Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 24 novembre 2005 à 15h20
Loi de finances pour 2006 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Martelons ce chiffre de 22 % : quel ménage pourrait se permettre un tel « trou » dans son budget sans mettre en danger ses biens propres et envisager des décisions drastiques ? Le déficit prévu dans le projet de budget pour 2006 est un abîme de 46, 8 milliards d'euros, soit plus de 300 milliards de francs. Nous ne pouvons qu'être effarés !

Peut-on commencer cette discussion budgétaire en étant résignés ? L'habitude du déficit nous conduit à la désinvolture et, comme l'a souligné Philippe Marini, nous sommes en état d'accoutumance.

Une prise de conscience et une réaction sont indispensables quand le déficit vient encore accroître une dette qui augmente de 100 000 euros par heure et que le niveau des taux d'intérêt, en passe d'augmenter de 0, 25 %, est peut-être sur le point d'en alourdir davantage encore la charge !

Mes chers collègues, je rappelle l'objectif ambitieux de retour à l'équilibre budgétaire qu'avait formulé le 6 mars 2003, en réponse à une question d'actualité au Gouvernement, notre collègue Alain Lambert, alors ministre délégué au budget : il estimait que, avec une croissance moyenne de 2, 5 %, cet équilibre serait atteint à la fin de la législature. Deux ans et demi plus tard, cet objectif n'est-il pas devenu totalement irréaliste ? Qu'avons-nous fait, ou plutôt qu'avons-nous omis de faire pour qu'il en soit ainsi ? Nous sommes collectivement responsables de cette situation : ceux qui n'ont pas pris les mesures difficiles, indispensables, pour ne pas dire vitales, comme ceux qui veulent que l'État dépense toujours plus.

Interrogeons-nous : le projet de loi de finances pour 2006 va-t-il convaincre les Français que l'État est mieux géré ? Présente-t-il les signes d'une amélioration crédible ?

Cette année doit apporter une réponse nouvelle puisque, forts d'une décision transpartisane, nous disposons avec la LOLF d'un outil révolutionnaire. Montrons aux Français que notre nouvelle constitution financière n'est pas seulement une incontestable réussite technique appréciée des seuls technocrates ; démontrons-leur son efficacité et reprécisons sa finalité.

Je citerai un exemple : techniquement, permettre la fongibilité asymétrique des crédits, c'est adapter au plus près les dépenses aux besoins réels, c'est responsabiliser ceux qui gèrent et leur marquer ainsi notre considération. Rationaliser au mieux les dépenses et redonner sa place au bon sens en refusant des situations figées constitue un vrai progrès.

Le vote du budget, nous le savons, est avant tout un acte politique majeur, porteur d'un choix de société. Que nous apprend l'examen de ce projet de budget ?

Pour ce qui est des recettes, nous savons qu'elles dépendent fortement de la croissance et que les taux très élevés de prélèvements obligatoires n'autorisent plus à envisager leur augmentation sous peine de délocalisation d'entreprises ou de personnes physiques. Aussi, réduire notre déficit signifie réduire les dépenses.

La charge de la dette et les dépenses de personnels ont un effet d'éviction massif, car elles compriment de plus en plus les autres postes de dépenses. Le paiement des seuls intérêts de la dette représente, avec près de 40 milliards d'euros, le deuxième poste budgétaire : si cet argent était disponible pour l'investissement, que d'emplois seraient créés ! Nous en sommes arrivés là par un cumul de petites lâchetés successives.

Ce projet de loi de finances a peut-être un double mérite. Techniquement, il intègre toutes les mesures fiscales prises dans l'année. Sur le fond, il fixe des principes, en particulier la priorité à l'emploi, et poursuit la réalisation des lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et pour la justice.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré en juin que la France vivait au-dessus de ses moyens. S'il a réussi à provoquer une prise de conscience, les décisions indispensables ont-elles été prises ?

Il a affirmé à l'Assemblée nationale que, avec la LOLF et à qualité de service public accrue, nous disposons collectivement, Gouvernement et Parlement, des moyens d'amorcer un véritable reflux de la dépense publique, obtenu non par des économies arrachées à des budgets qui progressent inexorablement, mais grâce à un recentrage de l'État sur ses missions fondamentales, avec une qualité de service public accrue, et grâce à une recherche de la performance.

