La séance est ouverte à dix heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Mes chers collègues, par lettre en date du 28 novembre, le Gouvernement demande que la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, soit inscrite à l’ordre du jour du lundi 15 décembre matin et, éventuellement, après-midi.
Par ailleurs, il demande que les conventions internationales inscrites à l’ordre du jour du jeudi 18 décembre matin soient examinées l’après-midi et que trois autres conventions internationales soient examinées lors de cette même séance, selon la procédure simplifiée.
L’ordre du jour des lundi 15 et jeudi 18 décembre 2014 s’établirait donc comme suit :
Lundi 15 décembre
À 10 heures :
- Proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes ;
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin ;
- Nouvelle lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral ;
Jeudi 18 décembre
À 9 heures 30 :
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 ou nouvelle lecture ;
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises ;
De 15 heures à 15 heures 45 :
- Questions cribles thématiques sur la réforme des rythmes scolaires ;
À 16 heures et, éventuellement, le soir :
- 7 conventions internationales en forme simplifiée ;
- Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de la propriété littéraire et artistique et du patrimoine culturel.
Il n’y a pas d’observation ?...
Il en est ainsi décidé.
L’ordre du jour appelle la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108).
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et article 50 bis).
La parole est à M. Vincent Eblé, rapporteur spécial.
Madame la présidente, madame la ministre, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, la mission « Culture » est une mission importante budgétairement – 2, 6 milliards d’euros prévus en 2015 –, qui couvre trois champs principaux : le patrimoine, la création et la démocratisation culturelle.
Les principaux objectifs visés par la mission sont les suivants : sauvegarder, protéger et mettre en valeur le patrimoine culturel sous toutes ses formes ; favoriser la création, la diversité et la diffusion des œuvres d’art et de l’esprit ; renforcer l’enseignement supérieur culturel et soutenir la démocratisation culturelle grâce, en particulier, à l’éducation artistique et culturelle.
Dans la répartition opérée avec mon collègue André Gattolin, il me revient de vous présenter l’analyse générale de la mission ainsi que les crédits relatifs au programme 175 « Patrimoines ». Pour sa part, André Gattolin vous parlera du programme 131 « Création » et du programme 224 « Transmission de la culture et démocratisation des savoirs ».
Les crédits prévus pour 2015 sont stables par rapport à 2014, et c’est une évolution dont on peut se féliciter, après deux années de forte attrition des crédits au cours desquelles la mission a fortement contribué à l’effort de redressement des comptes publics. En outre, cette évolution favorable dans le contexte budgétaire actuel se poursuivra sur l’ensemble des trois années 2015-2017.
Cet effort traduit bien la priorité accordée par le Gouvernement à la culture et est en cohérence avec plusieurs grandes priorités transversales : les territoires, le renforcement de l’attractivité et de la compétitivité de notre pays, la jeunesse et la refondation de l’école.
La mission « Culture » est marquée par le poids de ses dépenses de fonctionnement et d’intervention. La hausse des dépenses de fonctionnement traduit, notamment, une inflexion positive des moyens attribués aux opérateurs – les musées nationaux, le Centre des monuments nationaux, les établissements du spectacle vivant, les écoles supérieures –, après deux années de baisse, avec la réduction de leurs subventions et même des prélèvements exceptionnels sur les plus solides d’entre eux.
De façon générale, les opérateurs de l’enseignement supérieur connaissent un traitement plus favorable que les grands musées ou établissements qui ont des marges de manœuvre pour développer leurs ressources propres. Nous approuvons ce traitement différencié, qui traduit en outre la priorité accordée à la jeunesse et à l’éducation.
André Gattolin et moi-même, comme beaucoup d’entre nous ici je pense, attendons avec impatience le dépôt au premier semestre 2015 du grand projet de loi sur le patrimoine, la création et l’architecture. Il permettra de juger, en complément du budget pour 2015, de l’ambition du Gouvernement dans le domaine culturel.
Les crédits du programme 175 « Patrimoines » sont stables, de manière générale, par rapport à 2014. Après deux années de forte baisse, ils représentent 751 millions d’euros. J’estime que cette stabilité des crédits, dans le contexte budgétaire actuel, est une bonne chose. En effet, la préservation et la restauration de nos monuments historiques constituent des facteurs importants de renforcement de l’attractivité culturelle et du dynamisme touristique et économique de nos territoires. Les grands équipements étant achevés, les dépenses d’investissement diminuent au profit des dépenses de fonctionnement et d’intervention.
Mes principales observations sont les suivantes.
En premier lieu, je relève la stabilisation des crédits déconcentrés, ce qui est une bonne nouvelle et un signe fort en direction des collectivités territoriales dans le contexte de baisse des dotations. Cela traduit la volonté de l’État de maintenir son engagement aux côtés des territoires dans le domaine culturel. Cet effort est d’autant plus nécessaire qu’une récente étude de l’association des petites villes de France révèle que 95 % des villes de 3 000 à 20 000 habitants envisagent de réduire dès 2015 les moyens qu’elles consacrent à la culture.
En deuxième lieu, il faut noter la volonté de pérenniser l’excellence culturelle de notre pays ainsi que le souhait d’améliorer les conditions d’accueil, de visite et de sécurité des visiteurs dans les principaux lieux touristiques. Je salue surtout la décision d’ouvrir sept jours sur sept les musées nationaux les plus fréquentés – Versailles, le Louvre, Orsay – à l’horizon de 2017. Cette dernière décision sera financée par des recettes de billetterie supplémentaires, mais l’État contribuera en partie aux besoins nécessaires en personnels.
Enfin, il faut souligner l’apparition d’une subvention pour charges de service public, néanmoins modeste, de 5 millions d’euros au profit de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP. Cette subvention traduit la reconnaissance de la spécificité de cet opérateur au sein du paysage de l’archéologie préventive. En effet, celui-ci doit faire face à des missions de service public, en matière aussi bien scientifique que territoriale, à la différence des autres opérateurs de ce secteur devenu concurrentiel.
En ce qui concerne son financement par la redevance d’archéologie préventive, le ministère de la culture et de la communication nous a indiqué que les difficultés tenant au recouvrement de cette redevance ont été résorbées.
Étant responsable des crédits du patrimoine, il me revient également de vous présenter l’article 50 bis rattaché à la mission, qui a été adopté par l’Assemblée nationale sur une initiative de notre collègue député François de Mazières, le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse de l’Assemblée.
Cet article vise à instaurer une demande de rapport du Gouvernement au Parlement en ce qui concerne la possibilité d’affecter au Centre des monuments nationaux, le CMN, les bénéfices d’un tirage exceptionnel du loto réalisé à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.
Le CMN est en effet confronté à une extension de son champ d’intervention et les monuments les plus rentables sont minoritaires au sein de son périmètre. Le principe d’une réflexion sur la diversification des ressources du Centre des monuments nationaux nous semble donc plutôt utile, même si la solution proposée par M. de Mazières peut soulever des interrogations, qui tiennent notamment à l’équilibre économique des jeux de hasard en France et aux conséquences d’un tel financement sur une éventuelle perte de recettes pour le budget de l’État, dans la mesure où une partie des sommes misées par les joueurs dans le cadre de la loterie nationale est reversée à l’État. Toutefois, puisqu’il s’agit à ce stade d’une simple demande de rapport, nous proposons d’adopter cet article sans modification.
De même, j’indique au Sénat que la commission des finances a suivi la proposition des deux rapporteurs spéciaux et vous propose donc d’adopter les crédits de la mission « Culture » sans modification.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a indiqué à l’instant Vincent Eblé, il me revient de vous présenter les crédits du programme 131 « Création » et du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
S’agissant tout d’abord du programme 131, doté de 734 millions d’euros, le budget 2015 est marqué par une évolution favorable des moyens dédiés au spectacle vivant et aux arts plastiques, et par la fin du chantier de la Philharmonie de Paris.
La réduction apparente des crédits dédiés au soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant s’explique par la fin des travaux de la Philharmonie de Paris et par le rythme d’avancement de ceux de l’Opéra-Comique et du Théâtre national de Chaillot, en cours de rénovation.
Si l’on neutralise ce facteur, il apparaît que les crédits d’intervention dédiés aux acteurs du spectacle vivant sur le territoire sont préservés en 2015 et le seront également sur l’ensemble des trois années 2015-2017. Les crédits consacrés aux arts plastiques sont, pour leur part, en hausse et soutiendront principalement les fonds régionaux d’art contemporain, ou FRAC, et les galeries d’art.
Les crédits d’intervention déconcentrés, destinés à financer des initiatives territoriales, connaissent, eux aussi, une hausse.
Le budget pour 2015, s’agissant de la création, est également marqué par deux événements : d’une part, l’ouverture de la Philharmonie de Paris en janvier 2015 et, d’autre part, l’ouverture de la collection Lambert à l’été 2015. Je concentrerai ici mon propos sur la Philharmonie, même si la collection Lambert est une donation exceptionnelle faite à l’État en 2012 par le galeriste Yvon Lambert. Il s’agit même de la plus grosse donation privée en France depuis 1920. Celle-ci sera exposée de façon permanente à partir de l’été 2015 en Avignon, et il n’y a guère de remarques budgétaires à faire à son sujet au titre du projet de loi de finances pour 2015.
L’ouverture prochaine de la Philharmonie est très attendue. Des questions demeurent toutefois en suspens, s’agissant notamment de la prise en compte des surcoûts du chantier et du calibrage des dépenses de fonctionnement du nouvel établissement. Si le chantier coûtera au final bien plus cher que ce qui avait été initialement prévu, le ministère est loin d’en porter seul la responsabilité et force est de constater que d’importants efforts ont été réalisés pour enrayer la dérive des coûts.
Fin connaisseur du sujet, notre prédécesseur Yann Gaillard redoutait, l’an passé, que le montant total des travaux soit proche de 400 millions d’euros. Les estimations récentes laissent heureusement penser que celui-ci ne devrait pas excéder 381 millions d’euros.
Je signale par ailleurs que, à la demande du Premier ministre, une mission a été lancée afin de calibrer de la façon la plus adaptée les dépenses de fonctionnement du futur établissement.
À ce stade, la dotation inscrite à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2015 est de 9, 8 millions d’euros.
Des synergies et mutualisations sont attendues entre la Philharmonie de Paris et la Cité de la musique. Il sera donc intéressant d’évaluer très attentivement la première année de fonctionnement de la Philharmonie de Paris.
Madame la ministre, même si nous n’avons pas déposé d’amendement à ce propos, Vincent Eblé et moi-même jugerions particulièrement opportune la création d’un indicateur de performance dédié au fonctionnement de la Philharmonie, indicateur qui pourrait notamment prendre en compte la fréquentation de l’établissement et le développement de ses ressources propres.
Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est doté de 1, 1 milliard d’euros. Son budget, en très légère hausse, est marqué par une priorité accordée à l’éducation artistique et culturelle et aux établissements d’enseignement supérieur.
On constate la hausse dynamique des crédits en faveur de l’enseignement supérieur culturel, qui financeront notamment des dépenses d’investissement sur l’ensemble du territoire, en faveur des écoles d’architecture, des écoles d’art et des écoles du spectacle vivant.
Les dépenses d’intervention concernent essentiellement le versement des bourses aux étudiants des établissements de l’enseignement supérieur culturel.
La forte hausse des crédits s’explique par la progression continue du nombre de boursiers, par une augmentation raisonnable du montant unitaire des bourses et par la création de deux nouveaux échelons.
Le ministère de la culture s’aligne en ce domaine sur le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. À cet égard, il faudra suivre avec attention la manière dont sera financé le passage à la rentrée 2015 de tous les étudiants de l’échelon 0 vers l’échelon 0 bis qui n’est pas inscrit dans le projet de loi de finances pour 2015.
Enfin, le budget pour 2015 est marqué par une forte hausse des crédits dédiés à l’éducation artistique et culturelle, évolution qui reflète la priorité du Gouvernement donnée à la jeunesse et à la démocratisation de la culture.
Dix millions d’euros de crédits déconcentrés seront, en particulier, spécifiquement dédiés au plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle, contre 7, 5 millions d’euros l’an dernier. Ils devraient permettre de faire émerger nombre de projets dans les territoires.
En revanche, je signale la réduction très marquée du soutien de l’État aux conservatoires à rayonnement régional et départemental. L’action n° 3 qui leur était dédiée disparaît et est intégrée au sein de l’action n° 1 relative au soutien aux établissements d’enseignement supérieur et d’enseignement professionnel.
Le ministère a décidé de recentrer ses interventions sur les seuls conservatoires adossés à des pôles supérieurs d’enseignement du spectacle vivant.
Même si la part de l’État dans le financement global des conservatoires régionaux et départementaux est relativement réduite – 6 % en moyenne au cours des dernières années –, je ne vous cacherai pas, madame la ministre, que cette décision de réduire leurs crédits émeut un certain nombre de mes collègues, au sein tant de la commission de la culture que de la commission des finances. Et si – il faut en convenir – les aides individuelles aux élèves de ces établissements sont maintenues pour tous les établissements d’enseignement supérieur spécialisés, nous souhaiterions obtenir de votre part plus de précisions quant aux tenants et aboutissants de ce choix.
Concernant les dépenses de personnel et de fonctions support imputées sur le programme 224, nous constatons que les dépenses de personnel augmentent légèrement du fait de l’amorce, en 2015, de la remise à niveau de la politique catégorielle et indemnitaire du ministère de la culture et de la communication, prévue par la programmation triennale 2015-2017.
Les frais de fonctionnement sont pour leur part stabilisés, ce qui marque la poursuite d’un effort de rationalisation et de mutualisation de ces dépenses, pour la plupart indexées sur l’inflation.
Pour finir, je précise que l’Assemblée nationale a adopté, en seconde délibération, un amendement qui vise à augmenter les autorisations d’engagement du programme 224 de 2, 1 millions d’euros, afin de permettre le lancement des travaux de sécurité du bâtiment de l’établissement public du Palais de la Porte dorée, l’EPPD, qui abrite à la fois la Cité nationale de l’histoire de l’immigration et l’aquarium tropical.
Ces travaux ont vocation à garantir la sécurité des visiteurs et des agents et à améliorer l’optimisation de l’espace pour faire face à la hausse de la fréquentation.
Les travaux devant s’étaler jusqu’en 2017, les crédits de paiement correspondant à ces autorisations d’engagement seront consommés ultérieurement.
En conclusion, comme l’a souligné mon collègue Vincent Eblé, le budget de la mission « Culture » pour 2015 nous semble satisfaisant à plusieurs égards.
D’une part, il s’inscrit dans la cohérence par rapport à plusieurs grandes priorités transversales du Gouvernement, telles que le soutien aux territoires, le renforcement de l’attractivité notamment touristique de notre pays, la jeunesse et le développement de l’éducation artistique et culturelle.
D’autre part, il s’inscrit également dans la logique du redressement des comptes publics, les hausses de dotation étant précisément ciblées et des efforts étant réalisés sur la maîtrise des dépenses.
Des efforts de diversification de leurs ressources et de rationalisation des dépenses sont ainsi demandés aux grands opérateurs culturels. De même, le ministère poursuit sa politique de rationalisation des dépenses de fonctionnement. Enfin, aucun nouveau chantier culturel d’ampleur, susceptible d’induire un dérapage des dépenses, n’est annoncé pour les trois années 2015-2017.
C’est donc sous le bénéfice de ces observations que Vincent Eblé et moi-même vous proposons, mes chers collègues, l’adoption sans modification des crédits de la mission « Culture ».
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’évolution des crédits du programme « Patrimoines », qu’il me revient de rapporter ici au nom de la commission de la culture, est satisfaisante. En effet, après deux années de très forte diminution des crédits alloués à ce secteur, auquel le Sénat attache une grande importance depuis longtemps, les crédits sont, cette année, globalement stables, puisqu’ils se traduisent par une légère hausse des crédits de paiement, avec 751 millions d’euros, et par une légère baisse des autorisations d’engagement, avec 745 millions d'euros. Je ne peux donc que m’en féliciter.
De surcroît, les efforts demandés aux grands opérateurs de l’État en matière culturelle sont moindres que les années précédentes, car la contribution de ce budget et de celui des grands opérateurs à l’assainissement des finances publiques avait été considérable, un peu trop à mon gré. Cette année, les grands opérateurs sont épargnés et certains d’entre eux, dont la gestion est parfaitement équilibrée et satisfaisante, souhaiteraient d'ailleurs disposer d’une marge de manœuvre beaucoup plus grande, notamment sur les emplois de titre III qu’ils réussissent à autofinancer.
