Séance en hémicycle du 1er décembre 2014 à 10h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • individuel
  • juridictionnelle
  • l’administration
  • l’aide
  • prison
  • pénitentiaire

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’ordre du jour appelle la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 107, rapport n° 108).

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Justice » (et articles 56, 56 bis, 56 ter et 56 quater).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les six programmes de la mission « Justice » sont dotés de 7, 94 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1, 71 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

L’article 13 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 prévoit une augmentation de 1, 2 % des crédits de paiement de la mission entre 2014 et 2017, sous l’effet notamment de la poursuite des créations de poste à un rythme prévisionnel de 600 par an. En 2015, la répartition des 600 équivalents temps plein créés s’effectue d’abord dans l’administration pénitentiaire, à hauteur de 528 postes.

Au regard des moyens qui lui sont alloués, la justice apparaît donc bien comme l’une des priorités budgétaires du Gouvernement.

Mais le budget qui nous est soumis et les créations d’emploi proposées doivent être resitués dans le contexte d’une sous-exécution chronique du plafond d’emplois, d’une performance contrastée et d’un retard de la France par rapport aux autres pays européens.

Tout d’abord, à quel niveau se situe notre pays en Europe ? Tous les deux ans, la commission européenne pour l’efficacité de la justice, la CEPEJ, du Conseil de l’Europe publie une étude comparative des systèmes judiciaires des pays européens. Dans la dernière étude, rendue publique le 9 octobre 2014, les comparaisons européennes ne placent la France en 2012 qu’au trente-septième rang sur quarante-cinq pays au regard du critère du budget de la justice conjugué au niveau du PIB par habitant du pays. Le budget alloué à la justice est donc comparativement moins élevé en France que dans les autres pays européens.

Par ailleurs, toujours en 2012, la France comptait moitié moins de juges professionnels que la moyenne des pays du Conseil de l’Europe et quatre fois moins de procureurs. Or non seulement la France compte relativement peu de juges et de procureurs, mais le plafond d’emplois, sur lequel se prononce le Parlement, est sous-exécuté de façon chronique, ce qui pose la question de la sincérité budgétaire. Pour les magistrats, l’écart entre le nombre de magistrats en activité et le plafond d’emplois atteint 1 244 emplois équivalents temps plein travaillés, soit 13, 6 % des emplois.

Dès lors, on ne saurait s’étonner que les performances, telles qu’elles sont retracées dans les documents budgétaires, soient pour le moins contrastées. Les délais moyens de traitement des procédures civiles ont eu tendance à augmenter entre 2012 et 2013. La dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l’objet d’une réponse pénale a augmenté de plus de 8 % entre 2012 et 2013. L’indicateur mesurant le taux d’occupation des places en maison d’arrêt traduit une augmentation de la surpopulation carcérale : il s’établissait à 131 % en 2012 et à 134 % en 2013. La dégradation des conditions de travail et l’insécurité croissante des personnels pénitentiaires se mesurent par l’augmentation, entre 2012 et 2013, du nombre d’évasions et du taux d’agression contre le personnel ayant entraîné une interruption temporaire de travail.

Dès lors, je m’interroge sur les écarts entre les ambitions politiques du Gouvernement et les moyens qui sont alloués au service public de la justice. Ainsi, la montée en charge progressive, sur trois ans, des effectifs dans les juridictions d’application des peines et les services pénitentiaires d’insertion et de probation paraît en décalage avec le surcroît immédiat de charge de travail résultant de la mise en place de la contrainte pénale par la loi du 15 août 2014.

Enfin, plusieurs postes de dépenses semblent une nouvelle fois sous-dimensionnés dans le projet de loi de finances pour 2015.

Les frais de justice pour 2015, qui s’élèvent à 449, 9 millions d’euros, sont encore sous-évalués. Ils sont inférieurs de plus de 120 millions d’euros à la prévision d’exécution 2014, malgré les économies réalisées pour freiner leur augmentation.

Dans l’attente d’une réforme du financement de l’aide juridictionnelle, qui pourrait intervenir en 2015 et qui devra associer l’ensemble des acteurs, l’article 19 du projet de loi de finances pour 2015 prévoit un financement complémentaire par des crédits extrabudgétaires.

L’effort accompli dans le domaine de l’administration pénitentiaire est certes appréciable, mais l’objectif de 63 500 places de prison, sur lequel se fondait la programmation triennale 2013-2015, a été reporté à 2019, ce qui ne permettra pas de mettre en œuvre le principe d’encellulement individuel dans les maisons d’arrêt. Le solde annuel net moyen de créations de 762 places sur la durée du quinquennat 2013-2017 est par ailleurs inférieur de plus de moitié au solde net annuel de création de places entre 2008 et 2012.

J’en viens maintenant aux articles rattachés à la mission « Justice ».

L’article 56 vise à augmenter le montant du droit de timbre dû en appel, ainsi qu’à en allonger la durée de perception, afin de financer les indemnités dues aux avoués dont l’office a été supprimé. Cet article tire les conséquences d’une sous-évaluation des dépenses et d’une surévaluation des recettes.

L’article 56 bis tend à différer de deux années supplémentaires l’entrée en vigueur de la collégialité de l’instruction.

La collégialité de l’instruction est un serpent de mer des réformes de la justice, dont le principe a déjà été voté à quatre reprises : en 1985, en 1987, en 1993 et en 2007.

Ce principe n’a cependant pu être mis en œuvre faute de moyens suffisants. La collégialité systématique de l’instruction exigerait en effet la création d’environ 300 postes de magistrats. Ce ne sera jamais que le quatrième report de l’entrée en vigueur du principe de collégialité de l’instruction prévu par la loi du 5 mars 2007. Toutefois, un projet de loi devrait prochainement être débattu au Parlement.

L’article 56 ter tend à reporter de deux années supplémentaires l’entrée en vigueur de la suppression des juridictions de proximité. Comme pour l’article 56 bis, des consultations sont en cours en vue d’un débat parlementaire

Enfin, l’article 56 quater a pour objet de reconnaître le caractère discriminatoire et abusif du licenciement pour faits de grève des mineurs grévistes en 1948 et en 1952, et de leur verser, ainsi qu’à leurs ayants droit, une allocation forfaitaire. La commission des finances a été favorable à cet article dans la mesure où il répond à une situation spécifique et permet de clore un contentieux ancien. Mais il est regrettable que le coût de cette mesure pour les finances publiques, bien qu’il soit limité, soit imputé sur les crédits d’aide juridictionnelle dont bénéficient les plus pauvres de nos concitoyens.

Au final, et sous le bénéfice de ces différentes observations, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat d’adopter sans modification les crédits de la mission « Justice », qui correspond à la mise en œuvre d’une politique régalienne, ainsi que les articles 56, 56 bis, 56 ter et 56 quater rattachés. §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les services judiciaires n’échappent plus à la rigueur budgétaire. Après avoir été préservés quelque temps, ils prennent leur part dans la politique nécessaire de réduction des déficits publics.

Nous sommes conscients que la situation des finances publiques n’est pas florissante, mais il faut faire attention à ne pas prendre en tenaille les juridictions en accumulant sur leur tête les réformes et en réduisant parallèlement leurs moyens. La justice est un service essentiel pour le bon fonctionnement de notre société. Elle est servie par des magistrats, des greffiers et autres agents qui ont un grand sens du service public, mais qui doivent, depuis des années, mettre en œuvre de nombreuses réformes législatives ou organisationnelles sans toujours en avoir les moyens. Dans le contexte budgétaire et financier qui est désormais le nôtre, il me paraît primordial de ne pas créer d’espoirs prématurés qui décourageraient ceux qui les soutiennent.

J’ai développé dans mon rapport pour avis un sujet particulier de préoccupation. Le budget que vous proposez pour les services judiciaires, madame la garde des sceaux, présente en effet une particularité. Le schéma d’emploi est stable, mais la dotation budgétaire correspondante baisse de 26 millions d’euros. Cela témoigne de la sous-consommation récurrente de ce plafond d’emplois, ainsi que du nombre élevé de postes laissés vacants.

Jusqu’à présent, les emplois non consommés étaient partiellement convertis en emplois de vacataires ou de contractuels, ce qui soulageait les juridictions. Mais cette baisse de 26 millions d’euros risque de limiter fortement une telle possibilité. Madame la garde des sceaux, je pose la question : qu’en sera-t-il exactement ? Les services judiciaires auront-ils en 2015 les moyens en personnels nécessaires pour faire face à l’ensemble de leurs missions ?

La question des moyens se pose à l’identique pour les frais de fonctionnement. En dépit des dégels et des économies réalisées, la dotation reste en deçà de ce qui serait nécessaire, compte tenu du rythme annuel de consommation constaté jusqu’à présent : on a évoqué une sous-dotation potentielle de 110 millions d’euros, compte tenu des besoins constatés !

Le Gouvernement espère certes réaliser de substantielles économies grâce à une meilleure maîtrise des frais de justice. Il compte notamment économiser 30 millions d’euros grâce à la plateforme nationale des interceptions judiciaires. Toutefois, j’observe que le déploiement de cette plateforme a pris du retard et que le décret nécessaire n’a été signé que le 9 octobre dernier.

Je note également que des retards de paiement de sommes dues à des auxiliaires de justice commencent à réapparaître dans certaines cours d’appel, avec le risque de nous trouver à nouveau dans la situation que nous avons connue avant le passage à la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances : des factures s’entassaient dans des tiroirs et des auxiliaires de justice refusaient parfois d’intervenir faute d’être payés dans des délais raisonnables.

La réforme de la justice, dite « Justice du 21e siècle », suscite beaucoup d’attentes en même temps que des craintes sur les conditions de sa mise en œuvre. Vous avez choisi, madame la garde des sceaux, de renoncer au bouleversement annoncé et de privilégier plutôt une approche pragmatique et progressive, qui mette d’abord l’accent sur l’accessibilité de la justice pour le justiciable. Je m’en félicite, car cela correspond à l’approche que Virginie Klès et moi-même avions défendue à l’époque.

Vous annoncez notamment un service d’accueil universel, nouvel avatar du guichet universel de greffe ou du guichet unique. Cela me paraît positif. Toutefois, j’attire votre attention sur un point : aucune réforme ne peut être acceptée si les moyens nécessaires ne sont pas mis en face. Dans ce cas particulier, il faut faire du logiciel Portalis une priorité absolue.

Madame la garde des sceaux, le budget des services judiciaires a manifestement été soumis à un coup de rabot – cela peut se comprendre dans le contexte actuel des finances publiques –, la priorité ayant été donnée à la politique pénitentiaire. Mais la France ne peut pas se permettre d’avoir une justice au rabais.

