Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité est légitimement au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Il s’agit d’une prérogative régalienne, et le groupe du RDSE est attaché à ce qu’elle le reste. La question centrale est donc bien celle des moyens dédiés à cette mission et des priorités qu’elle se fixe.
Les deux derniers budgets, ceux de 2013 et de 2014, se sont caractérisés par une rupture avec la politique dite de « révision générale des politiques publiques », ou RGPP, menée de 2009 à 2012. Au cours de cette période, les programmes de la mission « Sécurités » ont perdu au total 9 269 emplois équivalent temps plein. Principalement fondée sur un objectif de suppression d’effectifs, la RGPP appliquée à la sécurité a montré ses limites, avec les effets qu’on lui connaît désormais : dégradation qualitative des emplois, précarisation et recul de l’État dans l’exercice de l’une de ses fonctions régaliennes par excellence.
Si la mission « Sécurités » participe à l’effort de maîtrise des dépenses publiques avec une économie de 120 millions d’euros sur le budget triennal 2015-2017, le budget pour 2015, dans le prolongement des deux précédents budgets, emprunte une direction salutaire pour la sécurité nationale. Nous ne pouvons que l’approuver.
Le projet de loi prévoit une hausse de 0, 5 % des crédits de la police et de la gendarmerie nationales. Dans le contexte budgétaire actuel particulièrement contraint, le groupe du RDSE salue cet effort, qui traduit la mise en œuvre d’une priorité du Gouvernement. Plus précisément, dans une logique de rupture avec la RGPP, qui avait conduit à la suppression, entre 2007 et 2012, de 13 726 postes dans les deux forces de sécurité intérieure, il est proposé de créer 243 emplois dans le programme « Police nationale » et 162 emplois dans le programme « Gendarmerie nationale ». Cet effort – encore trop faible – doit être poursuivi.
La privatisation de la sécurité nationale, qui découle inévitablement de la suppression des moyens, ne pourrait advenir qu’au détriment du droit fondamental de tous à la sûreté.
Par ailleurs, le mouvement de mutualisation entrepris ces dernières années en matière logistique doit trouver un terrain d’application avec la mutualisation de la formation et de l’information. Là résident les vraies sources d’économies, car la réduction des effectifs conduirait à une dégradation continue du service public. Ainsi, si les groupes d’intervention régionale, les GIR, sont un bon exemple de la coopération opérationnelle entre la police et la gendarmerie, la mutualisation, elle, est par ailleurs très limitée. Des expérimentations locales doivent être menées en la matière afin de mesurer l’efficacité de tels regroupements.
Suivant la même ligne, le groupe du RDSE soutient l’effort de maintien des crédits du programme « Sécurité civile ». Le terme générique de « sécurité civile » recouvre une réalité protéiforme, qui conditionne la tranquillité de nos concitoyens. Elle va des sapeurs-pompiers aux militaires des unités d’instruction et d’intervention, en passant par les pilotes d’avions et d’hélicoptères ou les démineurs et porte sur des missions relatives à des inondations, des incendies, des crues, des cyclones tropicaux, des malaises… Bien vaste programme !
Nous savons tous qu’il n’est pas possible de rogner sur ce genre de dépenses, mais qu’il est difficile a contrario de les augmenter dans le contexte budgétaire serré qui est le nôtre.
La politique de sécurité civile est traditionnellement partagée entre sa définition, apanage de l’État central, et sa mise en œuvre, laissée à la discrétion des collectivités locales. Les dépenses d’ensemble de l’État pour la sécurité civile s’élèvent à 1 milliard d’euros. De leur côté, les collectivités locales y consacrent annuellement 5 milliards d’euros. Par exemple, dix ans après la départementalisation, le financement des services départementaux d’incendie et de secours repose à 56 % sur les départements. La pérennité de ce tandem touche aujourd’hui à la question de la définition d’un partenariat équilibré et renouvelé entre l’État et les collectivités, notamment en matière de dépenses.
Comme le soulignait la Cour des comptes, l’amélioration de l’efficacité des dépenses requiert une meilleure coordination entre les intervenants. Elle ajoutait : « L’État doit jouer tout son rôle dans la maîtrise des dépenses, au niveau central pour les normes d’équipement et la gestion des personnels, comme au niveau local pour une rationalisation des implantations et une plus grande mutualisation des moyens. » À ce titre, un rapport récent de notre ancien collègue François Trucy soulignait qu’il existait des gisements d’économies dans la mutualisation des moyens départementaux de la sécurité civile. Le rapporteur identifiait quatre priorités.
La première consiste en l’approfondissement de la démarche de mutualisation des achats des SDIS. Leur montant total s’élève aujourd’hui à 1 420 millions d’euros, dont 1 062 millions d’euros seraient susceptibles de faire l’objet de regroupements.
La deuxième priorité concerne le regroupement des centres de traitement de l’alerte, SDIS et SAMU, pour optimiser les effectifs.
La troisième priorité réside dans la rationalisation de l’emploi et le développement des équipements de formation. Le coût d’une « maison à feu », par exemple, s’élève à 2 millions d’euros environ et représente donc une charge qui pourrait être avantageusement répartie sur plusieurs SDIS.
La quatrième priorité est de définir un niveau pertinent de coordination des équipes et des moyens spécialisés des SDIS, qui serait celui de la zone de défense et de sécurité. L’économie résultant d’une telle réforme serait de l’ordre de 8 millions d’euros.
En outre, alors que nous venons de débattre de la proposition de loi déposée par notre collègue Courteau relative aux sapeurs-pompiers volontaires, il faut rappeler que la remise en cause du modèle binaire volontaires-professionnels conduirait au recrutement de plus de 60 000 sapeurs-pompiers professionnels, pour un montant de 2, 5 milliards d’euros, qui serait supporté par les collectivités territoriales. Pour cette raison, le modèle doit être pérennisé et le volontariat encouragé par tous les moyens.
Mutualisation des moyens, rationalisation des structures, volontariat : tels sont aujourd’hui les enjeux d’avenir, qui permettront à la fois de ne pas brader notre sécurité civile et de réaliser des économies d’échelle efficientes.
Dans ces conditions, vous l’aurez compris, le groupe du RDSE approuvera les crédits de cette mission.