Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 29 novembre 2014 à 14h45
Loi de finances pour 2015 — Santé

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget de la mission « Santé » n’échappe pas, hélas, aux politiques de restriction budgétaire.

En effet, les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offres de soins » diminueront de 25 % en 2015.

Cette réduction des moyens consacrés à la prévention nous paraît extrêmement préjudiciable pour la population, alors même que les associations et les organismes de prévention rencontrent des difficultés pour organiser leurs missions.

Ainsi, en diminuant les crédits consacrés à la prévention des maladies chroniques de 5, 6 %, le risque est grand de voir se développer certaines d’entre elles. Cette baisse est d’autant plus étonnante que ces maladies chroniques représentent les deux tiers des dépenses de l’assurance maladie.

Madame la secrétaire d'État, quand à La Réunion, par exemple, le diabète touche près de 10 % de la population, ne croyez-vous pas que le rôle joué par la prévention est primordial pour mener une politique efficace contre cette maladie ? Quand les crédits consacrés à la prévention des risques liés à l’environnement, au travail et à l’alimentation diminuent de 1, 4 %, ne croyez-vous pas que les travailleurs peuvent légitimement s’inquiéter, alors même que les maladies liées au travail représentent un cinquième des dépenses de santé ? En diminuant les crédits consacrés à l’éducation à la santé de 4, 2 %, ce sont des missions aussi essentielles que les actions de prévention bucco-dentaire en milieu scolaire que l’on fait disparaître, ce qui entraîne un risque sanitaire pour les jeunes.

Cette baisse concerne également les actions menées pour lutter contre les pratiques addictives et à risques. Là aussi, je suis inquiète de la réduction des crédits, alors même que le tabac, l’alcool, les drogues continuent à faire des ravages parmi toutes les catégories de la population. Je ne manquerai pas de développer plus avant mon propos lors de l’examen des crédits dédiés à la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA.

On nous renvoie souvent à la future loi relative à la santé, mais, au vu de la baisse des crédits, cela ne suffit pas à apaiser nos fortes inquiétudes quant à l’engagement du Gouvernement dans la prévention des maladies.

Puisqu’une ligne budgétaire est consacrée à la santé mentale, notamment pour soutenir les acteurs associatifs, j’en profite pour dire ici que ce volet est très insuffisamment traité dans le projet de loi relatif à la santé. Vous le savez, madame la secrétaire d'État, certains professionnels demandent d’ailleurs une loi spécifique, avec des moyens à la hauteur des problèmes.

En résumé, nous considérons que les politiques de prévention sont un investissement pour l’avenir, car elles permettent de réduire les risques avant la survenue des maladies. Or, pour être efficaces, les politiques de prévention des maladies et de promotion de la santé doivent être considérées de manière globale, en agissant sur les facteurs de risques sanitaires, sociaux, économiques. Cela est d’autant plus vrai que la pauvreté a encore explosé avec l’approfondissement de la crise.

J’en termine avec ce programme en exprimant toute mon inquiétude au regard des efforts également demandés à l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui, en 2015, dans un contexte de rationalisation des effectifs, est « appelée à contribuer aux efforts d’efficience et de productivité demandés aux opérateurs de l’État ». Cette recherche d’efficience se traduit par la perte de vingt emplois équivalents temps plein. Membre du conseil d’administration de cette agence et convaincue de l’importance de son rôle pour éviter de nouveaux scandales sanitaires, je ne peux qu’être perplexe à la lecture de ces lignes.

Venons-en au programme 183.

L’effort de la solidarité nationale en faveur de l’accès aux soins et de l’indemnisation des publics les plus défavorisés complète l’intervention de la sécurité sociale. À ce titre, l’État intervient pour garantir l’accès aux soins pour les étrangers en situation irrégulière et procède à la juste indemnisation des victimes de l’amiante.

Or les crédits affectés au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante demeurent inchangés par rapport à 2014, alors que le nombre de demandes d’indemnisation a progressé de 18 %. Cet écart entre le nombre de demandeurs et le montant versé par le fonds d’indemnisation doit nous amener à raccourcir les délais de traitement des demandes et à renforcer les moyens des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT, notamment celle de Nord-Picardie, qui connaît des difficultés pour répondre rapidement aux demandeurs.

Enfin, permettez-moi d’aborder le sujet de l’aide médicale d’État, l’AME, dont nous aurons l’occasion de débattre lors de la discussion des amendements déposés par des sénateurs de droite.

En effet, je voudrais rappeler les raisons qui ont poussé l’État à intervenir en complément de l’assurance maladie pour les personnes vivant sur notre territoire. Historiquement, la politique d’accueil et d’asile en France a conduit à la création d’une aide médicale gratuite pour financer les dépenses liées aux soins des personnes non affiliées à l’assurance maladie, sans distinguer si leur situation était régulière ou non.

La droite et son extrême n’ont jamais cessé de s’attaquer à ce dispositif, en stigmatisant les étrangers qui bénéficieraient de prestations indues. Je souhaiterais rappeler certaines vérités au sujet du coût de l’AME et des risques qu’entraînerait la réduction du niveau de couverture des étrangers sans papiers, car en période de crise, la politique du « bouc émissaire » rencontre, hélas, un écho favorable !

Selon le rapport de 2010 de l’Inspection générale des affaires sociales sur l’aide médicale d’État, l’augmentation des dépenses de l’AME ne s’explique pas par une croissance massive du nombre de bénéficiaires, puisque celui-ci n’a pas connu de progression notable. Ainsi, près de 50 % des bénéficiaires de l’AME ne recourent pas aux prestations dont ils pourraient bénéficier. Il n’y a donc pas, contrairement à ce que répète Nicolas Sarkozy, une augmentation du nombre des étrangers qui viennent en France pour profiter de notre générosité.

Par ailleurs, si le coût global de l’AME augmente, il faut rappeler que le bénéficiaire de l’AME consomme en moyenne 1 741 euros de soins, tandis que le bénéficiaire de la CMU-C, la CMU complémentaire, consomme 2 606 euros. Les prestations servies aux bénéficiaires de l’AME sont ainsi inférieures à celles dont bénéficient les assurés au titre de la CMU-C, alors même que ces derniers ont droit au bénéfice d’un panier de soins.

Réduire le périmètre de couverture des étrangers sans papiers est une proposition populiste, dont la mise en œuvre conduirait à des risques sanitaires certains.

Enfin, la proposition tendant à instaurer un droit d’entrée pour l’AME conduirait, selon le rapport de l’IGAS, au retardement de la prise en charge médicale, et donc à un recours tardif à l’hôpital, nettement plus coûteux. Quand on fait une proposition, il faut bien en mesurer le coût !

Le groupe communiste républicain et citoyen votera contre les crédits de l’ensemble de la mission « Santé », qui entérinent malheureusement la diminution des moyens attribués à la santé en termes de prévention et d’éducation à la santé, ne sont pas suffisamment ambitieux et ne répondent pas aux besoins de notre pays.

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