Intervention de Michel Savin

Réunion du 1er décembre 2014 à 14h30
Loi de finances pour 2015 — Compte d'affectation spéciale : participations financières de l'état

Photo de Michel SavinMichel Savin :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la mission « Engagements financiers de l’État » comprend des programmes d’une très grande diversité. Je m’arrêterai en particulier sur deux d’entre eux, avant d’évoquer le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » – le CAS PFE.

J’aborderai ainsi, en premier lieu, la grande question de la charge budgétaire de la dette. En 2014 et 2015, bien qu’elle soit élevée, et malgré l’augmentation de l’encours de dette, elle reste contenue. En 2015, les intérêts de la dette constitueront le deuxième poste budgétaire de l’État, après l’éducation nationale, avec une dépense de 44, 3 milliards d’euros. Ce montant est cependant inférieur à la charge prévisionnelle de 2014 – plus de 46 milliards en LFI, puis près de 45 milliards dans la LFR d’août 2014.

Ce niveau stable des intérêts de la dette malgré l’augmentation de son encours s’explique – vous l’avez tous souligné – par les gains de refinancement de l’État. En effet, la France a bénéficié cette année de conditions de financement très favorables. De manière générale, les taux ont baissé dans toute la zone euro.

Je rappelle ainsi que nous finançons notre dette à des taux, comme on dit, « historiquement bas ». Vous l’avez sans doute noté, nos taux à dix ans sont même passés en dessous de 1 % la semaine dernière, ce qui est une première dans l’histoire de la France. Pour l’ensemble de nos émissions à moyen et long terme depuis le début de l’année 2014, le taux est de 1, 33 %, soit, là encore, le taux le plus bas jamais atteint. Je rappelle que ce taux était de 4, 1 % en 2008. On voit donc que l’écart est considérable, et nous engrangeons aujourd’hui des niveaux de taux faibles qui nous aideront durablement à contenir la charge d’intérêt.

La constatation de cette baisse des taux nous conduit à prévoir une diminution de la charge de la dette pour 2015 de 400 millions d’euros en comptabilité maastrichtienne.

Ce scénario pour 2015 reste cependant un scénario prudent, qui prend comme hypothèse une remontée des taux – causée, par exemple, par une remontée des taux américains. Les taux de ce scénario excèdent ainsi de dix à vingt points de base ceux qu’anticipent, par ailleurs, les économistes. Il s'agit donc d’un scénario extrêmement prudent, qui nous réservera peut-être de bonnes surprises.

Un autre point important de cette mission est, bien sûr, le financement du fonds d’aide aux collectivités locales pour sortir ces dernières des emprunts dits « toxiques » qu’elles ont souscrits dans le passé.

La loi de finances pour 2014 a créé un fonds de soutien en faveur des organismes publics locaux ayant souscrit des emprunts structurés et des instruments financiers particulièrement sensibles. Le versement des aides attribuées d’ici à l’été 2015 par le fonds sera réalisé pour l’essentiel sur quinze ans – entre 2014 et 2028 –, à raison de 100 millions d’euros par an. Une petite partie – de l’ordre de 50 à 60 millions d’euros au maximum – pourra être versée en une fois.

Le Gouvernement, je dois l’avouer, a pris du retard dans la mise en œuvre concrète de ce fonds – certains, ici, le savent bien –, mais, ces derniers mois, nous avons beaucoup avancé.

Ainsi, le service de pilotage du fonds a été mis en place. De plus, le comité national d’orientation et de suivi a donné un avis favorable à la doctrine d’emploi du fonds, qui a été publiée ce mois-ci. Vous connaissez bien le président de ce comité, puisqu’il s'agit du sénateur Jean Germain. Des représentants de toutes les strates de collectivités y siègent. Les collectivités sont donc désormais en mesure de déposer leur dossier et de demander une aide au fonds de soutien.

J’en arrive au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui, à juste titre, a attiré l’attention de beaucoup d’entre vous. L’année écoulée aura marqué une nouvelle étape dans la modernisation de l’actionnariat public, avec, successivement, la publication d’une doctrine – saluée par plusieurs d’entre vous – et l’adoption le 20 août dernier de l’ordonnance relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.

Comme l’a appelé M. le rapporteur spécial, les lignes directrices de l’État actionnaire, adoptées par le Gouvernement le 15 janvier 2014, ont permis de préciser et clarifier ses objectifs d’intervention en fonds propres. Cette doctrine permet à l’État actionnaire d’adopter une gestion plus active de ses participations. L’État cède ainsi certaines de ses participations pour réinvestir là où c’est le plus utile, mais aussi, bien sûr, pour se désendetter.

Dans ce même esprit, nous avons simplifié et renforcé le cadre juridique de la gouvernance des entreprises à participation publique, grâce à l’ordonnance précitée. Nous devions prendre en compte l’évolution depuis trente ans des bonnes pratiques en matière de gouvernance, afin de rapprocher celle des entreprises à participation publique du droit commun des sociétés, et cela pour donner à l’État une capacité d’influence réelle, au moins égale à celle d’un actionnaire privé.

