Intervention de Roger Karoutchi

Réunion du 29 novembre 2014 à 14h45
Loi de finances pour 2015 — État b

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi :

Ce débat est très médiatique, nous dit-on… Ce n’est pas le seul ! En tout état de cause, les choses doivent être dites.

J’entendais notre collègue Françoise Laborde annoncer une augmentation de 73 000, en un an, du nombre des bénéficiaires de l’AME. Quand on nous assure que seule la charge du dispositif, et non le nombre de bénéficiaires, augmente, c’est donc faux ! Le contingent des bénéficiaires de l’AME s’accroît, et ce pour une raison toute mécanique.

Comme le rapporteur spécial l’a excellemment montré, les personnes qui sont déboutées du droit d’asile et deviennent, de fait, des « sans-papiers » passent de la CMU à l’AME. Or il se trouve que le nombre de demandes d’asile augmente considérablement depuis cinq ans, pour s’élever à l’heure actuelle à environ 70 000. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d’asile ne délivrant que de 12 000 à 13 000 titres de réfugié, ce sont, chaque année, de 50 000 à 55 000 personnes à qui l’on refuse le droit d’asile, dont entre 10 000 et 15 000 seulement seront raccompagnées aux frontières.

Notre système est fou ! Faute de critères suffisants pour l’accès au droit d’asile, nous fabriquons, presque mécaniquement, de futurs titulaires de l’AME.

Je ne dis pas qu’il faille remettre en cause le principe de l’AME ou le serment d’Hippocrate : bien sûr que non ! Mais vous savez bien, madame la secrétaire d’État, que, depuis plusieurs années, les crédits inscrits au budget pour l’AME sont systématiquement complétés en loi de finances rectificative.

Comme je l’ai souligné dans mon rapport sur le droit d’asile et sur l’immigration, il faut raisonner à partir des vrais chiffres ! Rien n’est pire que les faux-semblants ou le mensonge dans le débat public, car ils ouvrent la voie aux extrêmes !

Si l’on exposait clairement les coûts, les critères pouvant être retenus, il serait possible de trouver un accord entre personnes raisonnables. Au lieu de cela, ceux qui veulent revoir l’AME sont taxés de xénophobie, d’inhumanité ! Cela n’a pas de sens ! Cette attitude pousse à une telle cristallisation du débat que le discours des partisans d’une suppression de l’AME finit par gagner du terrain dans l’opinion !

L’amendement de notre excellent collègue Francis Delattre ne remet pas en cause les soins d’urgence ; il vise ce que l’on appelle, avec une élégance rare, le « tourisme médical » et les filières qui l’organisent, un peu partout dans le monde. Il vise à éviter que des personnes ne viennent en France parce que notre système de santé, en particulier hospitalier, est remarquable et gratuit pour eux, grâce à l’AME. Il ne s’agit pas de fermer la porte devant les malheurs du monde, mais notre système hospitalier est sursaturé par les réseaux qui organisent le tourisme médical dans notre pays. Nous disons « oui » à une AME cohérente au regard des besoins en matière de soins d’urgence, « non » aux surcoûts liés aux réseaux !

Naturellement, je voterai l’amendement présenté par Francis Delattre. Je vous le dis sincèrement, madame la secrétaire d’État : en refusant obstinément de débattre du coût financier, des critères et de l’encadrement de l’AME, vous dénaturez totalement le sujet aux yeux de l’opinion publique et donnez des arguments aux extrêmes, alors que nous pouvons parfaitement, entre gens pondérés, trouver une solution.

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