Je souhaiterais, à cet égard, dire un mot du Centre des monuments nationaux, dont le périmètre a été élargi, en 2009, avec le domaine national de Rambouillet, puis, en 2014, avec le fort de Brégançon. Cette extension a été réalisée à budget constant, hormis un transfert de crédits de 175 000 euros en provenance du ministère de la défense qui assurait jusqu’ici l’entretien du fort de Brégançon.
Le CMN s’est vu confier, cette année, une nouvelle mission : il devra assurer la gestion de l’hôtel de la Marine que la commission avait eu le plaisir de visiter, voilà quelques années, au moment où une polémique était née au sujet de sa reprise par une entreprise privée. Le CMN aura pour mission de rendre accessibles au plus grand nombre les appartements historiques de l’hôtel de la Marine, notamment les salons d’apparat, dont le rôle historique est connu.
Dans ce contexte, la commission a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 50 bis qui prévoit un rapport – notre collègue Vincent Eblé l’a évoqué tout à l’heure – relatif à la possibilité d’affecter au CMN les bénéfices d’un tirage exceptionnel du Loto. Voilà quelques années, une mission d’information sénatoriale, présidée par Philippe Richert et dont j’étais le rapporteur, avait conclu qu’il était impératif, au vu de l’état prévisionnel des finances publiques, d’affecter au patrimoine une partie importante des recettes du jeu – le vice au service de la vertu, avions-nous dit à l’époque ! –, comme cela se pratique en Grande-Bretagne ou en Italie depuis fort longtemps. On avance lentement, mais on avance un peu ; je ne peux que m’en féliciter.
Concernant les monuments historiques, on constate une lente érosion des crédits, certes pratiquement stabilisée cette année. Néanmoins, les crédits de paiement s’établissent à 327 millions d’euros et les autorisations d’engagement à 340 millions d’euros. Si les crédits d’entretien sont préservés – et je ne peux que m’en réjouir – à hauteur de 48 millions d’euros, les crédits destinés à la restauration diminuent de 9 millions d’euros.
Je voudrais à cet égard, madame la ministre, ayant reçu voilà quelques jours le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques, vous faire part de la profonde inquiétude de ces entreprises qui, en quelques mois, ont vécu six liquidations judiciaires, la suppression de deux cents emplois et un effondrement de l’apprentissage.
Ce sont des savoirs immémoriaux qui progressivement se perdent. La situation des collectivités territoriales et la baisse des dotations en sont plus responsables que le budget du ministère de la culture – je tiens à le souligner ici –, mais il n’en reste pas moins que le rôle d’un rapporteur dans le domaine du patrimoine est de souligner la gravité de la situation pesant sur ces entreprises qui font partie du patrimoine national. Et on sait à quel point celui-ci contribue à l’attractivité de notre pays, tant économique que touristique, en même temps qu’à la conservation de la mémoire nationale.
La politique en matière de musées est, cette année, confortée, après des baisses importantes de crédits les années précédentes. Les crédits de paiement s’établissent ainsi à 339 millions d'euros pour 2015. C’est important à la fois pour assurer l’équilibre entre Paris et la province, auquel notre assemblée est attachée, et pour préparer l’ouverture sept jours sur sept des grands musées, ainsi que vous le souhaitez.
Les crédits de l’action n° 8 relative aux acquisitions des collections publiques sont maintenus, après avoir diminué ; c’est une excellente chose, et le Sénat y attache, là aussi, un grand intérêt.
Les archives vont poursuivre leur politique de numérisation. Là aussi, c’est un élément positif.
Je terminerai cette très brève présentation en évoquant les difficultés de l’archéologie préventive.
Il y a quelques années, la redevance d’archéologie préventive, la RAP, aurait dû régler la situation. Malheureusement, un dysfonctionnement grave du logiciel Chorus, le système informatique du ministère – le progrès technique, comme la langue d’Esope, est la pire et la meilleure des choses ! –, est intervenu. Il y a Chorus au ministère de la culture, …
Je ne vous le fais pas dire, cher collègue.
… et il y a eu LOUVOIS, « le logiciel unique à vocation interarmées de la solde » à la défense.
Cette situation a mis en péril l’Institut de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, et les opérateurs. Il semblerait aujourd'hui – vous l’avez indiqué devant la commission, madame la ministre – que les choses rentrent dans l’ordre. Je ne peux que le souhaiter, car le secteur de l’archéologie préventive – ô combien sensible dans nos collectivités ! – a été fragilisé économiquement.
En conclusion, j’indique que je m’en étais remis à la sagesse de la commission sur le programme « Patrimoines » et que celle-ci a émis un avis défavorable sur l’ensemble des crédits de la mission « Culture ».
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de présenter cette année l’avis de la commission de la culture sur les crédits du programme « Création » et sur le soutien public au cinéma.
Nous pouvons tout d’abord nous féliciter du maintien des crédits visant à encourager la création et à favoriser la diffusion dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. C’est un excellent signe en période de contrainte budgétaire, et je note que la promesse du Premier ministre a été tenue. Hors Philharmonie de Paris, ces crédits sont même en augmentation de 2 %.
Globalement, les dépenses de fonctionnement des opérateurs du spectacle vivant sont maintenues et les crédits en faveur des équipements en région sont préservés, ce qui permettra notamment de poursuivre la réalisation de fonds régionaux d’art contemporain « de nouvelle génération ».
Autre motif de satisfaction, le montant des crédits déconcentrés de fonctionnement dans le domaine du spectacle vivant s’élève à 284 millions d’euros, dont 192 millions d’euros pour les labels et réseaux.
En revanche, malgré une hausse de 5 % des crédits de paiement, qui mérite d’être soulignée, les arts plastiques continuent à faire figure de « parent pauvre » de la création française pour plusieurs raisons. Ils bénéficient de moins de 10 % des crédits du programme, ne peuvent pas s’appuyer sur un régime d’indemnisation du chômage comme celui des intermittents – j’attire d'ailleurs votre attention sur ce dernier régime, car il me paraît nécessaire de le conforter, et j’aimerais que Mme la ministre nous éclaire à cet égard –, vivent souvent en dessous du seuil de pauvreté et attendent toujours une réponse du ministère du travail pour mettre en place une convention collective.
Je rappelle également que les acteurs privés, mais aussi – c’est le plus choquant – les structures publiques ne respectent pas leur droit d’exploitation, les privant ainsi de revenus complémentaires et diminuant l’assiette de leurs cotisations à la sécurité sociale. Enfin, des dérives des systèmes de cotisations ont été dénoncées à plusieurs reprises par l’Inspection générale des affaires culturelles et l’Inspection générale des affaires sociales, qui ont décrit la situation dramatique d’artistes privés de retraite. Je souhaiterais que nous prenions le temps d’appréhender ensemble tous ces sujets en amont du projet de loi sur la liberté de création, l’architecture et le patrimoine, que nous attendons – vraiment ! – pour le printemps 2015.
Le Sénat, en adoptant les amendements présentés par notre commission de la culture, c’est-à-dire l’application de la TVA au taux réduit de 5, 5 % sur l’ensemble des livraisons d’œuvres d’art et le relèvement du plafond de la taxe affectée au Centre national de la chanson des variétés et du jazz, le CNV, a montré qu’il entendait prendre toute sa part dans ce débat. Je rappelle que le CNV joue un rôle vital de soutien à la filière musicale, puisqu’il redistribue 35 % du rendement de la taxe sous forme d’aides sélectives au profit des entreprises les plus fragiles.
J’en viens maintenant au soutien public au cinéma. Dans ce domaine aussi, le projet de loi de finances préserve ce qui doit l’être, même si on voit bien qu’il en faudra davantage pour pérenniser notre système original et vertueux de soutien à l’activité cinématographique.
Alors que les taxes qui abondent le fonds de soutien rapporteront moins l’an prochain, le projet de loi de finances, dans sa rédaction initiale, en laissait l’intégralité du produit au CNC. La commission des finances, cependant, a proposé, et la majorité de notre assemblée l’a adopté, le principe d’un « écrêtage » des deux principales taxes affectées au CNC, en cas de dépassement du plafond. Je le regrette.
Je me réjouis surtout que le Sénat ait suivi l’avis de la commission de la culture en ne votant pas la proposition de la commission des finances de ponctionner le fonds de roulement du CNC de 61, 5 millions d’euros, d’autant que le produit des taxes affectées s’inscrit en recul de près de 10 % par rapport aux prévisions de l’an passé.
Madame la ministre, je sais que vous connaissez la situation du cinéma français et les dangers qui pèsent sur lui. Dans ces conditions, vous comprendrez que nous attendons des réformes d’envergure pour l’an prochain, et vous savez que vous pourrez compter sur le Sénat pour les accompagner.
Les réformes attendues sont nombreuses : sur le fonds de soutien, sur la chronologie des médias ou encore sur le soutien à l’exportation. Il faudra également travailler à la réforme du crédit d’impôt cinéma, non seulement pour attirer les films étrangers, mais aussi pour empêcher que les films français ne soient tournés, pour des raisons fiscales, en Belgique, au Luxembourg et même en Allemagne. Le temps est venu d’agir sur ce point.
Nous sommes attachés à notre système de soutien au cinéma, vertueux et performant. C’est grâce à lui que nous continuons de produire 270 films par an, que les films français captent plus du tiers des spectateurs hexagonaux, que les salles ont réalisé plus de 200 millions d’entrées l’an passé, et que la branche représente 250 000 emplois directs.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de présenter les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Pour résumer mon analyse du budget pour 2015, je dirai que, au-delà des crédits du programme, globalement préservés, les décisions du ministère de la culture révèlent un désengagement de l’État et un pilotage défaillant.
Les crédits sont certes préservés pour l’ensemble du programme, avec 1 099 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 0, 38 %. Cependant, les évolutions sont très inégales d’une action à l’autre.
J’aimerais surtout m’attarder sur la notion de désengagement de l’État qui est flagrante lorsqu’on analyse ce programme. L’illustration la plus évidente de mon propos est la suppression de l’action n° 3 qui regroupait les crédits relatifs aux enseignements artistiques, accordés par les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, aux communes pour le fonctionnement des conservatoires classés, soit 40 conservatoires à rayonnement régional et 102 conservatoires à rayonnement départemental.
Je rappelle que les crédits de cette action devaient être sanctuarisés en attendant leur transfert aux départements et aux régions en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Plusieurs articles de cette loi organisaient la décentralisation des enseignements artistiques avec une répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l’État.
Le ministère a choisi de faire disparaître les crédits, ou presque, puisque seuls 5, 5 millions d’euros sont préservés, mais au sein de l’action n° 1 relative à l’enseignement supérieur.
Nous observons aujourd’hui le résultat d’un processus engagé voilà trois ans. J’ai rencontré l’association des directeurs des conservatoires de France : ils m’ont fait part des conséquences de ce désengagement de l’État, déjà observées sur le terrain en 2014.
La première d’entre elles est relative à l’emploi : trois postes ont ainsi été supprimés au conservatoire à rayonnement départemental d’Orléans, quatre dans mon département, celui de l’Aveyron. Compte tenu des perspectives annoncées pour 2015, les directeurs s’interrogent sur la pertinence du classement des conservatoires qu’ils dirigent, et c’est la deuxième conséquence que je souhaitais évoquer.
Les directeurs estiment que ce classement induit des contraintes coûteuses qui n’ont plus nécessairement d’intérêt, compte tenu de la disparition du soutien financier de l’État, perçu jusqu’alors comme une contrepartie.
Enfin, ils sont très inquiets en découvrant la nouvelle logique du ministère, qui attribuera les crédits résiduels aux conservatoires adossés à un pôle d’enseignement supérieur. En effet, les disparités entre territoires sont fortes et la dynamique d’intégration voulue par la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche varie beaucoup selon les pôles. Aussi la rupture d’égalité a-t-elle été évoquée lors de mes auditions, ce qui me paraît particulièrement alarmant.
« Désengagement », c’est le mot qui m’est également venu à l’esprit en découvrant le cas de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, l’ENSBA. Cette prestigieuse école d’enseignement des arts plastiques est aujourd’hui menacée, puisqu’il est désormais impossible d’y organiser les cours normalement, avec des locaux qui s’effondrent littéralement.
Ce triste état des lieux intervient alors que la Cour des comptes a rendu public, le 3 février 2014, un référé très sévère à l’encontre de l’ENSBA portant sur les années 2001-2011. Malgré ce constat très alarmant, le ministère ne semble pas avoir considéré le cas de cet établissement comme une priorité.
L’image de notre enseignement artistique dans le monde entier est en jeu, mais l’effort financier de l’État reste quasi identique, puisque la subvention pour charges de service public n’augmente que de 300 000 euros pour atteindre 7, 3 millions d’euros, après deux baisses successives en 2013 et en 2014.
Au-delà de ce cas, qui me semble particulièrement important, c’est le pilotage de l’enseignement supérieur « culture » qui semble faire défaut aujourd’hui. Permettez-moi, madame la ministre, d’évoquer la situation des écoles d’art, qui reflète cette carence de l’État. En effet, de nombreuses disparités existent entre les écoles nationales et les écoles territoriales, constituées en majorité sous forme d’établissement public de coopération culturelle, ou EPCC.
Nous le savons depuis longtemps, les disparités entre ces deux types d’écoles constituent un handicap, notamment au regard des activités de recherche qu’elles sont tenues de développer. Or le Gouvernement n’a jamais rendu le rapport sur le statut des enseignants des écoles d’art, prévu par l’article 85 de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, alors que le délai prévu par la loi était fixé au 30 juin 2014.
Madame la ministre, comment, dans ces conditions, relever tous les défis de l’enseignement supérieur « culture » ?
Compte tenu de ces observations, la commission de la culture a rendu un avis défavorable sur les crédits de la mission « Culture ».
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Pierre Laurent.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties, je n’évoquerai qu’une seule question : l’ambition culturelle, celle sans laquelle la gauche n’est pas elle-même, celle sans laquelle la France n’est pas celle de l’égalité.
Madame la ministre, cette ambition est une nouvelle fois absente du budget que vous nous proposez. Or, en temps de crise plus que jamais, la culture doit être au cœur de l’ambition politique. Elle n’est pas un luxe que la crise rendrait superflu et qu’on pourrait sacrifier.
La culture est, au contraire, le chemin le plus fécond de l’émancipation individuelle et collective quand tout est fait pour borner les horizons. Avec sa capacité à symboliser, à nourrir la pensée, à libérer les imaginaires, elle seule rend possible la construction d’un autre monde.
C’est donc bien la question du sens et de la visée culturelle qu’il importe de traiter aujourd’hui, car examiner le budget de la culture, c’est mettre à l’épreuve des chiffres non seulement l’ambition politique en matière d’arts et de culture, mais l’ambition politique tout court d’une société débarrassée des dogmes financiers qui broient tant de parcours humains.
Je vous le dis tout net, notre ambition culturelle ne s’inscrit pas, pour ce qui nous concerne, dans la pensée aujourd’hui dominante des sphères dirigeantes qui borne notre horizon en vertu du prétendu dogme budgétaire. Ce dogme, qu’on ne questionne ni ne remet en cause, entraîne pourtant des conséquences catastrophiques, comme le montrent encore les chiffres du chômage publiés il y a quelques jours.
Malheureusement, le budget général s’inscrit dans ce dogme de réduction budgétaire et la culture reste, quoi qu’on en dise, en première ligne. Si le Gouvernement s’évertue à défendre que, dans un contexte de participation du ministère à « l’effort de redressement des comptes publics », la faible diminution du budget de la culture démontre l’importance accordée à la culture, l’argument a de quoi laisser songeur. Il ne parvient pas à masquer ce qui continue d’être en fait un renoncement.
Je n’ai pas le temps de faire un inventaire exhaustif de tous les chiffres de ce budget, mais notons simplement que cette « importance », cette « priorité » comme on nous dit, se traduit cette année par une augmentation de 0, 09 %, qui est en réalité une baisse de 0, 9 % en euros réels, c’est-à-dire compte tenu de l’inflation.
En outre, nous n’oublions pas que ce budget fait suite à des baisses successives de 2 % en 2014 et de 4 % en 2013, et qu’il s’inscrit donc dans une diminution continue depuis 2008. Partout, les créateurs souffrent, s’inquiètent, alertent. L’ambiance consensuelle des propos que j’entends depuis ce matin me paraît en décalage total avec les angoisses rencontrées sur le terrain.
