Intervention de René-Paul Savary

Réunion du 29 novembre 2014 à 14h45
Loi de finances pour 2015 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, doté de 15, 7 milliards d’euros, le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » augmente d’environ 500 millions d’euros en deux ans. Cette hausse résulte principalement de l’évolution de deux dépenses dans le cadre du dernier plan pauvreté : l’AAH, qui coûtera 8, 5 milliards d’euros en 2015, et la partie « activité » du RSA, qui représente plus de 1, 9 milliard d’euros.

Cependant, les besoins de la mission dépasseront manifestement ce qui est prévu.

En effet, la revalorisation de 2 % par an du RSA absorbe à elle seule la moitié de la hausse de 500 millions d’euros. Dès lors, si l’on ajoute la hausse de l’AAH, les mesures de protection juridique des majeurs, ainsi que d’autres prestations obligatoires prévues par la mission, il est clair que le compte n’y est pas.

Non seulement les crédits proposés ne sont pas en adéquation avec les besoins réels, mais, en outre, certains sont fixés au prix de la mise en place d’une regrettable tuyauterie budgétaire, comme certains orateurs qui m’ont précédé l’ont dit.

Je pense notamment à la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires de 200 millions d’euros, qui viendra compléter le financement du FNSA, ou aux 10 millions d’euros provenant de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui contribueront au financement des MDPH.

La sous-évaluation des dépenses et ces ponctions, dont on ne sait si elles auront un caractère pérenne, sont les principales raisons de l’avis défavorable donné à la fois par la commission des finances et la commission des affaires sociales sur les crédits de cette mission.

Notre groupe partage bien entendu cette position.

Je dirai quelques mots sur le RSA activité, dont le taux de non-recours est estimé à environ 68 %, et qui va être réformé, tout comme la prime pour l’emploi. Ce taux est quand même particulièrement significatif, la moyenne du taux de non-recours des prestations sociales étant de 20 % à 30 %.

Cette annonce de modification, notamment de la prime pour l’emploi, fait suite au rapport de Christophe Sirugue, qui a souligné la complexité du dispositif du RSA, en particulier des modalités de calcul des ressources, le manque d’informations des éventuels bénéficiaires, et son caractère peu incitatif. Ces faiblesses sont principalement dues au saupoudrage et à l’absence d’effet de levier de la prime pour l’emploi, expérience dont nous devons tirer la leçon.

Je pense qu’il faut s’interroger sur le coût que peut avoir cette réforme, pourtant indispensable. Le rapport de la commission des finances situe entre 400 millions d’euros et 750 millions d’euros supplémentaires la charge d’une réduction de moitié du non-recours au RSA activité, ce qui, en période de disette budgétaire, peut légitimement nous interpeller.

Le coût ne doit pas nous empêcher pour autant de réformer le dispositif, mais encore faudra-t-il nous détacher de la logique de minima sociaux pour retrouver l’objectif initial : le RSA visait avant tout la reprise d’un travail, la recherche d’un emploi, ce qui est beaucoup plus valorisant que tout.

Cet objectif de lutte contre le chômage doit guider la réforme à venir pour que nous ne pas retombions dans les mêmes ornières. Pour cela, il faut une véritable volonté politique et une prise de responsabilité du Gouvernement, qui ne peut demander aux collectivités d’assumer plus longtemps et davantage une politique de solidarité qui lui incombe.

Je rappelle que la répartition du financement entre l’État et les départements ne va pas de soi, non plus que l’évolution du RSA jeunes.

Le Gouvernement tarde à livrer le contenu exact d’une réforme annoncée depuis longtemps. Pouvez-vous nous donner, madame la secrétaire d’État, quelques engagements sur un calendrier ?

Pour en revenir à l’examen des crédits de la mission, je rappelle que, sous l’effet de la contrainte budgétaire, la mission se réduit à ses seuls dispositifs de guichet et supprime les interventions plus ciblées telles que l’APRE, l’aide personnalisée au retour à l’emploi, ou les subventions aux associations qui animent sur le terrain la politique de solidarité.

