Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 5 juin 1841, en prenant place à l’Académie française, Victor Hugo ouvrait son allocation en ces termes : « Au commencement de ce siècle, la France était pour les nations un magnifique spectacle ». En ce début de XXIe siècle, notre pays a-t-il conservé ce rayonnement vanté par l’écrivain ?
C’est un vaste débat, dont nous avons tenté de nous approcher voilà quelques instants et auquel il ne me sera pas permis de répondre aujourd’hui. Néanmoins, au détour de la mission « Action extérieure de l’État », il est possible d’évaluer notre potentiel dans quelques-uns des secteurs qui témoignent de l’attractivité de la France.
J’évoquerai tout d’abord la diplomatie culturelle et d’influence, dont les crédits sont inscrits au programme 185 de la mission, qui représente un quart du budget de celle-ci.
Mes chers collègues, vous le savez, ces crédits regroupent les moyens dédiés à la coopération culturelle et d’influence, ainsi que ceux qui sont destinés au service d’enseignement public français à l’étranger. Cette année, il faut y ajouter les crédits attribués à Atout France puisque, conformément au souhait du ministre des affaires étrangères, nous sommes entrés dans l’ère de la diplomatie globale, ce qui conduit à enrichir l’action extérieure de la politique touristique. J’adhère à cette nouvelle conception, tant que l’on garantit les fondamentaux de notre diplomatie, à savoir la transmission des valeurs inhérentes aux droits de l’homme et à la solidarité internationale.
À périmètre constant, les crédits du programme 185 sont réduits de 1, 8 % en 2015. Cette baisse découle essentiellement de la diminution des subventions versées aux opérateurs, en l’occurrence l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’Institut français et Campus France.
Comme pour bien d’autres missions, il s’agit de faire participer les grands opérateurs de l’État à l’effort de réduction des dépenses publiques.
Certes, chacune des missions doit faire des économies. Mais prenons garde à ne pas atteindre un seuil au-delà duquel cette politique nuirait à l’efficacité de nos principaux leviers d’influence. Comme notre collègue Louis Duvernois l’a indiqué dans son rapport, l’AEFE est un « levier puissant et précieux dispositif d’influence culturelle, linguistique et intellectuelle auprès des élites étrangères ».
Et Campus France, bien qu’étant de création récente, a déjà fait la preuve de son efficacité en rationalisant la chaîne de vie des étudiants étrangers dans notre pays. La France est ainsi devenue le troisième pays d’accueil de la mobilité étudiante internationale en 2012, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni.
Voilà qui témoigne d’un intérêt toujours intense pour l’enseignement du français dans le monde. Mais soyons très vigilants : comme plusieurs orateurs l’ont rappelé, le français, s’il résiste mieux que bien d’autres langues, est menacé. C’est notamment le cas au sein de la communauté scientifique, où, il faut bien le dire, nos concitoyens ont de plus en plus tendance à lui préférer l’anglais.
Si la plupart des crédits du soutien direct à la francophonie dépendent d’une autre mission, je profite de l’actualité et du sommet de Dakar pour insister sur la nécessité de soutenir la politique francophone, en particulier en Afrique, continent qui concentre 85 % des locuteurs francophones.
Le français n’a plus le monopole de la liberté, comme au temps de la Révolution française, mais son enseignement peut et doit demeurer, au-delà de ses qualités linguistiques, un puissant vecteur de progrès culturel et social : c’est également de cela qu’il s’agit.
Au sein de cette mission, j’insisterai également sur le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », et plus particulièrement sur les moyens attribués aux affaires consulaires.
Depuis quelques années, notre réseau diplomatique est réorganisé, en vue de répondre aux nouveaux besoins, mais aussi, soyons honnêtes, pour faire des économies. La hiérarchisation du réseau n’a pas contenu la décrue des effectifs. Sur ce front également, il faut se montrer raisonnable quant aux objectifs à atteindre : l’instabilité, hélas ! permanente du monde et la mobilité croissante de nos concitoyens nous obligent à conserver un réseau suffisamment dense, pour répondre aux attentes des ressortissants français, en termes tant administratifs que de sécurité.
Le rééquilibrage entre les postes d’agents doit être opéré selon la meilleure logique. Globalement, il en va déjà ainsi. Je m’interroge simplement sur le cas du Maroc : ce poste diplomatique va gagner trois agents alors qu’il est déjà, avec 336 personnes, le deuxième dont dispose la France, après celui des États-Unis.
Parallèlement, je regrette que de nombreux pays d’Afrique francophones, tels que le Bénin, le Cameroun, le Burkina Faso ou la République du Congo, perdent des agents, alors que le continent africain est devenu central, comme l’ont bien compris d’autres pays qui, a contrario, l’investissent.
En revanche, je salue les efforts déployés dans les pays en crise. Je pense au Mali, qui gagne cinq postes, ou encore à l’Irak, qui en obtient deux autres. Là où la France mène des opérations extérieures, il est important de conserver les moyens nécessaires pour faire face aux enjeux de sécurité liés aux interventions militaires.
J’en profite pour ouvrir une parenthèse sur notre engagement dans la lutte contre Daesh. Une nouvelle fois, la France se retrouve bien seule parmi les pays européens à s’engager franchement sur le terrain. L’Allemagne, qui, dans un premier temps, a donné l’impression de se mobiliser, n’a finalement pas tenu ses engagements vis-à-vis de l’OTAN. Le conflit en Irak pose la question de l’effectivité de la politique étrangère commune.
J’en reviens à la mission qui nous occupe stricto sensu pour évoquer, avant de conclure, le programme 341.
Il s’agit là d’un programme éphémère, consistant à financer la Conférence Paris Climat 2015, qui se tiendra à la fin de l’année prochaine. §Je le rappelle, l’objet est d’inciter, à l’issue de cette conférence, le plus grand nombre de pays à s’investir dans la transition écologique, vers un nouveau modèle de développement porteur de croissance verte.
J’espère que nous obtiendrons des avancées significatives à la faveur de cette présidence française, car c’est l’avenir de toute la société humaine qui dépend de la sauvegarde de l’écosystème. Pour aller plus loin encore, je milite pour ce que j’appelle « l’écoprogressisme », c’est-à-dire pour réorienter notre appareil productif dans une perspective durable qui conjugue besoins sociaux et impératifs écologiques. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Mes chers collègues, telles sont les quelques remarques que je tenais à formuler au sujet du budget de l’action extérieure de l’État.
Je terminerai en revenant à ma première interrogation. Oui, la France reste influente sur la scène internationale ! Et tous les leviers de sa diplomatie y contribuent pour beaucoup, notamment notre réseau consulaire, qui est le troisième du monde. Toutefois, il existe une inclination à l’affaiblissement de nos capacités. Il est essentiel de contrecarrer cette tendance pour que perdure le rayonnement de notre pays.
Ces observations étant faites, les membres du RDSE voteront les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». §