En l’absence de politique culturelle forte, le champ est laissé libre aujourd’hui au populisme culturel qu’on voit renaître un peu partout avec les spectres de la censure, du tri culturel, de la bienséance réactionnaire. §Le champ est laissé libre à une marchandisation normalisée de la culture, véhiculée par les grandes entreprises du marché, par les géants américains du web qui veulent tout contrôler et piller, à commencer par les droits d’auteur, et abordent les biens culturels comme de simples contenus marchands permettant de dégager des profits selon les logiques de l’arithmétique financière. Le vide laissé se révèle d’autant plus grand qu’à la baisse du budget de l’État pour la culture s’agrègent désormais la réforme des compétences des collectivités territoriales et la baisse de leurs dotations.
Loin de l’ambition de décentralisation et de démocratisation culturelle rapprochant la culture des territoires et des citoyens, les crédits attribués aux régions reculent en vérité dans la mission « Culture ». À cela s’ajoute la diminution des dotations de l’État.
Vous ne pouvez pas parler de maintien de l’effort culturel quand la réduction programmée des dotations aux collectivités territoriales, qui sont les principaux financeurs de l’action culturelle, avec des budgets consacrés à la culture dépassant celui de l’État, les empêchera de contribuer correctement au développement de la culture.
Combien de projets seront menacés ? J’étais hier au Salon du livre et de la presse jeunesse, qui constitue la principale initiative en matière de soutien à ce secteur : cet événement n’existerait pas sans l’engagement du département de la Seine-Saint-Denis et de la Ville de Montreuil. Combien de compagnies de théâtre ne pourront plus exister ? Combien d’artistes ne pourront pas travailler ?
Le maintien d’une compétence partagée entre collectivités est indispensable, et nous veillerons à ce qu’il en soit ainsi lors de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit « projet de loi NOTRe ». Toutefois, cette compétence partagée n’a de sens qu’avec le maintien d’un haut niveau d’engagement de l’État ainsi que des moyens donnés aux collectivités, nécessaires pour assurer les financements croisés.
Pour terminer, je veux attirer votre attention sur la situation, toujours non réglée, des intermittents et, au-delà, de l’ensemble des artistes et techniciens. Le Gouvernement s’est mis dans une situation difficile en agréant la convention relative à l’assurance chômage au printemps dernier. Il a fallu le mouvement de mobilisation de toute la profession pour permettre la création de la mission tripartite.
Cependant, nous sommes très inquiets. Rien ne semble avancer, et la mission pourrait déboucher sur une nouvelle impasse devant le refus d’une partie des signataires de la convention de revoir les dispositions de l’agrément. La surenchère du MEDEF est d'ailleurs encouragée par tous les gages qui lui sont donnés, sans aucune contrepartie pour l’intérêt général.
La mission doit déboucher sur des pérennisations claires en faveur des artistes. En cas d’échec, il sera alors de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement de trancher en faveur d’une solution durable, originale et équilibrée pour les intermittents du spectacle. Nous y veillerons.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous voterons contre ce budget, parce qu’il ne traduit pas d’engagements forts pour la culture ni de volonté de promouvoir les droits de toutes celles et de tous ceux qui œuvrent pour sa vitalité.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous approuvons le maintien du niveau des crédits de la mission « Culture » dans le budget triennal 2015-2017. Il montre l’attention portée à ce secteur par le Gouvernement.
La culture doit aujourd’hui être considérée comme une urgence. « Urgence », le mot est choisi à dessein. En effet, de plus en plus, la culture est l’apanage d’une frange de la population, qui l’a héritée de ses parents. De moins en moins, elle est ce qu’elle devrait être : un bien transversal, partagé par toutes les couches sociales de la population, défiant toute appropriation catégorielle. Parfois élitiste, la culture devient facteur de discrimination à la fois verticale et horizontale, sans que l’école vienne compenser cet état de fait.
La culture est, d'abord, un facteur de discrimination verticale, en tant que capital, en tant qu’habitus. Comme Bourdieu l’avait constaté, les étudiants issus des classes sociales favorisées « héritent […] des savoirs et un savoir-faire, des goûts et un bon goût dont la rentabilité scolaire, pour être indirecte, n’en est pas moins certaine. » Le montant des bourses sur critères sociaux dans l’enseignement supérieur n’a pas encore été assez revalorisé pour compenser ces inégalités. Comment une bourse d’échelon 1, d’un montant de 166, 50 euros par mois, pourrait-elle permettre aux étudiants de se loger, de se nourrir, de s’acheter des manuels scolaires et de faire face à leurs dépenses de santé ? Dès lors, imaginez ce qui leur reste pour la culture ! Selon le Secours populaire français, 107 000 étudiants seraient dans une situation de précarité et 45 000 dans une situation d’extrême pauvreté.
La culture opère aussi une discrimination horizontale, car les fractures territoriales, en la matière, sont importantes. Deux France, aujourd’hui, s’opposent : une France urbaine, vivant dans ou à proximité d’une métropole et bénéficiant d’infrastructures culturelles, et une France périphérique, hors du champ des grandes métropoles, qui, nous le savons, cumule les handicaps en matière d’aménagement du territoire, ce qui a aussi des répercussions en termes d’accès à la culture. La désertification culturelle préfigure la désertification des territoires, de manière plus globale.
C’est sur ce plan que les politiques culturelles trouvent leur point d’ancrage et leur justification : rééquilibrer, horizontalement et verticalement, l’accès des uns et des autres à la culture. Comme le soulignait un rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles, il existe une corrélation positive entre les initiatives culturelles et le développement à long terme des territoires.
S’agissant des territoires, les crédits déconcentrés de la mission « Culture » ont été préservés, notamment au sein du programme « Patrimoines ». Ce dernier point est particulièrement important. En effet, une récente étude de l’Association des petites villes de France révèle que 95 % des villes de 3 000 à 20 000 habitants envisagent de réduire, dès 2015, les moyens qu’elles consacrent à la culture, dans le contexte de la baisse des dotations de l’État. La progression des crédits du patrimoine est donc un signal positif envoyé à nos collectivités territoriales.
Par ailleurs, nous savons que l’exception culturelle française est l’un des moyens de notre rayonnement dans le monde. Elle a des répercussions marchandes, facilement quantifiables – par exemple, dans le secteur du tourisme ou encore dans celui de l’industrie culturelle –, mais elle a aussi des effets qualitatifs, plus difficiles à mesurer, comme l’illustre la remise du prix Nobel de littérature 2014 à l’écrivain Patrick Modiano.
L’émergence de la notion d’« exception culturelle » résulte de l’opposition irréductible entre, d’une part, des systèmes de régulation spécifiques, au bénéfice de productions nationales, et, d’autre part, des dispositifs de libre-échange internationaux, fondés sur la prohibition des mesures de discrimination entre productions nationales et productions étrangères.
Le Gouvernement a annoncé la sanctuarisation des crédits dédiés à la culture, à la suite du mouvement des intermittents du spectacle. Le groupe du RDSE soutient cet effort.
Dans un pays comme le nôtre, l’exception culturelle est plus qu’essentielle, justifiant un régime dérogatoire de subvention à la création artistique.
L’évolution du régime des intermittents est nécessaire, mais différentes pistes sont à explorer, notamment la lutte contre les abus des sociétés de production audiovisuelle. Celles-ci emploient des intermittents à l’année, ce qui réduit très sensiblement leurs charges et leur permet de verser des petits salaires. Le rapport d’information de notre collègue député Jean-Patrick Gille préconisait, par exemple, de requalifier les CDD d’usage en CDI au-delà de 900 heures de temps de travail auprès du même employeur dans l’année ou encore d’interdire de cumuler un emploi à plein temps avec des allocations.
Sur ce sujet, notre collègue Maryvonne Blondin a elle aussi réalisé un important travail, que nous devrions utiliser un peu plus.
Le spectacle vivant, que je connais plus particulièrement, fait coexister des structures de tailles très différentes, qui vont des opéras nationaux aux prestataires dans les domaines du son, de la lumière ou des costumes. Globalement, les entreprises du spectacle vivant sont de petite taille. Ainsi, 43 % des entreprises relevant de la branche professionnelle ont déclaré cinq salariés au plus, tous types de contrats de travail confondus, 94 % des entreprises de la branche emploient moins de 10 salariés permanents et 54 % n’emploient aucun salarié permanent. Le secteur associatif représente 81, 2 % des entreprises de la culture. Cette diversité impose que soit menée une politique permettant une différenciation intelligente, dans le cadre du chantier qui s’ouvrira prochainement.
Nous attendons beaucoup d’un gouvernement de gauche en matière de culture. Nous espérons que nous ne serons pas déçus. Pour l’heure, le groupe du RDSE votera les crédits de cette mission. §
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, bien souvent, en période de restrictions budgétaires et de recherche d’économies, la culture est le premier poste budgétaire à servir de variable d’ajustement. Néanmoins, cette année, les crédits de la mission « Culture » sont sanctuarisés, ce dont le groupe écologiste se félicite.
Cependant, cela ne doit pas nous empêcher de regretter certaines priorités, qui font que votre budget ressemble plus à celui d’un seul ministère des Beaux-Arts qu’à celui d’un ministère de la diversité culturelle.
Les écologistes considèrent que ce budget ne tient pas assez compte de la réalité des pratiques culturelles de nos concitoyens. Par exemple, dans le programme « Création », les musiques actuelles ne sont pas dotées de financements suffisants. Alors que les collectivités territoriales sont contraintes de revoir à la baisse leurs subventions en faveur des scènes de musiques actuelles, le budget que vous nous proposez n’y consacre que 9, 7 millions d’euros. N’oublions pas que les musiques actuelles comptent parmi les activités culturelles préférées des Français, la musique étant la première pratique artistique. Votre décision touche particulièrement les jeunes, priorité énoncée de votre budget !
En revanche, les grandes scènes parisiennes sont plutôt bien dotées.
Une analyse comparée des investissements de l’État à Paris et dans les autres territoires serait intéressante. Je m’interroge, d’ailleurs, sur la concurrence à venir entre la salle Pleyel, l’auditorium rénové de la Maison de la Radio et, maintenant, la Philharmonie de Paris. Madame la ministre, la diversité des cultures doit aussi s’exprimer sur l’ensemble du territoire.
Enfin, je regrette le peu de place accordé à la photographie, parent pauvre historique du budget de la culture, mais pratique plébiscitée par les Français, à en croire la fréquentation et la qualité artistique des nombreux festivals existant en France. La constitution, par la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, d’une photothèque universelle, regroupant les reproductions des collections de l’État et en assurant la conservation, la valorisation et la diffusion numérique, est salutaire, mais limitée en matière de soutien aux arts visuels.
Pour ce qui concerne le programme « Patrimoines », nous nous félicitons de la mise en place de la subvention de 5 millions d’euros pour charges de service public au profit de l’Institut national de recherches archéologiques préventives. Si ce n’est qu’un pansement, sachez que nous serons attentifs au maintien de la continuité de ce service, essentiel à la sauvegarde du patrimoine et à la production de savoirs.
En outre, si nous comprenons l’utilité de renforcer les conditions d’accueil, de visite et de sécurité des visiteurs dans les bâtiments des grands opérateurs du patrimoine, pour répondre à l’objectif, plus éloigné du lien social, de renforcer l’économie touristique, cela ne doit pas se faire au détriment des monuments historiques, notamment de leur restauration. L’attractivité touristique de la France ne peut reposer uniquement sur le Louvre, Versailles ou le Centre Pompidou.
L’article 50 bis, qui vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possibilité d’affecter au Centre des monuments nationaux les bénéfices d’un tirage exceptionnel du loto, est intéressant et mérite réflexion ; nous le soutiendrons. Sachez toutefois que les écologistes resteront attentifs à ce que ce type de financements n’entraîne pas un désengagement durable du ministère.
Enfin, au sein du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », la hausse des crédits dédiés à l’éducation artistique et culturelle est une excellente nouvelle. En revanche, il est essentiel que le ministère de la culture reste aussi présent pendant le temps scolaire obligatoire.
Cinq minutes de temps de parole pour un budget de 2, 6 milliards d’euros, quand il faudrait évoquer des droits culturels qui restent à construire, l’intermittence en tension, l’impact de ce que l’on appelle les GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon… Vous comprendrez, mes chers collègues, que j’ai dû faire l’impasse sur un certain nombre de points !
Sourires.
En tout état de cause, nous voterons les crédits de ce budget sanctuarisé, en appelant à une répartition plus équitable, sur l’ensemble du territoire, en direction de tous les publics et de toutes les pratiques. §
Madame le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits affectés à la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2015 sont présentés comme stables.
Madame la ministre, cette sanctuarisation est, pour vous, un succès. Elle le serait totalement si elle était réelle ! Malheureusement, tel n’est pas le cas. Pour s’en convaincre, il convient de replacer le budget qui nous est soumis dans une triple perspective.
Premièrement, il faut le mettre en perspective avec les baisses de 2013 et de 2014. À cet égard, le budget pour 2015 n’est que la consécration de ces baisses. Dans le temps, l’effort culturel de l’État décroît.
Deuxièmement, et ce point est tout aussi préoccupant, le budget culturel de l’État, comme cela a été indiqué, est de moins en moins représentatif de l’effort de la nation en matière culturelle, les financements des collectivités locales étant aujourd’hui largement majoritaires dans ce domaine. Or, du fait de la baisse continue de leurs ressources jusqu’en 2017, les collectivités seront amenées à réduire leur action. Même si, en toute probabilité, elles tenteront de préserver au maximum leurs dépenses culturelles, tant de fonctionnement que d’investissement, une telle réduction ne pourra être évitée.
Le phénomène pourrait être accentué par un dernier élément, constitutif de la troisième mise en perspective.
Dans le cadre des contrats de projets, qui, comme nous le savons, concentrent les crédits d’investissement de l’État, les lettres de mission données aux préfets de région ne comportent pas de volet culturel. Cela ne pourra qu’entraîner une diminution des investissements en matière de culture.
Les annexes budgétaires préparées laissent entendre que cette situation pourrait être rattrapable au travers du volet dit « territorial » des contrats de projets. Une telle indication est, à mon sens, inexacte, puisque ces volets territoriaux ne seront pas signés par l’État, sauf, madame la ministre, information contraire que vous pourriez nous communiquer ce matin et que nous accueillerions avec grand intérêt.
En résumé, une vision « grand angle » de l’évolution des ressources affectées par notre pays à la vie culturelle conduit au constat d’une triple diminution : d’une part, du budget de l’État, la mission « Culture » pour 2015 consolidant les baisses passées ; d’autre part, du budget des collectivités, via la réduction de leur voilure financière ; enfin, des actions communes de celles-ci, à la suite de la disparition des ressources affectées dans le cadre des contrats de projets.
Telle est la réalité du budget culturel dans sa grande masse !
Les trois programmes de la mission « Culture » examinée ce jour tâchent d’accompagner, tant bien que mal, ce contexte de désengagement général dans le domaine culturel.
Ainsi, le programme « Patrimoines » entend-il préserver les crédits déconcentrés de la mission. Mais que peut bien peser cette préservation, ou cet « accompagnement », au regard de la baisse des dotations aux collectivités ?
La situation est analogue pour le programme « Création ». Celui-ci affiche une ambition - que nous partageons - de soutien au spectacle vivant. Comment un tel objectif peut-il être atteint sans apporter de solution à la crise ouverte, déjà évoquée par plusieurs orateurs, que traverse le régime des intermittents ?
Il a été indiqué, en commission, que si aucun crédit n’était prévu sur le budget culturel, il en existait à l’échelon de celui du ministère du travail. Nous prenons acte de cette affirmation, madame la ministre, mais exprimons quelques doutes, le budget en question ayant, à notre connaissance, la plus grande difficulté à absorber la montée en puissance des contrats dits « aidés » sous toutes leurs formes.
Au-delà de ces doutes d’ordre financier, nous craignons de voir la question de l’intermittence ressurgir, comme ce fut le cas au début de l’été dernier. À un mois de la fin de l’année, aucun renseignement n’est communiqué à la représentation nationale sur les voies et moyens permettant de la résoudre, et j’ai le sentiment que les mêmes causes produiront les mêmes effets : en l’absence de décision d’ici à la fin cette année, les difficultés, que chacun de nous connaît bien, ne manqueront pas de renaître à l’approche des festivals d’été.
