Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès 2012, le Gouvernement a fait un choix politique majeur, celui de réformer en profondeur la politique d’immigration. Aujourd’hui, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent de 1, 3 %, s’agissant des autorisations d’engagement. Pourtant, nous les savons tous, le contexte budgétaire reste contraint.
Les situations peuvent être très difficiles dans certaines régions de France. Je pense notamment à Calais, où le nombre de migrants aspirant à gagner le Royaume-Uni grandit de jours en jours, sans qu’aucune issue se dessine. Mais je pense aussi et surtout à mon territoire, la Guyane, qui, à des milliers de kilomètres de Paris, ne saurait rester le parent pauvre d’une politique pas toujours adaptée à nos réalités. En effet, beaucoup d’étrangers se présentent aujourd’hui aux deux frontières de la Guyane pour demander l’asile à la France, alors que leur situation ne relève pas de ce droit.
Il conviendra ainsi, dans le cadre du projet de loi présenté par le Gouvernement pour réformer l’asile, de trouver une solution stable et efficace pour l’examen des demandes en Guyane.
Ce territoire présente pour la France une particularité en ce qu’il possède les seules frontières terrestres partagées avec des pays non membres de l’Union européenne ou de l’espace Schengen : 700 kilomètres avec le Brésil et 500 kilomètres avec le Surinam. Ces frontières sont extrêmement poreuses puisqu’il ne faut que quelques minutes pour franchir, en pirogue, l’un des fleuves frontières.
« Une immigration irrégulière ou non maîtrisée doit être jugulée. » Ce sont là les propos qu’avait tenus, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, l’ancien ministre de l’intérieur, aujourd’hui Premier ministre.
En Guyane la situation est devenue extrêmement préoccupante. Faute de centre d’accueil pour les demandeurs d’asile ou même de centre provisoire d’hébergement, les personnes en attente d’instruction de leur demande d’asile et les personnes en situation irrégulière en viennent à squatter tous les espaces disponibles.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez ainsi les raisons de mon attachement à une politique d’accueil juste, mais ferme, pour lutter contre les filières clandestines, qui maltraitent les hommes et les femmes, leur promettant un avenir radieux, avant que le rêve ne vire au cauchemar de la clandestinité, du chômage et de la pauvreté.
Ces filières de passeurs font payer jusqu’à 5 000 euros à de jeunes Haïtiens pour arriver en Guyane depuis la frontière brésilienne. Elles proposent ensuite des logements vétustes, insalubres, d’une surface souvent inférieure aux 9 mètres carrés prévus par la loi, et à des prix exorbitants. Et je ne parle pas des 10 000 à 15 000 garimperos, ces chercheurs d’or clandestins qui viennent piller l’or guyanais, utilisant encore aujourd’hui du mercure qui pollue nos fleuves et nos rivières.
Le programme 303 sur l’immigration et l’asile prévoit 24, 3 millions d’euros pour les outre-mer sur un total de 596 millions d’euros. Les crédits de paiement sont certes en hausse de 1, 8 %, mais cette augmentation n’est pas précisément répartie entre les territoires. Ce sont près de 74 millions d’euros au sein de ce programme qui seront alloués à la lutte contre l’immigration irrégulière en 2015.
Je vous invite donc, monsieur le ministre, à prendre la mesure de la situation de la Guyane en fléchant les crédits nécessaires à l’application de la politique souhaitée par le Gouvernement et par les Guyanais.
Le:-nombre de demandeurs d’asile en Guyane est de 22 pour 10 000 habitants, alors qu’il est de 15, 6 pour 10 000 habitants en Île-de-France et de 8, 3 pour 10 000 habitants en Rhône-Alpes, ce qui crée une situation insoutenable tant pour les demandeurs que pour l’ensemble de la population guyanaise.
La Guyane est une terre riche de sa diversité et de son multiculturalisme, qui a accueilli des personnes venues de tous les continents. Pourtant, le climat engendré par cette situation mène inéluctablement au repli sur soi, à l’intolérance, voire à la xénophobie.
Nous avons besoin d’une politique ambitieuse d’intégration et d’accompagnement, mais elle ne saurait être menée au détriment du développement de notre territoire, qui manque toujours cruellement d’infrastructures, d’accès à l’eau potable et à l’électricité, un territoire où le taux de délinquance et de criminalité est supérieur de 10 points à la moyenne nationale, selon les syndicats de police en Guyane.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez mon souci de voir apporter une issue pérenne à cette situation difficile à vivre pour la population guyanaise. La Guyane attend aujourd’hui des réponses du Gouvernement, et je profiterai du débat au Parlement sur le projet de loi de réforme de l’asile pour proposer des solutions adaptées à la situation de ce territoire. §