Intervention de Georges Patient

Réunion du 28 novembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Outre-mer

Photo de Georges PatientGeorges Patient, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec près de 2, 7 millions d’habitants, les territoires ultramarins rassemblent plus de 4 % de la population française.

Malgré leur diversité de populations et de cultures, les outre-mer – il est préférable d’employer le pluriel, tant leur situation géographique et leur niveau de développement sont différents – sont confrontés à une même situation de crise, avec un dénominateur commun : l’urgence.

Cette urgence est tout d’abord sociale : une étude relativement récente de l’Agence française de développement souligne ainsi que l’indice de développement humain des outre-mer est significativement plus faible que celui de la métropole. Ces territoires connaissent un retard de développement estimé à une vingtaine d’années en moyenne.

Cette urgence sociale se double d’une urgence économique. Selon l’INSEE, le PIB par habitant de ces territoires s’élevait à 19 349 euros en 2005, contre 31 420 euros dans l’hexagone. Le taux de chômage des outre-mer représente en outre plus du double de celui de l’hexagone, soit plus de 25 %. Les jeunes sont particulièrement touchés, puisque leur taux de chômage peut atteindre, selon les territoires, jusqu’à 60 %, contre 24 % environ en métropole.

Ce budget apporte des réponses concrètes à cette double urgence. En effet, avec un peu plus de 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, la mission « Outre-mer » fait partie des rares missions dont les crédits augmenteront sur l’ensemble de la programmation triennale 2015-2017.

Plus de 90 millions d’euros supplémentaires seront ainsi consacrés, sur les trois prochaines années, aux deux programmes de la mission « Outre-mer », le programme 138, « Soutien à l’emploi », et le programme 123, « Amélioration des conditions de vie outre-mer ».

En 2015, les crédits de la présente mission afficheront une relative stabilité. Ils progresseront de 0, 39 % en crédits de paiement et diminueront de 0, 7 % en autorisations d’engagement, hors mesures de périmètre.

Ce budget traduit aussi la participation de la mission « Outre-mer » à l’effort de réduction des dépenses publiques. Je citerai comme exemple le recentrage des exonérations de charges intervenu en 2014 – il devrait produire ses pleins effets en 2015 –, la diminution de 5 % des crédits de fonctionnement du ministère, la suppression ou encore la réforme de plusieurs dispositifs d'aide en 2015.

Le budget de la présente mission est avant tout un budget de soutien. Il est constitué à près de 90 % de dépenses d’intervention. Le dispositif de compensation des exonérations de charges aux organismes de sécurité sociale représente ainsi, à lui seul, plus de la moitié des crédits de paiement de la mission, soit 1, 13 milliard d’euros.

La dépense liée au remboursement des exonérations de charges augmentera de 200 millions d’euros sur le quinquennat. En outre, les entreprises situées dans les départements d’outre-mer, qui pouvaient déjà prétendre au bénéfice du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dans les conditions de droit commun, pourront bénéficier d’un taux majoré qui sera porté de 6 % à 7, 5 % en 2016, puis à 9 % en 2017.

La majoration du taux du CICE devrait contribuer à compenser le déficit de compétitivité dont souffrent les entreprises ultramarines. Reste, madame la ministre, à vérifier l’impact sur le terrain de ces exonérations de cotisations sociales, outil essentiel de la politique de l’État pour la croissance et l’emploi dans les outre-mer. Les résultats en termes d’emplois créés ou sauvegardés, en termes d’incitation à investir plutôt qu’à rémunérer le capital, seront-ils à la hauteur des enjeux ?

S’agissant du logement, les efforts sont louables. Après avoir connu une hausse significative de 25 % depuis 2011, les crédits de paiement de la ligne budgétaire unique sont sanctuarisés. Toutefois, cette augmentation des crédits n’a pas permis d’éviter de revenir à un niveau élevé des impayés de l’État vis-à-vis des bailleurs sociaux : 34, 6 millions d’euros à la fin de 2013.

Par ailleurs, il convient d’émettre des réserves sur le niveau retenu pour les crédits, qui ne devrait pas permettre une diminution significative du niveau des charges à payer pour le logement.