Mais, nous le constatons, le véritable reflux n'est pas amorcé, même si la maîtrise des dépenses est affichée pour la quatrième année consécutive. Je sais que cette stabilisation en euros courants des dépenses de l'État suppose un effort important de redéploiement. Je ne sous-estime pas ce qu'il est nécessaire de faire pour parvenir à ce résultat. Je précise seulement que la maîtrise des dépenses s'applique finalement sur une assiette assez réduite. Ainsi, les 65 milliards d'euros de prélèvements sur recettes pour les collectivités locales et le budget de l'Union européenne n'y sont pas soumis.

M. le rapporteur général démontrait tout récemment la difficulté de trouver des économies mission par mission. Il faut procéder autrement : en matière de dépenses publiques, atteindre le niveau moyen des pays de l'OCDE, c'est disposer de 100 milliards d'euros d'économie, soit plus de deux fois le montant de notre déficit ! Avec 53, 7 % du PIB, nous sommes bien au-dessus de la moyenne de l'ancienne Union à Quinze, qui est de 47, 6 %, et au-dessus de la moyenne de la zone euro, qui atteint 48, 6 %.

Pourquoi notre pays ne s'engage-t-il pas dans une telle réduction ? N'en a-t-il pas la volonté ni le courage ? Je suggérerai quatre pistes complémentaires.

Premièrement, il faudrait établir le budget non sur un taux de croissance évidemment aléatoire et toujours hypothétique, mais à croissance nulle. Ce serait le meilleur frein à la dépense et la meilleure façon d'éviter des rectifications économiquement préjudiciables et politiquement négatives.

Deuxièmement, il serait nécessaire de stabiliser, comme vous l'avez suggéré, monsieur le ministre, le budget en euros courants à compter de 2007, proposition que je défends sans relâche depuis trois ans.

Troisièmement, si les entreprises se fixent un objectif de 4 % de gain de productivité par an, pourquoi l'État ne pourrait-il en faire autant ? Cela suppose de systématiser la chasse aux coûts. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à suivre les conclusions des audits que vous avez commandés pour chaque ministère ?

Quatrièmement, il faudrait prendre des décisions drastiques en matière de non-renouvellement des départs à la retraite. Nous savons que les charges en personnel sont le noeud de la solution quand la masse salariale augmente de 3, 4 milliards dans le budget pour 2006, sans même une revalorisation du point de la fonction publique, 1 point représentant, comme le rappelait à l'instant M. le rapporteur général, 830 millions d'euros.

Presque tout a déjà été dit, notamment dans le rapport Camdessus, qui préconise de limiter le recrutement à 40 000 fonctionnaires par an jusqu'en 2015. Jean-Pierre Raffarin avait évoqué avec énergie le remplacement d'un fonctionnaire sur deux ; il n'en a rien été. Le Premier ministre a déclaré que ce devait être un « repère » ; cela ne reflète pas une grande détermination. Dans les faits, le projet de loi de finances pour 2006 prévoit une réduction de 5 318 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, ce qui permet une diminution de 18 340 ETPT depuis 2003. C'est bien trop peu. Nous aurons mis trois ans à compenser l'augmentation d'ETPT réalisée par la précédente majorité en une seule année, à savoir 17 214 ! Nous payons très cher cette dérive.

Selon les simulations, le remplacement d'un fonctionnaire pour deux départs à la retraite permettrait déjà d'économiser plus de 10 milliards d'euros d'ici à 2015. Ce sont également autant de retraites du service public qui n'auront pas à être financées dans quarante ans. Gérons dès aujourd'hui la France de demain !

Où et comment économiser ? Il n'y a pas de schizophrénie chez les parlementaires, qui sont aussi des élus locaux. Une présence territoriale affirmée de l'État est nécessaire. La réduction du nombre de fonctionnaires dans les administrations centrales est possible, un certain nombre de tâches pouvant être réalisées en région grâce aux nouvelles technologies. L'administration centrale de l'éducation nationale doit être un gisement intéressant à prospecter.

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