Concernant l’APRE, sans doute le dispositif était-il perfectible, puisqu’il était peu utilisé, car trop complexe, mais il s’agissait vraiment d’une aide concrète, qui parle à chacun d’entre nous. Le retour à l’emploi pouvant entraîner des frais représentant un véritable blocage, il s’agissait de les supprimer : ainsi, un permis de conduire à passer, une garde d’enfant à trouver, un équipement professionnel onéreux pouvaient cesser d’être des obstacles. J’y insiste, le RSA a été créé avant tout pour que les personnes bénéficiant des minima sociaux soient poussées à retrouver un travail, ce qui implique qu’elles n’y perdent pas financièrement. Voilà pour l’aspect incitatif.

L’APRE était souvent utilisée lorsque les personnes n’étaient éligibles à aucun autre dispositif ; elle avait donc son utilité. Le Gouvernement devrait partager cette préoccupation, mais j’ai le sentiment qu’il supprime toute initiative de la majorité précédente, choisissant ainsi la facilité : il est bien plus aisé de supprimer que de simplifier !

Concernant le volet « handicap », je suis, je l’avoue, surpris par certains chiffres.

Tout d’abord, je partage l’inquiétude des rapporteurs sur la sous-dotation de la ligne budgétaire relative à l’allocation aux adultes handicapés. M. Philippe Mouiller l’a fort bien expliqué.

La stabilité du financement consacré aux MDPH n’est assurée que par un abondement exceptionnel de 10 millions d’euros, qui provient de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. La raréfaction des ressources de l’État provoque décidément la mise en œuvre d’une tuyauterie budgétaire contraire à la simplification des comptes. On est en donc en droit de s’interroger sur la sincérité de ces derniers. Ainsi, il y aura plus de 200 millions d’euros « oubliés », ce qui risque de nécessiter un abondement en cours de gestion, comme je l’ai déjà expliqué.

L’ambition du Gouvernement en direction des personnes handicapées est limitée, comme le montre la faiblesse des crédits consacrés aux ESAT, avec seulement 2 millions d’euros d’aide à la modernisation et, surtout, aucune nouvelle place construite malgré les besoins existants. Est-ce vraiment le poste où il faut réaliser des économies, madame la secrétaire d’État ?

J’ajouterai, car le sujet me tient à cœur, que le Gouvernement, qui ne cesse de revendiquer un maintien des postes dans le secteur de la santé publique, supprime, certes fort discrètement, mais supprime tout de même 100 équivalents temps plein dans les agences régionales pour la santé. Souhaitons que cette logique réponde à une volonté de clarification entre le sanitaire et le médico-social, ce que nous verrons peut-être lors de l’examen de la loi NOTRe, mais je n’en suis pas intimement convaincu.

Cette mission vouée à la solidarité se réduit finalement à des dépenses de guichet – c’est la reconduction des crédits de fonctionnement –, les autres dépenses sur lesquelles le Gouvernement peut agir étant supprimées, comme l’APRE, ou gelées, tels les investissements dans les ESAT.

Dans ces conditions, vous comprendrez que le groupe UMP rejette les crédits de cette mission. Les différents orateurs, que j’ai bien écoutés, sont unanimes, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, pour alerter le Gouvernement sur le coût du RSA socle, qui devient insupportable pour les départements. À cet égard, la discussion de la loi NOTRe doit être l’occasion de trouver une solution à ce problème.

S’agissant des personnes handicapées, notamment âgées, il faut tenir compte de l’expérience pour voir comment on peut adapter la position des ARS.

Enfin, concernant les crédits aux associations, nous devons craindre que ne se pose demain un véritable problème pour le monde associatif, puisque les départements et les communes n’ont plus les moyens de les soutenir.

C’est notre rôle de vous alerter, madame la secrétaire d’État !

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