Estimant toutefois que la justice s’en sortait mieux que d’autres missions dans ce budget – heureusement ! –, la commission des lois a malgré tout émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice » relatifs à la justice judiciaire et à l’accès au droit. §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les cinq minutes accordées au rapporteur pour avis ne me permettraient guère de commenter dans le détail le budget de l’administration pénitentiaire pour 2015. En outre, il ne serait pas utile de plagier l’excellente intervention de M. le rapporteur spécial.

Aussi attirerai-je simplement votre attention sur quelques questions qui me paraissent essentielles dans ce débat difficile et récurrent sur les prisons de la République, à savoir le personnel pénitentiaire et la direction qu’il convient de donner à nos efforts.

Je tiens tout d’abord à dénoncer ce qui me paraît être un faux débat entre les partisans de l’augmentation du nombre de places en détention et ceux qui soutiennent le développement de l’aménagement des peines et des alternatives à l’incarcération.

Notre pays souffrait, il est vrai, d’un manque important de places, mais nous en avons déjà construit et rénové un grand nombre dans le cadre, notamment – mais pas seulement – des programmes Chalandon, Méhaignerie et Perben.

Aujourd’hui, notre ratio d’encellulement se situe dans la moyenne européenne, du moins lorsque, outre la Grande-Bretagne et la Pologne, on prend aussi en compte l’Allemagne ou les pays d’Europe du nord.

Mesures d’emprisonnement et aménagement de peines ne s’excluent pas, mais se complètent : la question n’est pas celle d’un choix manichéen, mais bien celle de savoir où placer le curseur. Aujourd’hui, l’accent a été mis sur la création de postes d’insertion et de probation afin de se donner les moyens de réussir le pari relevé dès 2009 avec la loi pénitentiaire, puis a été largement repris par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

Néanmoins, ces deux politiques ont un coût important : d’un côté, le coût de construction d’une place de prison s’élève, on le sait, de 100 000 à 150 000 euros, et le recrutement de personnel, notamment de surveillance, est indispensable pour faire fonctionner les nouveaux établissements ; de l’autre, un recrutement massif de conseillers d’insertion et de probation s’impose ainsi qu’une attention renouvelée aux quartiers de semi-liberté, aujourd’hui sous-utilisés, et au placement à l’extérieur, qui peine à se développer.

Les dispositifs d’aménagement de peines ne peuvent se résumer à la surveillance électronique fixe et exigent, pour ne pas jouer avec les risques de récidive, un accompagnement humain qui, aujourd’hui, n’est pas toujours envisageable.

Faut-il rappeler, en outre, que les crédits de l’administration pénitentiaire représentent aujourd’hui 42, 7 % des crédits de paiement et 50 % des autorisations d’engagement de la mission « Justice » ? Les difficultés budgétaires actuelles permettent-elles, mes chers collègues, d’aller bien au-delà ?

Je voudrais à présent aborder la problématique de l’encellulement individuel. Prévu par la loi depuis 1875 et guère pratiqué, le principe de l’encellulement individuel a été sauvé par le Sénat lors de l’examen de la loi pénitentiaire, alors que la règle aurait pu devenir celle de l’encellulement collectif.

Si nous ne regrettons en rien la position prise alors et qui finit par emporter la conviction de nos collègues députés en commission mixte paritaire, nous pouvons aussi affirmer que l’encellulement individuel n’a jamais constitué à nos yeux un dogme et qu’il peut bien sûr y être dérogé pour des raisons multiples, qui tiennent par exemple à la fragilité de certaines personnes condamnées ou à la sollicitation des intéressés.

Je me permettrai de faire deux citations. La première est de Mme Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté : « Comment se fait-il que, dans notre pays, les prisons soient les seuls établissements où, pour le dire trivialement, ″ quand il n’y a plus de place, il y en a encore ″ ? Ce n’est pas le cas pour les maisons de retraite, les centres éducatifs fermés ou les hôpitaux : quand c’est complet, c’est complet. »

M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

La seconde citation est de la juriste Caroline Fleuriot : « la moitié des problèmes dans les maisons d’arrêt sont dus à l’encellulement collectif ».

Madame le ministre, le moratoire vient de prendre fin. Nos moyens sont trop limités pour les consacrer à l’indemnisation massive de personnes dont les conditions de détention ne sont pas conformes à celles qui sont prévues par la loi. Il y a donc sur ce point urgence à agir.

Je rappelle aussi que l’un des moyens de lutter contre la surpopulation carcérale serait de ne plus incarcérer aussi largement des malades mentaux lourds pour lesquels la peine n’a guère de sens. Dans une étude conjointe de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, nous avions estimé que les personnes concernées représentaient un dixième de la population carcérale.

J’ajoute que, dans la loi de 2014, sur amendement du Sénat, il a été imposé que l’altération du discernement cesse d’être une circonstance aggravante pour devenir un motif de réduction de la durée d’incarcération assortie d’une injonction de soins.

On s’étonne aussi parfois, madame le ministre, d’une certaine sous-utilisation de quelques structures, qu’il s’agisse des quartiers de semi-liberté, que j’évoquais à l’instant, ou des établissements pénitentiaires pour mineurs.

Je ne suis pas favorable à l’instauration d’un numerus clausus car je pense qu’il ne respecterait ni le principe d’égalité ni le principe d’individualisation des peines. Toutefois, si nous n’avançons pas considérablement vers une conception raisonnable de l’encellulement individuel, je crains que nous ne soyons obligés de nous poser bientôt la question.

Je formulerai en outre quelques regrets : l’absence d’indicateur sur les violences commises à l’encontre des personnes détenues au sein des établissements pénitentiaires, que je me suis permis de réclamer depuis quelques années ; et aussi – et peut-être surtout – le fait que certains indicateurs sont revus à la baisse. Il en est ainsi, par exemple, du pourcentage des détenus bénéficiant d’une activité rémunérée, qui s’établira à 29, 7 % en 2015 selon les prévisions, contre 37, 7 % en 2012.

Dans ce contexte, que devient, madame le ministre, l’obligation d’activité ? Je pense que, sur cette question, les gestionnaires privés et surtout l’administration pénitentiaire et ses dirigeants devraient faire preuve d’une volonté politique bien plus forte.

La formation en prison est également un dossier fondamental : qu’adviendra-t-il de la compétence des régions en la matière, dont nous appelons de nos vœux le développement ?

Je terminerai par une dernière remarque, madame le ministre : les prisons de la République, comme les palais de la République, appartiennent à tous les citoyens…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

… au nom desquels, d’ailleurs, la justice est rendue.

Or il est toujours aussi difficile pour ceux dont la profession est d’informer de visiter nos établissements pénitentiaires. Je ne suis pas convaincu que ce choix est le bon et qu’il ne devrait pas être revu.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je vous prie de conclure, monsieur le rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Enfin, la commission des lois – j’en termine, madame la présidente, même s’il est frustrant pour un rapporteur pour avis de n’avoir que cinq minutes de temps de parole – a émis un avis favorable sur les crédits consacrés à l’administration pénitentiaire, notamment parce qu’elle reconnaît que sera tenue la promesse qui avait été prise par Jean-Marc Ayrault de créer en trois ans 1 000 postes supplémentaires dans les services de probation et d’insertion, promesse qui, du reste, figurait déjà dans l’étude d’impact de la loi de 2009.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Cécile Cukierman, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de parler des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », ou PJJ, sans évoquer les budgets des années précédentes, tant la situation actuelle en est encore, malheureusement, l’héritière.

Les crédits de la PJJ ont en effet connu une forte diminution de près de 6 %entre 2008 et 2011. Cette baisse s’est accompagnée d’une réduction des effectifs que l’on peut qualifier de drastique, avec moins 632 emplois en équivalents temps plein sur la période 2008-2012, dans un contexte de réforme et de réorganisation territoriale d’ampleur.

En revanche, les années 2012 et 2013 ont vu augmenter les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, mais essentiellement au bénéfice des centres éducatifs fermés. Cette tendance avait d’ailleurs fait l’objet de prises de position de notre commission – et je tiens à saluer ici le travail de notre ancien collègue Nicolas Alfonsi, qui a suivi pendant dix ans ce budget – qui soulignait la nécessité de ne pas sacrifier la diversité des prises en charge des mineurs délinquants à la mise en place de ces centres éducatifs fermés, très coûteux et dont l’efficacité à long terme reste à évaluer.

Après cette augmentation en 2012-2013, la PJJ n’a pu se soustraire à la rigueur budgétaire générale en 2014, connaissant une diminution de 0, 6 % des crédits de paiement qui lui étaient affectés.

Le projet de budget du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » pour 2015 se caractérise quant à lui par une légère diminution des crédits.

En revanche, il convient de saluer la création d’une soixantaine d’emplois. Lorsque nous l’avons auditionnée, la directrice de la PJJ nous a fait part de sa satisfaction à cet égard, sans néanmoins faire mystère de sa conviction que, après la baisse des années 2008-2012, cette hausse n’offrait pas pour autant un quelconque confort de fonctionnement à la PJJ, qui restait sous tension et aurait tout juste les moyens d’assurer ses missions.

J’ajoute que, selon les syndicats de personnels, les créations d’emplois annoncées dans la loi de finances initiale étaient souvent assez longues à se traduire dans les faits, faute sans doute d’une budgétisation suffisante au titre II.

Par ailleurs, il existe un jeu de vases communicants entre les moyens du secteur public de la PJJ et ceux du secteur associatif habilité. En effet, entre 2008 et 2014, les crédits du secteur associatif habilité ont diminué d’environ 80 millions d’euros, soit plus de 25%. En outre, le nombre d’associations habilitées est lui-même en forte baisse.

Les créations de postes dans le secteur public de la PJJ prévues pour 2015 vont nécessairement aller de pair avec une mobilisation accrue des crédits de fonctionnement du titre III, dont le volume n’augmente pas. Or, nous le savons, ce titre III comprend l’ensemble des crédits du secteur associatif habilité, y compris les dépenses de personnel. Ainsi, mécaniquement, les crédits de ce secteur vont encore diminuer en 2015.

Comme vous l’avez souligné lors des travaux en commission, madame la garde des sceaux, un effort particulier dans ce secteur avait été accompli en 2013, le Gouvernement ayant prévu des crédits pour résorber les arriérés de paiement de l’État à l’égard des associations. Il n’en demeure pas moins que les crédits ont diminué de 25 % depuis 2008 et que cette baisse se poursuit.

Cette diminution suscite aujourd’hui une inquiétude compréhensible de la part des associations. Certaines d’entre elles sont en effet de petites structures : il en est ainsi, par exemple, de celles qui sont spécialisées dans la mise en œuvre des mesures de réparation pénale, dont l’utilité est unanimement reconnue. La diminution des budgets conduit rapidement à la nécessité, pour ces associations spécialisées, de diminuer leurs effectifs.

Il semble donc nécessaire de refonder les relations entre la PJJ et le secteur associatif de manière que les associations aient davantage de visibilité à moyen terme sur les intentions du ministère de la justice à leur égard.

Je souhaiterais également évoquer le placement de mineurs délinquants dans des familles d’accueil.

