Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », vous prie de l’excuser. Retenu par des engagements dans son département, il ne peut être présent aujourd’hui en raison du report de l’examen de la présente mission. Je vous livre donc les principaux points de son rapport.
La mission que nous examinons ce matin est la principale mission du budget général en termes d’intervention en faveur des personnes vulnérables : personnes éloignées de l’emploi, personnes en situation de handicap, personnes dépendantes, personnes sous tutelle, etc.
Elle est en réalité très concentrée sur quelques dispositifs d’intervention coûteux, mais absolument fondamentaux pour notre cohésion sociale : l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, pour les travailleurs handicapés, le RSA activité, et la protection juridique des majeurs.
Le budget triennal 2015-2017 prévoit la poursuite de l’augmentation des crédits, qui atteindront environ 16 milliards d’euros en 2017, hors le compte d’affectation spéciale « Pensions », soit une hausse de quelque 500 millions d’euros en deux ans. Il y a en effet, sur la mission, deux principales dépenses dont le tendanciel est fortement en augmentation : l’allocation aux adultes handicapés, qui représente 8, 5 milliards d’euros en 2015, et la partie « activité » du revenu de solidarité active, qui correspond à plus de 1, 9 milliard d’euros. La hausse prévue dans le budget triennal est importante, mais le rapporteur spécial craint malgré tout que le plafond ne soit très rapidement dépassé, en particulier du fait de la revalorisation du RSA.
J’en viens maintenant aux principales observations du rapporteur spécial sur chacun des programmes.
Le programme 304 est le principal programme d’inclusion sociale. Il porte essentiellement sur les dépenses liées au RSA activité et à la protection juridique des majeurs. Les crédits de ce programme augmentent fortement, pour deux raisons de périmètre : l’intégration du programme 106 et la « rebudgétisation » – le rapporteur spécial s’en félicite – du Fonds national des solidarités actives, ou FNSA, qui finance le RSA activité.
Cette « rebudgétisation » clarifie le financement et améliore la prévisibilité de la recette pour les gestionnaires. Cependant, le rapporteur spécial, comme le rapporteur général en séance lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, s’est inquiété de l’affectation d’une fraction de la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires. Selon lui, cette affectation ne respecte pas les principes de la contribution, et constitue un « tuyau », ou une « recette de poche », qui réduit la clarification attendue.
Dans le cadre de la revalorisation du RSA, la dépense en matière de RSA activité va augmenter, pour atteindre 1, 9 milliard d’euros en 2015. Cela fait trois ans que le rapporteur spécial appelle de ses vœux une réforme qui réduise le non-recours à cette prestation : depuis la présentation du rapport en commission, le Gouvernement a présenté son projet de loi de finances rectificative, qui prévoit la suppression de la prime pour l’emploi, première étape avant la création d’une nouvelle prime d’activité.
Le rapporteur spécial regrette fortement la suppression de l’aide personnalisée de retour à l’emploi, l’APRE, coup de pouce pour l’insertion des bénéficiaires du RSA, dont il avait souligné l’utilité dans un rapport de contrôle budgétaire l’an passé.
De façon générale, il déplore que, sous l’effet de la contrainte budgétaire, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se réduise à ses seuls dispositifs de guichet et que disparaissent ou soient réduites les interventions plus ciblées ou les subventions aux associations, qui animent sur le terrain la politique de solidarité.
Il en va de même des subventions aux associations en faveur des droits des femmes, qui vous sont particulièrement chères, madame la secrétaire d’État, portées par le programme 137 et qui sont gelées depuis trois ans.
S’agissant du programme 157, la principale préoccupation du rapporteur spécial concerne la budgétisation de l’allocation aux adultes handicapés, qu’il estime insuffisante. Selon lui, l’AAH est sous-budgétée d’environ 100 millions d’euros. Je rappelle que l’AAH représente à elle seule plus de la moitié des crédits de la mission, soit 8, 5 milliards d’euros.
Le rapporteur spécial regrette le faible effort qui est fait en faveur des établissements et services d’aide par le travail, qui font travailler des personnes handicapées, notamment des handicapés mentaux. Aucune nouvelle place n’est construite, et l’aide à la modernisation est très faible – seulement 2 millions d’euros –, alors que les premières conclusions du contrôle, actuellement en cours, de M. Bocquet sur ce sujet montrent des besoins importants en la matière.
Enfin, le rapporteur spécial a vivement critiqué les suppressions d’effectifs dans le programme 124, qui vise les dépenses de fonctionnement et de personnels de l’administration sociale. Sont concernées les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, les DRJCS, la direction départementale de la cohésion sociale, la DDCS, les directions départementales de la protection des populations, les DDPP, les agences régionales de santé, les ARS, etc. Le plafond d’emploi des directions est réduit de 253 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, presque tous des agents de catégories C et B. Celui des ARS est diminué de 100 ETPT. Depuis 2011, au total, les effectifs des administrations sociales ont perdu plus de 800 personnes, soit plus de 10 % de l’ensemble. Le rapporteur spécial a fait part de sa crainte que, au terme de cette logique, les missions que ces directions doivent assurer, à savoir la solidarité et l’accompagnement des personnes vulnérables sur le terrain, ne soient remises en question.
In fine, malgré l’importance de cette mission pour la cohésion sociale dans notre pays, le rapporteur spécial avait préconisé de ne pas en adopter les crédits, en raison non seulement de ces baisses continues d’effectifs dans l’administration, mais aussi de la suppression des dispositifs d’intervention ciblés comme l’APRE, ainsi que de la probable sous-dotation de l’AAH. La majorité de la commission des finances l’a suivi, en soulignant que les réformes nécessaires pour contenir les dépenses de guichet n’étaient pas réalisées.
En conséquence, madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des finances a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », mais telle n’est pas, vous l’aurez compris, ma position personnelle.