Nous avons bien entendu préservé certaines spécificités des entreprises à participation publique, par exemple dans le domaine d’une plus grande représentation des salariés dans les organes de gouvernance, dans celui de la protection d’intérêts stratégiques de l’État, ou dans le domaine de la défense nationale – certains, ici, en connaissent bien les enjeux.

Comme M. le rapporteur spécial l’a relevé, cette politique de gestion plus dynamique a été parfaitement illustrée, cette année, par la réalisation de plusieurs opérations de cessions – titres d’Airbus et de GDF SUEZ –, ainsi que par l’opération en cours d’ouverture du capital de l’aéroport de Toulouse. L’État a utilisé ces produits de cession pour prendre une participation de 15 % dans PSA en avril – ce qui a été salué – et pour contribuer à limiter l’endettement de l’État à hauteur de 1, 5 milliard d’euros, au début du mois d’octobre. Cela n’était pas arrivé depuis 2007.

L’année 2015 se situera dans la continuité de cette stratégie, avec un accent particulier mis sur la limitation de l’endettement de l’État, quelque 4 milliards d’euros de produits de cessions devant être affectés à cet emploi.

Je vois bien que différentes rumeurs circulent sur ce que l’État céderait ou non, mais il ne serait pas responsable de ma part, quelles que soient les questions que les uns et les autres ont pu me poser, de les commenter au risque de déstabiliser les entreprises concernées. En tout état de cause, un examen au cas par cas de chaque participation doit être effectué avant de prendre une décision.

Madame la présidente, je souhaite maintenant apporter des éléments de réponse aux quelques questions qui m'ont été plus précisément posées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous m'ont demandé si nous pensions, au travers du CAS PFE, financer la transition énergétique. Comme vous le savez, le Président de la République a annoncé la constitution d’un Fonds de la transition énergétique, qui sera doté de 1, 5 milliard d’euros sur trois ans et dont la gestion sera assurée par la CDC, la Caisse des dépôts et consignation. Ses ressources proviendront non pas du CAS PFE, mais d’une partie des dividendes perçus par l’État dans le secteur de l’énergie – c’est logique –, du programme d’investissement d’avenir et de la CDC, dont la participation est ainsi requise.

S’agissant des questions aéroportuaires – plusieurs d’entre vous m'ont interrogé à ce sujet, soit de manière globale, soit à propos de Toulouse –, nous nous situons dans le processus d’ouverture du capital de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Les collectivités territoriales ont bien sûr été associées à cette opération, qu’elles ont d'ailleurs abondamment commentée.

J’insiste sur le fait qu’il s'agit d’opérations sur le capital de l’aéroport et que, en tout état de cause, l’État gardera évidemment un rôle majeur en tant que concédant. De plus, il ne s'agira pas d’une entreprise autonome, car nous sommes aussi concessionnaires. Par ce biais, qui nous évitera de reproduire ce qui a pu se passer dans d’autres opérations, non pas aéroportuaires, mais autoroutières, nous pourrons conserver la totalité de nos prérogatives de concédant. L’État pourra donc continuer à exercer son influence sur les investissements réalisés par l’aéroport – beaucoup d’entre vous y ont fait allusion –, ainsi que sur le niveau des redevances.

S'agissant de Dexia, cette banque fait partie de celles qui ont subi le fameux stress test mené par la Banque centrale européenne. Cette dernière a toutefois reconnu à Dexia une spécificité, au titre de laquelle elle n’a pas demandé la recapitalisation de la banque. Pour leur part, les marchés financiers n’ont pas réagi aux résultats du test. Quoi qu’il en soit, mes services, comme ceux des autres pays concernés, restent bien sûr vigilants quant à la situation de Dexia.

S'agissant de Nexter, l’enjeu du développement de son activité est au cœur de l’opération de rapprochement avec KMW, qui n’est pas simple à mener. Tout le sens de cette opération est de constituer un champion franco-allemand, qui atteigne une taille critique pour faire face à une concurrence extrêmement vive.

Ce rapprochement nécessite en effet une autorisation du Parlement, et il est prévu d’introduire une disposition ad hoc dans le projet de loi pour l’activité, dit « projet de loi Macron ». Le Parlement aura donc l’opportunité de débattre de cette opération.

Enfin, monsieur le rapporteur spécial, vous m'avez interrogé sur Areva, dont on sait qu’elle connaît un certain nombre de difficultés. Cela dit, Areva bénéficie d’une situation tout à fait satisfaisante en termes de liquidité et d’un carnet de commandes solide. Areva n’a donc pas besoin aujourd’hui d’être recapitalisée.

Par ailleurs, Areva a constitué un comité, dans lequel les représentants de l’État seront bien sûr présents, afin d’élaborer les mesures de redressement nécessaires. Nous suivrons de près ces travaux.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, le commentaire général et les réponses particulières que je souhaitais apporter à ce stade de notre débat.

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