En 2013, 762 jeunes ont été confiés à des familles d’accueil relevant du secteur public et des associations. Le rôle de ces familles dans la prise en charge des mineurs délinquants est généralement salué, tant elles offrent un cadre propice à leur progression.

En 2012, un rapport de l’Inspection générale des services judiciaires a fait le point sur cette mesure. Ce rapport constate le bon fonctionnement général du dispositif, mais relève un flou juridique concernant le statut des familles. L’Inspection générale estime qu’il existe un certain risque juridique de requalification de la mission des familles d’accueil de la PJJ en contrat de travail.

Or toute évolution en la matière serait assez coûteuse pour la PJJ ; par ailleurs, il nous semble important – c’est ce qui est ressorti de certaines auditions – de garder une certaine souplesse du dispositif. Je tiens toutefois à souligner que, aujourd’hui, les deux tiers des familles d’accueil estiment que leur indemnisation est insatisfaisante au regard des frais engendrés par l’hébergement d’adolescents.

Pour conclure, nous sommes impatients de travailler à la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, qui est devenue urgente compte tenu de la complexité inextricable de ce texte fondateur, comme chaque acteur l’a souligné lors des auditions que nous avons menées.

Sous réserve de l’ensemble de ces observations, la commission a émis un avis favorable sur les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » pour 2015, tout en soulignant qu’elle restera sera très vigilante quant à leur mise en œuvre et aux évolutions à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les chiffres sont éloquents : plus de 2 700 000 affaires nouvelles instruites par la justice civile, près de 1 304 000 affaires poursuivables pour la justice pénale, près de 104 000 affaires relatives à des mineurs en danger dont les juges des enfants ont été saisis, 1 060 000 demandes d’aide juridictionnelle chaque année et 175 762 affaires nouvelles qui arrivent devant les seuls tribunaux administratifs.

Ces chiffres éloquents révèlent l’ampleur de la tâche de la mission « Justice », qui recouvre les juridictions administrative, financière et judiciaire. Le groupe du RDSE salue ainsi l’effort budgétaire largement justifié en faveur de cette prérogative régalienne ainsi que l’annonce de 1 834 recrutements sur les trois années à venir

Le sujet est vaste et les pistes de réforme de la justice sont innombrables. Je me pencherai plus particulièrement sur la thématique de l’accès à la justice.

Aujourd’hui, l’accès à la justice n’est plus garanti pour l’ensemble de nos concitoyens.

Madame la garde des sceaux, nous souhaitons attirer une nouvelle fois votre attention sur l’épineuse question de l’aide juridictionnelle. Le système actuel ne garantit plus un égal accès de tous à la justice. Le seuil de ressources fixé pour bénéficier de l’aide juridictionnelle, soit 936 euros mensuels, se situe aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, qui atteint 977 euros mensuels, sachant que, en métropole, le niveau de vie médian s’élève à 1 695 euros pour les hommes et à 1 429 euros pour les femmes.

L’aide juridictionnelle, qui met en œuvre l’un des piliers de notre société, le principe de l’accès au droit, n’a donc plus la capacité financière de jouer son rôle, dans un contexte où le nombre d’admissions au bénéfice de l’aide a quasiment triplé depuis vingt-cinq ans. Des difficultés peuvent aujourd’hui être identifiées à plusieurs niveaux : du côté des justiciables, puisque les plafonds retenus excluent les classes moyennes, qui sont une nouvelle fois lésées par les effets de seuil ; du côté des avocats, puisque la rétribution des missions au titre de l’aide juridictionnelle ne permet même pas de couvrir le coût du fonctionnement d’un cabinet individuel généraliste ne bénéficiant pas d’un secrétariat.

Je rappelle ici la proposition de notre ancien collègue Roland du Luart, qui, en 2007, préconisait d’impliquer l’ensemble de la profession d’avocat dans le bon fonctionnement de l’aide juridictionnelle. Il constatait alors que moins de 10 % des avocats – 400 sur 45 000 –assuraient 64 % des missions d’aide juridictionnelle. En laissant le choix entre la « participation temps » et la « participation financière », le dispositif proposé permettait de lever l’hypothèque sur les différences de spécialisation, tout en promouvant un principe de solidarité.

En 2009, la commission Darrois avait, pour sa part, envisagé un recrutement, par les barreaux, d’avocats spécialement chargés de l’aide juridictionnelle.

Du côté du financement public, enfin, il est à noter qu’à la suite de la suppression, par la loi de finances pour 2014, du droit de timbre de 35 euros, qui était imposé à tout justiciable sans condition de ressources, l’État devient le seul contribuable. Cette contribution juridique était, en effet, susceptible de limiter le droit d’accès au juge, mais il convient aujourd’hui de combler un manque à venir de 60 millions d’euros.

Des mesures d’urgence doivent être prises. Le rapport de mon collègue Jacques Mézard consacré à ce sujet préconise de relever le plafond d’admission à cette aide au niveau du SMIC net. Nous pensons qu’il s’agit d’une priorité aujourd’hui.

D’autres mesures, de bon sens, ont été avancées dans le même rapport : l’augmentation des droits d’enregistrement pour contribuer au financement de l’aide juridictionnelle, le traitement dématérialisé des dossiers d’aide, la simplification des formalités à accomplir par le demandeur lorsqu’une même affaire donne lieu à plusieurs procédures ouvrant chacune droit à l’aide juridictionnelle, ainsi que la mutualisation opérationnelle des caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats, les CARPA, et l’amélioration de l’information concernant l’aide juridictionnelle.

La question de l’accès à la justice recoupe aussi celle du maintien du maillage judiciaire sur tout le territoire, notamment dans les départements ruraux.

Comme le soulignait le rapport du Sénat dédié au bilan de la réforme de la carte judiciaire, « la logique comptable l’a emporté, au profit de suppressions nettes de postes, sans que les besoins en effectifs suscités par d’autres réformes soient satisfaits comme ils auraient dû l’être ».

Vous avez donc, madame la garde des sceaux, souhaité revenir sur la réforme pour le moins désastreuse de la carte judiciaire, qui a conduit à amplifier le phénomène de désertification judiciaire.

Vous avez ainsi récemment décidé de rouvrir le tribunal de grande instance de Tulle ; ceux de Saint-Gaudens, en Haute-Garonne, et de Saumur vont également reprendre du service. Nous saluons cette initiative !

Toutefois, le maillage judiciaire tient aussi au maintien de celui des professions judiciaires réglementées à un niveau suffisant et homogène sur le territoire national. Le projet de postulation régionale menace aujourd’hui les cabinets d’avocats de petite ou moyenne taille et pourrait entraîner une désertification de certains territoires. Sa mise en œuvre réduirait aussi le nombre d’avocats dans certains TGI et ferait peser sur eux toutes les obligations en matière d’aide juridictionnelle, de permanences pénales, de commissions d’office et de gardes à vue. La paupérisation de la profession, déjà largement engagée, serait alors confirmée. Le risque en termes de déséquilibre des territoires serait grand ; c’est la raison pour laquelle nous vous demandons, madame la garde des sceaux, quelles sont vos intentions en la matière.

Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, les membres du groupe du RDSE soutiendront l’adoption des crédits de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur spécial, madame, messieurs, les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je souhaite, tout d’abord, saluer la volonté du Gouvernement de faire en sorte que le budget de la justice reste prioritaire pour l’année 2015. Cette priorité se traduit par des crédits et des plafonds d’emplois en hausse. Compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, cela mérite d’être salué.

Notre justice, en effet, vient de loin : elle compte deux fois moins de juges que la moyenne des pays du Conseil de l’Europe, quatre fois moins de procureurs, un budget par habitant de 61 euros, contre 114 euros en Allemagne, 96 euros en Angleterre ou 77 euros en Italie. Voilà des chiffres qui font mal à notre ambition de faire de la France un pays de justice, un pays garantissant l’efficacité et l’accessibilité de la protection du droit pour chaque citoyen.

Les crédits de paiement s’établissent à 7, 9 milliards d’euros pour 2015, soit une hausse d’un peu moins de 2 % par rapport à 2014. Les autorisations d’engagement, elles, sont en forte augmentation, puisque des renouvellements de marchés de services délégués pour l’administration pénitentiaire interviendront en cours d’exercice et affecteront le budget au cours des sept prochaines années.

Au-delà de la création de 600 emplois, dont 528 dans l’administration pénitentiaire, le Gouvernement se donne également les moyens de mettre en œuvre la loi du 15 aout 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

S’agissant, d’abord, de l’application de la réforme pénale, les 3, 4 milliards d’euros qui seront consacrés à l’administration pénitentiaire en 2015, en hausse de 5, 2 %, permettront l’augmentation des effectifs des services pénitentiaires d’insertion et de probation, à hauteur de 25 % d’ici à 2017, afin d’assurer l’effectivité des mesures mises en place par la loi, en particulier le suivi des contraintes pénales et des personnes bénéficiant d’un bracelet électronique. L’augmentation des effectifs accompagnera progressivement, au cours de ces années, les effets de la mise en œuvre de la réforme pénale.

Il était aussi indispensable que les moyens financiers nécessaires au milieu fermé puissent être budgétés. Tel est bien le cas avec la création de nouvelles places dans les établissements pénitentiaires et les crédits destinés au recrutement de personnels. Mais cela ne permettra pas d’atteindre, tant s’en faut, l’objectif de l’encellulement individuel évoqué par notre collègue Jean-René Lecerf.

La surpopulation carcérale, surtout en outre-mer, est une atteinte à la dignité des personnes que nous ne pouvons accepter.

Cette surpopulation ne permet pas à l’administration pénitentiaire de remplir correctement ses missions. L’évolution des contentieux sur les conditions de détention et les positions de la Cour européenne des droits de l’homme pourraient, si nous n’allouons pas des moyens suffisants, conduire un jour à justifier des aménagements de peine en raison des conditions de détention. C’est un risque qu’il ne faut pas négliger et qui doit nous inciter à concentrer nos efforts sur l’amélioration des conditions de détention.

Je partage donc l’ambition de Mme la garde des sceaux de « poursuivre l’amélioration quantitative et qualitative du parc pénitentiaire », avec notamment la création nette de 2 900 places prévue entre 2015 et 2017.

Je me permets de saluer ici l’action du contrôleur général des lieux de privation de liberté et la manière avec laquelle l’administration pénitentiaire tente de remédier aux dysfonctionnements qu’il a pu constater au cours de ses missions.

Signalons aussi que le personnel pénitentiaire bénéficiera l’an prochain de mesures catégorielles à hauteur de plus de 13 millions d’euros. Il faudra aussi répondre aux inquiétudes des directeurs d’établissement pénitentiaire, qui exercent une fonction difficile, soumise à de nombreuses astreintes, qui permet souvent d’aller ensuite faire carrière ailleurs dans l’administration, mais qui n’attire pas beaucoup.

