Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui se déroule dans un contexte bien particulier : rappelons qu’au cours des deux dernières sessions parlementaires, nous n’avons pu débattre des crédits consacrés à nos outre-mer en raison du rejet par le Sénat de la première partie du budget.
La mission « Outre-mer » regroupe l’ensemble des dotations allouées aux territoires ultramarins inscrites au budget du ministère des outre-mer.
Malgré la progression budgétaire annoncée, je regrette qu’aucune mesure phare ne soit prévue pour mettre les collectivités de Mayotte sur les rails de la départementalisation.
Dans le contexte précis de réduction des dépenses publiques, l’examen du présent projet de loi de finances indique que les dotations de l’État aux collectivités territoriales baisseront non de 11 milliards d’euros, mais de 28 milliards d’euros d’ici à 2017. Ce sont les chiffres réactualisés par le président Jacques Pélissard le 24 novembre dernier, lors du congrès des élus d’outre-mer.
L’État veut forcer les collectivités territoriales à faire des économies. Il considère qu’elles sont, elles aussi, responsables du déficit public. Ce n’est pas totalement faux, j’en conviens.
Je me garderai bien de risquer le moindre propos excessif à cette tribune, au sein d’une assemblée qui a toujours témoigné son attachement aux collectivités territoriales. Toutefois, je me permettrai de reprendre les mots très émouvants qu’a prononcés le représentant des maires de Mayotte, en évoquant les difficultés subies par notre département en matière scolaire.
Il disait que les écoles mahoraises sont dans un état de délabrement, menaçant ainsi la sécurité des enfants. À ces problèmes s’ajoutent les difficultés d’alimentation auxquelles sont confrontés nos jeunes. La République ne peut admettre une telle situation.
Mes chers collègues, je vous renvoie à ce discours tenu lundi dernier, qui a subitement relégué au second rang le problème de l’immigration, véritable fléau que l’on ne peut manquer d’aborder lors des grands rendez-vous ; la récurrente question de la vie chère, qui frappe de plein fouet les outre-mer ; la difficile mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires dans les communes de Mayotte, comme sur l’ensemble du territoire national ; la montée très inquiétante de la délinquance juvénile, conséquence directe des problématiques que je viens de rappeler, et dont procède un phénomène nouveau, la multiplication des mineurs isolés – en avril 2013, notre regretté Défenseur des droits, Dominique Baudis, dont l’action appelle de ma part un hommage appuyé, a consacré un excellent rapport à cette question, qui avait déjà été examinée ici même.
Cette idée de réduction des dotations va à l’encontre de la volonté affichée par l’actuel gouvernement de poursuivre, selon la progression prévue, les grands chantiers de la départementalisation.
Cette campagne de restrictions financières, lancée en 2013, n’a pas empêché les collectivités d’augmenter globalement leurs dépenses, et pour cause : la mise en œuvre de leurs nouvelles responsabilités les a conduites à assumer de nouvelles missions. Eh oui, madame la ministre, conformément au principe de libre administration des collectivités locales, il ne peut y avoir de liberté sans responsabilité ni de responsabilité sans moyens. Le cadre juridique de l’article 73 de la Constitution doit être pleinement respecté.
Pour compenser la baisse des recettes de l’État, c’est l’impôt qui est appelé au secours. Il convenait d’assurer l’équilibre entre, d’une part, cette diminution de dotations de l’État et, d’autre part, les dépenses des communes, du conseil général de Mayotte et des groupements constitués par ces collectivités.
Je le signale à cet égard : j’ai moi-même été cosignataire d’un courrier rédigé à la demande du président du conseil général, insistant sur les difficultés d’application de certaines mesures législatives dans un contexte particulier.
Dois-je rappeler qu’au cours des travaux interministériels destinés à préparer l’ordonnance fiscale du 19 septembre 2013, les élus mahorais ont été tenus à l’écart des discussions budgétaires ? Sur un tel fondement, le processus de dialogue ne pouvait qu’être mal engagé, alors même que le Président de la République entendait faire du dialogue territorial un instrument de gouvernance.
Pourtant, en 2013, dans le cadre du projet d’ordonnance fiscale, notre conseil général le précisait clairement, dans un avis adressé au Gouvernement : « Cette ordonnance n’a pas suffisamment pris en compte la situation particulière de Mayotte, le besoin de la progressivité et l’exigence de l’adaptabilité ».
Les choix en matière de fiscalité locale entraîneront de lourdes pertes de pouvoir d’achat, notamment pour les propriétaires mahorais ne disposant que de faibles revenus. En effet, la vulnérabilité des ménages mahorais à l’imposition doit être prise en compte.
La première difficulté majeure posée par l’ordonnance fiscale, qui produit ses effets depuis le 1er janvier 2014, est le niveau trop élevé des taxes foncières.
Le mécanisme proposé pour la fixation des taux a pour base le montant moyen du rôle des autres départements d’outre-mer pour chaque taxe directe locale. Or, à Mayotte, le PIB est trois fois inférieur à la moyenne des autres DOM, et la proportion de propriétaires y est bien plus élevée qu’ailleurs. Une réaction de rejet est d’autant plus à craindre de la part de la population que la régularisation foncière est loin d’être achevée, et que les Mahorais craignent que la réforme fiscale ne se révèle, au total, un outil d’expropriation de leurs terrains familiaux.
J’ajoute que le tissu économique privé est très peu développé à Mayotte, parce qu’il apparaît bien fragile.
Il est donc essentiel que des emplois soient massivement créés au cours des années à venir, afin que l’on puisse offrir des débouchés à la très jeune population mahoraise qui arrive déjà sur le marché du travail.
Certes, l’ordonnance fiscale instaure un dispositif au service du développement économique et de la formation, en créant à Mayotte une zone franche d’activité comparable à celles qui existent dans les autres DOM. Mais l’année de référence de sa création est 2014. Or nous savons que la durée est un élément décisif du soutien au développement économique d’un territoire.
Mes chers collègues, le contexte démographique et social de Mayotte exige la mise en place d’un dispositif jouant pleinement ce rôle de stimulation du dynamisme économique.
Nous savons les difficultés que traverse la société mahoraise. La situation budgétaire critique dans laquelle se trouvent nos collectivités locales nous oblige à réagir.
Aujourd’hui, madame la ministre, je vous interpelle afin que le Gouvernement engage de véritables mesures, dont les effets dureront dans le temps, au lieu de multiplier de petits actes destinés à colmater les brèches, en revalorisant simplement telle ou telle action. §