J’en arrive au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Même si les crédits relatifs aux Centre national du cinéma et de l’image animée et à la Cinémathèque française sont transférés de ce programme vers le programme « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles », en dire un mot en cet instant n’est pas totalement hors sujet, dans la mesure où les dépenses fiscales relatives au domaine cinématographique et audiovisuel – cela a été souligné précédemment – demeurent paradoxalement rattachées à la mission « Culture ».
Le groupe centriste, qui, monsieur Laurent, aime les larges horizons, tient à exprimer son attachement à la dimension non seulement culturelle, mais aussi économique du monde du cinéma, comptabilisant un nombre d’emplois que nul ne peut sous-estimer.
Toujours au titre de ce programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », nous ne pouvons que regretter l’assèchement progressif, puis définitif, de la ligne budgétaire fléchée vers les établissements d’enseignement artistique financés par nos villes et nos départements. Une fois encore, cette décision nous semble symptomatique d’une politique culturelle qui, faute de moyens, ne parvient naturellement pas à atteindre l’objectif affiché de tout sauvegarder et finit par ne plus avoir de priorités clairement définies.
C’est d’ailleurs ce constat, madame la ministre, qui semble caractériser l’ensemble de ce projet de budget. Votre volonté, parfaitement honorable, d’essayer de maintenir tous les domaines d’intervention du ministère de la culture et de la communication, à tout le moins un maximum de lignes budgétaires pour cet exercice 2015, aboutit à ce qui ressemble fort à une politique de saupoudrage !
Le vrai risque pour l’action culturelle dans notre pays est, aujourd’hui, celui d’un long affaissement des ressources, avec une répartition large et inchangée des crédits. Ce modèle conduit à une forme de décrochage général.
En prenant un peu de recul, le principal reproche que l’on peut formuler à l’encontre des propositions budgétaires pour 2015 figurant à la mission « Culture » est donc l’insuffisance de priorisation. C’est la limite des bonnes intentions !
En un mot, le monde de la culture attend des choix et des décisions !
Quant à la nécessaire articulation entre l’État et les territoires, je rappelle que votre prédécesseur, madame la ministre, avait proposé aux collectivités une sorte de contrat moral : le temps des grands investissements étant terminé, les outils de création et de diffusion existant, l’effort serait porté sur le travail de diffusion des grands opérateurs parisiens vers la province. Moins d’investissements, donc, mais une diffusion plus ouverte vers la province. Ce contrat moral reste pour le Sénat, garant de l’équilibre des territoires, une trajectoire recommandable.
Dans ce contexte d’incertitude, vous comprendrez, madame la ministre, le vote défavorable du groupe UDI-UC. §
Madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a annoncé la sanctuarisation des crédits de la mission « Culture » pour les trois années à venir. Cette sanctuarisation est, à l’évidence, bienvenue ! Il ne faut effectivement pas oublier qu’elle succède à deux années de coupes sévères dans le budget du ministère. Depuis 2012, les crédits ont été réduits de 147 millions d’euros, soit une chute – inégalée depuis de nombreuses années – de 13 %.
On ne pouvait pas continuer ainsi à agir sur les crédits de la culture pour redresser les finances publiques, sans une remise en cause profonde des politiques publiques financées par les programmes de la mission. Vous comprendrez donc que l’on ne puisse qu’approuver cette respiration.
La culture, vecteur de connaissance, d’épanouissement personnel, de socialisation, est bien évidemment nécessaire à chacun de nos concitoyens. Mais elle occupe aussi un pan non négligeable de l’économie de notre pays. Comme vous le savez, madame la ministre, le secteur culturel est aujourd'hui en pleine évolution, sous l’effet du développement du numérique, et totalise 670 000 emplois, soit 2, 5 % de l’emploi total du pays. Il représente 3, 2 % du PIB en 2014, contre 1, 6 % en 1960.
C’est un secteur qu’il est donc essentiel de soutenir !
Mais, au-delà de la stabilité d’ensemble, un certain nombre de variations sont à noter selon les programmes.
Commençons par les crédits du programme « Patrimoines ».
Certes, ceux-ci connaissent une progression de 0, 6 %, mais les crédits de restauration des monuments historiques de l’État chutent de 7 %. La dotation du Centre des monuments nationaux est comparable à celle de 2014, qui, je le rappelle, avait subi une perte de 3 millions d’euros par la suppression de l’affectation d’une partie de la taxe sur les jeux en ligne.
Les enjeux liés au patrimoine, composante essentielle de la mémoire du pays, mais aussi élément d’attractivité touristique des territoires, justifient que des solutions soient trouvées pour conforter les crédits d’entretien de ce patrimoine, dont, en outre, dépendent aussi de très nombreuses entreprises artisanales. C’est pourquoi je soutiens pleinement l’initiative de notre collègue François de Mazières à l’Assemblée nationale, ayant abouti à l’adoption d’un amendement tendant à affecter au Centre des monuments nationaux le produit d’un tirage du loto par an.
Bien évidemment, les crédits du programme « Patrimoines » vont aussi subir indirectement les mesures annoncées de réduction des dotations allouées aux collectivités territoriales, et ce même si le Sénat a ramené cette baisse de 3, 7 milliards d’euros à 2, 3 milliards d’euros. Vous ne pouvez pas, madame la ministre, ignorer cette situation !
Nous souhaitons également que, à l’occasion de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, un bilan soit dressé des dispositions de l’acte II de la décentralisation, mis en œuvre sous la responsabilité de Jean-Pierre Raffarin, en matière de transmission de monuments nationaux à des collectivités locales ou de montée en compétences de différentes régions dans le domaine du patrimoine.
Enfin, sujet déjà évoqué par d’autres orateurs, nous serions désireux d’obtenir des éclaircissements sur la position de l’État quant aux crédits affectés au patrimoine dans le cadre tant des contrats de projets État-région, les CPER, que des programmes européens actuellement en cours de négociation. Il semble que, malgré les interventions des acteurs de terrain dans chacune des régions, pas plus les programmes européens que les CPER ne prévoient une part significative pour le patrimoine.
Je tiens également à dire quelques mots de la situation du patrimoine archéologique.
La très forte progression des crédits correspondants – 124 % – masque les difficultés de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, liées à l’insuffisance de son financement par la redevance d’archéologie préventive.
Nous faisons face, ici, à l’un des très nombreux dysfonctionnements de l’interface CHORUS. Compte tenu des défauts constatés depuis l’origine de ce système, on peut, me semble-t-il, parler d’une véritable « faillite » de l’informatique financière de l’État. Il faudra, à un moment donné, que ce gouvernement ou un autre – le problème dure effectivement depuis des années – puisse dresser un bilan du fonctionnement de ce logiciel, tout particulièrement au regard du retour sur investissement de 800 millions d’euros qui avait été annoncé, en commission, à l’Assemblée nationale et au Sénat voilà quelques années.
S’agissant de l’INRAP, des interrogations demeurent. Ainsi, madame la ministre, peut-être pourrez-vous nous apporter quelques éclaircissements sur la dette accumulée de 50 millions d’euros figurant en page 90 de l’annexe au projet de lois de finances pour 2015 relative aux opérateurs de l’État… Certes, il faut compter avec certaines opérations d’avance de trésorerie, mais la situation est tout de même extrêmement préoccupante !
Nous devons aussi nous interroger sur la mise en concurrence qui était attendue. En effet, le nombre d’opérateurs agréés a diminué au cours de l’exercice écoulé, alors même que certains d’entre eux illustrent parfaitement à quel point il peut être intéressant de disposer d’études dans des délais raisonnables et à de meilleurs coûts.
Posant le problème de l’INRAP, je soulève en fait un sujet d’ensemble, celui de la gouvernance des opérateurs placés sous la responsabilité du ministère de la culture et de la communication. Celui-ci est, avec le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, le principal ministère concerné par le pilotage d’opérateurs, qui, pour certains programmes, comme le programme « Patrimoines », représentent plus de la moitié des crédits.
Or, depuis de très nombreuses années, il est alerté sur les efforts indispensables qu’appelle la gouvernance de ces opérateurs. Je citerai notamment un rapport d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale, datant de 2008, sur la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ou encore un rapport de la Cour des comptes de 2011 consacré aux musées nationaux, constatant un affaiblissement progressif du pilotage par le ministère.
Aujourd'hui, nous ne pouvons pas considérer que le Parlement est suffisamment informé sur le sujet, en particulier au vu des « jaunes » annexés aux projets de loi de finances pour 2015 et pour 2014 sur les opérateurs de l’État, dans lesquels les mêmes imprécisions sont reproduites pour la mission « Culture ».
Je ne citerai que deux exemples, afin de ne pas être trop long.
S’agissant de la Cité de l’architecture et du patrimoine, tout d’abord, le « jaune » relatif à l’exercice 2014 annonce un contrat d’objectifs et de performance, ou COP, en préparation pour la période 2013-2015 ; dans le « jaune » relatif à l’exercice 2015, le document est toujours en préparation. Autrement dit, le COP est en phase d’élaboration depuis deux ans, alors même que son terme est prévu pour 2015 ! Voilà ce qui figure dans les documents remis à la représentation nationale !
Pour ce qui concerne l’établissement public du musée et du domaine national de Versailles, la période couverte par le COP, dans les deux annexes, est close, puisqu’elle court de 2011 à 2013. En outre, aucune information n’est fournie sur la date de signature de la lettre de mission. Nous n’en savons donc rien !
Je ne parle même pas du cas du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou…
Je n’évoque pas des établissements mineurs, mes chers collègues ! Cela montre qu’il existe un véritable problème de gouvernance des opérateurs et, pour le moins, un problème d’information de la représentation nationale.
La question des opérateurs en cache une autre, qui concerne la dérive des coûts.
Le cas de la Philharmonie de Paris a déjà été évoqué. Nous examinerons également avec beaucoup d’intérêt les rapports qui seront rendus par la Cour des comptes sur le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le MuCEM, dont nous savons déjà, notamment par son rapport d’activité de 2012, qu’il connaît une dérive des coûts. D’ailleurs, comme pour la Philharmonie de Paris, cette dérive est sans doute due à un défaut d’engagement de l’État, puisque, je le rappelle, la création du MuCEM est née de la décision de fermeture du Musée national des arts et traditions populaires de Paris en 2005. Une dizaine d’années après, sans doute le ministère paye-t-il aussi les retards apportés à l’exécution d’un certain nombre de programmes.
Enfin, madame la ministre, je voudrais vous interroger sur un sujet qui nous tient tous deux à cœur, celui des relations avec Google.
Le 10 décembre de l’année passée, votre prédécesseur avait pris la décision de ne pas se rendre à l’inauguration de l’Institut culturel de Google à Paris. Aurélie Filipetti déclarait que, malgré la qualité des projets conduits, elle ne pouvait servir de caution à une opération qui ne levait pas un certain nombre de questions que nous avions à traiter avec Google. Parmi celles-ci figuraient la protection de la diversité culturelle et les droits d’auteurs. On pourrait y ajouter les retours sur investissement et les éventuels droits que pourraient encaisser des établissements publics nationaux, par exemple dans le cadre de la mise à disposition de Google Art Project de leurs collections.
J’aimerais savoir où en est la numérisation, qui pourrait constituer un vecteur de financement et de ressources pour ces établissements publics.
À titre personnel, je voterai les crédits de la mission « Culture » compte tenu de leur sanctuarisation, bien que le groupe UMP ait décidé, dans son ensemble, de les repousser.
J’interviendrai sur la partie « création » de la mission « Culture », dont je salue la quasi-stabilité du financement. Ce fait montre l’engagement politique fort pris par le Premier ministre et mis en œuvre par vous, madame la ministre, pour sanctuariser un budget sur trois années, dans une période d’effort collectif pour réduire la dette et redresser le pays. Il s’agit d’un véritable combat et d’une reconnaissance indispensable et essentielle pour le monde de la culture en cette période très chahutée. Je ne puis que vous dire ma satisfaction.
Cette stabilisation révèle une vision de la culture considérée non plus seulement comme un secteur creusant les dépenses publiques, mais bien comme un facteur générateur de richesses à tous égards. La culture est absolument nécessaire à la vitalité et à l’attractivité de tous nos territoires.
Cette vision met fin à la sempiternelle opposition entre culture et économie. En France, le secteur culturel génère davantage d’argent que les filières industrielles automobile ou agroalimentaire. Je vais rappeler les chiffres cités tout à l’heure par l’un de mes collègues, ce qui signifie que nous avons les mêmes sources : le poids économique de la culture dans le PIB a doublé depuis 1960 et les activités culturelles représentent 3, 2 % du PIB. Pour reprendre les récents propos de Jack Lang : « c’est parce qu’il y a crise qu’il faut investir massivement dans la culture ». C’est ce qui avait été fait aussi bien en temps de rigueur, en 1983, qu’en pleine récession, en 1992.
Le dynamisme de ce secteur est particulièrement visible, eu égard au grand nombre d’inaugurations qui se tiennent actuellement à Paris, mais aussi à la progression d’environ 50 % des professionnels de la culture au cours des vingt dernières années, alors que les effectifs de l’ensemble des actifs n’ont progressé que de 16 % dans la même période. La culture emploie 670 000 personnes, soit 2, 5 % de l’emploi total en France, selon une étude conjointe de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles réalisée en 2014.
Les formations artistiques se sont spécialisées et adaptées à la réforme licence-master-doctorat. Aujourd’hui, en France, 36 000 étudiants de l’enseignement supérieur suivent un cursus consacré à la culture, dont 3 500 étudient les disciplines du spectacle vivant. Le soutien aux formations est une priorité, largement affirmée par votre ministère, madame la ministre, dans le cadre du présent projet de loi de finances pour 2015. L’action Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle prévoit une augmentation de 6 % par rapport à 2014, alors que, voilà quelques années encore, arts et formations n’allaient pas de soi.
Je citerai quelques exemples emblématiques. L’École européenne supérieure d’art de Bretagne est un établissement public de coopération culturelle, ou EPCC, créé sur l’initiative des villes de Brest, de Lorient, de Quimper et de Rennes, du conseil régional de Bretagne et de l’État. Cet ensemble, unique en France, développe un projet ambitieux et permet un véritable maillage territorial, une collaboration de ces différents pôles et collectivités sur tout notre territoire. Nous ne pouvons que nous réjouir d’une telle mise en œuvre.
Autre exemple, le Pont Supérieur est un EPCC interrégional précurseur, établissant un lien entre la Bretagne et les Pays de la Loire.
Mais comment faire face à l’arrivée massive de jeunes diplômés sur un marché de l’emploi précaire et saturé ? C’est un sujet préoccupant.
Comme l’a rappelé Françoise Laborde, j’ai remis un rapport intitulé : Réformer pour pérenniser le régime de l’intermittence – ce titre est important.
Nous attendons avec fébrilité les conclusions de la mission.
Je n’ai plus le temps de vous parler de notre ambition culturelle, madame la ministre, mais sachez que nous attendons avec impatience le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. §
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au premier abord, lier culture et économie ne paraît pas nécessairement naturel. La première renverrait à l’interprétation subjective et évanescente de la réalité, quand la seconde n’en serait que la traduction objective et rigoureuse par les chiffres.
Cependant, cela a été dit, il existe bel et bien une économie de la culture, qui génère 700 000 emplois et représente 3, 2 % du PIB, soit sept fois plus que celle de l’automobile. De ce fait, les orientations budgétaires relatives à la sphère culturelle revêtent un enjeu déterminant, tant pour l’économie du secteur que pour l’emploi et l’activité dans sa globalité. De surcroît, l’enjeu de l’art et de la culture caractérise avant tout un projet de société fondé sur l’émancipation individuelle et collective.
À ce titre, une stabilisation des crédits de la mission « Culture » pour 2015 est une heureuse nouvelle, le secteur ayant participé, ces dernières années, à l’effort de redressement des finances publiques.
Le projet de loi de finances pour 2015 rompt ainsi avec les années précédentes. La sanctuarisation des ressources dévolues à la culture doit être saluée, d’autant plus, nous le savons, qu’elle intervient dans un contexte où la consolidation budgétaire demeure un impératif. Le Premier ministre l’avait annoncé le 19 juin dernier ; la promesse a ainsi été tenue.
