Je souhaite interroger le Gouvernement sur la Philharmonie de Paris. En tant que sénateur de Paris, je soutiens ce projet, malgré toutes les difficultés.
Dans son rapport de 2012 sur le sujet, mon ancien collègue Yann Gaillard soulignait qu’il y avait manifestement eu une stratégie politico-administrative pour minimiser les estimations initiales.
Parmi quatre-vingt-dix-huit participants, c’est M. Jean Nouvel, l’architecte le plus titré et médaillé au monde, qui a été retenu. Lui-même a déclaré publiquement avoir été obligé d’approuver les termes du contrat tout en sachant qu’ils étaient faux !
Pour construire la salle, il n’y a que Bouygues et ses traitants. C’est d’ailleurs un grand classique : à Paris, pour tous les projets nationaux ou municipaux, on ne fait appel qu’à une ou deux sociétés. C’est la démocratie française…
Cette stratégie politico-administrative est appliquée par une association avec un directeur tout puissant, qui décide seul de toutes les transactions, dans les limites de l’enveloppe qui lui est dévolue. Dans son rapport, Yann Gaillard a noté que la « forme associative de la structure de portage du projet » avait « favorisé une défaillance de suivi des tutelles ».
Voilà qui explique peut-être en grande partie les dérives des coûts, aujourd'hui estimées à 118 millions d’euros. À l’origine, le programme était chiffré à 204, 14 millions d’euros ; à l’heure actuelle, nous sommes à 381, 5 millions d’euros. Et je ne parle pas de l’emprunt de la ville de Paris à 5, 2 %. Quand on connaît les taux habituellement pratiqués, on se rend compte à quel point cette ville est bien gérée…
On a l’impression que, derrière le pouvoir personnel du directeur, l’architecte n’a pas beaucoup eu son mot à dire. Il est possible que, lors de l’inauguration, le 14 janvier, d’aucuns s’interrogent sur les qualités acoustiques de la salle et sur l’œuvre que l’architecte a voulu réaliser. J’ai déjà alerté les hautes autorités à cet égard.
Par ailleurs, la ville de Paris a refusé de prendre en charge le surcoût de 45 millions d’euros. Certes, sur un budget de 8 milliards d’euros, 45 millions d’euros, ce n’est pas énorme. Mais quand on dépense beaucoup, comme le fait la municipalité, et qu’on se retrouve avec un déficit de 400 millions d’euros, on ne peut évidemment plus assumer grand-chose…
Je souhaite interroger le Gouvernement : pourquoi un tel surcoût ? J’ai demandé des explications, et je crois que Mme la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait de même. Nous n’avons obtenu aucune réponse. D’ailleurs, et les spécialistes le confirmeront peut-être, il m’a semblé que ce surcoût n’apparaissait même pas clairement dans les documents budgétaires.
Je rappelle que les contrats ont été signés en 2011, sur la base de prix de 2009. Ainsi que le savent tous mes collègues élus, la révision des prix est automatique sur la base de l’indice BT 01 de 1 %. Mais là, avec le surcoût, on est à 15 % !
Certes, en comparaison de nos milliards d’euros de dette ou du budget de la ville de Paris, 45 millions d’euros, cela ne fait pas beaucoup. Mais je connais beaucoup d’élus de province qui aimeraient bien disposer d’une telle somme pour financer leur politique culturelle.
Il est donc permis de se poser des questions. Pouvez-vous justifier ce surcoût, madame la ministre ? Y a-t-il eu une volonté de maquillage dès le départ ? Après tout, c’est fort possible, puisque les contrats de 2011 ont été signés sur la base des prix de 2009. Les ordres notifiés par le maître d’ouvrage ne servent-ils pudiquement qu’à faciliter le travail des entreprises ?
Je souhaite avoir des éclaircissements en la matière, d’autant que, encore une fois, je soutiens le projet.