J’aimerais enfin saluer le travail effectué depuis deux ans pour sortir du piège que représentaient les partenariats public-privé, les PPP. En effet, comme le montrait un rapport de la Cour des comptes de 2011, la mise en œuvre des programmes de construction de prisons prévus, qui recouraient systématiquement à ce type de contrats, aurait conduit à asphyxier totalement le budget de l’administration pénitentiaire, par le paiement des loyers dus. Il est bon de mettre fin à cette tendance, car sinon le budget actuel de l’administration pénitentiaire ne suffirait pas. Or la mission de cette administration n’est certainement pas de se contenter de déverser des tonnes de ciment sur les prévenus et les condamnés.

Enfin, c’est à l’administration pénitentiaire qu’échoit la mission d’empêcher toute radicalisation en prison. L’actualité nous montre combien ce sujet est sensible. Pourtant, c’est bien la connaissance des textes religieux, la réflexion individuelle puis partagée et le développement de l’esprit critique qui procurent la force personnelle de réagir contre les tentatives d’endoctrinement et de manipulation de la religion à des fins mafieuses. C’est la raison pour laquelle le nombre très insuffisant d’intervenants au titre de la religion musulmane dans les prisons est particulièrement préoccupant.

S’agissant, ensuite, de l’accès de nos citoyens au droit et à la justice et de la protection des victimes, il faut constater que 17 millions d’euros sont consacrés, pour l’année 2015, à l’aide aux victimes, soit une augmentation de 22 % des crédits par rapport à 2014, et de plus de 65 % depuis 2012 ! Ces sommes sont destinées à doter tous les tribunaux de grande instance, d’ici à la fin de 2015, d’un bureau d’aide aux victimes.

L’État se réapproprie ainsi son rôle, trop longtemps délégué exclusivement aux associations, qui font d’ailleurs un travail formidable dans ce domaine. Cet effort budgétaire se traduira également par la généralisation, d’ici à la fin de l’année prochaine, de l’évaluation personnalisée de la situation des victimes d’infractions, et par la mise en place « à grande échelle » d’expérimentations de mesures de justice restaurative, permettant à l’auteur de l’infraction de participer activement à la réparation du préjudice, aux côtés de la victime.

Dans la perspective d’un égal accès de toutes et tous à la justice, je salue aussi l’engagement de la nécessaire réforme de l’aide juridictionnelle, prévu à l’article 19 de ce projet de loi. Ce premier pas, qui permet de dégager 43 millions d’euros de plus pour l’aide juridictionnelle, est en cohérence avec le rapport de nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard. Je me félicite du vote, la semaine passée, de cet article par notre assemblée, qui souligne la continuité de la position du Sénat sur cette question. Mais ce n’est qu’un début, car les besoins vont croissant, et les 43 millions d’euros nouveaux de taxes affectées risquent de ne pas suffire au regard des 336 millions d’euros prévus, alors que les dépenses effectives en 2012, dernière année connue à ce jour, ont été de 368 millions d’euros.

Pourtant, cette réforme constitue un enjeu majeur, car il y va de l’accès au droit. Qu’est-ce que la justice, si elle n’est pas accessible à tous ? La loi est-elle, par principe, au service du plus fort ? Cela, c’est la négation de la justice ! Nous nous mobiliserons pour la poursuite de cette réforme.

S’agissant, enfin, de la justice des mineurs, le projet de loi de finances prévoit 778 millions d’euros pour la protection judiciaire de la jeunesse, le financement de près de soixante nouveaux emplois et de vingt-cinq opérations de rénovation d’établissements éducatifs. Cet effort mérite d’être souligné dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons actuellement.

L’année 2015 devrait être marquée par un projet de réforme globale de l’ordonnance de 1945 relative aux mineurs délinquants. Il était temps ! En effet, depuis 2002, neuf lois sont venues modifier de façon éparse la justice des mineurs, sans appréhender celle-ci dans son ensemble.

Je souhaite, d’ores et déjà, aborder un point qui m’avait frappé lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre la récidive. Afin de garantir la continuité des parcours des jeunes confiés à la protection judiciaire de la jeunesse par l’autorité judiciaire, il sera nécessaire de prendre en compte la situation particulière des jeunes majeurs délinquants. Il semble en effet anormal qu’un jeune mineur passe d’un suivi adapté, assuré par un éducateur pour cinq mineurs, à un encadrant pour quatre-vingts adultes environ le jour suivant sa majorité. La continuité du suivi devra pouvoir être assurée au moins durant une période transitoire.

Avant de conclure, madame la ministre, je souhaiterais encore évoquer deux questions.

Premièrement, si l’on peut se satisfaire de la croissance du nombre d’équivalents temps plein annoncée – 600 pour la mission « Justice » –, ces postes nouveaux sont-ils réellement financés ? Comment les pourvoir avec vos crédits, madame la ministre, compte tenu des besoins de formation préalable pour chacun des métiers ?

Deuxièmement, la presse se fait actuellement l’écho des conditions de réalisation des écoutes judiciaires et du passage à une plate-forme nationale des interceptions judiciaires confiée au secteur privé, en lieu et place des contrats actuels. Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer comment, tant sur le plan financier que sur le plan du respect de la nécessaire confidentialité de ces opérations, vous entendez faire évoluer le système ?

En conclusion, le projet de budget de la justice pour 2015 semble donc être, sur tous les points que j’ai évoqués, cohérent avec les orientations annoncées par le Gouvernement et la réforme pénale que nous avons votée. Il manifeste le souci de préserver le service public de la justice et engage une réforme de l’aide juridictionnelle, cela dans une situation budgétaire difficile. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera les crédits de cette mission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après des années de coupes budgétaires et de stigmatisation, le ministère de la justice se doit de présenter un budget conforme à ses objectifs en matière de réforme et d’amélioration du fonctionnement de la justice.

Le budget de la mission « Justice » pour 2013 était en augmentation de 4, 2 %, avec 500 emplois créés ; la hausse en 2014 a été de 1, 7 %, avec 555 emplois créés. La hausse sera équivalente en 2015, même si l’augmentation du budget se limite, pour l’essentiel, aux crédits de l’administration pénitentiaire.

Sur ce dernier point, je souhaite vous faire part d’un regret : l’absence de financement de postes d’aumônier musulman dans nos prisons. En effet, j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, notamment lors des débats sur les différentes lois relatives à la lutte contre le terrorisme, il est urgent, si l’on ne veut pas que les textes que nous votons ici soient vains, de s’attaquer à l’une des causes de la radicalisation de certains de nos jeunes, à savoir l’endoctrinement en prison, sur fond d’ignorance, avec conversion à un islam fondamentaliste.

Le rôle des aumôniers musulmans agréés par l’État intervenant en prison, qui sont les plus aptes à constituer – s’ils sont formés comme il se doit, bien entendu – un rempart contre le fanatisme, est capital. Or le constat est sans équivoque : les aumôniers musulmans en prison sont trop peu nombreux. En 2004, ils étaient 69, dont 30 indemnisés, sur un total de 918 aumôniers. Dix ans plus tard, le nombre d’aumôniers musulmans a certes presque triplé, puisqu’il est passé à 178 en 2014, sur un total de 1 470 aumôniers, mais il reste insuffisant au regard du nombre de détenus musulmans : selon un sondage récent, quelque 50 % des détenus seraient musulmans. Par comparaison, on compte, en 2014, 684 aumôniers catholiques, 346 aumôniers protestants et 71 aumôniers juifs.

Nous ne pouvons donc que regretter que, contrairement aux deux années précédentes, aucun poste d’aumônier supplémentaire ne soit prévu, alors même que le budget de l’administration pénitentiaire connaît une hausse significative.

Si l’on parle de l’administration pénitentiaire, on ne peut pas faire l’économie d’évoquer le problème de la surpopulation carcérale et de l’encellulement individuel. En onze ans, le poids de l’administration pénitentiaire dans le budget du ministère de la justice est passé de 29 % à 43 %. Cette hausse s’explique par l’augmentation continue du nombre de places : plus de 10 000 en dix ans.

Malgré ces nouvelles places et la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, la surpopulation carcérale reste un véritable fléau dans notre pays. Cette situation nourrit de nombreuses tensions et aggrave les conditions de détention : au 1er novembre 2014, 1 065 détenus dormaient sur un matelas posé à même le sol. Aujourd’hui, le taux d’occupation des maisons d’arrêt est de 134 % ; ce taux est relativement stable depuis 2012. On dénombre en moyenne 1, 31 détenu par cellule. Nous sommes donc très loin de l’objectif d’un détenu par cellule.

Faut-il rappeler que le principe de l’encellulement individuel a été affirmé pour la première fois en 1875 ? Depuis lors, son application n’a cessé d’être repoussée. Si l’on ne peut assurer des conditions de détention décentes, nous devons prendre nos responsabilités et imaginer des alternatives. C’est la raison pour laquelle le groupe écologiste a soutenu et défendu avec vous, madame la garde des sceaux, la réforme pénale.

Pour conclure, je dirai que le groupe écologiste salue les progrès accomplis et les changements politiques apportés pour sortir de la politique du « tout-carcéral » et du « tout-répressif », que nous avons pendant longtemps dénoncée. Malgré un budget très contraint, la justice reste une priorité du Gouvernement. Nous nous en félicitons et nous voterons, par conséquent, les crédits de cette mission. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, pour cet examen des crédits de la mission « Justice », je procéderai en deux temps.

Je ferai d'abord une analyse dite « quantitative », car on ne peut s’en dispenser. L’analyse des crédits de la mission met en évidence un effort réel en faveur de l’administration pénitentiaire, malgré une enveloppe globale stable. L’observation des crédits de paiement et des autorisations d’engagement de la mission fait apparaître une légère hausse des moyens – 133 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement – attribués aux différents programmes. Nous convenons donc que les moyens financiers accordés à la mission ont été sanctuarisés. C’est la conclusion à laquelle arrive le rapporteur ; je la partage sans difficulté aucune.

Cependant, une analyse plus détaillée s’impose, notamment en ce qui concerne la répartition des crédits. Le Gouvernement s’est lancé un défi, celui de faire un effort significatif en matière d’effectifs de l’administration pénitentiaire sans dévier de la trajectoire financière issue de la loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 et de sa programmation triennale.

Si le seul objectif du Gouvernement tient à cette simple équation, on peut dire sans crainte que le contrat est rempli. En effet, le projet de loi de finances prévoit une augmentation de 528 équivalents temps plein des effectifs de l’administration pénitentiaire en 2015. Néanmoins, comme souvent lorsque l’on se fixe ce type d’objectif numérique, un rééquilibrage doit s’opérer. Celui-ci se fera par une baisse des crédits du programme « Justice judiciaire », de l’ordre de 5, 5 % en autorisations d’engagement et de 1 % en crédits de paiement. Voilà, je le crois, ce qui doit être dit sur le plan comptable.