Certes, quelques hétérogénéités dans la ventilation des crédits subsistent, mais elles ne font que symboliser les priorités du Gouvernement, telle la transmission des savoirs, notamment dans le cadre de l’enseignement supérieur, la démocratisation de la culture, avec le plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle de 10 millions d’euros en 2015 qui doit être reconduit jusqu’à la fin du quinquennat, ou encore l’effort engagé envers les arts plastiques, même si ceux-ci restent le parent pauvre et que la situation des artistes plasticiens nous préoccupe toujours.
La culture est cette année préservée ; elle le sera dans les prochaines années. Quelle sage décision, mes chers collègues, que de défendre les lettres et les œuvres des artistes, ces boucliers modernes contre le populisme, le fatalisme et le « déclinisme » ambiants ! La culture sauvera le monde, disait le poète, et le seul Idiot qui restera sera celui de l’éternel Dostoïevski.
Qui défend l’art et la culture dans le contexte actuel doit avoir comme préoccupation première l’accès du plus grand nombre à cette source d’émancipation. Or la baisse des dotations de l’État à destination des collectivités territoriales, combinée à la définition de la culture – je la défends – comme une compétence partagée et non obligatoire, pourrait faire craindre un désinvestissement massif des collectivités, en l’occurrence synonyme d’accroissement des inégalités culturelles entre les territoires.
Cette réalité, effrayante de par les scenarii qu’elle induit, amène à s’interroger violemment et appelle à la plus grande vigilance. Vincent Eblé a évoqué l’étude de l’Association des petites villes de France. Celle-ci doit nous faire réfléchir.
Si nous voulons, en tant que parlementaires de la République et élus locaux, éviter la fragilisation encore plus grande du secteur, il est impérieux, madame la ministre, de refondre le pacte culturel entre l’État et les collectivités territoriales.
C’est précisément l’objet du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, prochainement débattu au sein de cet hémicycle. Créer les conditions favorables à un véritable engagement financier des collectivités territoriales implique que l’État continue à s’investir pleinement à leurs côtés dans le processus de décentralisation culturelle, notamment par le maintien des crédits des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC. Ce sera le cas pour l’année 2015, comme, je l’espère, pour les années suivantes.
Il ne faut pas omettre que prévenir le désinvestissement des collectivités en matière culturelle, c’est lutter contre toute forme de déterminisme. La promesse républicaine d’égalité des chances ne pourra être tenue que grâce à des pouvoirs publics volontaires et convaincus de la priorité que constituent non seulement la culture, mais aussi l’éducation dans notre pays.
Pour conclure, puisque l’avenir « s’indéfinit », il faut chercher toutes les solutions pour demeurer acteurs de nos destins et de nos identités, tout comme il est essentiel de rappeler certains droits fondamentaux et inaliénables, telle la liberté de création artistique. Je pense particulièrement, en cet instant, à l’artiste sud-africain Brett Baylet. §(Mme Dominique Gillot applaudit.)
Mes chers collègues, c’est affaire de démocratie et de liberté, et c’est également une grande responsabilité collective. §
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits en faveur du patrimoine sont stables et marquent même une progression de 0, 6 %, soit 4, 4 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2014.
Le groupe socialiste salue cette progression particulièrement significative dans le contexte d’économies budgétaires actuel. Cette situation prend le relais d’une forte érosion des crédits constatée depuis plusieurs années, laquelle reste préoccupante.
Cela étant, madame la ministre, nous soutenons pleinement les trois grandes priorités définies par le programme 175.
Je commencerai par la mise en valeur patrimoniale et architecturale de nos cadres de vie. Élue d’un territoire rural, je suis particulièrement sensible au maintien du niveau des crédits destinés à soutenir les politiques patrimoniales des collectivités, qu’il s’agisse de la réhabilitation et de l’entretien des centres anciens ou du soutien au réseau des villes et pays d’art et d’histoire.
Une autre priorité de ce programme budgétaire est l’accessibilité du patrimoine sous toutes ses formes et pour tous les publics. À ce sujet, nous nous réjouissons du rééquilibrage significatif des crédits à destination des musées de province enfin amorcé par le maintien des crédits transférés aux collectivités et le retour des crédits déconcentrés à leur niveau des années 2013 et 2012.
Concernant la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine, troisième priorité de ce projet de budget, nous souhaitons vous faire part de nos préoccupations. La réduction de 1, 3 % des crédits de l’action n° 1, Patrimoine monumental, demeure préoccupante en raison du désengagement progressif des cofinanceurs que sont les collectivités territoriales.
Une plus grande stabilisation offrirait aux acteurs de ce secteur une meilleure visibilité à moyen voire long terme. À la suite de l’adoption d’un amendement par l’Assemblée nationale est prévu un rapport gouvernemental sur la possibilité d’organiser un tirage exceptionnel du loto à l’occasion des Journées européennes du patrimoine. Si une telle opération s’avère réalisable, elle ne pourrait qu’être source de financement complémentaire.
Nos préoccupations concernent aussi la préservation du patrimoine archéologique. Les crédits de paiement de l’action n° 9 progressent de près 125 %. Toutefois, ces fluctuations d’une année sur l’autre sont liées à la nécessité de compenser ou non l’insuffisance du produit de la redevance d’archéologie préventive, ou RAP, qui finance les missions de l’INRAP.
Après la loi de 2001, plusieurs textes législatifs ont en effet permis aux aménageurs de bénéficier d’exonérations de versement de la RAP et ont ainsi bâti une véritable usine à gaz. Le financement de la RAP via des dotations exceptionnelles n’est plus tenable. Il est temps de le repenser et, pour cela, nous comptons sur le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine annoncé pour le premier semestre 2015.
Je conclurai en rappelant que la préservation de l’héritage patrimonial est essentielle. La richesse qu’il représente constitue, outre un capital historique et culturel, un atout majeur de l’attractivité de la France. Elle permet notamment de maintenir la place de leader mondial de notre pays dans le secteur du tourisme.
Madame la ministre, la stabilité du programme budgétaire « Patrimoines » est remarquable dans le contexte économique actuel. C’est pourquoi le groupe socialiste, après les quelques remarques que j’ai formulées en son nom, soutiendra ce budget. §
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, après le débat de fond que nous avons eu voilà quelques jours au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, j’ai le plaisir de vous présenter ce samedi matin – il n’y a pas d’heure ni de jour pour parler de culture – les crédits budgétaires de la mission « Culture ».
Ce projet budget, comme l’ont souligné pratiquement tous les orateurs, est stabilisé et même en légère hausse. Il permet surtout de mettre en œuvre les priorités politiques que s’est assignées le Gouvernement, en particulier mon ministère. Quelles sont-elles ? Elles sont simples, elles sont lisibles, elles sont ambitieuses.
Il s’agit d’abord de repenser l’accès à la culture, en partant des pratiques culturelles des Français. Il s’agit ensuite de renforcer l’excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays. Il s’agit enfin d’encourager le renouveau créatif, les jeunes artistes, les nouveaux créateurs, les nouvelles formes de création.
Après deux ans de baisse et de rationalisation en 2013 et 2014, le budget du ministère de la culture et de la communication est conforté pour les trois prochaines années. Il connaît même une légère augmentation de 0, 33 % pour 2015, s’agissant de l’ensemble des crédits budgétaires, pour s’élever à 7, 08 milliards d’euros.
C’est un signe fort adressé à l’ensemble des professionnels, des artistes, des hommes et des femmes qui œuvrent au quotidien pour notre patrimoine et notre création.
C’est aussi un engagement puissant vis-à-vis des collectivités locales : l’État ne se désengage pas et reste à leurs côtés pour porter les politiques culturelles sur l’ensemble des territoires. Cet enjeu est absolument essentiel pour moi, à l’heure où les débats à venir dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, à l’instar de ceux qui se sont tenus lors du vote de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, nous conduiront à nous interroger sur les modes de partenariat entre les collectivités et l’État, et à l’heure où la contrainte sur les finances publiques locales peut induire des retraits ou l’abandon de certains projets. J’y reviendrai tout à l'heure, à la fin de mon propos.
Un budget doit se lire de manière politique et non comme une suite de chiffres sans cohérence ni fil rouge. Un budget vient en appui de politiques et de priorités politiques. Je m’attarderai surtout sur deux d’entre elles.
La première de ces priorités, c’est la jeunesse. Je vais donc commencer mon propos par le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui permet de concrétiser deux ambitions.
Tout d’abord, le plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle sera poursuivi et verra ses moyens augmenter pour atteindre 40 millions d’euros, afin que les DRAC puissent en particulier accompagner les collectivités locales et proposer des projets culturels de qualité sur le temps libéré par la réforme des rythmes scolaires. Il s’agit d’un engagement et c’est un choix fort du Gouvernement en faveur de la culture comme vecteur de lien social et levier de lutte contre les inégalités. Plus d’un tiers de ces crédits sera consacré aux territoires issus de la cartographie prioritaire.
Je souhaite également rappeler, madame Blandin, que ce plan ne se limite bien évidemment pas au temps périscolaire, mais implique une réflexion importante avec le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous souhaitons mener, dans le cadre de la réforme des programmes scolaires, une réflexion de fond entre ce ministère et le mien sur la formation des enseignants et le contenu des programmes, afin de pouvoir moderniser l’enseignement culturel au sein de l’éducation nationale.
En parallèle, les DRAC sont incitées à s’investir davantage dans les zones blanches de l’action culturelle – les zones rurales, les zones périurbaines, par exemple –, où la proposition culturelle des institutions, de l’État, des collectivités territoriales est défaillante.
Je souhaite passer à une phase d’accélération et envoyer un signal tout particulier à ces territoires qui peuvent apparaître comme relégués, ou se sentir comme tels. Je ne veux plus que de telles zones demeurent.
Un certain nombre d’exemples, à l’image du travail mené depuis longtemps dans le Nord-Pas-de-Calais ou, plus récemment, dans la région Rhône-Alpes, montrent que des marges existent pour travailler plus activement au bénéfice de l’égalité des citoyens et de l’égalité – ou de l’équité – des territoires. Comme l’a rappelé Mme Laborde, c’est un impératif absolument catégorique que d’œuvrer à l’égalité des territoires en matière d’accès à la culture.
La seconde priorité, soulignée, entre autres, par M. Gattolin et par Mme Laborde, c’est l’enseignement supérieur, à commencer par les étudiants eux-mêmes. J’augmenterai ainsi de plus de 14, 5 % les bourses sur critères sociaux et les aides pour les étudiants. Aider ces élèves, qui se trouvent parfois dans des difficultés économiques, à mener à bien leur projet d’étude est un impératif de responsabilité sociale.
S’agissant des écoles elles-mêmes, le budget pour 2015 permettra de poursuivre la structuration des formations professionnalisantes. Pour mener à bien cet enjeu de structuration – je réponds à MM. Gattolin et Luche, mais je sais la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Mme Morin-Desailly, très intéressée par ces questions –, j’ai dû faire le choix difficile de concentrer désormais les moyens sur les seuls conservatoires à rayonnement départemental et régional adossés à des pôles supérieurs d’enseignement du spectacle vivant, mission qui relève de la responsabilité de l’État. J’y reviendrai tout à l'heure, mais sachez que l’État assume ce choix de recentrage de ses actions. Il s’agit de mettre fin à un certain nombre de saupoudrages pour se concentrer sur des établissements relevant plus spécifiquement des missions de l’État.
L’année 2015 verra aussi, et j’en suis particulièrement heureuse, le lancement de nouveaux projets d’investissement, qu’il s’agisse de la création d’une école de la photographie à Arles, du déménagement du département des restaurateurs de l’Institut national du patrimoine, ou encore de la modernisation nécessaire des écoles d’architecture de Marseille et de Toulouse.
Certains d’entre vous l’ont souligné, il me semble nécessaire que le ministère de la culture et de la communication exerce une action de pilotage à l’égard de l’enseignement supérieur dont il est en charge.
L’une de mes priorités pour les deux années à venir est justement de faire en sorte que les 110 000 étudiants et la centaine d’établissements qui dépendent de mon ministère soient effectivement pilotés par ce dernier. Ils doivent en connaître la vision, la façon dont il entend mobiliser ce magnifique réseau d’écoles – art, architecture, paysage, etc. – intervenant dans différents secteurs de la création pour le mettre au service de la détection, de l’accompagnement, de la formation, de la professionnalisation de ceux qui, demain, seront les artistes, les talents, les créateurs à même de faire vivre le modèle culturel français.
Je n’oublie pas que les métiers d’art font partie intégrante du monde de la création, comme l’a souligné M. Nachbar. J’en fais l’une de mes priorités : ces métiers participent au rayonnement culturel de notre pays et peuvent œuvrer à la projection internationale de mon ministère.
Ils sont aussi une source de débouchés professionnels pour un certain nombre de jeunes désireux de s’engager aujourd’hui dans ce type de formation. J’ai visité avant-hier le Mobilier national : quels savoir-faire, quelle expertise ! Nous devons les transmettre aux générations futures, afin qu’ils ne se perdent pas et se maintiennent sur le territoire français. Il s’agit là encore d’un secteur auquel j’accorde une priorité, à tout le moins une attention très forte.
Des créateurs de demain aux créateurs d’aujourd’hui, il n’y a qu’un pas. Le Premier ministre s’y était engagé dès le mois de juin dernier, les crédits du programme « Création » sont consolidés en 2015, mais aussi pour les trois années à venir. C’est un signe fort d’engagement de l’État à l’heure où la mission tripartite de MM. Gille, Combrexelle et Mme Archambault travaille avec l’ensemble des acteurs concernés sur des solutions viables et pérennes – j’insiste sur ces qualificatifs – s’agissant du régime de l’intermittence.
Les moyens budgétaires alloués au spectacle vivant participent à la structuration de l’économie de ce secteur et à l’amélioration des conditions d’emploi des artistes.
On l’oublie trop souvent, ces moyens budgétaires représentent avant tout de l’activité, et donc de l’emploi. Avant de parler de chômage, nous aimerions tous pouvoir davantage parler de diffusion du spectacle vivant, de dynamisme de la création, d’emplois pour les artistes et les techniciens du spectacle.
J’aimerais répondre à Pierre Laurent, à Françoise Laborde, à Philippe Bonnecarrère et à Maryvonne Blondin sur l’intermittence. Le sujet est d’actualité et d’importance.
La richesse et la diversité de l’offre de spectacles vivants, mais aussi sa production audiovisuelle et son cinéma constituent une richesse fantastique pour notre pays, ainsi qu’un élément de son prestige à l’international. L’intermittence, ce n’est pas un statut. On parle d’hommes et de femmes, artistes et techniciens, qui contribuent à faire exister et vivre cette richesse. Or leurs activités sont discontinues, car elles sont liées à des projets artistiques – festivals, films, création en général – par essence discontinus. Et c’est cette spécificité de l’emploi des artistes et des professionnels de la création que prend en compte le régime des intermittents depuis l’origine de l’assurance chômage en France.
Des efforts sont sans doute nécessaires et les intermittents en font, comme tous les salariés. Toutefois, je refuse qu’une profession, dont les conditions d’exercice sont souvent très difficiles, parfois précaires, soit montrée du doigt ou stigmatisée.
Je ne veux pas, à ce stade, anticiper sur les conclusions de la mission tripartite. Cependant, nous devons replacer ce dossier de l’assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle dans un cadre plus large, l’inscrire dans une ambition culturelle pour notre pays. Je le réaffirme ici devant vous : dans un contexte budgétaire contraint, que nous connaissons tous, le fait que le budget en faveur de la création soit préservé pour les années 2015 à 2017 constitue un choix fort.
Cette ambition, nous la retrouvons aussi dans le financement de projets que d’autres, avant nous, avaient su lancer sans jamais budgéter. Le budget pour 2015 permettra ainsi l’ouverture de la Philharmonie de Paris – évoquée par M. Gattolin et d’autres orateurs –, un nouvel équipement de référence non seulement pour la diffusion musicale, mais aussi pour la sensibilisation de nouveaux publics, des jeunes, grâce à son programme éducatif ambitieux.
Au-delà des difficultés de la fin du chantier – c’est souvent le cas pour des équipements aussi ambitieux –, ce que marque le présent budget est bien l’ouverture de l’établissement : les crédits de fonctionnement de l’État sont prévus, la Philharmonie de Paris étant appelée à travailler en synergie avec la Cité de la Musique et les structures musicales qu’elle aura vocation à accueillir.
