Intervention de Alain Chatillon

Réunion du 1er décembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : participations financières de l'état

Photo de Alain ChatillonAlain Chatillon :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je présente devant vous l’analyse des comptes et de la politique de l’État actionnaire de la commission des affaires économiques. Pour faire bref, elle se résume à un certain nombre de constats et de suggestions.

Le portefeuille de l’État a progressé d’un tiers environ en 2014. Cette augmentation paraît cependant extraordinairement fragile, car elle dépend essentiellement, sur les entreprises concernées, non pas d’une gestion active, mais de l’évolution du cours de deux titres, EDF et GDF-Suez, qui représentent à eux seuls les trois quarts du portefeuille coté. Voilà une première raison de plaider pour une diversification de ce portefeuille, notamment en misant sur des entreprises de taille intermédiaire d’avenir, dont certaines deviendront des champions nationaux.

Par ailleurs, ce compte comporte des informations réduites au strict minimum. C’est une habitude bien ancrée depuis longtemps. La Cour des comptes a déjà déploré la visibilité insuffisante des engagements relatifs à la défaisance du Crédit lyonnais. Aujourd’hui subsiste le risque Dexia, que notre collègue Maurice Vincent a évoqué et qui est estimé à environ 17 milliards d’euros, ce qui correspond par exemple à mille fois les crédits alloués au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, sur lesquels les débats parlementaires sont nourris.

C’est pourquoi nous proposons cette année de confectionner un indicateur pour mieux signaliser les risques sous-jacents au portefeuille de l’État actionnaire.

Il faut plus d’audace et de réalisme dans la gestion du portefeuille de l’État actionnaire. C’est une préoccupation constante de la commission, que l’on retrouve désormais dans le discours officiel. Toutefois, encore faut-il passer des intentions aux actes. Voici quelques propositions pragmatiques tirées de l’observation des derniers événements.

Tout d’abord, m’appuyant sur l’exemple concret de la privatisation en cours de l’aéroport de Toulouse, j’ai appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que l’État actionnaire devait, à mon sens, soigneusement différencier son approche, selon qu’il cède les titres de grandes entreprises, déjà très largement détenus par des non-résidents, ou qu’il privatise un outil qui structure depuis près d’un siècle un territoire, un bassin d’emploi.

L’État actionnaire est imprégné d’une tradition de confidentialité administrative, alors que l’économie de nos territoires tire sa force d’un élan commun collectif, qui implique une large concertation, surtout si la privatisation concerne de près le poumon industriel d’une région.

La méthodologie des privatisations d’entités locales semble ainsi perfectible sur plusieurs points. L’adjudication de l’aéroport de Toulouse a été lancée le 11 juillet dernier pour s’achever à la fin des grandes vacances. Malheureusement, nos opérateurs français n’ont pas eu le temps de réfléchir.

En outre – autre remarque que je formule –, il faut voir plus loin que le prix affecté. Pour avoir été chef d’entreprise pendant trente-huit ans, je ne conçois pas qu’un actionnaire prenne une participation et oblige ensuite ses partenaires – ici, les collectivités – à suivre, s’il décide des investissements lourds. Or c’est ce qui se passerait. Comment feront les collectivités, alors que les aides de l’État sont réduites ? C’est un risque important.

Privatiser, c’est aussi prévoir les retombées à moyen terme sur l’économie d’un territoire et programmer, pour les collectivités et l’État, les investissements nécessaires en équipements publics, afin de garantir un développement équilibré. J’ajoute que, dans le cas de Toulouse, il est hautement souhaitable que l’État et les collectivités conservent la majorité du capital, ce qui impliquerait que l’État conserve sa participation résiduelle de 10, 1 %.

Ensuite, il faut privilégier les acquisitions offensives. Le décret du 14 mai 2014, par lequel la France soumet à autorisation l’acquisition d’entreprises exerçant des activités stratégiques, est désormais un outil opérationnel. Ce « bouclier réglementaire » ne peut-il pas permettre de dispenser l’État de procéder à tout ou partie d’achats défensifs de titres ? Compte tenu de la situation de nos finances publiques, la commission estime opportun de s’interroger sur les investissements de substitution qui permettraient à des entreprises en pleine croissance de changer d’échelle et de s’internationaliser.

À présent que le programme de désendettement du compte d’affectation spéciale est réactivé, il nous a semblé très utile de prendre position sur la manière dont il doit être alimenté.

Je pars d’une constatation simple : le portefeuille de l’État, qui ne représente qu’un vingtième de la dette, produit des revenus réguliers, qui couvrent le dixième de la charge de la dette. Sauf cas d’extrême urgence, nous suggérons donc d’allouer en priorité au désendettement non pas le produit éphémère des cessions de titres de l’État, mais plutôt les revenus réguliers qu’ils produisent. Une telle démarche de désendettement durable suppose, pour plus de clarté budgétaire, d’affecter au compte spécial les dividendes perçus, alors qu’ils sont aujourd’hui reversés au budget général.

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