J’aimerais maintenant mettre en perspective ces arbitrages avec les défis qui attendent l’institution judiciaire, à savoir la croissance de la population carcérale et l’application des réformes judiciaires.

S'agissant de la croissance de la population carcérale, un constat s’impose : la France connaît depuis plusieurs décennies un phénomène de surpopulation carcérale. À l’exception de la période 1997-2002, cela fait près de vingt-cinq ans qu’il existe un écart supérieur à 10 000 entre le nombre de personnes écrouées et le nombre de places de prison. La brève adéquation entre nombre de détenus et nombre de places de prison au cours de la période 1997-2002 était due à un net tassement de la population carcérale, qui était alors inférieure à 45 000 détenus.

Bien évidemment, c’est le nombre de places de prison qui doit être la variable d’ajustement. Or c’est la dernière hypothèse privilégiée par le Gouvernement. C’est en tout cas le constat que je fais en écoutant ceux qui ont cru raisonnable de ne pas adopter un nouveau moratoire sur l’encellulement individuel.

Je ne reviendrai pas sur la chronologie ni sur les derniers épisodes qui ont agité ce débat. Je reprendrai tout de même à mon compte la remarque faite par Michèle Alliot-Marie, alors garde des sceaux, et citée dans le rapport d’information publié le 24 novembre dernier par notre collègue député Jean-Jacques Urvoas : « Énoncer le principe de l’encellulement individuel, cela n’est acceptable […] que si cela est réalisable. »

Pour ma part, je le dis clairement, je suis favorable à l’encellulement individuel, malgré les réserves qui peuvent être exprimées quant aux difficultés de réinsertion, les risques me semblant largement surévalués. Cependant, en dépit des bienfaits indiscutables de l’encellulement individuel, il faut reconnaître que nos prisons ne pourront pas faire face à cette exigence. Dans ces conditions, de deux choses l’une : soit le Gouvernement repousse l’application de l’encellulement individuel, soit il n’adopte pas de moratoire, et alors nous ne pourrons plus emprisonner que 49 681 détenus, puisque c’est le nombre de cellules dont nous disposons.

Dans ce second cas, nous n’aurons pas d’autre choix que de développer massivement les remises de peine, les aménagements de peine ou les peines avec sursis, ainsi que de favoriser la contrainte pénale, récemment instaurée. Ces mesures devront concerner environ 16 000 détenus, environ 66 000 personnes étant écrouées aujourd'hui.

Voilà, en quelques mots, pourquoi le moratoire visant à repousser l’entrée en vigueur du principe de l’encellulement individuel doit être adopté.

J’en viens maintenant à la mise en place de la réforme pénale.

Le débat sur les conditions de vie carcérale doit être mis en perspective avec la création de la contrainte pénale par la loi du 15 août 2014. Le rapport fait état d’un surcroît immédiat de charge de travail pour l’institution judiciaire à cause de l’entrée en vigueur du nouveau dispositif. Plus important sans doute, en supprimant les mécanismes automatiques limitant les possibilités d’individualisation des peines et en instaurant une nouvelle peine de contrainte pénale en milieu ouvert, la loi semble servir bien maladroitement la cause qu’elle est supposée défendre.

En théorie, cette loi devait répondre à un double objectif : éviter la récidive et lutter contre la surpopulation carcérale. Or j’ai bien peur que cet objectif de lutte contre la récidive ne soit qu’un paravent. La lecture des autres dispositions de la loi conforte cette impression. Pour ma part, je n’aurai de cesse de dénoncer l’obligation, pour le juge, de motiver spécialement sa décision de prononcer une peine d’emprisonnement. Il semble donc que le respect du code pénal puisse, au nom de la lutte contre la surpopulation carcérale, connaître quelques exceptions.

J’espère qu’un prochain moratoire viendra me prouver que j’avais tort de penser que, derrière les nobles préoccupations affichées en matière de lutte contre la récidive, cette loi n’était qu’un moyen de rompre avec la fable du « tout-carcéral ».

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les crédits de la mission « Justice » ne soulèvent pas de difficultés insurmontables à nos yeux. En revanche, nous sommes plus que jamais inquiets de la manière dont la loi du 15 août 2014 instaurant la contrainte pénale trouvera à s’intégrer dans notre système judiciaire, et cette inquiétude ne fait que s’accroître avec la non-adoption du moratoire visant à repousser l’entrée en vigueur du principe de l’encellulement individuel.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le budget de la justice progressera de 1, 7 % en 2015, alors qu’une hausse de 2, 3 % était initialement prévue. Si ce budget est présenté comme prioritaire – vous avez insisté sur ce point en commission, madame la garde des sceaux –, je n’oublie pas qu’il s’intègre dans un projet de loi de finances marqué par l’austérité.

Plusieurs avancées sont à souligner, mais il existe des différences entre l’ambition annoncée, que nous partageons, et la réalité vécue par celles et ceux qui, chaque jour, mettent en œuvre une justice exemplaire dans notre pays. Je veux souligner ici leur investissement sans faille malgré des difficultés qui sont bien plus que de simples tracas du quotidien. Comme vous, madame la garde des sceaux, je rencontre régulièrement les responsables de leurs organisations syndicales représentatives. Je veux témoigner de leur acharnement à vouloir faire de notre pays un modèle de justice, afin que la balance ne penche jamais du mauvais côté.

Je pense à cette jeune conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation stagiaire, pré-affectée à la maison d’arrêt de Villepinte, qui a fait l’objet, il y a quelques semaines, d’une agression grave à l’arrêt de bus situé devant l’établissement. Sans exploiter cet événement, je le cite, car il illustre une réalité : les conditions de détention et de suivi des personnes incarcérées jouent inévitablement sur les conditions de travail des personnels.

Nous nous félicitons que 22 millions d'euros de crédits de paiement soient affectés, au sein du programme « Administration pénitentiaire », à l’ouverture de nouvelles unités de vie familiale. Il s’agit d’aménager dans les prisons des espaces dédiés donnant aux familles la possibilité de se retrouver.

Cependant – sur ce point, nous nous démarquons de l’orateur précédent –, nous déplorons que la mise en œuvre du principe de l’encellulement individuel soit une fois de plus repoussée, faute de moyens adéquats. En effet, nous estimons que l’encellulement individuel doit être accordé à tout détenu qui le désire ; c’est un principe. Cela n’empêche pas que certains détenus puissent préférer la cohabitation ; celle-ci peut d'ailleurs être préférable dans certains cas, pour éviter que le détenu ne se replie sur lui-même. Dans tous les cas, aménager des espaces préservant l’intimité et des temps individuels est indispensable.

Assurer l’encellulement individuel ne dépend pas uniquement des moyens budgétaires. En effet, une solution peut être de placer moins de personnes en détention. Nous appelons donc à une véritable réduction du champ pénal, à la mise en œuvre de peines utiles et réparatrices, pour éviter la surpopulation carcérale, souvent néfaste tant pour l’avenir des individus que pour celui de la société.

Plus largement, madame la garde des sceaux, nous apprécions la revalorisation statutaire et indemnitaire des personnels administratifs et techniques des services judiciaires de catégorie C et des greffiers.

Il y a quelques mois, nous avons voté la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. Cette loi témoigne d’une volonté nouvelle de donner du sens à la peine, de prévenir la récidive et de réinsérer les personnes condamnées afin que notre justice soit efficace.

Vous nous avez annoncé que 2015 serait l’année de la refonte de l’ordonnance de 1945, attendue de longue date. Nous espérons que cette refonte sera, notamment, l’occasion d’en finir avec les tribunaux correctionnels pour mineurs !

Si la volonté de faire mieux et plus est indéniable, elle doit trouver une traduction financière concrète. En dépit des efforts que j’ai cités, des inquiétudes et des interrogations demeurent.

Selon le dernier rapport d’évaluation du fonctionnement des systèmes judiciaires européens de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, publié le 9 octobre dernier, la France consacre seulement 1, 9 % de son budget à la justice, pour une moyenne de 2, 2 % dans le reste de l’Europe. Il est temps que les pays d’Europe harmonisent vers le haut leurs politiques, plutôt que de déréglementer à tout-va ou d’assécher les budgets dans d’autres secteurs.

Des efforts supplémentaires, il en faut notamment en faveur de la justice judiciaire. Les 528 emplois créés dans le cadre du programme qui lui est consacré ne seront pas suffisants pour remédier au manque de personnel et améliorer les conditions de travail, particulièrement difficiles aujourd’hui. Des moyens sont indispensables pour que les frais de justice puissent être honorés rapidement et réévalués. La question des frais de fonctionnement, de déplacement et d’hébergement doit également être posée, d’autant que de récentes réformes amènent un nombre croissant de personnels à se déplacer.

Rendre justice, c’est rendre effectif l’accès aux droits pour toutes et tous. Or le plafond de l’aide juridictionnelle demeure très bas, en dessous du seuil de pauvreté. On peut également regretter la hausse des droits fixes de procédure, du coût d’un certain nombre d’actes, du droit de timbre d’appel lorsque la représentation est obligatoire.

Si nous réclamons encore plus de droits pour la défense, en particulier la présence de l’avocat auprès de son client autant que possible, le renforcement de ces droits doit être accompagné d’un véritable renforcement de l’aide juridictionnelle, sans quoi il sera ineffectif pour les plus démunis.

Je tiens d'ores et déjà à saluer, madame la garde des sceaux, votre amendement relatif à la reconnaissance du caractère abusif des licenciements des mineurs grévistes de 1948. Je souhaite qu’il puisse être adopté ici. Au-delà d’un simple geste mémoriel, il s’agit, dans le contexte actuel, d’un acte civique, donnant espoir aux personnes qui participent aux mobilisations collectives pour plus de justice sociale et de progrès dans notre société.

En conclusion, madame la garde des sceaux, notre appréciation sur le projet de budget de la justice pour 2015 demeure nuancée. Il est vrai que les efforts consentis cette année ne suffiront pas à répondre aux besoins creusés par la précédente majorité, qui avait choisi de tout miser sur la politique, inefficace d'ailleurs, du « tout-carcéral ». Nous notons et regrettons, à cet égard, que de nouveaux établissements continuent d’ouvrir.

Si, en volume, le budget est préservé, il révèle de grandes inégalités entre les missions et les programmes, qui se sont d'ailleurs accrues après la décision du Gouvernement de répondre aux observations européennes, conformément au mécanisme européen de stabilité. La préservation des crédits de la mission « Justice » se fait aussi au prix de sacrifices énormes dans les autres ministères.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur ce projet de budget. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame la garde des sceaux, je veux d’abord saluer votre ténacité. Dans un contexte de régression des dépenses publiques, le budget de la justice est en hausse de 1, 7 %, et sa part au sein du budget global s’accroît.