Monsieur Gattolin, je suis évidemment d’accord pour introduire des indicateurs de performance relatifs à la fréquentation, aux ressources propres, mais aussi, pourquoi pas, aux programmes d’éducation artistique et culturelle, à la vocation pédagogique de la Philharmonie de Paris. Je pense que cela serait de bonne gestion. Je vous propose de travailler ensemble à cette question.
Je veux être très claire devant les inquiétudes qui ont été exprimées à propos de ce chantier : Paris ne doit pas résumer l’ambition de l’État en matière de culture et l’ambition de la politique culturelle de l’État ne se limitera pas à Paris, qu’il s’agisse de la métropole, du Grand Paris ou de la capitale. Telle n’est pas ma vision de la politique culturelle, qui se doit d’être présente sur l’ensemble des territoires et de réaliser la promesse républicaine de ce ministère, c’est-à-dire apporter la culture – ou faire en sorte qu’elle soit accessible – au plus grand nombre de nos concitoyens, quel que soit l’endroit où ils se trouvent, quel que soit leur milieu d’origine, quelle que soit leur capacité économique. Ne soyons pas en deçà d’un certain niveau d’ambition.
Il manquait sans doute à la France une grande salle, à la hauteur de celles dont disposent nos voisins européens. Je peux d’ailleurs dire qu’un certain nombre de chefs d’orchestre étrangers que j’ai rencontrés nous envient déjà ce très beau lieu. Nous devons maintenant faire de l’ouverture de celui-ci un enjeu majeur en termes d’attractivité et de rayonnement culturel de notre pays. Veillons à ce que cette ouverture soit réussie !
Madame Blandin, je vous le confirme, le réseau des scènes de musiques actuelles est très important aux yeux du Gouvernement. Les pratiques, notamment celles des jeunes, se déplacent de l’écoute vers l’accès au concert, au spectacle vivant. En deux ans, mon ministère a ajouté 1 million d’euros de nouveaux crédits à ce réseau. Cela témoigne de son importance dans l’accès aux cultures, notamment aux cultures nouvelles.
En quelques mots, j’évoquerai les arts plastiques à travers la rénovation des hôtels de Montfaucon et de Caumont qui accueilleront à Avignon la collection Lambert, mentionnée par M. Gattolin, la plus grande donation depuis vingt ans en France. L’ouverture de ce lieu est prévue au mois de juillet 2015. Il s’agira d’un moment important pour le ministère de la culture et de la communication. Je songe aussi à la poursuite du programme des FRAC de deuxième génération.
Tels sont, brossés à grands traits, les points saillants des crédits budgétaires alloués au secteur de la création.
S’agissant du cinéma, évoqué par MM. Assouline et Bonnecarrère, le Gouvernement a fait le choix de ne pas amputer les capacités d’action du CNC par un prélèvement dans les réserves de l’établissement.
Il a également fait le choix, dans le projet présenté au Parlement, de ne pas plafonner les taxes prélevées sur le marché de la diffusion cinématographique et audiovisuelle.
La précédente majorité avait écrêté les taxes affectées au cinéma et à l’audiovisuel. Dès notre arrivée, nous avons restauré l’intégrité du modèle de financement mutualiste du fonds de soutien au cinéma et à l’audiovisuel. Je regrette profondément que la majorité sénatoriale soit revenue sur cette décision dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, au détriment de la création, ainsi que du rayonnement culturel et économique de notre pays. Tout cela au moment où le monde du cinéma et de l’audiovisuel doit faire face à une baisse forte des investissements dans la production, ainsi qu’à un recul de 10 % des recettes attendues du CNC. Je souhaite que la suite de la discussion parlementaire permette de revenir sur cette situation.
Pour 2015, l’établissement sera autorisé à puiser dans sa réserve de solidarité pluriannuelle pour amortir l’incidence conjoncturelle de la baisse des taxes sur les investissements du secteur et éviter un effet récessif, qui serait préjudiciable à la diversité de la création et sans doute aussi à l’emploi.
Je sais, monsieur le rapporteur pour avis David Assouline, combien vous êtes sensible à cet effort maintenu en faveur de notre cinéma ; je sais aussi que vous attendez du Gouvernement un certain nombre de réformes, à l’heure de la révolution numérique et de la popularisation de la vidéo à la demande. Ce sont des sujets sur lesquels nous sommes actuellement en train de travailler, y compris avec vous ; je souhaite à ce propos que nous puissions faire évoluer les réformes en cours d’élaboration.
Je veux vous dire combien je partage votre ambition en faveur de notre cinéma. Oui, le cinéma est un élément de l’attractivité de notre pays. Le budget pour 2015 de la culture doit nous permettre de renforcer, de remuscler la place de la France dans la compétition internationale, qui fait rage actuellement. Je suis très attentive à ce que les dispositifs fiscaux, notamment le crédit d’impôt international ou le crédit d’impôt en fiction et en animation, permettent de repositionner la France comme une destination prioritaire pour le tournage des grandes productions cinématographiques.
J’ai parlé de création, de cinéma, mais mes propos ne seraient pas complets, bien évidemment, si je n’évoquais pas avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, la grande richesse des secteurs des patrimoines.
Pour ce qui concerne l’archéologie, sujet évoqué par Vincent Eblé, Philippe Nachbar et Marie-Pierre Monier, une subvention pour charge de service public de 5 millions d’euros sera activée pour l’INRAP. Il s’agit non pas de modifier le régime de financement de cet opérateur, sur lequel je reviendrai plus tard, mais bien de reconnaître pleinement, Vincent Eblé l’a rappelé, l’existence des missions de service public qui lui sont confiées, en matière scientifique comme territoriale.
Plus généralement, pour ce qui concerne le patrimoine, l’État répondra aussi présent, avec le maintien des crédits déconcentrés – beaucoup d’entre vous s’en sont réjouis –, soit une enveloppe de plus de 224 millions d’euros pour les monuments historiques, dont on sait l’importance pour l’emploi, l’activité économique et l’attractivité touristique de nos territoires.
Du reste, et c’est un point saillant du projet de budget pour 2015, grâce aux marges dégagées par la fin des grands chantiers décidée dès 2012, l’effort d’investissement peut aujourd’hui reprendre, tout en s’accompagnant d’une vision plus structurée et plus rationnelle, permise, vous le savez, par l’élaboration de schémas directeurs d’entretien et de restauration, qui se substituent progressivement à une logique d’opération au coup par coup, sans vision de moyen terme.
L’amélioration de l’accueil du public sera également au cœur de nos priorités, avec la rénovation de l’accueil du musée de Cluny, la restitution au public de l’hôtel de la Marine, Philippe Nachbar l’a évoquée – rendue possible grâce à la mobilisation des moyens et de l’expertise du Centre des monuments nationaux et de la Caisse des dépôts et consignations –, mais aussi le projet Pyramide du musée du Louvre. C’est également le sens de l’expérimentation de l’ouverture sept jours sur sept, à horizon 2017, de trois grands musées nationaux très fréquentés – Versailles, le Louvre et Orsay –, qui est menée dans l’idée d’améliorer non seulement les conditions de circulation ou d’accès du public à nos collections, mais également les conditions de travail des agents des institutions en question.
Par ailleurs, même s’il s’agit d’un projet dématérialisé, c’est bien la meilleure accessibilité du public au patrimoine archivistique qui est aussi à l’œuvre avec le beau projet interministériel de plateforme d’archivage électronique, dit « VITAM », qui permettra d’assurer la conservation des archives électroniques, lesquelles, compte tenu de la dématérialisation croissante des décisions administratives, sont de plus en plus importantes.
Plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, s’interrogent également, à juste titre, sur l’incidence sur la politique culturelle de l’État de la future réforme territoriale ; je veux vous en dire quelques mots.
L’année 2015, dans la perspective des débats à venir sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et des débats passés sur loi MAPTAM, sera l’occasion de discuter avec les collectivités de l’avenir de l’ensemble des politiques culturelles conduites sur les territoires. C’est un enjeu essentiel pour moi, puisque, vous le savez, la culture est un champ de responsabilité très largement partagé entre l’État et l’ensemble des échelons de collectivités territoriales.
Je sais ce que ce pays doit à ces dernières en matière d’action culturelle. Nous devons repenser le rôle de chacun, sans fragiliser le haut niveau d’ambition culturelle, et en réaffirmant les principes auxquels nous croyons : la liberté de création, la liberté de programmation dans une société démocratique – des exemples récents, rappelés par certains des orateurs, montrent que, dans cette période de crise et de fracture sociale, ce grand principe n’est pas toujours une évidence –, mais aussi, pour ce qui me concerne, l’exigence et l’innovation, le souffle du renouveau créatif, qui sont également des priorités à constamment réaffirmer.
Des représentants d’associations d’élus, réunis au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, le CCTDC – lieu de dialogue sans beaucoup d’équivalents entre l’État et les partenaires locaux en matière culturelle –, et moi-même avons évoqué l’idée d’un pacte culturel. J’y suis, comme vous, madame Robert, très attachée. Je crois en effet que ce pacte pourrait être un excellent moyen, dans le cadre actuel de réforme de l’organisation territoriale de la République, dans un contexte de crise des finances locales en particulier et des finances publiques en général, de réaffirmer l’ambition que nous nous fixons collectivement, de manière partenariale et collaborative, pour les politiques culturelles, au service de nos concitoyens.
Je m’engage à travailler sur ce sujet avec l’ensemble des échelons de collectivités territoriales, pour que nous puissions exprimer cette ambition collective, définir, de manière partenariale, les moyens que nous entendons y affecter, et réaliser nos projets.
La culture ne doit pas rester étrangère à ce mouvement de fond de modernisation, qu’il faut savoir saisir ; c’est non pas tant un risque, pour moi, qu’une opportunité pour la culture dans notre pays.
Du point de vue de l’État, je veillerai au respect de grands principes, auxquels je suis attachée : la confirmation d’une présence territoriale forte du ministère de la culture et de la communication, d’abord ; la modularité au service de la solidarité, ensuite – l’État, je le crois, ne devra pas être présent partout de la même manière ; c’est là une conception dépassée de son rôle ; il faut cesser de concevoir son action de manière totalement uniforme, pareille à un jardin à la française, et s’adapter aux besoins, aux réalités des territoires et des collectivités de notre pays ; une approche partenariale fondée précisément sur la qualité et les besoins spécifiques de chaque territoire, enfin.
Au-delà de ce propos, qui m’a, me semble-t-il, permis de revenir sur un certain nombre de points évoqués par les divers orateurs, je vais essayer très brièvement – si vous me le permettez, madame la présidente, je sais avoir déjà dépassé le temps qui m’était imparti – de répondre aux quelques questions très précises qui viennent de m’être posées.
À propos de l’archéologie préventive, d’abord, un certain nombre de questions ont concerné la capacité du ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, notamment, à procéder à la liquidation de la RAP, taxe qui permet de financer les travaux. Je tiens à dire à M. Nachbar et à Mmes Blandin et Monier que les difficultés en la matière semblent aujourd’hui résolues. La reprise de cette part de liquidation a pu être effective au mois de mars 2014, et les premiers versements de l’INRAP au Fonds national pour l’archéologie préventive, le FNAP, notamment, ont eu lieu en avril dernier. Les titres de paiement émis cette année s’élevaient à la fin du mois d’octobre à 102 millions d’euros ; les encaissements effectifs devraient atteindre 86 millions d’euros pour l’ensemble de l’année. La situation est donc en train de s’améliorer.
Il n’empêche que, avec un nombre d’opérateurs agréés en diminution, ainsi que l’a signalé Michel Bouvard, et une activité moindre – un nombre moins important d’opérations d’aménagement conduisant à une attrition dans cette activité –, des questions se posent sur la capacité du secteur de l’archéologie préventive à absorber la concurrence introduite par nos prédécesseurs au Gouvernement.
J’en viens, ensuite, au classement des conservatoires régionaux et départementaux évoqué par Jean-Claude Luche. Je ne suis pas persuadée que les collectivités territoriales et les directeurs d’établissement d’enseignement spécialisé ne voient dans le label accordé par l’État qu’une contrepartie de crédits budgétaires. Ce classement constitue avant tout, me semble-t-il, une démarche d’expertise et d’évaluation de la part des services de l’État, conduite à la demande des communes ou de leur groupement, pour permettre aux responsables locaux de situer le niveau de l’enseignement dispensé par les établissements dont ils ont la charge.
Je trouve en revanche pleinement légitime votre interrogation, monsieur le sénateur, sur ce qu’État et collectivités peuvent conjointement attendre de ce classement. Je crois que celui-ci mérite d’être repensé et modernisé, dans le sens d’une plus grande clarté et d’une meilleure appropriation par les territoires.
Je voulais enfin répondre à la question posée par Philippe Bonnecarrère et Michel Bouvard sur les CPER. S’ils ne comprennent pas de volet culturel spécifique, chacun des volets des CPER contient bien, en revanche, des projets culturels. Il est donc faux de dire que la culture n’est pas du tout intégrée dans ces travaux et dans la réflexion menée.
Je précise aussi, monsieur Bouvard, que le volet patrimoine des CPER se voit doté de 120 millions d’euros, prévus sur la période 2015-2020, soit 20 millions d’euros par an. À titre de comparaison, pour la période 2007-2014, la somme était de 160 millions d’euros, soit un effort exactement identique de 20 millions d’euros par an. Pour le volet création, ce sont 72 millions d’euros, soit 12 millions d’euros par an, qui ont été prévus pour les CPER 2015-2020. L’effort a donc été maintenu pour la culture, la création, le patrimoine. Cela répond, je le pense, à vos interrogations, monsieur le sénateur.
J’ai déjà largement excédé le temps qui m’était imparti. Je tiens seulement à remercier l’ensemble des orateurs de s’être ainsi mobilisés pour ce projet de budget de la culture.
Mon ambition pour mon ministère est grande, mesdames, messieurs les sénateurs ; elle a commencé à se traduire dans le budget qui vous est présenté aujourd’hui, et elle s’affirmera encore, vous le constaterez, dans les budgets des années à venir, mais aussi dans le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, sur lequel, je m’en réjouis, nous aurons à discuter ensemble. Cette ambition se manifestera enfin dans l’ensemble des mesures qui, ni législatives ni réglementaires, devront faire vivre la création, l’exception culturelle, le modèle culturel de notre pays ; c’est un enjeu absolument majeur de rayonnement de notre pays, mais aussi de cohésion et de lien social. §
Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.
en euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Culture
Patrimoines
Création
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Dont titre 2
662 092 498
662 092 498
Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Culture ».
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 49 :
Le Sénat n’a pas adopté.
J’appelle en discussion l’article 50 bis, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Culture ».
Culture
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mars 2015, un rapport sur la possibilité d’affecter au Centre des monuments nationaux les bénéfices d’un tirage exceptionnel du loto réalisé à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.
Je souhaite interroger le Gouvernement sur la Philharmonie de Paris. En tant que sénateur de Paris, je soutiens ce projet, malgré toutes les difficultés.
Dans son rapport de 2012 sur le sujet, mon ancien collègue Yann Gaillard soulignait qu’il y avait manifestement eu une stratégie politico-administrative pour minimiser les estimations initiales.
Parmi quatre-vingt-dix-huit participants, c’est M. Jean Nouvel, l’architecte le plus titré et médaillé au monde, qui a été retenu. Lui-même a déclaré publiquement avoir été obligé d’approuver les termes du contrat tout en sachant qu’ils étaient faux !
Pour construire la salle, il n’y a que Bouygues et ses traitants. C’est d’ailleurs un grand classique : à Paris, pour tous les projets nationaux ou municipaux, on ne fait appel qu’à une ou deux sociétés. C’est la démocratie française…
Cette stratégie politico-administrative est appliquée par une association avec un directeur tout puissant, qui décide seul de toutes les transactions, dans les limites de l’enveloppe qui lui est dévolue. Dans son rapport, Yann Gaillard a noté que la « forme associative de la structure de portage du projet » avait « favorisé une défaillance de suivi des tutelles ».
