Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 28 novembre 2014 à 22h30
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux avant toute chose remercier l’ensemble des orateurs. Sur toutes les travées, des interrogations légitimes, des interventions justes ont été exprimées. D’ailleurs, je remarque que, en cette fin de semaine, un vendredi, nuitamment, lors de l’examen des crédits d’une mission du ministère de l’intérieur, vous êtes nombreux à être présents.

Avant de répondre à toutes les questions qui ont été posées, sans être aussi exhaustif que je le souhaiterais, car cela nous conduirait très tard dans la nuit, je formulerai quelques remarques sur la politique que nous conduisons et les chiffres y afférents, répondant en cela à quelques considérations générales qui ont été exprimées par des sénateurs de toutes sensibilités.

Je comprends les inquiétudes au sujet des effectifs, des mesures catégorielles et des moyens relevant du « hors T2 », c’est-à-dire des moyens que nous allouons notamment à la politique d’équipement, à la politique immobilière et à la politique de modernisation.

Pour ce qui concerne les effectifs tout d’abord, comme vous le savez, sur la période allant de 2007 à 2012, c’est près de 13 000 postes qui ont été supprimés : 7 000 dans la police et 6 000 dans la gendarmerie.

Ces suppressions ont conduit – je ne le dis pas du tout dans un esprit polémique, mais simplement parce que c’est une réalité à laquelle nous devons faire face – à une attrition d’un certain nombre de forces de sécurité dans les territoires. C’est le cas notamment dans des départements de la région parisienne, où des problèmes de sécurité significatifs se posent. Je recevais récemment le président de l’Assemblée nationale, venu évoquer la question de l’évolution des effectifs en Seine-Saint-Denis. Il me racontait la manière, dans un département particulièrement sensible sur les questions de sécurité, dont les effectifs avaient évolué lors des dernières années, les conséquences que cela avait entraînées au long cours sur l’évolution des statistiques de la délinquance. C’est vrai aussi en zone gendarmerie, parce que 6 000 emplois de moins dans la gendarmerie en cinq ans, cela se voit incontestablement.

Il m’arrive de constater que ceux qui ont participé à cette déflation d’effectifs considèrent désormais que l’augmentation à laquelle nous procédons n’est pas suffisante pour en combler les effets. Je peux comprendre le raisonnement, car, je ne peux le nier, il faudra du temps avant que les 500 créations d’emplois par an depuis 2012 compensent les effets des 13 000 suppressions d’emplois. Mais mieux vaut malgré tout créer 500 emplois que d’en supprimer plusieurs milliers tous les ans quand on veut assurer la sécurité dans le pays.

J’en viens ensuite aux moyens dits « hors T2 ».

Lorsque l’on agrège l’évolution des différents crédits immobiliers, qui sont déterminants pour les conditions de vie des gendarmes dans les casernes et des policiers dans les commissariats, on constate une diminution de 17 % de 2007 à 2012. Le budget que je propose augmente, lui, de 22 % en autorisations d’engagement et de 9, 1 % en crédits de paiement. Je ferai la même remarque que pour les effectifs : il faudra longtemps avant qu’une telle augmentation permette de corriger les effets de la diminution entérinée au cours de la période allant de 2007 à 2012.

Je pourrais citer d’autres exemples. Ainsi, nous investissons chaque année 70 millions d’euros en faveur des casernes de gendarmerie. C’est considérable, mais c’est encore trop peu, je le reconnais volontiers, compte tenu de la diminution significative des crédits au cours des années précédentes.

Lorsque nous décidons de dégeler la fin de gestion 2014 et d’augmenter de 40 millions d’euros les crédits alloués aux forces pour l’acquisition d’automobiles, nous créons les conditions du financement de 2 000 véhicules neufs par an. Aujourd’hui, quand vous interrogez le directeur général de la gendarmerie nationale et le directeur général de la police nationale, ils vous indiquent que, pour assurer le bon état de marche d’un véhicule, cela implique d’en désosser trois autres, affichant entre 250 000 et 300 000 kilomètres, pour récupérer les pièces détachées.

Je vous propose également, dans le cadre du budget triennal, d’effectuer 108 millions d’euros d’investissements en équipements numériques et en munitions, dont les forces ont besoin pour assurer la sécurité.

Madame Goulet, vous présidez une commission d’enquête où vous faites, avec un très grand nombre de vos collègues, un travail excellent. Vous soulignez qu’il faut des moyens pour lutter contre le terrorisme. Vous avez tout à fait raison et, je vous rassure, nous le faisons. La direction générale de la sécurité intérieure, qui consacre aujourd’hui 50 % de ses effectifs à la lutte contre le terrorisme, les a vus diminuer sur la période de 2007 à 2012 de 127 équivalents temps plein. Dans le présent budget, nous en créons 130 cette année – après en avoir déjà créés 127 –, avec un objectif de 436 dans le cadre du budget triennal. En outre, nous prévoyons une augmentation des crédits hors T2 par an de 12 millions d’euros, soit 36 millions d’euros pour le budget triennal.