Vous avez eu à cœur de préserver les moyens et d’accroître le nombre d’emplois. À cet égard, le projet de budget prévoit la création de nouveaux postes de magistrat et de greffier. De même, comme Jean-René Lecerf l’a dit de manière très claire, l’engagement de créer 1 000 postes sur trois ans dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP, sera tenu. Cela mérite d’être souligné.

Ce projet de budget est en cohérence avec la loi pénale du 15 août 2014. Contrairement aux présentations caricaturales qui en ont été faites, il ne s’agit nullement de réduire les moyens de l’administration pénitentiaire ou le nombre de places de prison : bien au contraire, puisque vous avez prévu, madame la garde des sceaux, la création de nouveaux établissements. Ainsi, vous êtes venue en inaugurer un dans mon département.

Dans le même temps, vous rompez avec ce que Mme Cukierman appelait à l’instant le « tout-carcéral ». Dès lors que nous considérons que la contrainte pénale est une véritable peine, qui produira des effets et évitera de courts séjours en détention, souvent néfastes dans la mesure où ils plongent un certain nombre de personnes dans un milieu dont elles ont ensuite parfois du mal à s’extirper, il n’est plus nécessaire d’accroître toujours le nombre de places en prison. Cependant, assurer le suivi de toutes les personnes qui se seront vu infliger des peines alternatives à la détention sera également coûteux, contraignant et difficile.

J’estime, moi aussi, que cette orientation ne traduit aucune forme de laxisme : il s'agit de lutter contre un surencombrement pénitentiaire qui n’est pas bénéfique et n’aide pas à préparer la sortie de détention.

Je veux également insister à mon tour sur la nécessité de mener des actions contre la radicalisation religieuse en prison. La commission d’enquête sénatoriale sur ce sujet, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur, a entendu un certain nombre de responsables de ces actions : elles sont véritablement nécessaires, ainsi que Mme Benbassa et M. Leconte l’ont dit avec beaucoup de force.

Je voudrais maintenant évoquer l’encellulement individuel, dont M. Lecerf a indiqué qu’il était prôné depuis 1875. Pour ma part, je me félicite que nos collègues de l’Assemblée nationale n’aient pas suivi votre proposition de reporter la mise en œuvre de ce principe. Madame la garde des sceaux, vous œuvrez avec beaucoup de réalisme sur cette question difficile de l’encellulement individuel, mais c’est une perspective à laquelle nous ne renonçons pas. Il serait plus sage, me semble-t-il, de prévoir un plan à moyen terme – et non pas à long terme, car il ne s’agit pas de renvoyer l’application de la mesure aux calendes grecques. À cet égard, nous attendons beaucoup des réflexions de notre collègue député Dominique Raimbourg. Il convient d’avancer progressivement, en donnant une perspective, avec des échéances et des étapes, plutôt que d’aller de report en report.

De nombreux rapports ont été consacrés à l’aide juridictionnelle. Je pense, en particulier, à celui du député Jean-Yves Le Bouillonnec et à celui de nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard. Vous avez, en partie, utilisé ces rapports – ce qui prouve que les rapports ne sont pas inutiles…

Les avocats ont beaucoup plaidé, à juste titre, pour l’accroissement des moyens de l’aide juridictionnelle. Je constate que, dans ce projet de budget, celle-ci bénéficie de trois mesures : premièrement, le relèvement de la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice, qui passera de 9, 15 euros à 11, 60 euros ; deuxièmement, une revalorisation des droits fixes de procédure dus par les personnes condamnées ; troisièmement, une augmentation du taux de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance de protection juridique.

Cette dernière mesure a suscité quelques réactions chez les assureurs. Toutefois, nous pouvons témoigner que de nombreuses personnes souscrivent à des contrats d’assistance juridique sans même le savoir, et n’en tirent donc jamais parti…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans ces conditions, cette revalorisation me paraît assez raisonnable.

Toute la question est de savoir sur quels contribuables doit porter l’effort. En l’occurrence, ce sont les clients des huissiers, les personnes condamnées et les titulaires – souvent à leur insu – de contrats d’assurance de protection juridique qui seront mis à contribution.

Je sais qu’il a été tenté de rationaliser l’aide juridictionnelle, de la moduler, mais on voit bien aujourd'hui que, eu égard aux textes que nous avons votés ou que nous devrons voter pour nous conformer aux règles européennes, il est totalement illusoire de croire que le coût de l’aide juridictionnelle pourra baisser : il continuera à augmenter.

L’effort qui sera consenti au travers des trois mesures que votre ténacité vous a permis d’arracher représente 43 millions d’euros. Ce n’est pas négligeable, mais il faudra certainement aller plus loin.

À cet égard, il pourrait être intéressant de suivre la proposition de nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard d’accroître le montant des droits d’enregistrement, dont l’assiette est très large. Je souhaite que vous continuiez à œuvrer dans ce sens au cours des prochains mois.

Pour conclure, madame la garde des sceaux, je rappellerai l’engagement fort que vous avez pris, lors de l’élaboration de la loi pénale, de présenter au Parlement dans le courant du premier semestre de 2015 un projet de loi sur la justice des mineurs comportant notamment la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, dont tous les professionnels reconnaissent l’inutilité ou l’inefficacité. Je ne doute pas que votre ténacité, que je salue pour la troisième fois

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier tous les orateurs de la très grande qualité de leurs interventions, qui témoignent qu’ils ont scruté ce projet de budget avec autant de rigueur que de bienveillance. Ils ont pris le temps d’examiner la continuité et la cohérence de l’action de mon ministère, ainsi que les priorités retenues.

Le cadre budgétaire est contraint. L’examen de ce projet de loi de finances à l’Assemblée nationale a conduit le Gouvernement à effectuer de nouveaux efforts de réduction des dépenses, à hauteur de 900 millions d’euros, pour financer les mesures en faveur du Fonds de compensation de la TVA, des collectivités territoriales, de l’accompagnement de la réforme des rythmes scolaires et des emplois aidés. Le budget de la justice a été mis à contribution. Il me paraît logique qu’il participe à l’effort collectif, même si nous réaffirmons avec force, comme vous, la nécessité de considérer la mission « Justice » comme prioritaire, parce qu’elle relève des missions régaliennes de l’État et que, dans une période de difficultés économiques où les rapports économiques et sociaux deviennent plus rudes, il est important que l’institution judiciaire soit en mesure de répondre aux besoins croissants des citoyens en matière de justice.

Pour ces raisons, les crédits du ministère de la justice doivent demeurer une priorité. Telle est bien la conception du Gouvernement : la contribution demandée à mon ministère reste modeste, puisqu’elle s’établit à 40 millions d’euros. J’ai veillé à répartir cet effort de façon que les priorités du ministère ne soient pas fragilisées.

Du fait de cet effort de 40 millions d’euros, le budget du ministère de la justice augmente de 1, 7 %, au lieu de 2, 3 %. Quoi qu’il en soit, il progresse, alors que d’autres ministères sont fortement mis à contribution. Même si je me réjouis bien sûr de cette augmentation de nos moyens, je dois rappeler qu’elle n’est possible que parce que la puissance publique consent des sacrifices dans d’autres domaines.

Le ministère de la justice créera, dans le cadre de la programmation triennale des finances publiques, 1 834 emplois. Comme je l’ai expliqué devant la commission des lois, il faut toutefois tenir compte du temps nécessaire à la formation : trente et un mois pour les magistrats, une vingtaine pour les greffiers et les personnels pénitentiaires. Cela induit un temps de latence, qui explique partiellement, avec l’insuffisance des créations d’emplois pendant le quinquennat précédent, la sous-consommation du plafond d’emplois.

Pendant les trois années précédant notre arrivée aux responsabilités, à peine une centaine de postes de magistrat avaient été ouverts, alors qu’il aurait fallu en créer au moins 300 chaque année, ne serait-ce que pour commencer à combler les vacances et compenser les départs à la retraite.

Depuis 2012, nous ouvrons 300 postes chaque année, mais je dois avouer que nous avons affronté des difficultés la première année, parce que nous avons eu moins de candidats que nous ne le souhaitions. Il m’avait alors été proposé d’abaisser le niveau du concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature, sans conteste l’un des plus beaux et des plus difficiles de la République. J’avais répondu qu’il n’en était pas question, compte tenu de l’importance et du poids de la mission des magistrats. Nous avons mené pendant deux ans une campagne de sensibilisation, en mobilisant les facultés de droit et les instituts d’études judiciaires. Nous sommes récompensés de nos efforts depuis deux promotions, avec un très bon niveau de recrutement des auditeurs de justice et une diversification de ce dernier, par le biais des classes préparatoires et des autres formes de concours. Tous les postes que nous ouvrons seront pourvus, de sorte que nous pourrons constater un solde d’emplois positif à partir de 2015 : le nombre des magistrats entrant dans la carrière sera supérieur à celui des magistrats partant à la retraite. Les vacances de poste augmentent, certes, mais par un effet mécanique : durant le temps de la formation, les postes sont identifiés comme vacants.

Les 1 834 créations de poste concernent donc la magistrature, les greffiers et, surtout, l’administration pénitentiaire, pour laquelle nous avons consenti un effort particulier. Nous avons constaté que 534 postes inscrits dans les lois de finances précédentes n’avaient pas été créés : en plus de créer 500 postes nouveaux chaque année, nous allons donc créer 534 postes en trois ans, qui seront directement affectés aux coursives. Cette année, 200 surveillants supplémentaires ont été recrutés à ce titre, et leur formation a commencé dès le mois de septembre.

Nous aurions aimé faire davantage dans certains domaines, par exemple prolonger l’effort de recrutement d’aumôniers musulmans engagé ces deux dernières années. Cette année, nous mettons l’accent sur leur formation et sur l’organisation de leur intervention dans les établissements pénitentiaires.

Je pourrais évoquer d’autres secteurs pour lesquels j’aurais voulu faire plus, mais il me paraît surtout important de souligner l’intelligibilité et la cohérence de ce projet de budget, que nous avons structuré autour de quatre axes prioritaires.

Le premier de ces axes consiste à rendre effectives les réformes que le Gouvernement vous a présentées et que vous avez votées, telles que la loi relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ou la loi relative à l’hospitalisation sous contrainte. Certains d’entre vous ont évoqué le report, une fois de plus, de la réforme de la collégialité de l’instruction. Ce report est indépendant de la volonté du Gouvernement, dans la mesure où le projet de loi a été présenté en conseil des ministres au cours du premier trimestre de 2013 et transmis à l’Assemblée nationale. Je suis fort marrie qu’il ne soit toujours pas inscrit à l’ordre du jour du Parlement… À la fin de 2013, j’ai défendu un amendement tendant à différer les effets de la loi de 2007, en espérant que le projet de loi serait discuté et adopté dans le courant de l’année 2014. Je croyais avoir pris une marge de précaution plus que suffisante en prévoyant un report d’un an, mais un nouveau report s’est malheureusement avéré nécessaire ; j’en suis profondément désolée.

