Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de présenter les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Pour résumer mon analyse du budget pour 2015, je dirai que, au-delà des crédits du programme, globalement préservés, les décisions du ministère de la culture révèlent un désengagement de l’État et un pilotage défaillant.
Les crédits sont certes préservés pour l’ensemble du programme, avec 1 099 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 0, 38 %. Cependant, les évolutions sont très inégales d’une action à l’autre.
J’aimerais surtout m’attarder sur la notion de désengagement de l’État qui est flagrante lorsqu’on analyse ce programme. L’illustration la plus évidente de mon propos est la suppression de l’action n° 3 qui regroupait les crédits relatifs aux enseignements artistiques, accordés par les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, aux communes pour le fonctionnement des conservatoires classés, soit 40 conservatoires à rayonnement régional et 102 conservatoires à rayonnement départemental.
Je rappelle que les crédits de cette action devaient être sanctuarisés en attendant leur transfert aux départements et aux régions en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Plusieurs articles de cette loi organisaient la décentralisation des enseignements artistiques avec une répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l’État.
Le ministère a choisi de faire disparaître les crédits, ou presque, puisque seuls 5, 5 millions d’euros sont préservés, mais au sein de l’action n° 1 relative à l’enseignement supérieur.
Nous observons aujourd’hui le résultat d’un processus engagé voilà trois ans. J’ai rencontré l’association des directeurs des conservatoires de France : ils m’ont fait part des conséquences de ce désengagement de l’État, déjà observées sur le terrain en 2014.
La première d’entre elles est relative à l’emploi : trois postes ont ainsi été supprimés au conservatoire à rayonnement départemental d’Orléans, quatre dans mon département, celui de l’Aveyron. Compte tenu des perspectives annoncées pour 2015, les directeurs s’interrogent sur la pertinence du classement des conservatoires qu’ils dirigent, et c’est la deuxième conséquence que je souhaitais évoquer.
Les directeurs estiment que ce classement induit des contraintes coûteuses qui n’ont plus nécessairement d’intérêt, compte tenu de la disparition du soutien financier de l’État, perçu jusqu’alors comme une contrepartie.
Enfin, ils sont très inquiets en découvrant la nouvelle logique du ministère, qui attribuera les crédits résiduels aux conservatoires adossés à un pôle d’enseignement supérieur. En effet, les disparités entre territoires sont fortes et la dynamique d’intégration voulue par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche varie beaucoup selon les pôles. Aussi la rupture d’égalité a-t-elle été évoquée lors de mes auditions, ce qui me paraît particulièrement alarmant.
« Désengagement », c’est le mot qui m’est également venu à l’esprit en découvrant le cas de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, l’ENSBA. Cette prestigieuse école d’enseignement des arts plastiques est aujourd’hui menacée, puisqu’il est désormais impossible d’y organiser les cours normalement, avec des locaux qui s’effondrent littéralement.
Ce triste état des lieux intervient alors que la Cour des comptes a rendu public, le 3 février 2014, un référé très sévère à l’encontre de l’ENSBA portant sur les années 2001-2011. Malgré ce constat très alarmant, le ministère ne semble pas avoir considéré le cas de cet établissement comme une priorité.
L’image de notre enseignement artistique dans le monde entier est en jeu, mais l’effort financier de l’État reste quasi identique, puisque la subvention pour charges de service public n’augmente que de 300 000 euros pour atteindre 7, 3 millions d’euros, après deux baisses successives en 2013 et en 2014.
Au-delà de ce cas, qui me semble particulièrement important, c’est le pilotage de l’enseignement supérieur « culture » qui semble faire défaut aujourd’hui. Permettez-moi, madame la ministre, d’évoquer la situation des écoles d’art, qui reflète cette carence de l’État. En effet, de nombreuses disparités existent entre les écoles nationales et les écoles territoriales, constituées en majorité sous forme d’établissement public de coopération culturelle, ou EPCC.
Nous le savons depuis longtemps, les disparités entre ces deux types d’écoles constituent un handicap, notamment au regard des activités de recherche qu’elles sont tenues de développer. Or le Gouvernement n’a jamais rendu le rapport sur le statut des enseignants des écoles d’art, prévu par l’article 85 de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, alors que le délai prévu par la loi était fixé au 30 juin 2014.
Madame la ministre, comment, dans ces conditions, relever tous les défis de l’enseignement supérieur « culture » ?
Compte tenu de ces observations, la commission de la culture a rendu un avis défavorable sur les crédits de la mission « Culture ».