Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 1er décembre 2014 à 10h00
Loi de finances pour 2015 — Justice

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Madame la garde des sceaux, je veux d’abord saluer votre ténacité. Dans un contexte de régression des dépenses publiques, le budget de la justice est en hausse de 1, 7 %, et sa part au sein du budget global s’accroît.

Vous avez eu à cœur de préserver les moyens et d’accroître le nombre d’emplois. À cet égard, le projet de budget prévoit la création de nouveaux postes de magistrat et de greffier. De même, comme Jean-René Lecerf l’a dit de manière très claire, l’engagement de créer 1 000 postes sur trois ans dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation, les SPIP, sera tenu. Cela mérite d’être souligné.

Ce projet de budget est en cohérence avec la loi pénale du 15 août 2014. Contrairement aux présentations caricaturales qui en ont été faites, il ne s’agit nullement de réduire les moyens de l’administration pénitentiaire ou le nombre de places de prison : bien au contraire, puisque vous avez prévu, madame la garde des sceaux, la création de nouveaux établissements. Ainsi, vous êtes venue en inaugurer un dans mon département.

Dans le même temps, vous rompez avec ce que Mme Cukierman appelait à l’instant le « tout-carcéral ». Dès lors que nous considérons que la contrainte pénale est une véritable peine, qui produira des effets et évitera de courts séjours en détention, souvent néfastes dans la mesure où ils plongent un certain nombre de personnes dans un milieu dont elles ont ensuite parfois du mal à s’extirper, il n’est plus nécessaire d’accroître toujours le nombre de places en prison. Cependant, assurer le suivi de toutes les personnes qui se seront vu infliger des peines alternatives à la détention sera également coûteux, contraignant et difficile.

J’estime, moi aussi, que cette orientation ne traduit aucune forme de laxisme : il s'agit de lutter contre un surencombrement pénitentiaire qui n’est pas bénéfique et n’aide pas à préparer la sortie de détention.

Je veux également insister à mon tour sur la nécessité de mener des actions contre la radicalisation religieuse en prison. La commission d’enquête sénatoriale sur ce sujet, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur, a entendu un certain nombre de responsables de ces actions : elles sont véritablement nécessaires, ainsi que Mme Benbassa et M. Leconte l’ont dit avec beaucoup de force.

Je voudrais maintenant évoquer l’encellulement individuel, dont M. Lecerf a indiqué qu’il était prôné depuis 1875. Pour ma part, je me félicite que nos collègues de l’Assemblée nationale n’aient pas suivi votre proposition de reporter la mise en œuvre de ce principe. Madame la garde des sceaux, vous œuvrez avec beaucoup de réalisme sur cette question difficile de l’encellulement individuel, mais c’est une perspective à laquelle nous ne renonçons pas. Il serait plus sage, me semble-t-il, de prévoir un plan à moyen terme – et non pas à long terme, car il ne s’agit pas de renvoyer l’application de la mesure aux calendes grecques. À cet égard, nous attendons beaucoup des réflexions de notre collègue député Dominique Raimbourg. Il convient d’avancer progressivement, en donnant une perspective, avec des échéances et des étapes, plutôt que d’aller de report en report.

De nombreux rapports ont été consacrés à l’aide juridictionnelle. Je pense, en particulier, à celui du député Jean-Yves Le Bouillonnec et à celui de nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard. Vous avez, en partie, utilisé ces rapports – ce qui prouve que les rapports ne sont pas inutiles…

Les avocats ont beaucoup plaidé, à juste titre, pour l’accroissement des moyens de l’aide juridictionnelle. Je constate que, dans ce projet de budget, celle-ci bénéficie de trois mesures : premièrement, le relèvement de la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice, qui passera de 9, 15 euros à 11, 60 euros ; deuxièmement, une revalorisation des droits fixes de procédure dus par les personnes condamnées ; troisièmement, une augmentation du taux de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance de protection juridique.

Cette dernière mesure a suscité quelques réactions chez les assureurs. Toutefois, nous pouvons témoigner que de nombreuses personnes souscrivent à des contrats d’assistance juridique sans même le savoir, et n’en tirent donc jamais parti…

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