Le deuxième axe de ce budget consiste à rendre possibles les dispositions prévues dans la réforme de la justice civile que vous avez encouragée au travers de vos rapports et de votre implication dans les groupes de travail et les rencontres organisées sur l’initiative du ministère de la justice, notamment le grand débat national qui s’est tenu à l’UNESCO.

Le troisième axe concerne l’amélioration de l’accès au droit et à la justice.

Le quatrième axe a trait à la reconnaissance des compétences et du dévouement des personnels de justice par le biais d’un certain nombre de mesures catégorielles, mais aussi à la modernisation des méthodes et moyens de travail, en particulier par des efforts en matière d’équipement informatique. Nous consacrons ainsi 92 millions d’euros à moderniser ou à instaurer de nouvelles applications informatiques dans le domaine des interceptions judiciaires, bien entendu, mais également dans le domaine civil, avec l’entrée en service à la fin de 2015 de la première version du système d’information Portalis, dans le domaine pénal, avec la finalisation du dispositif Cassiopée, dans le domaine pénitentiaire, avec l’application GENESIS pour la gestion des détentions, et pour le casier judiciaire, avec l’application ASTREA.

En ce qui concerne la réforme pénale, certains d’entre vous ont souligné les efforts effectués par le Gouvernement et la cohérence de ses choix : je les en remercie. MM. Lecerf et Sueur ont rappelé que notre engagement de créer un millier de postes dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation est en voie d’être tenu, puisque les recrutements ont commencé dès 2014. Nous augmentons en outre le budget des SPIP de 10 %, de façon à leur assurer de bonnes conditions de fonctionnement. Nous créons également les postes de magistrat et de greffier nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme : une quarantaine de postes de magistrat sont créés dès 2015, et dix-sept le seront en 2016.

Par ailleurs, nous créons tous les postes rendus nécessaires par l’application des autres textes que j’ai évoqués. Il s’agit de donner aux juridictions les moyens nouveaux nécessaires à leur fonctionnement.

Vous êtes très sensibles aux conditions de fonctionnement des juridictions, sur lesquelles vous appelez régulièrement mon attention. Je rappelle que nous avons stabilisé ce budget et obtenu, il y a quelques jours, le dégel de la totalité de la part du budget qui avait été mise en réserve, de sorte que nous pouvons affecter un peu plus de 15 millions d’euros supplémentaires aux dépenses de fonctionnement.

Nous prenons en outre des dispositions pour maîtriser les frais de fonctionnement, grâce notamment à la plate-forme d’interceptions judiciaires, à la rationalisation des dépenses de médecine légale et à la réduction des frais d’affranchissement, que vous avez permise en modifiant le code de procédure pénale pour introduire la communication électronique.

Je vois les aiguilles de l’horloge tourner à une vitesse impitoyable, encore un peu plus vite que d’habitude. §Je vais donc accélérer !

En ce qui concerne la protection judiciaire de la jeunesse, nous avons enrayé l’hémorragie d’emplois. Alors que 632 emplois avaient été supprimés durant les trois dernières années du précédent quinquennat, nous en avons créé 205 dès notre première année aux responsabilités. Surtout, nous avons fait un effort, cette même année, pour résorber les créances du secteur associatif habilité à l’égard de l’État, lequel avait pris l’habitude de vivre à crédit à ses dépens, ce qui pesait sur sa capacité d’action. Cela explique le léger tassement du budget de la PJJ.

En ce qui concerne l’aide aux victimes, nous avons fourni un effort continu depuis le début du quinquennat. Ainsi, nous avons augmenté le budget consacré à l’aide aux victimes de 26 % la première année, de 9 % la deuxième année et de de 22 % la troisième année.

En ce qui concerne l’accès au droit et l’aide juridictionnelle, nous avons supprimé la démodulation, qui devait entrer en application en janvier 2015. Nous avons augmenté de 10 % le budget de l’aide juridictionnelle. Le 5 décembre, je vais procéder à l’installation de groupes de travail associant des avocats et des représentants de l’administration de la justice. Leurs réflexions porteront sur les quatre grands chantiers de réforme de l’aide juridictionnelle, qui est aujourd’hui à bout de souffle, comme le montre un rapport de très grande qualité du Sénat. Nous savons ce qu’il convient de faire. Il faut du courage politique pour engager la réforme de l’aide juridictionnelle, en concertation avec la profession.

Je remercie ceux d’entre vous qui ont salué l’effort que nous faisons en prenant des mesures catégorielles en faveur des greffiers et des greffiers en chef, des personnels de catégorie C, afin qu’ils puissent continuer de progresser dans la grille indiciaire de la fonction publique, ainsi que des surveillants, brigadiers et directeurs d’établissement pénitentiaire.

Enfin, en ce qui concerne la politique pénitentiaire, nous avons engagé un programme de création de 6 500 places de prison. Des engagements de crédits de 1 milliard d’euros sont prévus pour ce triennal, en vue de la création nette de 3 200 places. La priorité est donnée à la rénovation des établissements très vétustes et au traitement de la surpopulation carcérale, ce qui conduit à privilégier les outre-mers, très longtemps négligés, et la remise à niveau d’un certain nombre de sites remarquables, tels que celui de Bordeaux-Gradignan ou la prison des Baumettes.

Au travers de ce projet de budget cohérent, nous affirmons nos priorités et nous assumons nos choix. Nous sommes profondément convaincus que la continuité de l’action publique est nécessaire. Celle-ci doit en outre être évaluée. Dans cette perspective, je vous le redis, et ce n’est pas une vaine parole, mon cabinet et l’administration du ministère de la justice sont à votre entière disposition pour vous fournir toutes informations nécessaires, pour vous recevoir à tout moment, pour vous donner tous les matériaux de nature à vous permettre d’exercer le plus précisément possible vos missions de parlementaires. En tant que législateurs, vous élaborez les règles communes qui permettent le vivre-ensemble et créez les conditions pour que la justice soit au service de nos concitoyens.

Nous avons affiché l’ambition de rendre la justice plus proche, plus efficace, plus protectrice des citoyens. Nous menons des expérimentations en ce sens. Je citerai, à titre d’exemple, le service d’accueil unique de la justice, la création d’une équipe autour du magistrat du parquet, la mise en place d’un conseil de juridiction, afin de rendre la justice dans la cité, de réduire les déserts judiciaires, de rapprocher l’institution judiciaire des citoyens et de faire entrer la société dans nos juridictions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’avais mille choses à vous dire et j’avais prévu de répondre à toutes vos questions, mais je vais m’offrir le luxe de terminer avec huit secondes d’avance ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

en euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice

Justice judiciaire

Dont titre 2

2 136 880 351

2 136 880 351

Administration pénitentiaire

Dont titre 2

2 117 411 335

2 117 411 335

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont titre 2

460 279 108

460 279 108

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont titre 2

131 372 545

131 372 545

Conseil supérieur de la magistrature

Dont titre 2

2 657 111

2 657 111

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° II-190 rectifié bis, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont Titre 2

0

0

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont Titre 2

0

0

Conseil supérieur de la magistrature

Dont Titre 2

Total

Solde

La parole est à M. Yves Détraigne.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement porte sur l’enveloppe prévue pour le paiement des frais de justice. J’ai dit tout à l’heure, lors de mon intervention en tant que rapporteur pour avis, qu’il faut veiller à ce que l’on ne retrouve plus des factures dans les tiroirs, comme c’était le cas à l’époque d’avant la LOLF…

Les frais de justice s’inscrivent dans un schéma spécifique de paiement, selon lequel une prescription engagée dans l’année ne reçoit pas systématiquement un paiement au cours de la même année.

Depuis 2013, 40 % des mémoires de frais de justice de l’année ont été payés dans l’année, contre 60 % auparavant. On peut craindre une fuite en avant et un report de plus en plus généralisé du paiement des frais de justice.

L’amendement a pour objet de remettre à niveau l’enveloppe consacrée au paiement des frais de justice, en abondant le programme 166 de 30 millions d’euros. Cette mesure serait gagée par un prélèvement de 10 millions d’euros sur l’action 04, Gestion de l’administration centrale, du programme 310, au titre des frais de fonctionnement courants du ministère, et par un prélèvement de 20 millions d’euros sur l’action 09 du programme 310, abondé de près de 108 millions d’euros au titre des dépenses liées à la gestion des systèmes d’information du ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

La commission des finances ne s’étant pas réunie pour examiner les amendements, je me prononcerai à titre personnel.

L’amendement n° II-190 rectifié bis vise à remédier à l’insuffisance des crédits destinés au paiement des frais de justice. Les crédits proposés pour 2015 sont en effet inférieurs de plus de 120 millions d’euros à la prévision d’exécution pour 2014.

Je ne pense pas que les économies attendues de la gestion des frais de justice permettent d’atteindre ce montant. Toutefois, opérer des économies sur les dépenses de fonctionnement et les programmes informatiques pour financer ces dépenses au titre des frais de justice risque de mettre en péril la nécessaire modernisation informatique du ministère de la justice.

À titre personnel, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Détraigne, je reconnais que la question des frais de justice est sensible. Ceux-ci représentent en effet les moyens, pour les juridictions, d’exercer efficacement l’action de justice.

S’il est difficile de fixer, en début d’année, le budget des frais de justice, il demeure qu’il nous faut l’estimer. Nous le faisons à partir de la dépense continue des frais de justice.

Au début du triennal qui est en voie de s’achever, j’avais annoncé en toute honnêteté une légère augmentation des frais de fonctionnement dans lesquels sont englobés les frais de justice, mais aussi une baisse de ces frais à partir de la deuxième année. Cette baisse, nous l’avons contenue. Il demeure que nous avons à rationaliser un certain nombre de dépenses en matière de frais de justice et de fonctionnement.

Je pense, par exemple, aux frais de gardiennage qui sont prononcés par la justice à l’occasion de certaines procédures puis oubliés, tandis que le ministère continue de les payer. Nous faisons donc des efforts de rationalisation.

La plate-forme nationale des interceptions judiciaires nous permettra également de réaliser des économies, sachant que, à l’heure actuelle, nous versons 43 millions d’euros par an aux sociétés prestataires et 38 millions d’euros aux opérateurs. Au-delà de cet aspect budgétaire, un rapport de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, indique que, en termes de protection des libertés publiques et individuelles, cette plate-forme apportera plus de sécurité quant aux conditions de contrôle des interceptions, de conservation, de copie éventuelle et de destruction des données.

Grâce à la communication électronique, nous économisons aussi sur l’affranchissement, qui représente une dépense de 58 millions d’euros.

Bref, c’est par une approche méthodique que nous rationalisons les dépenses et améliorons le traitement des créances. Nous allons encore améliorer le système grâce à une centralisation au niveau de la Direction des services judiciaires.