Voilà qui explique peut-être en grande partie les dérives des coûts, aujourd'hui estimées à 118 millions d’euros. À l’origine, le programme était chiffré à 204, 14 millions d’euros ; à l’heure actuelle, nous sommes à 381, 5 millions d’euros. Et je ne parle pas de l’emprunt de la ville de Paris à 5, 2 %. Quand on connaît les taux habituellement pratiqués, on se rend compte à quel point cette ville est bien gérée…
On a l’impression que, derrière le pouvoir personnel du directeur, l’architecte n’a pas beaucoup eu son mot à dire. Il est possible que, lors de l’inauguration, le 14 janvier, d’aucuns s’interrogent sur les qualités acoustiques de la salle et sur l’œuvre que l’architecte a voulu réaliser. J’ai déjà alerté les hautes autorités à cet égard.
Par ailleurs, la ville de Paris a refusé de prendre en charge le surcoût de 45 millions d’euros. Certes, sur un budget de 8 milliards d’euros, 45 millions d’euros, ce n’est pas énorme. Mais quand on dépense beaucoup, comme le fait la municipalité, et qu’on se retrouve avec un déficit de 400 millions d’euros, on ne peut évidemment plus assumer grand-chose…
Je souhaite interroger le Gouvernement : pourquoi un tel surcoût ? J’ai demandé des explications, et je crois que Mme la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait de même. Nous n’avons obtenu aucune réponse. D’ailleurs, et les spécialistes le confirmeront peut-être, il m’a semblé que ce surcoût n’apparaissait même pas clairement dans les documents budgétaires.
Je rappelle que les contrats ont été signés en 2011, sur la base de prix de 2009. Ainsi que le savent tous mes collègues élus, la révision des prix est automatique sur la base de l’indice BT 01 de 1 %. Mais là, avec le surcoût, on est à 15 % !
Certes, en comparaison de nos milliards d’euros de dette ou du budget de la ville de Paris, 45 millions d’euros, cela ne fait pas beaucoup. Mais je connais beaucoup d’élus de province qui aimeraient bien disposer d’une telle somme pour financer leur politique culturelle.
Il est donc permis de se poser des questions. Pouvez-vous justifier ce surcoût, madame la ministre ? Y a-t-il eu une volonté de maquillage dès le départ ? Après tout, c’est fort possible, puisque les contrats de 2011 ont été signés sur la base des prix de 2009. Les ordres notifiés par le maître d’ouvrage ne servent-ils pudiquement qu’à faciliter le travail des entreprises ?
Je souhaite avoir des éclaircissements en la matière, d’autant que, encore une fois, je soutiens le projet.
L’article 50 bis nouveau a pour objet la remise par le Gouvernement d’un rapport sur la possibilité d’affecter au Centre des monuments nationaux les bénéfices d’un tirage exceptionnel du loto réalisé à l’occasion des Journées européennes du patrimoine. Au groupe UDI-UC, nous y sommes évidemment favorables.
Je souhaite profiter de l’occasion qui m’est offerte pour évoquer plusieurs questions liées au budget de la mission « Culture », que nous venons de repousser.
Les crédits sont effectivement en très légère hausse, mais leur répartition ne nous convient pas forcément. Comme cela a été souligné tout à l’heure, nous avons l’impression qu’il n’y a aucun véritable choix, hormis la réduction drastique des aides aux conservatoires, donc aux collectivités territoriales, à un moment où les moyens des opérateurs augmentent de 2 % et les dépenses fiscales de 13, 2 %.
Je n’ai jamais entendu l’État indiquer par la voix du Premier ministre ou du ministre chargé du budget qu’il s’agissait de priorités budgétaires. Or, pour moi, dans un contexte budgétaire aussi contraint que celui que nous connaissons aujourd'hui, une augmentation de 2 %, cela marque une priorité !
Je reprends les propos de mon collègue Michel Bouvard sur la gouvernance des opérateurs. Le rapport de la Cour des comptes sur les dépenses de fonctionnement et sur certaines dépenses d’investissement décidées par les opérateurs qui se retournent ensuite vers l’État est, à mon avis, très bon. J’aimerais connaître les dispositions que le Gouvernement souhaite adopter pour piloter les opérateurs de manière plus efficace et ne plus leur laisser une totale liberté.
Je m’interroge également sur l’ouverture de certains musées sept jours sur sept, expérimentation dont j’ai lu qu’elle avait « vocation » à être financée par les recettes de billetterie. Savoir qu’il y a une « vocation à », c’est bien ; avoir des certitudes, c’est mieux ! Je ne suis pas opposé à cette ouverture. Mais la décision a-t-elle été précédée d’une étude de marché ou d’évaluations ? Cela ne figure pas dans le rapport. Avant d’embaucher 100 personnes et de dépenser de l’argent public, il serait, me semble-t-il, souhaitable de s’assurer que les recettes seront au rendez-vous et que le financement sera effectivement assumé par les visiteurs.
Par ailleurs, et à l’instar de mon collègue Yves Pozzo di Borgo, je souhaite évoquer la Philharmonie de Paris, sujet sur lequel je suis intervenu à plusieurs reprises.
Comme jeune sénateur, j’avais interpellé M. Frédéric Mitterrand sur le dérapage financier. Nous sommes passés des 200 millions d’euros initialement prévus à 381 millions d’euros. Depuis le début, et ce n’est pas de votre faute, madame la ministre, l’opération n’a absolument pas été pilotée.
D’ailleurs, c’est malheureusement souvent une caractéristique des projets de l’État.
De tels dérapages sont tout de même assez préjudiciables aux contribuables. Je ne suis pas convaincu que le fait de consacrer autant d’argent à un seul équipement parisien aille vraiment dans le sens de la réorientation des aides vers la province que vous invoquez, madame la ministre.
Je souhaite soulever plusieurs questions.
D’abord, les 45 millions d’euros de dépassement, que la ville de Paris ne veut pas prendre en charge, sont-ils inscrits dans ce budget ?
Je ne les ai pas vus, que ce soit dans le rapport ou dans les tableaux de chiffres. Je ne me contente pas d’affirmations ; je veux voir les chiffres.
Ensuite, existe-t-il une convention – je suis surpris qu’il n’y en ait pas eu à l’origine – entre l’État et la ville de Paris pour fixer la répartition du financement à la fois sur l’investissement et sur le fonctionnement à 50/50 ? Si ce n’est pas le cas, c’est très grave ! Cela signifie que l’État est pris au piège des décisions de la ville de Paris. Si celle-ci décide demain de ne plus rien financer du tout, le fonctionnement de cet équipement parisien sera à la charge de l’État, c'est-à-dire des contribuables, y compris de ceux qui habitent en province ! On n’engage pas des deniers publics sans convention initiale. Et si cette convention existe, la ville de Paris est-elle prête à acquitter les 9, 8 millions d’euros de fonctionnement pour l’année 2015 ?
Enfin, à quoi ont servi les 5, 7 millions d’euros de crédits de fonctionnement inscrits pour 2014 ? La Philharmonie de Paris n’est pas ouverte. Je sais bien qu’il fallait anticiper la programmation. Mais fallait-il mobiliser une telle somme dès 2014 pour cela ? §
Ces interventions ne portent pas sur l’article 50 bis. Toutefois, je vais répondre aux questions qui m’ont été adressées.
Tout d’abord, comme vous l’avez rappelé avec honnêteté, messieurs les sénateurs, la décision de construire la Philharmonie de Paris a été prise en 2007. En 2012, lors de notre arrivée aux responsabilités, le chantier avait déjà beaucoup avancé. Je pense qu’il n’aurait pas été de bonne gestion de mettre un terme à une opération ayant déjà coûté plusieurs centaines de millions d’euros.
Au demeurant, même si je travaille beaucoup au rééquilibrage de l’offre culturelle entre Paris et la province, je pense qu’il s’agit d’un beau projet pour l’attractivité de notre pays. Nous avions besoin d’une grande salle philharmonique. L’établissement fait aujourd'hui des envieux, à Londres comme à Berlin, où les équipements ont vieilli.
J’ai pris mes fonctions de ministre à quelques mois de l’ouverture de la Philharmonie de Paris. Je souhaite que nous la réussissions.
Pour autant, je ne nie pas qu’il y ait eu un certain nombre de problèmes de pilotage. D’ailleurs, ils ne datent pas du mois de mai 2012 ; ils sont bien antérieurs. Depuis ma nomination dans ces fonctions, je m’efforce d’y remédier, pour ce qui concerne le financement comme la gouvernance.
Cette année, il y a effectivement eu un dépassement de 45 millions d’euros. Mais il est partiellement imputable à l’interruption du chantier pendant une année à la demande de Nicolas Sarkozy qui a coûté extrêmement cher.
Nous avons également une vingtaine de millions d’euros qui sont liés à des actualisations de prix. Comme cela a été rappelé, les contrats ont été passés pour certains en 2009 et pour d’autres en 2011. Cela coûte également.
Et nous avons 25 millions d’euros de surcoût qui sont dus à des aléas. Outre les coûts liés à l’interruption du chantier, que j’ai déjà évoqués, il faut tenir compte d’un certain nombre d’options techniques, comme les exigences de sécurité, le bois choisi pour parer les murs de la grande salle, le vernis… Il s’agit peut-être de détails, mais c’est grâce à cela que l’esthétique et l’acoustique de la salle seront exceptionnelles. De tels problèmes de finition sont malheureusement assez classiques pour ce type d’opération.
Au vu de la situation, une mission a été confiée à M. Jean-Pierre Weiss pour examiner les raisons ayant conduit aux dépassements et aux retards ; elle est en cours depuis un an. Il s’agit d’identifier clairement les responsabilités respectives des différents acteurs, car il n’est pas forcément évident d’en connaître la répartition aujourd'hui.
Lors de ma prise de fonctions, j’ai demandé à l’OPIC, l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, une contre-expertise pour savoir si l’objectif d’une ouverture le 14 janvier prochain était bien réaliste – il m’a été répondu que cela l’était – et pour faire procéder à une évaluation précise des coûts et des travaux à réaliser en urgence.
Une mission est en cours afin d’étudier si la Philharmonie peut fonctionner avec les crédits prévus du côté tant de l’État que de la ville de Paris, sachant que les négociations sur la convention qui lie ces deux parties pour organiser le fonctionnement de l’établissement s’achèvent actuellement.
J’ai passé beaucoup de temps à la Cour des comptes, et j’ai vraiment eu à cœur, je peux vous l’assurer, de rendre la situation à la fois plus transparente, plus claire et plus efficace. S’il est important de bien comprendre les responsabilités des uns et des autres, il faut surtout faire en sorte que l’inauguration et l’ouverture de la Philharmonie de Paris soient un succès mondial.
Je ne reviendrai pas sur la question du pilotage des opérateurs de mon ministère. Je vous l’affirme, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai la volonté très claire de piloter l’ensemble d’entre eux, même si la tâche n’est pas facile. Concrètement, cela signifie que les directeurs d’établissement public devront tenir compte de ma vision et de mes priorités en matière d’éducation artistique et culturelle. Ils devront, entre autres, mieux prendre en compte les pratiques quotidiennes des jeunes d’aujourd’hui, ou encore s’engager dans une démarche de rayonnement international. Je pourrais ainsi multiplier les exemples.
En tout état de cause, je souhaite non pas que mon ministère s’ingère dans la gestion quotidienne des opérateurs, mais qu’il définisse des grands axes de politiques et que tous les opérateurs se mettent au service de ces priorités.
Enfin, je précise que les 45 millions d’euros étaient prévus pour 2014 ; c’est la raison pour laquelle ils ne figurent pas dans le projet de loi de finances pour 2015. §
Permettez-moi de profiter de ce débat sur la Philharmonie de Paris, madame la ministre, pour vous demander s’il est exact que la salle Pleyel perdra sa spécificité classique. Si c’est une fausse rumeur, autant lui tordre le cou tout de suite !
Paris va devenir une place extrêmement importante pour le rayonnement de la musique classique, ce dont il faut, je pense, se féliciter.
Dans la mesure où Paris disposera désormais d’une salle philarmonique de tout premier plan, dont l’acoustique aura été traitée par le même bureau d’études que celui qui a travaillé sur l’auditorium de la Maison de Radio France, avec une jauge de plus de 2 500 places, cet établissement en sera le pôle de la musique classique.
De ce fait, il a été décidé que la salle Pleyel devrait réorienter sa programmation vers d’autres musiques, afin de parvenir à une spécialisation des genres des différents lieux dédiés à la musique à Paris. Toutefois, je ne suis pas extrêmement rigide : nous verrons bien, à l’usage, la manière dont se déplacent les publics. Nous pourrons éventuellement en discuter de nouveau.
L'article 50 bis est adopté.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et article 60).
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », vous prie de l’excuser. Retenu par des engagements dans son département, il ne peut être présent aujourd’hui en raison du report de l’examen de la présente mission. Je vous livre donc les principaux points de son rapport.
La mission que nous examinons ce matin est la principale mission du budget général en termes d’intervention en faveur des personnes vulnérables : personnes éloignées de l’emploi, personnes en situation de handicap, personnes dépendantes, personnes sous tutelle, etc.
Elle est en réalité très concentrée sur quelques dispositifs d’intervention coûteux, mais absolument fondamentaux pour notre cohésion sociale : l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, pour les travailleurs handicapés, le RSA activité, et la protection juridique des majeurs.
Le budget triennal 2015-2017 prévoit la poursuite de l’augmentation des crédits, qui atteindront environ 16 milliards d’euros en 2017, hors le compte d’affectation spéciale « Pensions », soit une hausse de quelque 500 millions d’euros en deux ans. Il y a en effet, sur la mission, deux principales dépenses dont le tendanciel est fortement en augmentation : l’allocation aux adultes handicapés, qui représente 8, 5 milliards d’euros en 2015, et la partie « activité » du revenu de solidarité active, qui correspond à plus de 1, 9 milliard d’euros. La hausse prévue dans le budget triennal est importante, mais le rapporteur spécial craint malgré tout que le plafond ne soit très rapidement dépassé, en particulier du fait de la revalorisation du RSA.
J’en viens maintenant aux principales observations du rapporteur spécial sur chacun des programmes.
Le programme 304 est le principal programme d’inclusion sociale. Il porte essentiellement sur les dépenses liées au RSA activité et à la protection juridique des majeurs. Les crédits de ce programme augmentent fortement, pour deux raisons de périmètre : l’intégration du programme 106 et la « rebudgétisation » – le rapporteur spécial s’en félicite – du Fonds national des solidarités actives, ou FNSA, qui finance le RSA activité.
Cette « rebudgétisation » clarifie le financement et améliore la prévisibilité de la recette pour les gestionnaires. Cependant, le rapporteur spécial, comme le rapporteur général en séance lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, s’est inquiété de l’affectation d’une fraction de la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires. Selon lui, cette affectation ne respecte pas les principes de la contribution, et constitue un « tuyau », ou une « recette de poche », qui réduit la clarification attendue.
Dans le cadre de la revalorisation du RSA, la dépense en matière de RSA activité va augmenter, pour atteindre 1, 9 milliard d’euros en 2015. Cela fait trois ans que le rapporteur spécial appelle de ses vœux une réforme qui réduise le non-recours à cette prestation : depuis la présentation du rapport en commission, le Gouvernement a présenté son projet de loi de finances rectificative, qui prévoit la suppression de la prime pour l’emploi, première étape avant la création d’une nouvelle prime d’activité.
Le rapporteur spécial regrette fortement la suppression de l’aide personnalisée de retour à l’emploi, l’APRE, coup de pouce pour l’insertion des bénéficiaires du RSA, dont il avait souligné l’utilité dans un rapport de contrôle budgétaire l’an passé.
De façon générale, il déplore que, sous l’effet de la contrainte budgétaire, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se réduise à ses seuls dispositifs de guichet et que disparaissent ou soient réduites les interventions plus ciblées ou les subventions aux associations, qui animent sur le terrain la politique de solidarité.
Il en va de même des subventions aux associations en faveur des droits des femmes, qui vous sont particulièrement chères, madame la secrétaire d’État, portées par le programme 137 et qui sont gelées depuis trois ans.
S’agissant du programme 157, la principale préoccupation du rapporteur spécial concerne la budgétisation de l’allocation aux adultes handicapés, qu’il estime insuffisante. Selon lui, l’AAH est sous-budgétée d’environ 100 millions d’euros. Je rappelle que l’AAH représente à elle seule plus de la moitié des crédits de la mission, soit 8, 5 milliards d’euros.
Le rapporteur spécial regrette le faible effort qui est fait en faveur des établissements et services d’aide par le travail, qui font travailler des personnes handicapées, notamment des handicapés mentaux. Aucune nouvelle place n’est construite, et l’aide à la modernisation est très faible – seulement 2 millions d’euros –, alors que les premières conclusions du contrôle, actuellement en cours, de M. Bocquet sur ce sujet montrent des besoins importants en la matière.
