Intervention de Jean-Paul Virapoullé

Réunion du 24 novembre 2005 à 15h20
Loi de finances pour 2006 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Paul VirapoulléJean-Paul Virapoullé :

... et vous l'avez démontré, cher Jean Arthuis, dans un excellent rapport qui est un pour moi devenu une bible : la division du travail n'est pas aujourd'hui un axe majeur de l'évolution des échanges internationaux, et nous mentons à l'opinion publique en lui faisant croire que, demain, nous demeurerons les producteurs à forte valeur ajoutée.

La délocalisation par la non-division du travail et la faible localisation chez nous, c'est une triste réalité dont nous souffrons aujourd'hui et que nous continuerons d'endurer demain si nous n'agissons pas.

Peut-être sommes-nous meilleurs sur la monnaie ?

De fait, il existe actuellement trois ensembles économiques forts : l'Europe - mais nous avons démontré que le taux d'intérêt de la monnaie européenne était fixé par la banque centrale -, les États-Unis - pays soi-disant libéral et libre-échangiste mais qui est l'un des ensembles les plus protégés de la planète, je le démontrerai tout à l'heure - et enfin la Chine, dont la monnaie est largement sous-évaluée puisqu'il faut 8 yuans pour un dollar. En étant contraints d'acheter 600 milliards de dollars pour éviter son effondrement, les chinois ont d'ailleurs faussé les échanges internationaux...

Vous me direz que le Brésil, l'Inde et la Chine respectent les normes édictées en faveurs de l'environnement. En réalité, ce n'est pas le cas, parce que la prise en compte de ces règles est très onéreuse dans les coûts de production. Ainsi, les résultats sont totalement différents si vous exploitez une usine qui respecte les normes environnementales - traduites dans la Constitution grâce à la volonté du Président de la République -, ou si vous tirez profit d'une usine qui pollue gravement une région entière, comme c'est le cas, l'actualité récente nous le montre, en Chine.

Ces pays ne respectent pas la parité monétaire, ils s'en servent pour protéger et doper leur économie. Ils ne respectent pas plus l'environnement, et je ne ferai pas ici la démonstration que ces États ne respectent pas non plus une certaine charte sociale et qu'ils ne tiennent aucun compte de la dignité humaine dans bien des cas.

Alors, on veut nous persuader que le protectionnisme a disparu partout. Mais, je vous l'ai dit, les Etats-Unis se protègent et leur influence au sein de l'OMC, organisme opaque, y est plus importante que celle de la France, qui n'y siège pas directement puisque l'Europe parle en son nom. Ainsi, dans quelques jours, nous allons assister à Hong Kong à un tête-à-tête que, pour ma part, je trouve plutôt inquiétant entre M. Blair et M. Mandelson. Peut-être partagez-vous mon point de vue ? Quoi qu'il en soit, nous ne serons pas présents, ce qui est très ennuyeux.

Et, quand M. Lamy nous dit que les États-Unis font un effort pour ouvrir leur économie et qu'ils pensent que la PAC doit évoluer, je lui réponds que, rien que pour le coton, les États-Unis aident aujourd'hui leurs producteurs à hauteur de 4, 5 milliards de dollars, soit exactement la valeur de la production américaine de coton. N'est-ce pas là du protectionnisme, de l'interventionnisme ? Nous sommes en présence d'un cas d'école !

Alors, mes chers collègues, cessons d'être les bons apôtres d'un libre échange aveugle qui pollue la politique dans ce pays, qui salit nos quartiers - l'insurrection des banlieues en est la preuve -, qui détruit les fondements de la République, qui met l'Europe en situation de crise !

Quel que soit le budget - et celui-ci est un bon budget que je voterai, monsieur le ministre, pour soutenir le Gouvernement - nous devons appliquer les thèmes centraux développés par le Premier ministre lors du débat de politique générale, il nous faut mettre en oeuvre une Europe politique conduisant à une préférence européenne dans un échange international, c'est-à-dire une mondialisation.

Je ne viens pas plaider ici une économie administrée : cela n'existe plus, ou c'est en voie de disparition quand cela existe. Non ! Je suis pour la liberté de la production et des échanges, je suis pour la mondialisation, mais une mondialisation qui respecte l'homme, qui respecte l'environnement, qui respecte l'équité.

C'est dans ce contexte que je soutiens l'action du Gouvernement, en souhaitant que, dans les mois qui viennent, nous mettions en oeuvre une politique fondée sur la préférence européenne et sur la mondialisation loyale.

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