Compte tenu de ce que je viens de dire, le Gouvernement, monsieur le sénateur, ne saurait être favorable à votre amendement. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

N’étant pas le principal signataire de cet amendement, je le maintiens.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° II-163, présenté par MM. Ravier et Rachline, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Justice judiciaire

Dont Titre 2

12 500 000

12 500 000

Administration pénitentiaire

Dont Titre 2

12 500 000

12 500 000

Protection judiciaire de la jeunesse

Dont Titre 2

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

Dont Titre 2

25 000 000

25 000 000

Conseil supérieur de la magistrature

Dont Titre 2

Total

Solde

Cet amendement n'est pas soutenu.

Marques de satisfaction sur diverses travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

J’appelle en discussion les articles 56, 56 bis, 56 ter et 56 quater, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Justice ».

Justice

I. – L’article 1635 bis P du code général des impôts est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, le montant : « 150 € » est remplacé par le montant : « 225 € » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce droit est perçu jusqu’au 31 décembre 2026. »

II. – Le II de l’article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 est abrogé.

III. – Le I du présent article s’applique aux appels interjetés à compter du 1er janvier 2015.

L'article 56 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

J’appelle en discussion l’amendement tendant à insérer un article additionnel qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° II-189 rectifié, présenté par Mme Létard, M. Delahaye et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 56

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 1er mars 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant état :

1° Des difficultés rencontrées par l’État pour assurer le paiement dans un délai raisonnable des services rendus par les experts judiciaires et l’ensemble des prestataires extérieurs du service public de la justice ;

2° De l’évolution des dotations versées par l’État aux juridictions afin de rétribuer les prestations mentionnées au 1° ;

3° Des solutions à mettre en place dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

La parole est à M. Yves Détraigne.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cet amendement, qui vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement avant le 1er mars prochain un rapport portant sur les points mentionnés, s’inscrit dans la droite ligne du précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Cet amendement vise au dépôt d’un rapport sur les expertises judiciaires, qui représentent l’un des postes des frais de justice et des prestations extérieures du service public de la justice. C’est un vrai sujet de débat, nous en convenons tous. Toutefois, plusieurs rapports sur ce thème ont déjà été déposés ou sont en cours d’élaboration.

Je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Vous exercez votre droit de suite, monsieur Détraigne ! Je pourrais également exercer le mien et suggérer le retrait de votre amendement…

Le Sénat produit lui-même des rapports de très grande qualité et s’empare souvent de sujets d’une grande importance. Ma seule réserve, à l’égard de cet amendement, tient à ce que j’estime que l’exécutif doit venir régulièrement rendre compte devant le pouvoir législatif. Pour cette seule raison de principe, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Je suis résolument contre cet amendement, considérant que nous devons nous efforcer de restreindre les demandes de rapports.

Madame la garde des sceaux, puisque vous êtes attachée à l’information du Parlement, ce dont je ne doute pas un instant, il conviendrait que votre ministère actualise les données relevant des informations qu’il doit obligatoirement transmettre aux parlementaires.

J’ai sous les yeux les deux fascicules « jaunes budgétaires » relatifs aux opérateurs. Étant chargé, au sein de la commission des finances, du contrôle de l’immobilier de l’État, je ne peux me satisfaire que, en 2014 et en 2015, il nous soit indiqué dans ces documents que le contrat d’objectifs et de performance de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice, l’APIJ, couvre la période 2011-2013, révolue depuis plus d’un an, et qu’aucune lettre de mission encadrant l’action de cet opérateur n’ait été signée. Le Parlement n’est donc pas en mesure de savoir quelle mission et quels objectifs ont été fixés par le Gouvernement à l’APIJ.

Sans doute s’agit-il d’une omission dans l’actualisation du fascicule « jaune »… Je vous remercie par avance, madame la ministre, de bien vouloir nous transmettre ces informations devant obligatoirement être fournies au Parlement. Dans cette attente, j’exprime des réserves sur toute demande de nouveau rapport.

L'amendement n'est pas adopté.

À la première phrase du premier alinéa du II de l’article 30 de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, le mot : « huitième » est remplacé par le mot : « dixième ». –

Adopté.

Au premier alinéa du III de l’article 70 de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, l’année : « 2015 » est remplacée par l’année : « 2017 ». –

Adopté.

La République française reconnaît le caractère discriminatoire et abusif du licenciement pour faits de grève des mineurs grévistes en 1948 et 1952, amnistiés en application de la loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie, les atteintes ainsi portées à leurs droits fondamentaux et les préjudices qui leur furent ainsi causés.

Elle leur ouvre, en outre, droit au bénéfice des mesures suivantes :

1° Une allocation forfaitaire de 30 000 € est versée à chacun des mineurs licenciés pour faits de grève en 1948 et 1952.

En cas de décès de l’intéressé, l’allocation forfaitaire est versée au conjoint survivant. Lorsque l’intéressé a contracté plusieurs mariages, l’allocation est répartie entre le conjoint survivant et le ou les précédents conjoints.

Si l’un des conjoints ou ex-conjoints est décédé, l’allocation à laquelle il aurait pu prétendre est répartie en parts égales entre les enfants nés de son union avec l’intéressé.

Une allocation spécifique de 5 000 € est par ailleurs versée aux enfants de ces mineurs.

La liquidation et le versement de l’allocation forfaitaire et de l’allocation spécifique sont assurés par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs ;

2° Pour le calcul des prestations de chauffage et de logement en espèces, les bénéficiaires peuvent faire valoir auprès de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs tout élément permettant de justifier une reconstitution de carrière qui pourrait conduire à un calcul plus favorable de ces prestations ;

3° Les mineurs qui ont été déchus de leurs distinctions honorifiques et ceux qui, titulaires d’un grade militaire, ont été dégradés du fait de leur participation à ces grèves, sont réintégrés dans leurs différentes distinctions et leur grade ;

4° Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accordent aux grèves des mineurs de 1948 et 1952 la place conséquente qu’elles méritent. Une mission composée par les ministères chargés de la culture et de l’éducation nationale propose au Gouvernement des actions de commémoration adaptées.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° II-240, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

1° Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Elle ouvre aux mineurs dont les dossiers ont été instruits par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs en application de l’article 107 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 le bénéfice des mesures suivantes :

2° Alinéa 3

Supprimer les mots :

est versée à chacun des mineurs licenciés pour faits de grève en 1948 et 1952

3° Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

Les demandes de bénéfice aux allocations forfaitaire et spécifique sont adressées jusqu’au 31 décembre 2015 à l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, qui assure leur liquidation et leur versement.

Ces allocations forfaitaire et spécifique sont exonérées d’impôt sur le revenu ainsi que de l’ensemble des cotisations et contributions sociales.

4° Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les grèves des mineurs qui ont eu lieu en 1941, 1948 et 1952 seront enseignées à travers les programmes scolaires et intégrées aux programmes de recherche en histoire et en sciences humaines. Une mission composée par les ministères en charge de la culture et de l’éducation nationale proposera au Gouvernement des actions commémoratives adaptées.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’ai grand plaisir à présenter cet amendement, qui vise à reconnaître le caractère injuste de la répression des grèves des mineurs de de 1948 et de 1952 et de rendre justice à ces hommes qui se battaient pour leurs droits, en inscrivant dans la loi que les décisions prises à leur encontre étaient abusives et discriminatoires.

Une réparation partielle leur avait été accordée au travers de la loi du 2 janvier 1984 portant diverses mesures d’ordre social et de la loi des finances pour 2005, mais il est apparu, notamment à la suite d’une action en justice entreprise en 2008, que les cas d’une trentaine de mineurs n’avaient pas été correctement traités.

J’ai donc présenté à l’Assemblée nationale un amendement tendant à réparer symboliquement cette injustice, en inscrivant dans la loi que leurs licenciements avaient été abusifs et discriminatoires. Son adoption a été une marque de reconnaissance et de respect de la représentation nationale à l’égard de ces mineurs.

Il s’agit également de reconnaître qu’il reste encore à leur accorder une réparation matérielle. Le geste est symbolique, mais il n’en est pas moins important. Le Gouvernement a donc prévu la mise en place de deux allocations forfaitaires, l’une visant à réparer le préjudice directement subi par les mineurs grévistes, l’autre étant accordée à leurs enfants, qui ont été très lourdement pénalisés.

Il s’agit d’une histoire extrêmement douloureuse. La représentation nationale s’honorera en procédant à cette réparation. Cet amendement a pour objet de consolider le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, notamment en faisant référence à l’article 107 de la loi de finances pour 2005.

Trois ministères sont engagés dans cette démarche : celui de la justice, car il s’agit d’une réparation judiciaire, ainsi que le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et celui du budget, qui se partagent la tutelle de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs.

J’ai souhaité veiller à ce qu’aucun obstacle technique ne vienne s’opposer à l’instruction des dossiers et à ce que l’État ne reprenne pas d’une main ce qu’il aura donné de l’autre. Il est ainsi précisé que ces deux allocations forfaitaires « sont exonérées d’impôt sur le revenu ainsi que de l’ensemble des cotisations et contributions sociales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Cet amendement tend à compléter et à récrire le dispositif d’indemnisation des mineurs grévistes licenciés en 1948 et en 1952, s’agissant notamment de l’instruction des dossiers, et à prévoir que les demandes de bénéfice de ces allocations doivent être adressées jusqu’au 31 décembre 2015.

Il vise également à prévoir que seront mentionnés dans les programmes scolaires, outre les cas des grévistes de 1948 et de 1952, ceux des mineurs licenciés en 1941 par l’occupant nazi.

La commission des finances s’est prononcée en faveur de l’article 56 quater, introduit par l’Assemblée nationale, et considère que les précisions proposées par le Gouvernement sont utiles. Elle est donc favorable à l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous nous félicitons que ce dossier avance et que le droit à réparation de ces mineurs devienne effectif.

Au-delà de l’aspect mémoriel, cette réparation revêt une grande importance dans nos départements miniers, fortement marqués par ces grèves dont on parle encore aujourd’hui, leur souvenir se transmettant de génération en génération. Nous avions déjà tenté, dans le passé, d’obtenir cette reconnaissance et cette réparation, qui font partie des grandes revendications des mineurs. En adoptant cet amendement, nous leur rendrons hommage et leur donnerons de l’espoir pour demain. Bravo !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Mon propos rejoindra celui de Mme Cukierman.

Je le dis en tant qu’élu du Nord : dans ma région du Nord-Pas-de-Calais, ces grèves et le courage dont les mineurs ont fait preuve font partie de notre histoire et de nos racines. Il va de soi que je souscris totalement à cet amendement, même si cette réparation reste tardive et largement symbolique

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour être né dans le Pas-de-Calais et avoir vécu à Lens, je sais combien cette œuvre que vous accomplissez aujourd’hui, madame la ministre, et qui était attendue de longue date, est une œuvre de justice. Je tiens à vous en remercier.

L'amendement est adopté .

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je mets aux voix l’article 56 quater, modifié.

L'article 56 quater est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Justice ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.