Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les cinq minutes accordées au rapporteur pour avis ne me permettraient guère de commenter dans le détail le budget de l’administration pénitentiaire pour 2015. En outre, il ne serait pas utile de plagier l’excellente intervention de M. le rapporteur spécial.
Aussi attirerai-je simplement votre attention sur quelques questions qui me paraissent essentielles dans ce débat difficile et récurrent sur les prisons de la République, à savoir le personnel pénitentiaire et la direction qu’il convient de donner à nos efforts.
Je tiens tout d’abord à dénoncer ce qui me paraît être un faux débat entre les partisans de l’augmentation du nombre de places en détention et ceux qui soutiennent le développement de l’aménagement des peines et des alternatives à l’incarcération.
Notre pays souffrait, il est vrai, d’un manque important de places, mais nous en avons déjà construit et rénové un grand nombre dans le cadre, notamment – mais pas seulement – des programmes Chalandon, Méhaignerie et Perben.
Aujourd’hui, notre ratio d’encellulement se situe dans la moyenne européenne, du moins lorsque, outre la Grande-Bretagne et la Pologne, on prend aussi en compte l’Allemagne ou les pays d’Europe du nord.
Mesures d’emprisonnement et aménagement de peines ne s’excluent pas, mais se complètent : la question n’est pas celle d’un choix manichéen, mais bien celle de savoir où placer le curseur. Aujourd’hui, l’accent a été mis sur la création de postes d’insertion et de probation afin de se donner les moyens de réussir le pari relevé dès 2009 avec la loi pénitentiaire, puis a été largement repris par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.
Néanmoins, ces deux politiques ont un coût important : d’un côté, le coût de construction d’une place de prison s’élève, on le sait, de 100 000 à 150 000 euros, et le recrutement de personnel, notamment de surveillance, est indispensable pour faire fonctionner les nouveaux établissements ; de l’autre, un recrutement massif de conseillers d’insertion et de probation s’impose ainsi qu’une attention renouvelée aux quartiers de semi-liberté, aujourd’hui sous-utilisés, et au placement à l’extérieur, qui peine à se développer.
Les dispositifs d’aménagement de peines ne peuvent se résumer à la surveillance électronique fixe et exigent, pour ne pas jouer avec les risques de récidive, un accompagnement humain qui, aujourd’hui, n’est pas toujours envisageable.
Faut-il rappeler, en outre, que les crédits de l’administration pénitentiaire représentent aujourd’hui 42, 7 % des crédits de paiement et 50 % des autorisations d’engagement de la mission « Justice » ? Les difficultés budgétaires actuelles permettent-elles, mes chers collègues, d’aller bien au-delà ?
Je voudrais à présent aborder la problématique de l’encellulement individuel. Prévu par la loi depuis 1875 et guère pratiqué, le principe de l’encellulement individuel a été sauvé par le Sénat lors de l’examen de la loi pénitentiaire, alors que la règle aurait pu devenir celle de l’encellulement collectif.
Si nous ne regrettons en rien la position prise alors et qui finit par emporter la conviction de nos collègues députés en commission mixte paritaire, nous pouvons aussi affirmer que l’encellulement individuel n’a jamais constitué à nos yeux un dogme et qu’il peut bien sûr y être dérogé pour des raisons multiples, qui tiennent par exemple à la fragilité de certaines personnes condamnées ou à la sollicitation des intéressés.
Je me permettrai de faire deux citations. La première est de Mme Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté : « Comment se fait-il que, dans notre pays, les prisons soient les seuls établissements où, pour le dire trivialement, ″ quand il n’y a plus de place, il y en a encore ″ ? Ce n’est pas le cas pour les maisons de retraite, les centres éducatifs fermés ou les hôpitaux : quand c’est complet, c’est complet. »