Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’aurais aimé poser quelques questions à M. Fabius, mais nous connaissons les raisons de son absence. J’aurais aimé, par exemple, l’interroger sur la reconnaissance de l’État palestinien. Que pense-t-il d’une résolution d’origine parlementaire ?
J’aurais souhaité également l’interroger sur la situation en Ukraine et les relations avec Moscou, la lutte contre le terrorisme et la sécurité des Français de l’étranger, le virus Ebola...
J’aurais pu parler de la grande politique étrangère de la France, mais mon collègue Jean-Pierre Raffarin l’a fait beaucoup mieux que je ne saurais le faire !Aussi limiterai-je mon propos aux questions relatives aux Français de l’étranger et, ne vous inquiétez pas, monsieur le secrétaire d'État, j’ai quelques questions à vous poser à ce sujet.
Commençons d’abord par la fameuse AEFE. Certains de nos collègues ont parlé de « l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger », alors qu’il s’agit de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ! Vous pouvez vous reporter à la loi, mes chers collègues !
À l’instar de nombreux orateurs, à commencer par Richard Yung, je regrette la baisse de 2 % du budget de l’AEFE.
Mes chers collègues, imaginez une seconde que l’on réduise de 2 % les crédits alloués à l’enseignement français en France… Quelque 620 millions d’euros ! Les enseignants, les parents d’élèves ne défileraient-ils pas dans les rues de Paris et de toutes les autres grandes villes de France ? Mais là, comme cela concerne les Français de l’étranger, on n’en parle pas !
Toutefois, je me réjouis de la volonté du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’éducation nationale de renforcer leurs liens. On en parle depuis vingt ans ! Moi-même j’en parle depuis au moins seize ans, depuis que je siège au Sénat ! Mais on ne voit rien venir, les deux ministères voulant conserver leurs prérogatives et ne pas abandonner une partie de leur pouvoir en ce domaine.
Il me semble qu’une mesure concrète pourrait voir le jour ou, à tout le moins, être mise en débat : la prise en charge par l’éducation nationale des bourses scolaires servies aux élèves Français de l’étranger. Cela ne représenterait qu’une goutte d’eau pour l’éducation nationale : quelque chose comme 0, 001 % de son budget ! Et je ne parle pas des reliquats, qui pourraient alimenter le budget des bourses des Français de l’étranger sans porter un coup à l’éducation nationale, mais qui rendraient un grand service à l’AEFE.
Concernant la formation professionnelle de nos compatriotes à l’étranger, il semble que celle-ci soit menacée. Qu’en est-il ?
Je m’attarderai un instant sur les compétences des consulats d’influence. Je pense en particulier au consulat général d’Édimbourg, qui doit être transformé en consulat à gestion simplifiée. Cette perspective inquiète, à juste titre, nos ressortissants dans la région. En effet, ils ignorent jusqu’à présent quelles seront les attributions dévolues à ce consulat. Ils se demandent en particulier s’ils devront se rendre à Londres pour effectuer leurs démarches administratives. Quel est donc l’avenir de ce consulat, monsieur le secrétaire d'État ?
À l’heure où l’on vante la simplification administrative, il me paraît essentiel, pour nos ressortissants, de pouvoir au moins continuer à déposer, si ce n’est à traiter, leurs demandes de passeport, carte d’identité, acte civil, bourse scolaire dans les consulats d’influence.
Par ailleurs, la proposition de création d’une agence consulaire au sein de l’ambassade de France à Ottawa a-t-elle été retenue ? Car il me semble que, pour le moment, les Français doivent se déplacer à Toronto.
J’aborderai maintenant les prérogatives du mandat des conseillers consulaires
On a voulu réformer la représentation des Français de l’étranger, en accroissant le nombre de leurs représentants et en cherchant à faire d’eux de véritables élus de proximité. Fort bien ! Mais encore faut-il qu’ils soient reconnus comme tels par les postes consulaires ou, tout au moins, qu’ils apparaissent en leur qualité d’élus des Français de l’étranger sur leur site internet. Certaines ambassades n’ont pas encore engagé cette démarche.
Par ailleurs, il faut qu’ils soient identifiables par nos ressortissants et qu’ils puissent communiquer facilement ensemble pour mettre en commun leurs expériences et leurs solutions. Cela passe, semble-t-il, par un espace intranet ou, pour certains, un passeport de service : cette dernière idée a été abandonnée, alors que des représentants en auraient besoin pour se rendre dans d’autres pays, parfois des pays où il est difficile d’entrer. Peut-être faudrait-il également mettre en place une messagerie commune.
Tout cela suppose une réforme de la représentation.
La représentation des Français de l’étranger est évidemment un sujet fondamental pour nous. C’est pourquoi j’ai déposé, en juin dernier, une proposition de loi visant à revoir la réforme de 2013, que je ne remets pas vraiment en cause, afin de renforcer le rôle des élus dans le dispositif institutionnel.
Je propose également, au travers d’un procédé relativement facile à mettre en place, de remédier aux nombreux dysfonctionnements observés lors des élections des conseillers consulaires.
À cet égard, j’ai noté avec intérêt que les députés se sont insurgés contre la tentative de dématérialiser les documents électoraux lors des prochaines élections départementales : ceux-ci ont supprimé la disposition visée. L’impérieuse nécessité d’informer efficacement les électeurs pour stimuler la participation a prévalu sur les considérations budgétaires. Je pense que le même raisonnement doit être appliqué pour ce qui concerne les élections locales organisées à l’étranger.
C’est pourquoi le retour aux professions de foi imprimées est l’une des propositions qui me semblent devoir être débattues par le Parlement. Les consulats pourraient adresser les professions de foi sur papier au moins aux électeurs n’ayant pas communiqué de mail pour voter par internet, soit 40 % des électeurs inscrits. Ceux-ci n’ont aucune information sur les listes parmi lesquelles ils doivent choisir un candidat. Imaginez le tollé si pareille situation se produisait en France !
La composition actuelle de l’Assemblée des Français de l’étranger est un autre problème. Il nous semble fondamental que l’ensemble des élus des Français de l’étranger – et non pas seulement les quatre-vingt-dix conseillers consulaires ! – puisse être réuni à Paris au moins une fois par an. C’est vital pour une bonne démocratie.
J’espère que ma proposition de loi sera rapidement inscrite à l’ordre du jour de nos travaux, car il est nécessaire d’avoir un débat sur la représentation des Français expatriés. Monsieur le secrétaire d'État, si le Gouvernement souhaite reprendre nos propositions dans un projet de loi, nous soutiendrons celui-ci très volontiers ! §
Pour l’heure, je voterai la mission « Action extérieure de l’État », et j’espère obtenir des réponses aux questions légitimes que je vous ai posées.
Comme l’a souligné notre collègue Jean-Pierre Raffarin, il faut une grande politique étrangère pour la France. J’ajouterai que cette grande politique étrangère passe aussi par les Français de l’étranger. §