Enfin, le rapporteur spécial a vivement critiqué les suppressions d’effectifs dans le programme 124, qui vise les dépenses de fonctionnement et de personnels de l’administration sociale. Sont concernées les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, les DRJCS, la direction départementale de la cohésion sociale, la DDCS, les directions départementales de la protection des populations, les DDPP, les agences régionales de santé, les ARS, etc. Le plafond d’emploi des directions est réduit de 253 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, presque tous des agents de catégories C et B. Celui des ARS est diminué de 100 ETPT. Depuis 2011, au total, les effectifs des administrations sociales ont perdu plus de 800 personnes, soit plus de 10 % de l’ensemble. Le rapporteur spécial a fait part de sa crainte que, au terme de cette logique, les missions que ces directions doivent assurer, à savoir la solidarité et l’accompagnement des personnes vulnérables sur le terrain, ne soient remises en question.
In fine, malgré l’importance de cette mission pour la cohésion sociale dans notre pays, le rapporteur spécial avait préconisé de ne pas en adopter les crédits, en raison non seulement de ces baisses continues d’effectifs dans l’administration, mais aussi de la suppression des dispositifs d’intervention ciblés comme l’APRE, ainsi que de la probable sous-dotation de l’AAH. La majorité de la commission des finances l’a suivi, en soulignant que les réformes nécessaires pour contenir les dépenses de guichet n’étaient pas réalisées.
En conséquence, madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des finances a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », mais telle n’est pas, vous l’aurez compris, ma position personnelle.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales est défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ainsi qu’à celle de l’article 60, qui lui est rattaché.
La présente mission sera dotée de 15, 7 milliards d’euros l’année prochaine. Je ne reviendrai pas en détail sur la présentation des crédits, préférant concentrer mon propos sur les principaux éléments qui ont justifié la position de la commission. Ils sont de deux ordres : d’une part, la sous-évaluation chronique de dépenses d’intervention, dont la hausse n’est pas maîtrisée ; d’autre part, l’environnement très incertain dans lequel évoluent les politiques d’inclusion sociale et du handicap.
Le programme « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire » bénéficiera de 2, 6 milliards d’euros en 2015.
Le Fonds national des solidarités actives, qui finance le RSA activité, sera doté de 2, 3 milliards d’euros. La forte hausse par rapport à 2014 tient à une simplification du mode de financement du FNSA qui sera désormais entièrement assuré par l’État. Pour autant, l’incidence sur les dépenses de l’État de la revalorisation exceptionnelle du RSA socle, ainsi que des mesures mises en œuvre pour lutter contre le non-recours aux droits, est sous-évaluée.
Il est en outre regrettable que, pour 2015, le financement du RSA activité ne puisse être bouclé que grâce à un apport de 200 millions d’euros issus de la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires. Cela ne va pas dans le sens de la clarification effectuée par ailleurs pour ce qui concerne le financement du FNSA et laisse à penser que le Gouvernement ne se donne pas les moyens d’assumer de façon pérenne les conséquences budgétaires des décisions qu’il a prises à l’égard du RSA.
Le Gouvernement vient d’annoncer la création d’une prime d’activité chargée de remplacer le RSA activité et la prime pour l’emploi. Il s’agit d’une réforme attendue, que portait en germe la loi de 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion. Elle est justifiée dans la mesure où le RSA activité et la prime pour l’emploi n’ont pas atteint leurs objectifs d’incitation au retour et au maintien dans l’emploi. De nombreuses questions demeurent, notamment sur l’incidence financière de la réforme.
Compte tenu du fort taux de non-recours au RSA activité – il est d’environ 68 % – et de l’échec du RSA jeunes – moins de 8 000 personnes en ont bénéficié en 2014 –, est-il réaliste d’envisager, à moyens constants, la création d’une prime qui touchera l’ensemble des travailleurs dès l’âge de dix-huit ans ? Je n’en suis pas convaincu.
D’autres questions devront être tranchées.
Le 6 novembre dernier, le Premier ministre a annoncé la mise en place d’un groupe de travail sur le RSA socle. L’hypothèse d’un transfert de la gestion de cette prestation à l’État mérite d’être étudiée de près, en raison notamment du poids qu’elle représente pour les finances départementales et des marges de manœuvre plus que limitées dont les départements disposent pour sa gestion.
Dans le même temps, il est nécessaire que les départements puissent conserver leurs compétences en matière d’insertion et d’accompagnement vers l’emploi.
J’en viens au programme « Handicap et dépendance », qui rassemble près des trois quarts des crédits de la mission et doit bénéficier l’année prochaine d’un financement de 11, 6 milliards d’euros.
Sur cette somme, 8, 5 milliards d’euros seront dédiés au financement de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH. Là encore, la commission des affaires sociales a estimé, dans sa majorité, que ces dépenses étaient sous-évaluées, jugement que confirme l’abondement prévu en loi de finances rectificative sur la dotation pour 2014.
Le Gouvernement prévoit que l’AAH sera versée en 2015 à un nombre de bénéficiaires compris entre 1 045 000 et 1 064 000 personnes. La crise économique, le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite ainsi que le report de certains publics du RSA vers l’AAH, constituent les trois principaux facteurs d’augmentation du nombre de bénéficiaires.
De plus, le Gouvernement annonce une augmentation faciale de la contribution de l’État au fonctionnement des MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, qui s’élèvera à 66, 3 millions d’euros. Mais cette hausse n’est obtenue qu’au moyen d’une ponction de 10 millions d’euros opérée sur la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
En pratique, l’effort réalisé par l’État en faveur des MDPH diminue de plus de 8 millions d’euros. S’agit-il d’une mesure exceptionnelle ou doit-on y voir la première étape d’un désengagement de l’État ? Mes craintes sont fortes, et ce d’autant plus que la charge de travail des MDPH ne cesse d’augmenter.
Les ESAT, les établissements et services d’aide par le travail, recevront quant à eux 2, 7 milliards d’euros l’année prochaine. J’insiste sur la fragilité qui caractérise leur mode de tarification ainsi que sur la faiblesse du plan d’aide à l’investissement prévu par le projet de loi de finances, soit 2 millions d’euros pour environ 1 300 établissements. L’incidence sur leur modernisation sera trop limitée, alors même que les ESAT sont parmi les structures les plus anciennes du secteur médico-social.
Je conclurai mon intervention en vous faisant part de ma préoccupation quant à la situation des personnes handicapées vieillissantes. Les solutions de prise en charge existantes doivent être repensées afin que puissent être mises en place les solutions d’accompagnement adéquates, permettant d’éviter les ruptures.
Si le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ne prend pas directement en compte cet enjeu, il faut souhaiter que la discussion du texte au sein de notre assemblée puisse être l’occasion d’engager une réflexion constructive pour améliorer les parcours de vie de ces personnes.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré les fortes contraintes budgétaires que nous connaissons, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont préservés, ce qui témoigne de l’engagement de l’État au service des personnes les plus vulnérables.
J’en veux pour preuve les crédits alloués au programme « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire ». L’effort de l’État est d’autant plus bienvenu que les derniers chiffres publiés par l’INSEE et par certaines associations dressent un constat alarmant sur la pauvreté en France : en 2012, 8, 6 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté et 112 000 personnes étaient sans domicile fixe.
Je note avec satisfaction que le Gouvernement tient les engagements qu’il a pris dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, qui a été adopté en janvier 2013 : le 1er septembre 2015, le RSA augmentera exceptionnellement de 2 %, au-delà de l’inflation, et le RSA activité et la prime pour l’emploi seront fusionnés en une prime d’activité qui sera mise en œuvre au 1er janvier 2016.
C’est une excellente chose étant donné le peu de lisibilité et la complexité des dispositifs actuels.
Le Livre blanc Discrimination et Pauvreté d’ATD Quart Monde, paru en octobre 2013, souligne d’ailleurs que, chaque année, 50 % des bénéficiaires potentiels du RSA ne le réclament pas.
Madame la secrétaire d’État, je sais que le Gouvernement veut simplifier les démarches notamment pour limiter le non-recours aux prestations sociales. C’est indispensable, en effet. Chaque année, des milliards d’euros de prestations ne sont pas réclamés par des personnes qui y auraient pourtant droit.
Cela s’explique par un manque d’information, par la complexité des démarches, mais également par un renoncement motivé par la crainte d’être accusé de profiter du système et d’être stigmatisé.
Ce qui est particulièrement grave, c’est que les non-requérants sont surtout les personnes les plus précaires sur les plans économique et social. C’est pourquoi il est nécessaire de leur faciliter l’accès aux droits auxquels ils sont éligibles.
Je me félicite également du montant des crédits affectés à l’aide alimentaire : 32, 6 milliards d’euros, dont près de 8 millions d’euros pour les épiceries sociales et solidaires, qui apportent une aide à un public en difficulté économique, fragilisé ou exclu, tout en préservant la dignité des personnes.
Je sais que le Premier ministre s’est engagé cette semaine à promouvoir les dons en nature. C’est une très bonne nouvelle. L’année dernière, les Restos du cœur ont distribué 130 millions de repas à plus d’un million de personnes, et la tendance à la hausse devrait malheureusement se poursuivre.
Or la générosité des donateurs particuliers n’étant pas illimitée, il me semble indispensable de développer et de faciliter les dons des filières agricoles, comme cela a été fait en décembre 2013 avec les producteurs laitiers.
Les crédits du programme « Handicap et dépendance », qui représentent les trois quarts de la mission, s’élèveront à 11, 6 milliards d’euros. Je ne peux que m’en réjouir. Je sais que, début novembre, un rapport vous a été remis par notre collègue député Annie Le Houérou sur l’accompagnement dans l’emploi des personnes handicapées tout au long de leur parcours professionnel. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelles suites vous comptez donner aux quatorze recommandations formulées dans ce rapport ?
Je dirai un mot enfin sur le programme « Égalité entre les femmes et les hommes ».
Le Gouvernement œuvre depuis deux ans et demi pour faire progresser les droits des femmes dans notre société. D’ailleurs, dans le classement du rapport mondial sur la parité entre hommes et femmes publié fin octobre dernier, la France est passée de la 45e à la 16e place, devant les États-Unis et la Grande-Bretagne. Cela méritait d’être souligné.
Comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, depuis 2012, les crédits du programme 137 ont augmenté de 25 % pour financer les mesures du quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes. Il s’agit notamment du déploiement des accueils de jours et du numéro d’accueil téléphonique et d’orientation.
Je pense également à la formation des professionnels en matière de violences faites aux femmes, dont le pilotage est assuré par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, créée il y a tout juste un an. Ce dispositif permet d’améliorer la prévention, la détection des violences faites aux femmes ainsi que la protection et la prise en charge des victimes.
Je regrette, toutefois, que les crédits de ce programme, qui servent essentiellement à financer les associations, ne progressent pas par rapport à 2014, alors que les besoins augmentent. Je tiens d’ailleurs à saluer l’engagement des associations d’aide aux victimes de violences qui réalisent un travail formidable et permettent aux victimes de se reconstruire. Leur rôle est extrêmement positif.
Parce que les crédits de cette mission traduisent un effort significatif du Gouvernement en faveur de la solidarité, les sénateurs du RDSE, dans leur très grande majorité, les voteront.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avec 15, 75 milliards d’euros de crédits demandés pour 2015, le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » témoigne de l’importance de l’action de l’État au service des personnes les plus vulnérables.
Comme l’écrit M. Philippe Mouiller dans le rapport pour avis qu’il a remis au nom de la commission des affaires sociales, cette mission est « l’un des principaux vecteurs d’intervention de l’État en matière de lutte contre l’exclusion sociale et de protection des personnes les plus vulnérables ».
L’occasion nous est donc offerte d’examiner un grand nombre de secteurs qui bénéficient d’une augmentation convenable des moyens qui leur sont alloués dans un contexte économique et budgétaire très contraint.
Je rappellerai d’abord l’engagement pris par le Gouvernement, dès le début de ce quinquennat, de mettre en œuvre le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Ainsi, la hausse des crédits du programme 304 permettra de mettre en place plusieurs actions : la revalorisation régulière, à hauteur de 10 points d’ici à 2017, du RSA socle ; l’augmentation des plafonds d’accès à la couverture maladie universelle complémentaire ; l’expérimentation de la garantie jeunes, qui devrait passer de 10 000 bénéficiaires en 2014 à 50 000 en 2015 ; l’allongement de la durée des contrats aidés pour les personnes de plus de cinquante ans en situation de handicap ou allocataires d’un minimum social.
La mission dont nous examinons les crédits voit son architecture modifiée pour 2015, puisqu’elle ne compte plus que quatre programmes, contre cinq l’année précédente : le programme 304, nous venons de l’évoquer, est désormais intitulé « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire », et son périmètre a été élargi avec l’intégration du programme 106, « Actions en faveur des familles vulnérables » ; le programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes » ; et le programme 124, « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ».
À ces trois programmes s’ajoute bien sûr le programme 157, « Handicap et dépendance », sur lequel ma collègue Claire-Lise Campion interviendra.
Je voudrais également souligner, outre l’intégration du programme 106, l’augmentation de la dotation versée au Fonds national des solidarités actives.
Je tiens à saluer, au travers du regroupement que j’ai signalé, l’effort de cohérence et de simplification du cadre budgétaire qui a été entrepris par le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, ce dernier ayant pris la décision bienvenue de simplifier la cartographie des programmes.
J’en viens au problème du RSA, que vient d’évoquer à l’instant M. le rapporteur pour avis.
Le 12 novembre dernier, le ministre des finances, Emmanuel Macron, annonçait lors de son audition par l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014 la suppression de la prime pour l’emploi au titre des revenus perçus en 2015 en vue de sa fusion avec le RSA en 2016.
Nous prenons acte de cette fusion, même s’il convient de regretter qu’une telle mesure n’ait pas été inscrite dans le présent projet de loi de finances afin d’être mise en œuvre plus rapidement.
Au-delà de ce dispositif, que nous soutenons, s’agissant du RSA, se pose la question – nous y reviendrons certainement à l’occasion de l’examen du projet de loi NOTRe – des relations entre l’État et les collectivités territoriales, et plus particulièrement le département.
En effet, le RSA est l’allocation qui pèse le plus lourd dans le budget des départements. Doit-elle rester l’apanage des départements ou être à la charge de l’État ? Je pense que nous aurons à nous prononcer d’une manière très forte sur la question ; en tout cas, c’est une décision très attendue par les conseils généraux.
Merci, mon cher collègue ; entre présidents de conseils généraux, nous sommes très solidaires sur cette question, quel que soit notre bord politique.
Je me félicite également de la priorité donnée par le Gouvernement à l’égalité entre les femmes et les hommes. Ainsi, les crédits du programme 137 augmentent, légèrement, de 0, 56 %, pour atteindre 25, 2 millions d’euros.
Ce qui mérite d’être relevé, madame la secrétaire d'État, c’est que ces crédits créent un effet de levier, car ils attirent des financements provenant d’acteurs locaux et européens. La participation d’entreprises, d’organismes paritaires collecteurs agréés ou de branches professionnelles volontaires, ainsi que la mobilisation des crédits du Fonds social européen, le FSE, s’ajoutent aux crédits de l’État. On a là une dynamique très intéressante.
Enfin, les crédits de l’action n° 5, Personnes âgées, s’élèvent à 2, 3 millions d'euros. Ils sont destinés au versement de subventions à des associations et à la lutte contre la maltraitance. Nous souhaitons que la maltraitance laisse place à la bientraitance. Malgré les résultats alarmants d’un récent sondage, des efforts sont faits dans un grand nombre d’établissements.
Nous plaçons beaucoup d’espoir dans l’examen par le Sénat du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale. Nous irons au fond des choses. Madame la secrétaire d'État, nous aimerions savoir quand nous examinerons ce projet de loi. Nous espérions l’examiner en janvier ou en février, mais, apparemment, il nous faudra attendre jusqu’aux élections départementales.
En tout cas, le présent projet de loi de finances ne déroge pas à la règle que le Gouvernement s’est fixée : pérenniser les crédits destinés à financer le plan autonomie, consacrant ce dernier comme une véritable priorité, preuve s’il en est que la solidarité n’est pas un vain mot. C'est pourquoi le groupe socialiste votera les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.