Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 24 novembre 2005 à 15h20
Loi de finances pour 2006 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Vous ne tenez compte ni de la volonté du plus grand nombre, ni des résultats électoraux, ni de l'opinion des salariés qui refusent la casse du système des retraites et de la sécurité sociale. Vous ne tenez pas plus compte des élus et des usagers qui ont rappelé leur attachement aux services publics. Ces différentes réactions traduisent l'exigence de plus de justice sociale, et votre réponse est aux antipodes. Et cette exigence suppose d'autres ressources pour le budget tant de l'Etat que des collectivités territoriales.

La précarité pour le plus grand nombre est érigée comme une règle économique. Mais cela ne vous suffit pas ! Vous avez engagé un remodelage profond de notre société et vous voulez l'effectuer le plus vite possible, car vous sentez bien que l'opposition est forte dans le pays.

Ce projet de société que vous êtes en train de construire est profondément inhumain et antisocial. Vous n'avez qu'un mot à la bouche : la compétitivité. Votre seul souci est de donner au capital les avantages qu'il vous réclame à cor et à cri. Vous distribuez cadeaux fiscaux et subventions, vous bradez le patrimoine public, vous « externalisez » les services rendus par le secteur public ; en fait, vous les abandonnez au secteur privé.

Votre politique fiscale s'inspire de cette conception. Depuis le second semestre 2002, la baisse de l'impôt sur le revenu a privé l'Etat de près de 14 milliards d'euros, c'est-à-dire l'équivalent soit des sommes qui ont abondé le fonds de réserve pour les retraites, soit du déficit du régime général de la sécurité sociale pour 2004. Ces baisses ont eu pour seuls effets une hausse des inégalités et des déficits publics. Malgré cela, le Gouvernement, sous prétexte de le simplifier et de le réduire, propose une refonte de l'impôt sur le revenu. À l'heure où l'on parle souvent d'évaluation et où vous mettez en place des indicateurs pour apprécier la performance des actions engagées, on ne peut être que consterné face à de telles décisions ! À moins que vous ne vous soyez fait un dogme de la baisse de l'impôt progressif. Mais dans ce cas-là, il faut l'assumer !

Vous prétendez vouloir relancer l'emploi et l'investissement productif ; ce serait votre priorité. Si tel était le cas, les habitants des quartiers populaires vivraient autrement !

Le constat est accablant. La seule chose que vous ayez réussi à relancer, c'est la misère. Avec vous, les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, le RMI, ont augmenté de près de 4 % en un an. Quant aux familles surendettées, leur nombre a augmenté de 14 % en 2004, et de 9 % cette année.

Votre politique de réduction d'impôt - 2 milliards d'euros depuis 2002, selon la Cour des comptes -, d'exonération de charges en faveur du patronat, et vos cadeaux fiscaux - 5, 8 milliards sur la même période, dont les foyers les plus aisés ont le plus bénéficié - devaient, selon vos dires, permettre de réduire le chômage. Bien au contraire, celui-ci a fait un bond, avec 230 000 demandeurs d'emplois supplémentaires depuis votre arrivée au Gouvernement.

Vous deviez réduire les inégalités, mais c'est le contraire que vous avez suscité.

Nous pensons, quant à nous, que l'on pourrait faire autrement. Au lieu de contribuer à l'augmentation des profits, il faut choisir de répondre à l'attente de la grande masse des habitants. La politique fiscale doit servir l'intérêt général et non des intérêts particuliers.

La remise en cause de la progressivité de l'impôt sur le revenu, qui ne représente que 17 % des recettes fiscales de l'Etat, en réduisant le nombre de tranches, en supprimant les 20 % d'abattement et en imposant le « bouclier fiscal », ne fait pas supporter le même taux d'effort à tous.

Rappelons qu'il y avait treize tranches en 1986 avec un taux marginal de 65 %. Vous proposez cinq tranches avec un taux de 40 % en 2007. Votre rêve serait de passer à quatre tranches et, pourquoi pas, d'instituer la flat tax, impôt à taux unique. Graduellement, vous voulez supprimer la progressivité.

Le résultat de ce choix sera le suivant : 40 % du gain ira aux 10 % des ménages les plus aisés.

Au contraire, nous pensons qu'il faut renforcer la progressivité de l'impôt, en fixant le taux marginal de prélèvement à 54, 8 % et le taux minimal à 6, 5 %, en remontant le seuil de la première tranche, en ajoutant deux nouvelles tranches et en fixant le taux de la huitième tranche à 50 % pour un revenu n'excédant pas 70 000 euros. Voilà des décisions qui iraient dans le bon sens et qui doivent être prises rapidement !

Pour les entreprises, vous ajoutez des allégements à hauteur de 3, 5 milliards d'euros. Vous exonérez de taxe professionnelle à tout va et vous supprimez la surtaxe dite « Juppé » pour ramener le taux de l'ISF à 33, 33 %, sous prétexte de libérer des capacités d'investissement.

Une réforme de l'impôt sur les sociétés efficace pour l'emploi devrait prendre en compte le besoin de soutien aux petites entreprises, à celles dont l'activité ne permet pas de dégager une forte valeur ajoutée, aux entreprises qui investissent dans le capital humain, en embauchant, en rémunérant correctement les salariés, en développant la formation. Un nouveau barème devrait avantager les entreprises qui réinvestissent leurs bénéfices, et non celles qui spéculent en Bourse.

Vous le voyez, monsieur le ministre, nous sommes favorables non pas simplement à une politique d'assistanat, mais bien à une véritable politique de création d'emplois.

La diminution comme peau de chagrin de la fiscalité sur le patrimoine va aussi dans ce sens : vous voulez supprimer, sans en avoir l'air, l'ISF, ...

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