Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis, à l’instar de mes collègues, du budget outre-mer tel qu’il ressort du projet de loi de finances pour 2015.
En effet, après une augmentation marquée des crédits en 2013, un effort financier encore important en 2014, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une progression de 0, 3 % des crédits de paiement de cette mission.
Au-delà, l’effort budgétaire de l’État pour les outre-mer dépasse les seuls crédits de la mission que nous examinons aujourd’hui. Avec 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement pour 2015, la part de la mission « Outre-mer » est de 15 % des crédits de l’État et de 0, 5 % du budget général. L’effort budgétaire et financier consacré à nos territoires ultramarins s’élève, au total, à 14, 2 milliards d’euros. Les dépenses fiscales seront, quant à elles, de l’ordre de 3, 9 milliards d’euros en 2015. Au total, l’effort de l’État est donc de 18, 1 milliards.
Je concentrerai, dans un premier temps, mon propos sur l’aide à la continuité territoriale, l’ACT.
Le projet de loi de finances prévoit de passer d’un droit annuel à un droit triennal pour le bénéfice de l’ACT, avec des crédits en diminution de 10 millions d’euros.
Les crédits octroyés au titre du dispositif du passeport-mobilité études et du passeport-mobilité formation professionnelle, qui bénéficie aux jeunes ultramarins, ont été sauvegardés, et je me réjouis de cette décision. La baisse concerne les crédits de l’aide à la continuité territoriale dite « tout public », eu égard à la croissance continue des demandes.
Mon propos portera, madame la ministre, sur une dimension qui ne vous est pas étrangère, à savoir l’insularité liée à la continuité territoriale.
En effet, lorsque l’on parle d’« insularité », c’est, en premier chef, par rapport à la métropole.
Je suis désireux – mais c’est aussi le cas de la Guadeloupe, de la Polynésie française ou encore de Wallis-et-Futuna – d’attirer l’attention du Sénat et, plus largement, du Parlement, ainsi que du Gouvernement, sur la double insularité par rapport à l’île principale.
Les îles périphériques ou îles du Sud – Les Saintes, la Désirade, Marie-Galante – souffrent principalement de leur situation d’isolement. Elles sont confrontées à des handicaps particuliers liés à la double insularité.
En effet, les coûts des services et des marchandises y sont plus élevés qu’ailleurs, elles accusent un retard en matière d’infrastructures, les liaisons entre les îles sont difficiles et un exode massif se produit. En outre, aucune alternative économique structurée ne s’y développe, alors que la pêche et le commerce connaissent d’énormes difficultés. Les entreprises qui tentent de relever le défi, écrasées par la concurrence et par le poids des charges fiscales et sociales, sont très souvent acculées à la faillite.
Résultat : le taux de chômage est trop élevé, un chômage qui touche particulièrement les jeunes, plus de 30 %, contre 9, 7 % en métropole.
Toutes les réformes institutionnelles, depuis 1946, ont ignoré la réalité d’archipel qui caractérise la Guadeloupe : le pays a été traité dans sa globalité, sans considération pour les nuances territoriales qui en font la richesse tout en complexifiant sa gestion administrative.
La continuité territoriale doit avoir trois objectifs : faciliter la circulation des personnes et des marchandises entre les îles périphériques et le reste de l’archipel, les îles avoisinantes et la France hexagonale ; éliminer les surcoûts liés aux transports aérien et maritime ; contribuer au développement des activités économiques, notamment au développement touristique, qui doit être l’un des plus importants moteurs économiques et l’une des principales sources de richesse et d’emplois.
En ce qui concerne les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs, il faut ne plus considérer seulement les collectivités majeures, mais envisager une dotation de continuité territoriale abondée par des fonds de l’Union européenne, de l’État et, bien sûr, des collectivités territoriales.
J’insiste sur la situation de ces îles car vous vous souvenez, madame la ministre, que l’un des engagements du Président de la République, François Hollande, consistait à prendre en compte le caractère archipélagique de la Guadeloupe dans la mise en place des décisions publiques.
Il nous appartient de trouver les voies et moyens pour créer de l’activité, et donc des emplois, dans des secteurs porteurs d’avenir, en particulier pour la mutation économique des îles périphériques ; je pense notamment au tourisme, aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, aux services à la personne et à l’agro-transformation, liée notamment à l’agriculture biologique.
Il nous appartient aussi de garantir la sécurité, d’assurer la couverture sanitaire, en particulier grâce à l’hôpital de Marie-Galante et au CHU de Pointe-à-Pitre/Abymes, et de réaliser la couverture numérique avec la solution satellitaire, en attendant le câble de fibre optique.
Il s’agit également de protéger la filière canne-sucre-rhum à Marie-Galante, qui est un laboratoire d’idées et d’expériences : plusieurs projets y sont en cours d’élaboration, comme la centrale thermique multi-biomasse de cogénération qui, à terme, permettra à l’île de satisfaire ses propres besoins électriques, voire d’alimenter la Guadeloupe continentale. La question se pose toutefois de la mise en place d’un câble électrique sous-marin entre Marie-Galante et la Guadeloupe, car son coût excède le budget du projet.
Madame la ministre, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer », mais je vous demande quelle place le Gouvernement accorde dans ses ambitions aux outre-mer et à l’archipel guadeloupéen, singulièrement à ses îles périphériques. En particulier, comment entend-il prendre en compte l’insularité liée à la continuité territoriale, au vu de l’horizon prospectif qui se profile ?