Madame la sénatrice, tous ces éléments, vérifiables dans les documents budgétaires, vous apportent les garanties attendues. C’est la raison pour laquelle je n’arrive pas à comprendre pourquoi vous ne votez pas avec plus d’enthousiasme mon budget. Je ne vous en tiens pas rigueur, parce que la politique est ainsi faite, mais tenez compte de ce qui s’est passé et de ce que je fais – non sans mal, parce qu’il faut se battre ; certains arbitrages budgétaires sont compliqués et nécessitent d’âpres négociations. En tout cas, notre budget, en dépit des 50 milliards d’euros d’économies, préserve les moyens de nos forces.

Voilà les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, afin d’éviter toute ambiguïté sur notre action, sur les raisons qui la motivent et sur les moyens pour y parvenir.

J’en viens aux questions précises qui m’ont été posées.

MM. Dominati et Cambon, qui connaissent bien ces sujets et dont je salue les excellentes interventions, m’ont interrogé sur les emplois dans la gendarmerie, la baisse des mesures catégorielles dans le budget triennal et le stock d’heures supplémentaires non payées dans la police.

S’agissant de la gendarmerie nationale, l’écart observé entre les prévisions et l’exécution du plafond d’emploi, qui atteint 1 810 équivalents temps plein en 2013, traduit essentiellement la difficulté des gestionnaires à appréhender les comportements individuels des agents, notamment les départs à la retraite. Ce phénomène structurel fait l’objet, de la part des gestionnaires, d’un travail extrêmement approfondi, destiné à assurer une analyse plus fine de l’évolution des effectifs. Ces derniers, au demeurant, se révèlent relativement stables depuis 2009.

En revanche, ce qui change, pour la gendarmerie comme pour la police, c’est la politique de création d’effectifs. Je l’ai rappelé à l’instant, et je ne reviendrai pas sur cette question.

Quant aux dépenses catégorielles de la police et de la gendarmerie, le Gouvernement, au terme d’une réflexion transversale, a décidé de ne pas mettre en œuvre de nouvelles mesures relevant de son objectif de redressement des comptes publics. En effet, pour ce qui concerne les armées comme le ministère de l’intérieur, nous avons constaté que les grandes réductions d’effectifs opérées n’étaient pas allées de pair avec une diminution de la masse salariale, et pour cause : la baisse des effectifs a été compensée par une augmentation significative des mesures catégorielles, laquelle était nécessaire pour rendre cette évolution socialement soutenable.

Cela étant, animé par un souci de loyauté, le Gouvernement honore les engagements pris par la précédente majorité. Ce choix se traduit par des enveloppes catégorielles de 21 millions d’euros pour la police et de 16 millions d’euros pour la gendarmerie. Il aboutit par ailleurs à une stabilisation des crédits de la sécurité civile, notamment des forces de sécurité, dans le cadre du nouvel espace statutaire, le NES.

Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, pour la police comme pour la gendarmerie, nous faisons les efforts nécessaires.

J’en viens aux statistiques de la délinquance. Nous devons, à mon sens, leur appliquer la méthode suivie pour élaborer les chiffres du budget et déterminer ceux du chômage.

Lorsque j’étais ministre délégué chargé du budget, personne ne contestait les chiffres de déficit que nous publiions. En revanche, tout le monde dénonçait la politique qui avait conduit à la résorption trop lente des déficits. Je souhaiterais qu’il en soit de même des statistiques de la délinquance : que l’on ne conteste plus les chiffres en tant que tels, et que les critiques se concentrent sur les politiques qui ne les font pas diminuer suffisamment vite, voire qui conduisent à leur progression.

Voilà pourquoi nous avons décidé de mettre en place un service statistique ministériel. Ce n’est pas un service « au boulier », situé quelque part entre les directions générales de la gendarmerie nationale et de la police nationale, et qui cesserait de fonctionner, comme cela a pu être le cas par le passé, la troisième semaine du mois, dès lors que les chiffres du mois précédent ont été atteints.

Ce service est rattaché au ministère de l’intérieur, mais il dépend de l’INSEE, dont relèvent ses personnels. Il suit les protocoles d’élaboration statistiques de cet institut. Les chiffres qu’il publie, partant, ne sont pas contestables. À cet égard, ils peuvent être repris par l’Office national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, en vue de réaliser des analyses plus fines et territorialisées. Par ce biais, ils peuvent fournir des réponses à diverses interrogations formulées au cours de ce débat : tel phénomène délinquant peut décliner dans telle localité, sans qu’il en soit de même dans tel ou tel département de la région parisienne. Les cartographies de l’ONDRP sont, à cet égard, on ne peut plus fiables.

Pour ma part, je tiens à vous rappeler les chiffres collectés au titre de cette année. Depuis le 1er janvier dernier, les cambriolages ont baissé de 4, 3 %. Les vols à main armée ont reculé de 15 % et les violences crapuleuses de 10 %. Je le concède, nous enregistrons de mauvais résultats au titre des atteintes volontaires à l’intégrité physique, les AVIP. Cette catégorie regroupe les violences non crapuleuses et les violences crapuleuses. Or les premières, à savoir les violences intrafamiliales, croissent de manière très sensible.

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