Intervention de Serge Larcher

Réunion du 28 novembre 2014 à 15h00
Loi de finances pour 2015 — Outre-mer

Photo de Serge LarcherSerge Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la définition du budget 2015 pour les outre-mer obéit à une équation complexe. D’un côté, dans un contexte difficile pour les finances publiques, les ressources sont rares ; l’heure est à la baisse des dépenses et à la maîtrise de la pression fiscale. De l’autre, la réalité économique et sociale des territoires ultramarins est fragile et dégradée.

Taux de chômage et de pauvreté beaucoup plus élevés que dans l’Hexagone, niveau de vie moyen nettement plus bas : les outre-mer sont en souffrance économique et sociale. Ils ont donc besoin que les mesures de rattrapage et de soutien destinées à renforcer leur compétitivité et à améliorer l’emploi continuent à se déployer.

Aussi, je me félicite de l’augmentation du budget prévue pour les outre-mer en 2015. En effet, si l’on gomme les effets des modifications de périmètres, le budget de la mission « Outre-mer » s’établit en hausse de 2, 6 %. Préservation des dispositifs d’exonération de cotisations sociales, préservation de la LBU, la ligne budgétaire unique, poursuite de la montée en puissance du service militaire adapté : il y a de vrais motifs de satisfaction !

Par ailleurs, en dehors de la mission « Outre-mer », on trouve certaines dispositions particulièrement intéressantes pour nos territoires, comme la majoration de 50 % du taux du CICE et celle du taux du crédit d’impôt recherche.

En même temps, et je tiens à le dire avec insistance, les outre-mer ne restent pas à l’écart de l’effort de maîtrise de la dépense publique, comme en témoignent la suppression de l’aide à la rénovation hôtelière – peu utilisée, d’ailleurs, et l’on sait pourquoi –, la diminution des dotations forfaitaires des départements et du bloc communal, la réforme de l’aide à la continuité territoriale, ou encore la baisse des moyens du ministère des outre-mer.

Si, en ce qui concerne les outre-mer, le texte initial du projet de loi de finances était déjà bon, la discussion parlementaire a permis de lui apporter encore quelques améliorations. Je me félicite notamment de l’adoption par nos collègues députés d’un amendement du Gouvernement tendant à rétablir les 6 millions d’euros nécessaires à la préservation de l’enveloppe allouée à la filière canne-sucre et à la diversification agricole.

Je me félicite également de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un article rattaché de la seconde partie de la loi de finances qui relève le plafond des avantages fiscaux de 10 000 à 18 000 euros, afin de permettre le financement du logement locatif intermédiaire.

Actuellement, le plafond est trop bas, et il se produit un effet d’éviction au détriment du logement intermédiaire. Peut-être aurait-on pu chercher à rendre cette disposition plus rapidement effective, comme je l’avais proposé au travers d’un amendement qui a malheureusement été rejeté. Néanmoins, on peut espérer que, à compter du début de l’année 2015, l’incitation fiscale jouera à plein pour stimuler un secteur du bâtiment dont la situation est réellement dramatique outre-mer.

Concernant le crédit d’impôt pour la transition énergétique, je regrette que l’examen des amendements sur la première partie de la loi de finances n’ait pas permis de réaliser des avancées plus franches. La plupart des dépenses d’amélioration de la qualité environnementale des logements qui seraient pertinentes dans un climat tropical sont en effet exclues du dispositif.

Or je m’étonne des arguments qui ont été avancés par certains pour empêcher la « tropicalisation » du dispositif. D’un côté, on nous dit qu’adapter un dispositif fiscal aux spécificités d’un territoire donné pourrait créer une inégalité devant l’impôt, avec un risque d’inconstitutionnalité à la clef ; de l’autre, si le dispositif n’est pas adapté aux spécificités du territoire, on nous dit qu’il est mal ciblé et va coûter trop cher… Il faut choisir !

À toutes fins utiles, je souhaite rappeler, dans cet hémicycle, que la France est diverse et que les outre-mer s’étendent pratiquement sous toutes les latitudes.

Par conséquent, on y rencontre autant de climats tropicaux que de climats rigoureux. Cela explique notamment que l’article 73 de la Constitution dispose que les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières des régions et des départements d’outre-mer.

Je souhaite enfin évoquer la situation dramatique du secteur hôtelier aux Antilles : ce moteur de l’économie locale est particulièrement en crise, du fait de son manque de compétitivité, dû à la concurrence des îles voisines et à la vétusté de ses infrastructures.

Exsangues, notamment du fait de leurs dettes fiscales et sociales, les entreprises hôtelières se voient contraintes de casser les prix, ce qui détériore plus encore leur situation financière. Par ailleurs, elles ne sont pas non plus éligibles aux dispositifs de défiscalisation et d’aides qui leur permettraient de rénover leurs établissements. C’est un cercle vicieux, qui les tire vers le bas !

Madame la ministre, j’estime qu’il est urgent de conduire une réflexion globale sur le secteur touristique et d’adopter des mesures fortes, afin d’éviter la fin programmée de la grande hôtellerie aux Antilles françaises et, singulièrement, à la Martinique.

En dépit de ces bémols, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires économiques, à émettre un avis favorable sur les crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2015, ainsi que sur les articles rattachés à cette mission. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion