Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’action extérieure de l’État est un domaine qui nous semble essentiel sur l’ensemble des travées de cet hémicycle. Il s’agit de la voix de la France dans le monde, de la présence de notre pays et de son influence dans un espace globalisé, marqué par un accroissement des crises et des tensions.
Porter la parole de la France dans ce monde en pleine mutation impose de définir nos priorités et de réexaminer notre présence dans certaines parties du monde.
Il s’agit non pas, et nous l’avons bien compris, de supprimer notre présence dans certains pays, mais bien de veiller à affirmer une présence efficace avec des moyens adéquats. Évidemment, il ne faut pas tourner le dos à ce que l’on appelle notre « héritage historique », car il est nécessaire de maintenir une présence dans des zones porteuses d’une histoire commune. Tout en maintenant une présence, il devient pertinent de la redimensionner et de procéder à des redéploiements d’effectifs en direction des zones émergentes.
La question du rythme de ces redéploiements se pose. Il semble assez lent pour certains. M. le ministre des affaires étrangères a répondu à cette critique, qu’il a jugée fondée, lors du débat à l’Assemblée nationale. Je peux comprendre certaines inquiétudes sur les mutations du réseau. Elles me paraissent légitimes, mais force est de constater que notre présence évolue différemment sans marquer un réel recul.
L’action extérieure de l’État se compose de quatre programmes. Ils sont la marque de notre compréhension des défis contemporains et de notre volonté d’y répondre de manière appropriée.
L’un des défis concerne la sécurité du monde, marqué par une succession de crises à plusieurs échelles. Il nous revient de porter une parole stable, gage d’apaisement des tensions, et de veiller à disposer des bons outils d’analyse et d’action face aux soubresauts de certaines régions.
Notre présence doit être gage de soutien à nos entreprises afin qu’elles puissent trouver de nouveaux marchés porteurs et y accéder. Ils seront ensuite autant de relais de croissance. Nous soutenons fortement la vision de la diplomatie économique portée par M. le ministre des affaires étrangères.
Notre présence est aussi un déterminant essentiel pour diffuser notre message sur la nécessité d’une régulation économique et politique à l’échelle de la planète.
Les situations encore trop nombreuses de dumping social, fiscal et environnemental doivent nous inciter à rechercher des solutions.
Dans un monde en forte mutation, la France se doit aussi de faire entendre les valeurs qu’elle défend et d’aider à la transition démocratique de certains pays. Notre capacité à constituer une force de proposition, d’une part, et à respecter nos engagements internationaux, d’autre part, est une constante de notre politique extérieure.
La crise est également multidimensionnelle : outre les conflits armés, nous devons faire face aux défis engendrés par la crise économique qui secoue la construction européenne depuis maintenant plusieurs années.
Alors qu’une nouvelle Commission vient de se mettre en place dans un contexte de questionnement des peuples sur la construction européenne et sur la pertinence des politiques économiques et sociales menées, nous devons contribuer à définir les priorités des politiques internes en hiérarchisant clairement les besoins de l’Europe. Il nous faut veiller à ce que notre influence demeure et que la voix de la France soit prise en compte dans nombre de questions lourdes de sens pour l’avenir national et européen.
L’ensemble de ces défis et la volonté de mieux répondre aux enjeux actuels justifient la réorganisation progressive des services de l’État.
Le budget présenté par le ministère des affaires étrangères est resserré, dans un contexte budgétaire contraint. Il permet cependant une réorientation de notre action vers les priorités du quinquennat. Je ne reprendrai pas le détail chiffré de toutes les actions, nos rapporteurs l’ont fort bien exposé. De fait, la grande innovation de ce budget consiste à concentrer pour la première fois l’ensemble des moyens d’influence au sein du ministère, faisant de celui-ci le bras armé de l’action extérieure de la France.
Ce budget est ainsi le premier construit dans le cadre du nouveau périmètre incluant le tourisme, via le programme 185, « Diplomatie culturelle et d’influence », qui consacre 30 millions d’euros au fonctionnement d’Atout France.
J’insisterai pour ma part sur deux thèmes : le tourisme et les étudiants étrangers.
Pays le plus visité au monde, la France a à offrir des paysages, des cultures, une gastronomie, un art de vivre et des services non délocalisables qui participent également de nos valeurs et de nos principes. De plus, le tourisme est vecteur de paix et de partage, comme cela a été dit.
Grâce à ces nombreux atouts, nous devrions pouvoir prendre notre part dans l’accroissement de ce marché au niveau mondial, mais encore faut-il s’en donner les moyens ! Sur cette question, je partage les observations de notre collègue Jacques Legendre.
La subvention de l’État à Atout France s’élève à 30, 38 millions d’euros, avant la reprise de la réserve de précaution, qui ramène le budget à seulement 28, 7 millions d’euros, ce qui rend l’exercice budgétaire très tendu sur le plan de la soutenabilité pour Atout France. Michelle Demessine a déjà évoqué la diminution des crédits ; je n’y reviens pas.
J’ai deux observations à formuler sur ce qu’on appelle pudiquement la « réserve de précaution », qui est portée à 1, 6 million d’euros pour 2015.
Premièrement, en cinq ans, il n’y a eu aucune levée partielle de la réserve de précaution. En cinq ans, Atout France a ainsi supporté 8 millions d’euros de réserve de précaution, auxquels s’ajoutent 2 millions d’euros de gel et 373 000 d’euros de « surgel », soit, au total, plus de 10 millions d’euros cumulés sur la période. Ce n’est plus une « réserve de précaution » : c’est bien un gel de crédits par anticipation, comme l’a fort justement souligné notre collègue Richard Yung.
Deuxièmement, la méthode utilisée pour le calcul de cette réserve de précaution m’apparaît contestable. Si l’on admet le principe de la réserve de précaution, son montant devrait être calculé sur la seule base de la subvention de l’État. Or ce n’est pas le cas, puisqu’il s’agit d’un pourcentage appliqué à l’ensemble du budget prévisionnel de la structure – dont le statut, rappelons-le, est celui d’un groupement d’intérêt économique –, laquelle complète son budget par des apports extérieurs assez importants, le rapport étant de 1 à 8, ainsi que Michelle Demessine l’a rappelé.
Cela revient à dire que plus Atout France enregistre d’adhésions, plus le GIE arrive à convaincre ses partenaires et trouve des budgets complémentaires pour la promotion de la France, plus cette structure est pénalisée par le mode de calcul choisi par Bercy pour établir le montant de cette réserve de précaution.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne pense pas que votre intention soit de pénaliser la performance. Je vous demande donc de veiller à ce que le calcul de cette réserve de précaution soit réalisé dorénavant uniquement sur la dotation de l’État, et non sur le dynamisme du groupement d’intérêt économique.
Je tiens à rappeler qu’Atout France a déjà accompli beaucoup d’efforts, puisque, il y a quelques années, nous avions souhaité par la loi – j’en étais le rapporteur – la fusion de trois services de l’État chargés de politiques touristiques et du maintien de notre réseau à l’étranger. Malgré les doutes de certains, la fusion s’est particulièrement bien passée et des économies d’échelle ont été réalisées. Mieux, Atout France a réussi cette fusion sans dommage en faisant naître un véritable esprit d’entreprise au sein de ces services remplissant des fonctions différentes, mais complémentaires, en tout cas essentielles à notre industrie touristique.
J’en viens à la question des étudiants.
Je salue le lancement, sous l’autorité de M. le ministre des affaires étrangères, du réseau social France Alumni, qui permet à des personnes ayant étudié en France de se retrouver. Le Gouvernement a accompli là un acte fort, essentiel même. Par ce geste, il montre tout l’intérêt qu’il témoigne à ces étudiants ou ex-étudiants et tente de faire oublier la trop fameuse « circulaire Guéant » du 31 mai 2011. Il est clair que les étudiants que nous recevons sont les meilleurs prescripteurs pour nos entreprises et nos meilleurs ambassadeurs. Ils seront à la manœuvre pour nos emplois de demain.
Au-delà des observations que je viens de formuler, le groupe socialiste votera évidemment les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », car elle témoigne d’une ambition pour notre pays doublée d’un sérieux budgétaire. §