Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Action extérieure de l’État » n’a jamais traduit une telle volonté de pragmatisme. La diplomatie économique mise en œuvre a entraîné sa réorganisation, en plaçant sous la responsabilité du ministre des affaires étrangères les portefeuilles du commerce extérieur et du tourisme, réunissant ainsi sous la même autorité l’ensemble des atouts qui devraient faire grand notre pays.
Le projet de loi de finances pour 2015 entérine ce changement de périmètre. Vous disposez de 2, 962 milliards d’euros en crédits de paiement et 3, 093 milliards d’euros en autorisations d’engagement.
Le transfert d’Atout France au programme 185 et le programme temporaire « Conférence Paris Climat 2015 » donnent à la baisse de fait des crédits de cette mission une apparence de modération, cette baisse participant à l’effort de maîtrise de la dépense publique.
Les choix stratégiques opérés sont empreints de lucidité et d’un courage certain dans un budget contraint. Le programme 105 tend à préserver l’universalité de notre réseau diplomatique, qui est passé du deuxième rang au troisième rang, désormais après les États-Unis et la Chine, et à l’adapter selon les priorités de nos postes.
La présence française est déclinée en trois formats : missions élargies, dont huit à format d’exception, missions prioritaires et présence diplomatique. Comme le souligne le rapporteur spécial à l’Assemblée nationale Pascal Terrasse, le ministère devra continuer à innover. Nous espérons tous que l’ingéniosité demeure une qualité française.
La logique de la nouvelle orientation de la diplomatie tend à confier à l’ambassadeur tous les attributs de l’action économique, afin d’organiser le redéploiement des ressources et des moyens vers les zones au fort potentiel de croissance, en particulier les pays émergents. C’est l’une de mes exhortations récurrentes depuis des années. Je suis heureux, bien qu’étant aujourd’hui dans l’opposition, de partager les choix de l’exécutif.
J’ai pourtant un certain nombre d’interrogations.
Sur huit pays accueillant une ambassade de format d’exception, quatre sont des partenaires de l’Union européenne. Or la Chine, la Russie et l’Inde, qui n’en font pas partie, bénéficient tout de même d’effectifs supplémentaires. Cela n’est pas cohérent avec les choix du ministère.
Quelles sont les raisons des réductions d’effectifs au Brésil et en Argentine ? Envisagez-vous un renforcement des postes en Malaisie et en Corée, dont le dynamisme économique attire de plus en plus de nos jeunes expatriés ? Quelle est votre stratégie pour l’Asie du Sud-Est ?
La fusion en cours d’UBIFRANCE et de l'Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII, sera effective au 1er janvier prochain. Comment s’opère ce rapprochement ? Est-ce une fusion des agences avec une stratégie d’ensemble ou une simple addition des compétences et des administrations ? Quelle sera l’articulation avec les services économiques des ambassades ? L’efficacité et l’attractivité induites ambitionnées ne seront-elles pas neutralisées par des doublons ?
Le regroupement de nos services diplomatiques, consulaires et culturels en une même localisation avec ceux de nos partenaires européens constitue un moyen pertinent pour mutualiser les charges et les compétences des cultures diplomatiques nationales, parfois notablement différentes. Les difficultés de collaboration avec d’autres sections consulaires européennes demeurent-elles ? L’accord-cadre diplomatique franco-allemand de 2006 fait-il des émules au sein d’autres pays de l’Union ? Des coopérations sont-elles en projet ?
La colocalisation consoliderait surtout la visibilité, la cohérence et le poids diplomatique de l’Union européenne à l’étranger.
Monsieur le secrétaire d’État, affirmons aussi la citoyenneté européenne, si chère aux membres de l’UDI, comme une réalité ! Quand oserons-nous enfin supprimer les consulats des États membres au sein de l’Union européenne ? Cette idée sera-t-elle portée auprès de la nouvelle Commission Juncker ? Accessoirement, cela entraînerait des économies bienvenues.
La politique des visas, action 3 du programme 151, est un outil de notre rayonnement. Les étudiants, Français à l’étranger et étrangers en France, deviennent les meilleurs ambassadeurs de notre pays. En effet, 39 % des visas de long séjour concernent des études, alors que 17 % des visas de court séjour le sont pour affaires. Est-il envisageable de les augmenter au-delà de ces proportions, en particulier avec des partenaires comme la Russie et la Chine ? Une externationalisation a été mise en place dans les postes les plus sollicités. Quels enseignements en tirez-vous ?
Notre collègue Olivier Cadic vous incite à mener une réflexion sur le rôle des consuls honoraires ; jamais le nombre de nos concitoyens installés à l’étranger n’a été aussi élevé. Alors que votre budget est contraint, il faudrait donc revenir sur les modalités de délivrance des actes d’état civil à l’étranger. Les consuls honoraires devraient pouvoir le faire sur le modèle d’un pay as you go qui permettrait d’autofinancer la production de ces actes.
Je conclurai sur le tourisme.
Avec mon collègue du Gers, Franck Montaugé, je m’interroge sur l’essor de partenariats étrangers avec des entreprises installées dans des zones rurales.
Le Gouvernement a-t-il élaboré un plan d’action, par exemple dans le cadre des contrats de plan État-région, pour attirer les investissements internationaux dans les régions et développer le tourisme ?
Je me permets d’attirer votre attention sur le département du Gers. M. le ministre Laurent Fabius y a résidé, en connaît les difficultés économiques et en a apprécié l’excellence culinaire. Quelle application de la diplomatie gastronomique voudra-t-il mettre en œuvre, à l’image hier de Talleyrand avec le cuisinier Carême ou aujourd’hui d’Hillary Clinton avec le Diplomatic Culinary Partnership ?
Monsieur le secrétaire d’État, menons une diplomatie pleine de panache, une diplomatie mousquetaire ! §