Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il me revient l’honneur de m’exprimer sur le budget de l’outre-mer au nom du groupe RDSE, qui compta parmi ses membres les plus illustres Gaston Monnerville, élu de l’outre-mer, qui fut un grand président du Sénat et un ardent défenseur de la Haute Assemblée.
En guise de propos liminaire, je soulignerai, comme l’ont fait les orateurs qui m’ont précédé, que cette mission est l’une des rares, dans le contexte budgétaire que l’on sait, dont les crédits augmentent, quoique légèrement : 0, 3 % en crédits de paiement – voire 2, 6 % à périmètre constant –, même si les crédits d’engagement connaissent un tassement de 2, 3 %.
Ce maintien constitue un effort indéniable, dans un contexte de redressement des comptes publics – nous l’avons vu au travers de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2015 et de celui des autres missions. Il est, en outre, conforme à la trajectoire triennale 2014-2017 et constitue un message fort en direction de tous les territoires ultramarins.
Nous le savons, les crédits de cette mission ne constituent qu’une partie des dispositions budgétaires et fiscales inscrites dans le projet de loi de finances et ayant une incidence dans les outre-mer. Les documents de politique transversale concernant l’outre-mer mettent en lumière une stabilisation des autorisations d’engagements entre les exercices 2014 et 2015.
Toutefois, l’année 2014 fut marquée par d’importants événements climatiques et des inondations sans précédent qui frappèrent les Petites Antilles, touchant plus particulièrement Saint-Martin.
Madame la ministre, quelques jours après le passage du cyclone Gonzalo, vous êtes venue à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin vous rendre compte des dommages causés, qui sont estimés à 3 millions d’euros s’agissant des seuls équipements publics. Ces dégâts sont des plus malvenus au moment où s’ouvre la saison touristique dans les Antilles.
Dans ce contexte, l’article 57 du présent projet de loi de finances, rattaché à la présente mission, qui prévoit l’abrogation de l’aide à la rénovation d’hôtels, instaurée par la loi pour le développement économique des outre-mer de 2009, nous a alertés.
Je ne reviendrai pas sur les écueils de ce dispositif, surtout sa complexité. Paradoxalement, bien qu’il n’ait été que peu utilisé sur l’ensemble des territoires d’outre-mer, celui-ci était largement consommé par les professionnels de Saint-Martin. Si certains autres mécanismes fiscaux existent en soutien de l’industrie du tourisme, la suppression de cette aide pourrait mettre en péril le fragile équilibre de ce secteur.
L’économie saint-martinoise repose essentiellement sur le tourisme. Son impact, direct ou indirect sur l’ensemble des activités économiques de l’île demeure fort. En outre, Saint-Martin se caractérise par un taux de chômage structurellement très élevé. Si l’on se fie au tableau inséré dans la note de présentation de nos collègues rapporteurs spéciaux, il est même le plus élevé, parmi l’ensemble des territoires d’outre-mer.
En septembre dernier, madame la ministre, lors de votre intervention en clôture du colloque intitulé « Tourisme outre-mer : osons une nouvelle dynamique », à l’Assemblée nationale, vous avez fixé, parmi vos priorités, le développement des infrastructures d’accueil, notamment hôtelières. Pour ce faire, vous aviez mis en avant le CICE renforcé à 9 % et évoqué un éventuel CICE « super-renforcé » à 12 %, pour les secteurs exposés à la concurrence.
Cependant, la collectivité de Saint-Martin, disposant de l’autonomie fiscale, ne bénéficie pas de ce dispositif de crédit d’impôt, qui pourrait compenser la suppression de l’article 26 de la loi de 2010 pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM.
Mes chers collègues, si nous sommes tous ici des élus de la nation tout entière, nous n’en sommes pas moins des élus attachés à nos territoires. Le Sénat assure aussi la représentation des collectivités territoriales de la République, et je me fais donc le porte-parole des élus de la collectivité dont j’ai également l’honneur d’être le premier vice-président. Aussi, permettez-moi de m’éloigner quelques instants du périmètre de la mission « outre-mer ».
Madame la ministre, lors des travaux de l’Assemblée nationale, vous avez déclaré à propos des mesures inapplicables à Saint-Martin en raison de son autonomie fiscale : « C’est la rançon de la responsabilisation, qui emporte aussi quelques contraintes ». Je partage votre avis. Un statut de collectivité d’outre-mer implique en effet des responsabilités. La majorité actuelle de l’assemblée territoriale en prend toute sa part.
Toutefois, exemple parmi d’autres, entre 2011 et 2013, les recettes fiscales de la collectivité ont augmenté de plus de 40 %. Cette hausse s’est faite à la seule faveur des dispositions fiscales nouvelles votées par le Conseil territorial. Si l’État encourage la collectivité de Saint-Martin à assumer ses responsabilités, cela ne nous offense pas, loin de là. Néanmoins, cela implique aussi la même exigence de la part de l’État.
J’en donnerai quelques illustrations. La première concerne la compensation financière insuffisante des transferts de compétence intervenus en 2007. Nos concitoyens saint-martinois en subissent les conséquences au quotidien : des investissements inférieurs aux besoins et un faible budget alloué à la jeunesse saint-martinoise, dont l’extraordinaire potentiel ne demande qu’à croire en l’avenir.
Il nous faut dépassionner les discussions, dépasser les clivages et travailler ensemble à l’émergence de solutions pour l’avenir de Saint-Martin.
Le deuxième sujet concerne les recettes fiscales non reversées à la collectivité. Cela fait plusieurs années que l’exécutif demande le reversement des recettes fiscales dues : droits sur les jeux, droits de succession, fraction de taxe de l’aviation civile, compensation des règles particulières de domiciliation fiscale... La liste pourrait être encore bien plus longue.
Malgré des engagements écrits du préfet délégué auprès des collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, ainsi que de vos prédécesseurs, rien n’est encore réglé. Madame la ministre, je tiens à souligner l’inquiétude grandissante au niveau local.
À Saint-Martin, les 10 millions d’euros qui sont attendus seraient particulièrement appréciés, surtout eu égard à la situation budgétaire dégradée que nous déplorons, ainsi qu’aux dépenses imprévues liées aux événements climatiques dont j’ai fait mention tout à l’heure.
J’admets que les sujets que j’évoque ici auraient pu trouver leur place au cours de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cependant, votre présence aujourd’hui m’a amené à les exposer devant vous – vous le comprendrez, madame la ministre, j’en suis certain –, en attendant notre rencontre prochaine et leur examen plus en détail.
Je souligne que ces questions sont d’importance et je suis certain qu’elles pourront constituer les prémices d’un dialogue renouvelé et d’un travail en concertation entre l’État et la collectivité de Saint-Martin.
Ainsi, madame la ministre, mes chers collègues, mon groupe, le RDSE, et moi-même approuverons les crédits de la mission « Outre-mer » de ce projet de loi de finances.