire d’attente…

Ces difficultés se sont traduites par un accroissement notable des dépenses du programme 303, dont les crédits sont passés de 340 millions d’euros en 2008 à plus de 600 millions d’euros en 2014. Cette année, les moyens mis en œuvre ont permis à l’OFPRA de réduire le nombre des dossiers en souffrance. Néanmoins, le délai moyen de traitement demeure de sept mois.

Troisièmement, la mission comprend un programme relatif à l’intégration des personnes immigrées. Comme chacun le sait, l’immigration constitue un véritable déracinement. On estime qu’il faut, au terme de démarches administratives lourdes et coûteuses, environ trois années aux immigrés pour surmonter ce qu’on appelle familièrement le « choc d’immigration ».

Mais la question de l’intégration englobe également celle du vivre-ensemble. Intégrer les nouveaux arrivants, ce n’est pas les dépouiller de leurs particularités culturelles ou religieuses, c’est plutôt les rendre parties au pacte républicain et combattre toutes les formes d’intolérance.

L’immigration peut être une chance pour la France, à condition qu’elle fasse l’objet d’une régulation afin d’être maîtrisée. La France doit rester un pays d’accueil où les étrangers sont traités dignement et respectueusement, ce qui n’est possible que si la politique d’immigration est clairement définie.

À cet égard, le projet de loi qui viendra en discussion bientôt devant notre assemblée apportera, je l’espère, des réponses et des solutions adéquates.

Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’indique que le groupe RDSE votera, dans sa majorité, les crédits de la mission qui nous est présentée.

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