Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Action extérieure de l’État » comprend le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde », le programme 151, « Français à l’étranger et affaires consulaires », le programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », et, provisoirement, le programme 341 relatif à l’organisation de la Conférence Paris Climat 2015.
Hors le programme 341, ce budget, qui s’établit à 2, 9 millions d’euros, est stable. Toutefois, si l’on examine les crédits dans le détail, on peut formuler plusieurs remarques.
Tout d’abord, le tourisme est intégré à budget constant. Les crédits du programme 151, qui vise à offrir un service public de qualité aux Français de l’étranger, passent de 211 millions à 200 millions d’euros.
Quant aux crédits du programme 185 relatifs à l’AEFE, ils passent de 417 millions à 408 millions d’euros, alors que plus de 9 000 élèves sont scolarisés par an et que plus de 400 classes sont ouvertes chaque année. À l’évidence, comme cela a été souligné, la priorité à l’éducation n’a pas franchi nos frontières…
Enfin, les crédits dévolus à la coopération culturelle s’établissent à 67 millions, contre 74 millions d’euros l’an passé.
Le ministère des affaires étrangères et du développement international a, selon moi, une immense tâche à remplir : d’une part, faire comprendre la France d’aujourd'hui au monde, d’autre part, faire comprendre le monde d’aujourd'hui à la France. J’ai la conviction que, s’il parvenait à la mener à bien, avec nos idéaux d’universalité et notre diversité, tous les doutes que la France nourrit elle-même se dissiperaient et toutes les forces de la France se réuniraient pour nous aider à sortir de la crise.
Aussi, l’action de ce ministère est absolument prioritaire et mérite les moyens adéquats pour conduire cette action.
Agir aujourd'hui pour le rayonnement culturel, c’est avoir de l’influence politique demain afin d’être capable, après-demain, de faire du commerce et de créer des emplois en France dans nos entreprises.
Je prendrai deux exemples pour montrer le lien entre l’investissement culturel, la politique et l’économie.
Tout d’abord, dans son rapport sur la francophonie économique, Jacques Attali établit une corrélation entre le pourcentage de francophones dans un pays et la part de marchés de nos entreprises dans ce même pays.
Ensuite, la relation de la France avec la Turquie passe par des hauts et des bas, alors qu’elle est très ancienne et stratégique. Elle a été stabilisée par des dispositifs anciens, tels que les lycées congréganistes francophones, un dispositif renforcé sur l’initiative de François Mitterrand dans le cadre de la MICEL, la mission de coopération éducative et linguistique, et notre coopération avec l’université Galatasaray. Ces actions doivent être poursuivies.
Ces deux exemples montrent combien il est important pour notre influence politique et notre développement économique d’investir d’abord dans le domaine de la culture.
Aujourd’hui, nous faisons face à des enjeux géopolitiques très lourds pour notre sécurité nationale. Jamais peut-être depuis la crise de Suez ou la crise de Cuba nous ne nous sommes trouvés dans une situation aussi dangereuse pour notre propre sécurité, mais aussi pour celle des Français de l’étranger. Je pense aussi aux crises sanitaires, en particulier à celle que cause le virus Ebola.
Dans ce contexte difficile, nous devons avoir les moyens d’accompagner les efforts et la mobilisation des agents du ministère des affaires étrangères. À cet égard, je tiens à rendre un hommage particulier, d’une part aux centres de crise, d’autre part à l’ensemble des agents de recrutement local, qui travaillent souvent dans des conditions difficiles, parfois avec des contrats précaires. Leur action mérite d’être saluée.
La réforme du réseau implique aussi un changement d’état d’esprit. En termes plus triviaux, je dirai que la « diplomatie de papa », c’est fini ! Lorsque les ambassades ne comptent plus que quatre ou cinq personnes, elles doivent pouvoir s’appuyer sur les communautés françaises ; sinon, elles n’auront plus d’influence. C’est la raison pour laquelle la réforme de la représentation des Français de l’étranger engagée l’année dernière avait beaucoup d’importance. Lorsqu’une réforme du réseau est engagée, la concertation doit avoir lieu en amont, afin de mobiliser les communautés françaises.
La réforme du réseau doit maintenant être appliquée, et la concertation doit désormais faire partie des réflexes de l’ensemble de notre diplomatie. J’évoquerai deux exemples : la fermeture du Palais Clam Gallas, qui a été décidée à Paris, alors qu’il n’est pas un diplomate ayant été en poste à Vienne qui défendrait cette décision ; quant à celle qui intéresse le consulat d’Édimbourg, c’est une erreur sur le fond comme sur la forme, et elle va démobiliser notre communauté dans un territoire d’une importance politique majeure tant pour la Grande-Bretagne que pour l’ensemble de l’Union européenne.
J’ajoute que certains postes sont notoirement en sous-effectif. Dans des pays où l’état civil est défaillant, nos compatriotes voient alors leurs droits violés, et le phénomène risque de s’amplifier.
Bien sûr, il faut réformer notre réseau, mais en y appliquant la politique de simplification qui a été mise en place en France. Je pense là, en particulier, aux passeports : en France, ceux-ci vont pouvoir être renouvelés par voie électronique ; j’espère que cela sera également possible à l’étranger. Sinon, la rationalisation se traduira, pour les Français de l’étranger, par une situation kafkaïenne !
J’ai aussi quelques inquiétudes concernant les visas biométriques, qui seront mis en place l’an prochain pour les ressortissants de la Chine, de l’Inde, de la Russie et de l’Ukraine. Un délai de quarante-huit heures a été évoqué, mais comment cela sera-t-il possible si les habitants de ces pays doivent systématiquement se déplacer vers leur capitale ? L’attractivité de la France ne va-t-elle se trouver ainsi mise en cause ?
Depuis cette année, le développement international est intégré à la mission « Action extérieure de l’État ». C’est une bonne réforme, mais le périmètre de cette mission devrait inclure véritablement l’ensemble de ses aspects, ce qui permettrait de mettre totalement fin aux éventuels doublons.
La Cour des comptes a mis en évidence, en juin 2013, dans une note sur le budget des affaires étrangères, qu’une trop forte baisse du nombre d’emplois avait des effets négatifs, conduisant à un gonflement des frais de fonctionnement dans la mesure où le travail devant malgré tout être fait. J’ai l’impression que les conclusions de cette note n’ont pas toutes été tirées dans le budget tel qu’il nous est présenté.
Cela étant dit, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de nos ambitions, vous pouvez compter sur le Parlement, en particulier sur le Sénat, pour se battre à vos côtés et défendre ce budget.