Malgré ces efforts, les besoins annuels en matière de logement restent immenses. Ils sont évalués à un nombre d’habitations compris entre 21 000 et 24 000, dont près de 11 600 logements sociaux. Or le nombre de logements neufs sociaux financés n’était que de 7 162 en 2013.

Les crédits à la jeunesse sont un point de satisfaction. L’action n° 2, Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, qui vise essentiellement le service militaire adapté, le SMA, voit ses moyens augmenter. Cette progression des crédits devrait permettre d’atteindre l’objectif de 6 000 volontaires d’ici à 2017.

Diminuer ces crédits de dix millions d’euros, comme le propose notre collègue Didier Robert dans un amendement déposé au nom de la commission des affaires sociales, se traduirait par une réduction des moyens du SMA d’environ un cinquième. Cette mesure ne me semble pas souhaitable, dès lors que les outre-mer affichent des taux moyens de chômage des jeunes de plus de 50 % et que le SMA est reconnu comme un dispositif efficace, qui faisait jusqu'alors l’unanimité sur les travées de cette assemblée.

L’augmentation des crédits de l’ADOM, l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, permettra de sécuriser la politique de formation en mobilité, qui est sa mission prioritaire. La réforme du dispositif d’aide à la continuité territoriale, telle qu’elle est proposée, n’aura aucune conséquence pour 80 % des bénéficiaires de l’aide : la majorité des personnes éligibles voyagent non pas tous les ans, mais tous les trois ou quatre ans. En revanche, cette réforme renforce les possibilités accordées aux étudiants, aux personnes en formation ou aux familles vivant des drames personnels.

Le soutien aux territoires ultramarins connaît des évolutions contrastées. S’agissant des quatre départements et régions d'outre-mer, les DROM, le montant initialement pris en charge était de 268 millions d’euros. Il s’élève, après transferts de crédits issus de quatre autres ministères, à 297, 9 millions d’euros.

Quant aux moyens destinés au financement des opérations contractualisées, ils s’élèvent en 2015 à 137, 5 millions d’euros en autorisations d’engagement, et 154, 6 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de respectivement 5, 28 % et 6, 3 %, après une diminution l’an passé.

En revanche, les crédits du Fonds exceptionnel d’investissement, le FEI, subissent une baisse sensible. Or celle-ci ne doit pas remettre en cause l’objectif de 500 millions d’euros de crédits d’ici à 2017, objectif qui était un engagement du Président de la République.

S’agissant de l’appui à l’accès aux financements bancaires, il serait souhaitable que l’AFD, l'Agence française de développement, communique davantage sur les opérations éligibles à ce dispositif.

Enfin, les crédits consacrés à l’action n° 4, Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport, sont stables. En raison de la forte croissance démographique des outre-mer et de l’importance des problèmes sociaux, un effort plus important aurait pu être consenti. Nous espérons que les ministères directement concernés y contribueront.

Il convient en effet de rappeler que la mission « Outre-mer » ne représente qu’une part minoritaire de l’effort de l’État en faveur des territoires ultramarins. Cet effort global en faveur des outre-mer est porté par quatre-vingt-cinq programmes relevant de vingt-six missions. En 2015, il atteindra 14, 25 milliards d’euros, soit une augmentation de 0, 3 %, après une baisse de 1, 2 % en 2014.

Il est nécessaire cependant de noter que la hausse des crédits globaux en faveur des territoires ultramarins est essentiellement imputable à une hausse des dépenses de personnel, qui atteindront 7, 26 milliards d’euros en 2015.

Je terminerai mon propos par cette information issue de la Fédération des entreprises d’outre-mer, la FEDOM, qui notait dans sa lettre du 20 octobre 2014 que l’effort budgétaire de l’État par habitant en 2013 s’élevait à 5 194 euros pour les onze départements et collectivités d’outre-mer, contre 5 668 euros pour l’Hexagone. Ce chiffre va bien sûr à l’encontre des idées reçues : les Ultramarins ne sont pas, contrairement à ce que l’on peut parfois entendre, les « enfants gâtés de la nation ».

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je voterai en faveur des crédits de cette mission, ainsi que des articles 57 et 57 bis rattachés, sans modification.

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