Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est difficile de parler des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse », ou PJJ, sans évoquer les budgets des années précédentes, tant la situation actuelle en est encore, malheureusement, l’héritière.
Les crédits de la PJJ ont en effet connu une forte diminution de près de 6 %entre 2008 et 2011. Cette baisse s’est accompagnée d’une réduction des effectifs que l’on peut qualifier de drastique, avec moins 632 emplois en équivalents temps plein sur la période 2008-2012, dans un contexte de réforme et de réorganisation territoriale d’ampleur.
En revanche, les années 2012 et 2013 ont vu augmenter les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, mais essentiellement au bénéfice des centres éducatifs fermés. Cette tendance avait d’ailleurs fait l’objet de prises de position de notre commission – et je tiens à saluer ici le travail de notre ancien collègue Nicolas Alfonsi, qui a suivi pendant dix ans ce budget – qui soulignait la nécessité de ne pas sacrifier la diversité des prises en charge des mineurs délinquants à la mise en place de ces centres éducatifs fermés, très coûteux et dont l’efficacité à long terme reste à évaluer.
Après cette augmentation en 2012-2013, la PJJ n’a pu se soustraire à la rigueur budgétaire générale en 2014, connaissant une diminution de 0, 6 % des crédits de paiement qui lui étaient affectés.
Le projet de budget du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » pour 2015 se caractérise quant à lui par une légère diminution des crédits.
En revanche, il convient de saluer la création d’une soixantaine d’emplois. Lorsque nous l’avons auditionnée, la directrice de la PJJ nous a fait part de sa satisfaction à cet égard, sans néanmoins faire mystère de sa conviction que, après la baisse des années 2008-2012, cette hausse n’offrait pas pour autant un quelconque confort de fonctionnement à la PJJ, qui restait sous tension et aurait tout juste les moyens d’assurer ses missions.
J’ajoute que, selon les syndicats de personnels, les créations d’emplois annoncées dans la loi de finances initiale étaient souvent assez longues à se traduire dans les faits, faute sans doute d’une budgétisation suffisante au titre II.
Par ailleurs, il existe un jeu de vases communicants entre les moyens du secteur public de la PJJ et ceux du secteur associatif habilité. En effet, entre 2008 et 2014, les crédits du secteur associatif habilité ont diminué d’environ 80 millions d’euros, soit plus de 25%. En outre, le nombre d’associations habilitées est lui-même en forte baisse.
Les créations de postes dans le secteur public de la PJJ prévues pour 2015 vont nécessairement aller de pair avec une mobilisation accrue des crédits de fonctionnement du titre III, dont le volume n’augmente pas. Or, nous le savons, ce titre III comprend l’ensemble des crédits du secteur associatif habilité, y compris les dépenses de personnel. Ainsi, mécaniquement, les crédits de ce secteur vont encore diminuer en 2015.
Comme vous l’avez souligné lors des travaux en commission, madame la garde des sceaux, un effort particulier dans ce secteur avait été accompli en 2013, le Gouvernement ayant prévu des crédits pour résorber les arriérés de paiement de l’État à l’égard des associations. Il n’en demeure pas moins que les crédits ont diminué de 25 % depuis 2008 et que cette baisse se poursuit.
Cette diminution suscite aujourd’hui une inquiétude compréhensible de la part des associations. Certaines d’entre elles sont en effet de petites structures : il en est ainsi, par exemple, de celles qui sont spécialisées dans la mise en œuvre des mesures de réparation pénale, dont l’utilité est unanimement reconnue. La diminution des budgets conduit rapidement à la nécessité, pour ces associations spécialisées, de diminuer leurs effectifs.
Il semble donc nécessaire de refonder les relations entre la PJJ et le secteur associatif de manière que les associations aient davantage de visibilité à moyen terme sur les intentions du ministère de la justice à leur égard.
Je souhaiterais également évoquer le placement de mineurs délinquants dans des familles d’accueil.
En 2013, 762 jeunes ont été confiés à des familles d’accueil relevant du secteur public et des associations. Le rôle de ces familles dans la prise en charge des mineurs délinquants est généralement salué, tant elles offrent un cadre propice à leur progression.
En 2012, un rapport de l’Inspection générale des services judiciaires a fait le point sur cette mesure. Ce rapport constate le bon fonctionnement général du dispositif, mais relève un flou juridique concernant le statut des familles. L’Inspection générale estime qu’il existe un certain risque juridique de requalification de la mission des familles d’accueil de la PJJ en contrat de travail.
Or toute évolution en la matière serait assez coûteuse pour la PJJ ; par ailleurs, il nous semble important – c’est ce qui est ressorti de certaines auditions – de garder une certaine souplesse du dispositif. Je tiens toutefois à souligner que, aujourd’hui, les deux tiers des familles d’accueil estiment que leur indemnisation est insatisfaisante au regard des frais engendrés par l’hébergement d’adolescents.
Pour conclure, nous sommes impatients de travailler à la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, qui est devenue urgente compte tenu de la complexité inextricable de ce texte fondateur, comme chaque acteur l’a souligné lors des auditions que nous avons menées.
Sous réserve de l’ensemble de ces observations, la commission a émis un avis favorable sur les crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » pour 2015, tout en soulignant qu’elle restera sera très vigilante quant à leur mise en œuvre et aux évolutions à venir.